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Avec Christopher Laquieze, auteur du “Silence de la joie - Un essai sur ce qui n’intéresse personne” aux éditions Guy Trédaniel

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##C_EST_DANS_L_ACTU_5-2024-10-12##

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Transcription
00:00L'un des philosophes des réseaux sociaux. Est-ce que c'est une bonne présentation déjà, Christopher Lachiez ?
00:04On peut dire ça comme ça.
00:05Écoutez, bienvenue à vous.
00:06En tout cas, vous êtes sur Sud Radio ce matin, on est ravis de vous accueillir.
00:09Vous êtes l'auteur de ce livre, « Le silence de la joie ».
00:13C'est un essai sur ce qui n'intéresse personne.
00:15C'est publié chez Guitre et Daniel.
00:18Est-ce qu'on peut dire que vous nous demandez dans ce livre,
00:20je résume grossièrement mais volontairement, vous me direz si c'est faux,
00:23d'arrêter de rêver et de décider qu'un tien vaut mieux que deux tulorats
00:27et de nous concentrer sur ce que nous avons déjà ?
00:30C'est un peu ça.
00:31C'est un peu ça dans le sens où j'invite à penser un retour au réel plutôt qu'une évadée.
00:37On sait qu'on vit dans un monde qui est plus ou moins tragique.
00:39Nous vivons, on ne sait pas vraiment où est-ce qu'on va.
00:42Nous sommes, on ne sait pas vraiment qui et on ne sait pas vraiment où on va.
00:45On a tous des objectifs plus ou moins précis et on ne regarde que ça.
00:49C'est ce que vous nous reprochez en quelque sorte.
00:51C'est ça, c'est qu'à toujours vouloir espérer une vie meilleure,
00:54on passe à côté de la vie elle-même.
00:55Voilà.
00:56Moi, j'essaie de faire revenir ça dans le réel plutôt que d'en l'échapper.
00:59Alors, qu'est-ce qui nous échappe concrètement dans notre vie quotidienne
01:03qui ne devrait pas nous échapper ?
01:05En fait, ce n'est pas quelque chose qui nous échappe,
01:07c'est quelque chose qu'on produit.
01:08C'est-à-dire que le taux d'espoir que nous mettons sur ce que nous attendons
01:12est intrinsèquement lié au taux de crainte qu'on va avoir.
01:15C'est-à-dire que plus je vais avoir d'espoir sur quelque chose,
01:17plus je vais avoir de crainte.
01:18C'est ce qu'il nous a dit avant moi.
01:19Et ici, ce qui est intéressant, c'est de se dire,
01:21tiens, je passe ma vie à espérer toujours quelque chose de différent
01:25sans jamais voir ce que j'ai devant les yeux
01:27et toujours en passant à ce côté de la vie elle-même.
01:29Et donc, la déception pour vous est inéluctable si on se conduit comme ça ?
01:32Mais aujourd'hui, les gens souffrent par désespoir et par déception.
01:35C'est ça en réalité.
01:37La véritable souffrance, c'est lorsqu'on va dire à un enfant
01:40qu'il n'est pas capable d'être joueur de foot professionnel
01:42et que tous ses rêves se cassent du jour au lendemain.
01:45Donc ça, c'est extrêmement difficile à vivre
01:47et donc je préfère me baser sur le réel
01:49plutôt que de me baser sur ce qu'il devrait être.
01:51Vous rêviez d'être quoi quand vous étiez enfant ?
01:53Je rêvais d'être danseur professionnel.
01:56Bon, est-ce que ça vous déçoit aujourd'hui de ne pas l'être ?
01:59Je l'ai été.
02:00Vous l'avez été et de ne plus l'être, vous êtes philosophe ?
02:03Voilà. Non, parce que moi j'ai trouvé ma passion.
02:05Ma passion, c'est l'écriture, c'est la philosophie, c'est la littérature.
02:08Donc j'ai trouvé d'autres passions, mais oui, c'est extrêmement difficile.
02:11C'est aujourd'hui, je me dis toujours qu'il faut...
02:12C'est un anti-développement personnel.
02:14Anti-développement personnel.
02:16Justement, on va y revenir juste après.
02:17Ça, c'est important.
02:18Vous êtes philosophe, mais pas seulement.
02:19Vous êtes spécialiste d'analyse comportementale.
02:23Vous travaillez aussi avec tous ceux que vous avez contactés.
02:25Ceux avec qui vous avez travaillé sur ce livre.
02:27Des laboratoires de recherche, notamment.
02:29On peut parler autant de neurosciences dans cet ouvrage
02:32que de sociologie, tout simplement.
02:35Juste pour tracer le cours de la vie.
02:38Avant ça, je voudrais quand même qu'on revienne sur ce que vous avez dit.
02:40Parce qu'il y a deux ou trois choses qui peuvent apparaître paradoxales.
02:43Par exemple, vous nous dites, en quelque sorte,
02:46remontez-vous le moral, regardez ce que vous avez autour de vous,
02:48ce que vous faites, ce que vous produisez, qui est déjà beau.
02:50On peut le dire comme ça ?
02:52Et à côté de ça, vous dites que vous n'aimez pas les optimistes.
02:55Alors, oui, parce qu'en fait...
02:57Vous dites même plus que ça.
02:58Je vais revenir sur cette citation.
02:59Parce que, pardon, je fais partie de ceux
03:02qui éprouvent un profond dégoût
03:05envers ceux qui sont trop optimistes.
03:08En fait, l'optimisme est une certaine forme de négation.
03:11C'est-à-dire que je prétends que les choses vont aller différemment
03:15et que ce que je vis, aujourd'hui, maintenant,
03:17est la négation de tout ce que j'aurais dû vivre.
03:19Donc, si je suis votre ami, que vous n'allez pas bien,
03:22un problème de cœur, par exemple, ou autre chose, professionnel,
03:25et que je vous dis, t'inquiète pas, ça va aller,
03:27vous éprouvez un profond dégoût pour moi.
03:29Non, c'est pas ça. C'est-à-dire que, t'inquiète pas, ça va aller,
03:32c'est plutôt quelque chose de tragique, en réalité.
03:34C'est plutôt une idée tragique, de la philosophie tragique.
03:36C'est-à-dire, ce n'est pas parce que le monde ne correspond pas
03:38à ce que j'attends de lui, qu'il faut pour autant
03:40que j'en désire autre chose.
03:41C'est justement de faire un retour dans le monde
03:44qui nous permet de nous dire, voilà, ça ne va pas aujourd'hui,
03:46mais ce n'est pas pour autant que ça va continuer à mal aller demain.
03:49Ce n'est pas la même vision que de se dire,
03:51ah mais non, ça va, t'inquiète pas,
03:53dans tous les cas, ça va être toujours mieux plus tard.
03:55Vous ne voulez pas qu'on saute les obstacles,
03:57qu'on les enjambe, en quelque sorte.
03:58Il faut qu'on garde tout ce qu'on a autour de soi.
04:00Non, ce n'est pas une philosophie de la résignation, pas du tout.
04:03Au contraire, ça nous met en mouvement,
04:05mais plutôt dans un choix authentique.
04:07C'est-à-dire que, Nietzsche nous dit quelque chose d'intéressant,
04:08il nous dit, prenez chaque jour un choix,
04:11comme si ce choix que vous allez faire,
04:13vous étiez capable d'en désirer son éternel retour.
04:16Ce qui voudrait dire que, chaque choix que nous prenons quotidiennement,
04:19on est capable de vouloir le désirer
04:21comme s'il pouvait se répéter un nombre éternel de fois.
04:24Et donc, cette tentative de faire des choix plus authentiques,
04:27entre guillemets quand même, je ne suis pas un grand fan de ce mot,
04:29mais plus authentiques, nous permet de pouvoir avoir un retour dans le monde
04:33et de ne pas être déçu par rapport à ce qu'il devrait être, en réalité.
04:36Et il ne faut pas regretter ses choix.
04:37La conclusion est implacable.
04:39Eh bien, si on agit comme ça, ou dans cette idée-là,
04:42c'est plus difficile de les regretter.
04:44En tout cas, c'est la conclusion à laquelle vous pouvez arriver, vous pouvez parvenir.
04:47Parlons des réseaux sociaux.
04:49Christophe Erlakiès, justement,
04:51vous faites arriver la philosophie sur les réseaux sociaux.
04:55Vous êtes autant sur Instagram que sur d'autres réseaux,
04:58comme Facebook par exemple, où vous êtes extrêmement suivi.
05:00Un public plutôt jeune, ce public français,
05:03il est traumatisé par la philo, on est tous passés par la terminale.
05:06C'était l'épreuve la plus obscure pour nous,
05:09la matière la plus exotique, en quelque sorte.
05:12Comment vous réconciliez un public avec la philosophie, par de courtes vidéos ?
05:17En fait, la philosophie, on se pose tous des questions,
05:20mais on n'est pas tous philosophes.
05:21La philosophie, c'est une certaine forme de pratique
05:23que tout le monde peut entraîner son esprit
05:25à une certaine forme de rigueur pour pouvoir se poser des questions, mais différemment.
05:28Ce n'est pas l'art de trouver des réponses,
05:30mais c'est plutôt l'art de trouver les bonnes questions.
05:32Donc, ce n'est pas du tout la même chose.
05:33Et deuxièmement, il faudrait réussir à partir du monde,
05:36comme Camus disait, parler à hauteur d'homme,
05:38plutôt que de parler de son cours à soi.
05:40Quand j'arrive et que je parle pour ma propre explication,
05:42je ne crée pas le désir chez les gens.
05:44Et c'est ça le problème.
05:45C'est comment est-ce que je fais pour donner le désir des lignes
05:47ou le désir des pages aux jeunes qui, eux, ont quelque chose à apprendre ?
05:52Et donc, l'apprentissage, l'éducation,
05:54il passe avant tout à travers un désir intime
05:56qui est celui de vouloir en savoir plus.
05:58Moi, ce que j'essaie de faire, c'est de leur créer ce désir-là.
06:00Susciter la curiosité.
06:01Exactement. Bien plus que ça.
06:03C'est-à-dire que c'est vraiment une envie de vouloir en savoir plus,
06:07bien plus que de se dire « Ok, ça m'intéresse, je vais juste regarder,
06:10je vais juste ouvrir un bouquin et puis, si jamais, je m'arrête là. »
06:12Non, c'est vraiment les pousser vers ce qu'ils peuvent y trouver à l'intérieur.
06:15Sauf que vous arrivez avec une certaine sincérité
06:17puisque vous dites « Je ne suis pas là pour vous apporter des réponses,
06:19je veux juste qu'on se pose les bonnes questions. »
06:21C'est ça, pour vous, le contraire du développement personnel ?
06:24Le développement personnel donne des clés qui ouvrent toutes les portes
06:27et disent des secrets qui sont dits à tout le monde.
06:29La philosophie n'apporte pas de réponse.
06:32Elle est là pour permettre à l'homme de réfléchir
06:34sur certaines formes de sa condition.
06:36Et c'est pour ça que vous préférez mille fois la philosophie au développement personnel.
06:39C'est évident.
06:40Quelle définition vous donneriez du développement personnel, par exemple ?
06:43Une définition, pas un jugement de valeur, mais une définition.
06:46C'est un terme qu'on a tous vu des étals de librairie, par exemple,
06:50avec 12 000 livres de développement personnel.
06:52C'est quoi pour vous ?
06:53C'est, sous prétexte qu'on va se développer personnellement,
06:57la société interagira mieux avec moi.
06:59C'est une erreur.
07:00Je pense que c'est plus intéressant de parler d'un développement sociétal,
07:03de faire en sorte qu'on ne s'ériche pas comme modèle,
07:06mais qu'on parte de la ruche pour en arriver à l'abeille,
07:09plutôt que de faire une tentative de « si moi je vais mieux,
07:12ce qui compte c'est que moi j'aille mieux au détriment des autres ».
07:15Donc c'est refuser l'égoïsme, en quelque sorte,
07:17vous, en tout cas, votre message.
07:18Et c'est ce qui fait que vous avez un certain succès
07:21et une sacrée audience, notamment sur Facebook, sur Instagram.
07:24Et on vous le souhaite, en tout cas, dans les librairies aussi.
07:27Chez Guitre et Daniel, votre livre, je le rappelle,
07:29« Le silence de la joie », un essai sur ce qui n'intéresse personne.
07:33Christophe Heure-Lachièse, merci beaucoup d'être intervenu sur Sud Radio.

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