L'ancien commissaire européen Thierry Breton était l'invité de Tous contre Thréard, ce vendredi 11 octobre 2024. Il évoque, entre autres, le projet de budget 2025, la vente d'Oppella ou encore les choix politiques d'Emmanuel Macron
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00:00Je ne sais pas, Yves, si votre nouvel invité est un adepte des soins thermaux, la cure, de rigueur, il a forcément un avis sur la question.
00:08Bonsoir Thierry Breton, merci d'être parmi nous. Vous êtes ancien ministre des Finances, précisément en France, et puis ancien commissaire européen, notamment au marché intérieur.
00:18Et on va parler de tout cela, parce qu'on va parler à la fois du budget français qui est actuellement, qui va rentrer en discussion, et puis de la voie de l'Europe et du fonctionnement de l'Europe.
00:30Alors justement, et avant que vous répondiez à Yves, monsieur Breton, Yves, il y a encore quelques jours, Michel Barnier promettait en substance que les annonces budgétaires ne toucheraient pas tout le monde.
00:40Est-ce qu'on a un menteur à Matignon aujourd'hui ?
00:43Alors un menteur à Matignon, je ne sais pas, je pense qu'il essaye de faire passer une potion qui n'est pas magique, d'ailleurs. Vous savez, c'est la phrase de De Gaulle, soit on fait faillite, soit il y a un miracle et ça marche.
00:54Je ne suis pas sûr qu'il y ait un miracle, et je suis quasi certain que si on continue comme ça, on va vers la faillite. Et notre invité, justement, là-dessus, a quelques opinions importantes,
01:07puisque Thierry Breton, vous avez écrit à plusieurs reprises et dit à plusieurs reprises que ce n'est pas faire mieux d'État, mais c'est de faire moins d'État qui est important d'accomplir, et donc de faire moins de dépenses publiques.
01:23Quand vous voyez le projet de budget 2025, c'est quoi sinon de l'austérité pour vous ?
01:28Je ne pense pas qu'on puisse dire que le Premier ministre Michel Barnier est un menteur, en tout cas je ne le dirai pas. Vous non plus du reste, vous ne l'avez pas dit.
01:35Je dirais plutôt que c'est un budget, ou en tout cas en ce qui le concerne, c'est plutôt, pardon cette expression un peu triviale, mais c'est un pompier. C'est un budget de pompiers.
01:47Il vient ici pour éteindre un incendie budgétaire. Enfin, éteindre un incendie budgétaire, ça ne veut pas dire régler les problèmes, je m'explique.
01:58On a aujourd'hui, il faut vraiment que nos téléspectateurs le sachent, quand on a 6% de déficit, ce qui va être le cas en 2024, on annonce, ça pourrait être peut-être...
02:09On découvre d'ailleurs.
02:10Oui et non, oui et non, parce que non, on ne découvre pas, c'est faux de le dire. On était à 5,9, maintenant on dit 6,2, donc voilà. On ne découvre pas. J'entends cette polémique, j'entends cette polémique.
02:23Et elle est alimentée par l'ancien ministre des Finances lui-même, Bruno Le Maire, qui dit vous saurez un jour la vérité.
02:30Oui, on verra ce qu'il veut dire, je ne sais pas. Mais en tout cas, moi je peux vous dire que je suis ses questions et je les suivais également escalité lorsque j'étais commissaire.
02:38Donc on s'attendait tous, ce n'est pas vrai, ce n'est pas une surprise, à 5,9, 6,6,1, donc tout ceci était, je dirais, prévu.
02:48La responsabilité elle est où alors ?
02:50Mais non, mais la responsabilité elle est assez simple.
02:52Elle est assez simple, c'est que quand vous gérez Yves Tréard, quand vous êtes en charge d'une administration, je l'ai été, vous l'avez rappelé, à de nombreuses reprises dans ma vie,
03:03eh bien on dirige son administration, on n'est pas dirigé par son administration, c'est ce que j'ai fait à ma entreprise évidemment.
03:10Qu'est-ce qui s'est passé depuis 8 mois en France ? Nous avons eu des élections, un temps assez long, du reste pour annoncer les têtes de liste.
03:19La France, je ne dirais pas qu'elle s'est arrêtée.
03:22Elle n'était pas gouvernée ?
03:23Je ne dirais pas qu'elle n'était pas gouvernée, je dis qu'elle s'est mise un petit peu en retrait.
03:27Lorsqu'on a eu la dissolution, la France s'est focalisée sur la dissolution et sur les élections.
03:34Et puis ensuite on a eu un gouvernement de transition, donc évidemment les ministres ont réalisé les affaires courantes.
03:44Qu'est-ce que je veux dire par là ?
03:46Ça veut dire que quand on est dans l'exécution d'un budget, tous les jours, on voit effectivement que les recettes ne sont pas exactement ce qu'on escomptait,
03:54les dépenses peuvent être d'un peu plus grandes.
03:55Et ce que je veux dire, c'est qu'à ce moment-là, il revient aux politiques de prendre les décisions correctrices.
04:01Et là, il n'y avait pas de pilote dans l'avion ?
04:04Il y avait des pilotes, mais ce n'était pas leur rôle, puisqu'encore une fois ils étaient là uniquement en gestionnaire de transition.
04:11Et donc il fallait prendre ce sont des décisions, Yves, très rares, politiques.
04:15Il fallait donc attendre que les politiques arrivent.
04:17Sur les proportions de ce budget ?
04:19Ce que je veux dire, c'est qu'effectivement, vous savez, je l'ai connu dans toutes les périodes de ma vie,
04:23lorsqu'on lève un peu le pied, et bien ça dérape.
04:26Et bien c'est ce qui s'est passé.
04:28Yves, le chef du gouvernement estime que ce projet de budget, c'est deux tiers de baisse de dépenses, un tiers de hausse d'impôts.
04:36Le Haut conseil des finances publiques, le gouvernement ne l'a pas trop apprécié d'ailleurs,
04:41juge fragile les attentes budgétaires du gouvernement,
04:43et estime qu'en termes de proportions, c'est plutôt l'inverse, deux tiers de hausse d'impôts et un tiers de baisse de dépenses.
04:48Qu'est-ce qu'il en est vraiment ?
04:49Je suis d'accord, parce que finalement, il y a énormément, en dehors de l'impôt sur le revenu des plus riches,
04:54et puis de l'impôt sur les super profits des grandes entreprises,
04:58il y a énormément de hausse de taxes, de suppression d'aides, il y a beaucoup de choses quand même.
05:05Ce qu'on peut dire, c'est que ça touche l'assiette, pour reprendre un jargon qu'on utilise effectivement à Marseille,
05:12l'assiette est évidemment beaucoup plus large que les 65 000, ce qu'on nous a brandi Urbi et Torbi,
05:18pour justifier qu'on allait commencer à s'attaquer enfin à la dépense publique.
05:23Pas assez à mon goût, vraiment pas assez.
05:2660 milliards globalement d'ailleurs, ce n'est pas assez pour l'économie ?
05:30Écoutez, un chiffre.
05:33Quand on est à 6%, ça veut dire qu'on dépense 150 milliards de plus que ce qu'on gagne.
05:396% c'est ça, 150 milliards de plus que ce qu'on gagne.
05:43Depuis 1981, la France, tous les ans, en moyenne, lycée, tous les ans,
05:50a dépensé 60 milliards en gros, 57,4 pour être très précis,
05:5460 milliards de plus que ce qu'elle a dépensé.
05:57Vous multipliez 60 milliards par 40 ans, ça fait effectivement 2 milliards.
06:08Vous nous parlez de chiffres, Thierry Breton, vous ne pouvez pas étrangler les gens non plus pour résorber une...
06:14Il faut expliquer, vous avez donc la dette qui s'est créée.
06:18Ces 150 milliards de plus, ils vont où M. Trier, à la fin de l'année ?
06:23Ils vont où ? Dans la dette.
06:25Dans la dette, parce qu'on paye la dette.
06:27Et donc ça veut dire qu'on ne peut pas continuer comme ça tous les ans.
06:30Pardon, mais on n'est plus aujourd'hui à 60 milliards d'excédent de plus de dépenses.
06:36On est à 150.
06:37On va continuer comme ça ? Vous croyez qu'on va continuer comme ça ?
06:40Combien de temps ?
06:41Je voudrais que vous expliquiez une chose.
06:44Vous dites, pas mieux d'État, mais la seule solution, c'est moins d'État.
06:49Où est-ce que vous faites les économies ?
06:52Pourquoi dis-je ça ?
06:54Parce que d'abord, à chaque fois qu'un nouveau gouvernement arrive,
06:58et on n'est pas là pour les blâmer, je ne blâme personne,
07:01mais vous avez, que ce soit un nouveau Premier ministre,
07:03que ce soit un nouveau Président de la République,
07:06que ce soit un nouveau ministre des Finances, qu'est-ce qu'ils vont vous dire ?
07:09Ah non, mais on va avoir mieux d'État.
07:11Le Nouveau Front Populaire nous a serinés pendant des semaines
07:16avec Mme Castex, je crois, qui nous disait, moi je veux faire mieux d'État.
07:21Et on me dit toujours mieux d'État.
07:23Et le mieux d'État, finalement, ça se traduit par les chiffres que je viens de vous dire.
07:26Ce qu'il faut, quand on a 150 milliards de dépenses de plus que ce qu'on gagne,
07:30et bien c'est tout simplement quoi ?
07:32Qu'on vit au-dessus de nos moyens.
07:34Ça veut donc dire qu'il faut...
07:35– Il faut tailler.
07:36– Mais c'est pas tailler, ça veut dire revoir les choses.
07:38On a inventé la réduction du temps de travail,
07:42que ce soit tout au long de la vie, retraite à 60 ans sous Mitterrand,
07:45réduction du temps de travail sous Mitterrand,
07:47cinquième semaine de congés payés sous Mitterrand,
07:50un million et demi de fonctionnaires embauchés sous Mitterrand.
07:52– Ça nous a ruiné tout ça.
07:53– Je ne dis pas que ça nous a ruiné, ça a été affiché comme une troisième voie,
07:57la fameuse troisième voie française,
08:00mais on n'avait pas les moyens de se la payer,
08:02on se l'est payée par de la dette.
08:04La dette, quand François Mitterrand arrive au pouvoir,
08:09la dette de la France est à 21% par rapport au PIB.
08:11Quand il sort, quand il s'en va, deux semaines à plus loin, elle est de 52%.
08:15La dette commence vraiment à gonfler, à enfler,
08:18pour payer ce fameux modèle social qu'est l'autre.
08:21On y est attaché ?
08:22– Il faut y annoncer.
08:23– Non, pas du tout, et vous voyez, on y est attaché.
08:25Mais il faut se reposer les questions avec une vision,
08:28ce n'est pas tous les ans.
08:29– Est-ce que vous validez toutes les annonces sur l'énergie,
08:32sur l'automobile, sur la santé, qui vont avoir un impact ?
08:35Et je pense qu'à ceux qui nous regardent ce soir,
08:36il y a un impact très concret sur leur vie,
08:38c'est-à-dire baisser leur énergie d'une certaine manière.
08:40– Il n'y a pas validé ce que je vous dis.
08:41Ce que je vous dis, c'est qu'évidemment,
08:43il faut tout faire maintenant pour commencer à baisser,
08:46mais l'année prochaine, on sera à combien en déficit avec ça ?
08:49On sera à combien ?
08:50– On sera à 6%, au-dessus de 6%.
08:53– Ça veut dire qu'avec les 60 milliards qui sont annoncés,
08:56on sera encore à 6 milliards.
08:58Ça veut donc dire qu'il faut qu'on se pose les questions,
09:00non pas sur un an, et c'est dans ce sens où je disais,
09:03j'ai référence à cette métaphore du pompier,
09:05ce n'est pas sur un an qu'on va régler le problème
09:08pour répondre à votre question.
09:10C'est sur les 5 à 10 ans qui viennent.
09:12– Donc ça va être 10 ans de rigueur ?
09:14– Non, non, faut-il encore se réunir ensemble
09:17et se poser les questions ensemble de comment doit-on faire
09:20pour financer notre modèle social, le revoir, de fond en comble ?
09:25On ne peut pas continuer comme ça.
09:26– Thierry Breton ?
09:27– Mais on ne peut pas continuer comme ça.
09:28– Pourquoi vous ne seriez pas ministre des Finances ?
09:30Est-ce que vous avez été appelé ?
09:32– Mais je l'ai déjà été, donc j'ai donné, ça va.
09:34Je l'ai déjà fait.
09:36– Si on vous l'avait proposé ?
09:37– Mais du reste, ce n'est pas la question.
09:38– Vous avez refusé Bercy, là.
09:39– Si, si, parce que vous êtes quand même réputé pour être un des meilleurs.
09:43Depuis, on va quand même le dire,
09:45puisque vous ne l'avez pas dit depuis le début de cette émission,
09:48vous êtes le seul ministre des Finances,
09:50depuis 50 ans qu'il n'y a pas de budget à l'équilibre en France,
09:55depuis 1974, vous êtes le seul à avoir réalisé
09:58un tantinet d'économies entre 2005 et 2007,
10:03parce que vous aviez engagé un rapport qui s'appelle le rapport Pembro,
10:06et que vous avez réussi à faire faire des économies à la France.
10:09Pourquoi, eh bien, on n'applique pas vos recettes ?
10:11– Eh bien, un mot, d'abord, je n'ai pas cette prétention-là,
10:14mais je veux dire comment on l'a fait.
10:16Parce que précisément, mon objectif, c'était de revenir au respect des traités,
10:20parce que la France est forte quand elle respecte les traités.
10:22Quand la France ne respecte plus les traités, y compris le traité de Maastricht,
10:25la France est beaucoup plus affaiblie.
10:27Donc mon rôle de ministre des Finances,
10:29c'était, dans le périmètre qui m'était imparti,
10:31c'était de faire en sorte qu'on respecte ces traités.
10:34Mais c'est vrai qu'on était à 67% d'endettement.
10:36Et pour expliquer à nos compatriotes qu'il fallait baisser pour revenir à 60%,
10:42les chiffres ressemblent complètement par rapport à ce qu'on est aujourd'hui,
10:46mais ce n'était pas au siècle dernier.
10:48Qu'est-ce qu'on a fait ?
10:50J'ai demandé à Michel Pembro de réunir une commission très large transpartisane,
10:54il y avait des communistes, il y avait des socialistes,
10:56il y avait à l'époque du RPR, de l'UDF, tout le monde était là,
10:59tous les syndicats étaient là,
11:01et il a fait un travail formidable de pédagogie
11:04pour expliquer précisément à nos compatriotes pourquoi il fallait le faire.
11:09Et on l'a fait.
11:10Et bien vous savez ce qu'il s'est passé ?
11:12À ce moment-là, on a mis en place une dynamique pour arriver à 60%.
11:16Malheureusement, quelques temps après avoir été élu,
11:19Nicolas Sarkozy est allé s'inviter à l'Eurogroupe en juillet 2007,
11:23il a dit non, moi je ne veux pas qu'on revienne à 60%, je casse cette dynamique.
11:26Celui dont vous dites qu'il a été le président de la République
11:29le plus dépensier de la saison.
11:31Je ne fais que mesurer, durant son quinquennat,
11:35la dette de la France a augmenté de 25 points de PIB,
11:39alors que celle de l'Allemagne dans le même temps,
11:41on avait la même crise des deux côtés, n'a augmenté que de 13 points.
11:43Ben oui, il y en a un qui a dépensé plus que l'autre,
11:4525 points, c'est absolument gigantesque.
11:48Thierry Breton, vous voyez le trentenaire Antoine Armand
11:51qui est allé à Clé de Bercy avec son collègue Saint-Martin,
11:54le trentenaire lui aussi, franchement, entre nous,
11:58parce que depuis le début de l'émission, je ne veux pas vous brusquer,
12:00vous dites que je n'ai pas à dire que ce n'est pas bien le budget,
12:02je ne m'exprime pas sur les personnes,
12:04mais quand vous voyez les nouveaux locataires de Bercy,
12:07vous ne vous dites pas sincèrement, j'aurais pu y être et peut-être...
12:11Non, pas du tout.
12:13Vous n'avez pas refusé Bercy ?
12:15Pas du tout, je n'ai pas refusé.
12:17D'abord, si j'avais refusé, je ne le dirais pas,
12:21mais je n'ai pas refusé Bercy.
12:23Pourquoi vous ne l'avez pas proposé ?
12:25Mais on ne se propose pas dans ces cas-là,
12:28ça ne marche pas comme ça.
12:30En revanche, je rencontre à sa demande la semaine prochaine
12:36le nouveau ministre des Finances,
12:39donc je vais voir, effectivement, on va discuter.
12:41C'est M. Armand ?
12:42M. Armand.
12:43Armand, vous le connaissez ou pas ?
12:44Pas du tout, mais il est venu vers moi,
12:46il a très gentiment souhaité me rencontrer.
12:51Je vous rappelle que vous avez écrit un livre qui s'appelle « Antidettes » en 2007.
12:57Oui, c'est vrai.
12:59J'aimerais vous entendre sur l'Union Européenne aujourd'hui.
13:03Vous vous êtes fâché avec Mme von der Leyen,
13:07qui est la présidente de la Commission Européenne,
13:09vous avez quitté la Commission Européenne
13:11parce que vous étiez en désaccord avec elle.
13:13Non, je ne suis absolument pas fâché avec elle,
13:15je n'ai fait qu'exercer la mission qui était la mienne,
13:18c'est-à-dire de commissaire européen qui avait en charge un très gros portefeuille,
13:22je crois l'un des plus gros depuis les 70 ans que la Commission existe.
13:26Il avait été voulu par le président de la République, Emmanuel Macron,
13:29lorsque il avait proposé...
13:31Donc c'était le marché antérieur, c'était tout le fonctionnement économique...
13:33C'était le marché antérieur, c'était l'industrie, absolument,
13:35c'était la défense, c'était le numérique, c'était l'espace, etc.
13:40Il avait voulu, c'est lui qui était le cherché,
13:42qui a, je dirais, entre guillemets, pardon cette expression,
13:45inventé Ursula von der Leyen, elle était alors ministre de la Défense,
13:50il l'a proposé, il l'a poussé, et il a fait en sorte qu'en 2019,
13:53elle devienne présidente de la Commission, mais il a souhaité,
13:56et je trouve que c'était une bonne suggestion,
13:59que la France ait un portefeuille très important,
14:02peut-être dans son esprit, pour contrebalancer précisément le poids...
14:06Vous savez, l'Europe, c'est franco-allemand, c'est un axe, c'est pas que ça.
14:09Il existe encore ce moteur franco-allemand ?
14:10Non, beaucoup moins, et c'est un vrai problème.
14:13Et donc, il avait voulu contrebalancer.
14:15Bon, et moi j'ai joué ce rôle,
14:17bien entendu, quand on est commissaire, on oublie son pays d'origine,
14:20on travaille pour l'intérêt général européen,
14:22mais, je le redis, l'axe franco-allemand,
14:25je suis un militant de cet axe franco-allemand,
14:27c'est très important, il existe, mais il faut-il encore qu'on puisse l'incarner,
14:30et qu'on ait les moyens d'effectuer, je dirais,
14:33cette sorte de rapport de force.
14:35Stéphane Géjorné, qui vous a remplacé à la Commission européenne,
14:39est-ce qu'il a le même poids que celui que vous aviez ?
14:43Pour répondre à cette question,
14:45mon portefeuille était suffisamment large pour qu'aujourd'hui...
14:49Et lui, il était moins large ?
14:50Pour qu'aujourd'hui, ce soient 5 commissaires qui se partagent mon portefeuille,
14:54c'est-à-dire qu'il était relativement large,
14:57et Stéphane Géjorné, j'avais 4 directions générales,
15:01dont l'espace qu'il me rapportait, il en a une,
15:04mais il coordonne indirectement un certain nombre d'autres commissaires,
15:09donc voilà, on va voir...
15:11– Vous vous auriez...
15:12– Le problème, c'est que, et vous dites, je me suis fâché avec Ursula von der Leyen,
15:14non, j'ai toujours exprimé ce que je devais dire,
15:16vous savez, les conditions dans lesquelles j'ai estimé que c'était mon choix,
15:22mon devoir de partir, lorsque j'ai compris qu'il y avait cette espèce de tractation...
15:26– Donc vous êtes en désaccord ?
15:28– Oui, sur la tractation, soit Thierry Breton reste,
15:30il aura un plus petit portefeuille, soit c'est quelqu'un d'autre,
15:32et donc il aura un plus grand portefeuille,
15:34j'ai estimé que ce n'était pas mon rôle, dans ces conditions, de rester.
15:37– Thierry Breton, qu'est-ce que vous allez faire maintenant ?
15:39– Eh bien, j'ai eu la chance dans ma vie d'avoir 4 vies,
15:42en parallèle, des fois séquentielles.
15:44– Vous avez été écrivain, je m'en suis un peu pris.
15:46– Oui, professeur.
15:47– Ministre et professeur, et alors ?
15:48– Eh bien là, je ne suis plus politique en ce moment, donc...
15:53– Vous ne voulez pas le redevenir ?
15:54– Mais on verra, la vie, vous savez, c'est comme ça,
15:56quand on a plusieurs vies en parallèle...
15:57– En ce moment, oui.
15:58– Et donc, j'ai les 3 autres qui, maintenant, donnent à plein,
16:01entrepreneur, auteur et professeur.
16:04– Donc, pas de retraite ?
16:06– Ah non, certainement pas.
16:07– Pas de retraite ?
16:08– Vous êtes ancien commissaire au marché intérieur, on le rappelle,
16:11on a envie de vous entendre, quand même, sur la polémique d'Oliprane,
16:13si je puis m'exprimer ainsi, le médicament le plus vendu en France,
16:16qui est sur le point de passer sous pavillon américain, Thierry Breton.
16:19Sanofi a annoncé négocier avec un fonds d'investissement américain
16:23pour lui céder le contrôle de sa filiale de produits en vente libre Opela.
16:27La vente à la découpe de la France se poursuit, estime Jordan Bardella.
16:32Les risques sur notre souveraineté sanitaire et sur l'emploi sont considérables.
16:35Il serait incompréhensible que l'État laisse faire.
16:38D'abord, est-ce que l'État doit ou peut intervenir dans ce jeu qui n'en est pas un ?
16:42– Non, je ne le crois pas.
16:43D'abord, il faut regarder, effectivement, les choses.
16:45Ce n'est pas parce qu'un actionnaire change que les usines se délocalisent.
16:51– Un fonds d'investissement dit à BFMTV que c'est une entreprise française
16:56qui restera en France et qui continuera à se développer en France.
16:58– Et qui est rentable et qui se développe.
17:00– Jusqu'au jour où ce n'est plus le cas.
17:01– On rappelle que c'est l'un des médicaments les plus importants vendus en France.
17:06– Justement, c'est pour ça que ça suscite beaucoup de réactions.
17:08– Oui, bien sûr, mais à partir du moment où j'ai cru comprendre,
17:11ce n'est pas à moi de voir, ce sont les services de Bercy, ils sont équipés pour cela,
17:14qu'effectivement derrière, il y a un projet d'investissement, d'investir davantage.
17:19– Vous savez, les actionnaires de Sanofi sont extraordinairement minoritairement français,
17:26donc on confond toujours une entreprise et ses actionnaires.
17:31Les actionnaires de Sanofi sont dans le saxon, c'est la production,
17:34donc c'est là où l'État doit intervenir.
17:36Et beaucoup de ceux qui ont une distance un peu trop marquée du reste avec l'économie,
17:42vous avez cité tout à l'heure M. Bardella, le sujet ce n'est pas l'actionnariat,
17:48le sujet c'est le projet industriel qu'il y a derrière,
17:50et c'est là où effectivement les services de Bercy peuvent et doivent et vont sans doute agir.
17:55– Est-ce que c'était un bon député européen, Jordan Bardella,
18:00parce que vous avez travaillé avec lui ?
18:02– Écoutez, je ne veux pas porter de jugement, ce que je peux vous dire c'est que…
18:06j'espère qu'il ne prendra pas ça mal, parce que je sais qu'il ne le prendra pas mal,
18:10mais je l'ai beaucoup plus rencontré dans les couloirs que dans l'hémicycle.
18:13– Oui, c'est-à-dire que vous faites le reproche qu'il ne travaille pas beaucoup ?
18:16– Je ne sais pas, je l'ai beaucoup plus rencontré, je l'ai croisé assez souvent…
18:19– Donc ça veut dire ça en fait, de façon élégante.
18:21– Je l'ai croisé assez souvent du reste, et de façon très républicaine,
18:25à chaque fois que je le croisais dans les couloirs, je le saluais.
18:29– Vous auriez été inquiet s'il avait été Premier ministre,
18:31comme il en a été question à un moment ?
18:34– C'est une uchronie que vous me posez là.
18:37– Bah oui, c'est une uchronie, mais là vous en sortez bien.
18:39– Elle ne s'est pas déroulée.
18:41– Mais la question c'est ce qu'on pose dans un an.
18:43– La question c'est que, au fond, c'est les Français qui ont choisi.
18:46Pendant quelques semaines, beaucoup, et je crois beaucoup d'observateurs également,
18:52peut-être même au Figaro, ont estimé que le Rassemblement national allait gagner,
18:57qu'il allait avoir 289 députés.
18:59À la fin, il en a 130.
19:01Donc ça veut dire que les Français ont estimé, qui n'étaient pas prêts,
19:05qui n'étaient pas mûrs, peut-être aussi qu'il n'y avait pas,
19:09et je vais dire un énorme gros mot,
19:12peut-être aussi qu'il n'y avait pas encore suffisamment d'expérience.
19:16– C'est le reproche de Boubiférié, non ?
19:18– Non, non, j'ai dit peut-être.
19:19Michel Barnier nous démontre en ce moment que l'expérience,
19:21finalement, ça compte aussi.
19:23– Pour l'instant, il n'a pas fait ses preuves.
19:25– Un petit peu.
19:26Je trouve qu'à l'Assemblée nationale, il ne s'est pas trop mal dépouillé,
19:29mais on vient de démarrer.
19:31– Vous auriez été affolé s'il avait…
19:33– Mais rien ne m'affole.
19:35– Vous seriez resté à Bruxelles à ce moment-là.
19:37– Mais rien ne m'affole.
19:38– Puisqu'on parle du personnel politique et notamment à l'échelle européenne,
19:41vous montrez le renouvellement du personnel politique à l'échelle européenne.
19:45Thierry Beutron, regardons ce qui s'est passé
19:47il y a quelques jours dans l'hémicycle du Parlement européen.
19:51L'eurodéputé, elle est fille Rima Hassan,
19:55qui s'est retrouvée en face de François-Xavier Bellamy.
19:59Regardons ensemble et vous réagirez ensuite.
20:02– Votre inculture du sujet est une des sources
20:06qui nous empêchent d'avancer sur cette question.
20:09La question que vous posez, c'est de savoir qui est l'agresseur et qui est l'agressé.
20:14La question, c'est de savoir dans quelle dimension temporelle vous vous situez.
20:18Ce conflit n'a pas commencé avec les attaques du Hamas et du Hezbollah,
20:22ce conflit a commencé en 1948.
20:25Et c'est précisément parce qu'ici vous avez abandonné les Israéliens
20:30et les Palestiniens depuis les accords d'Oslo
20:32que nous en sommes à ce chaos aujourd'hui.
20:34Donc la question c'est le partage des responsabilités
20:37entre tous les acteurs de la région,
20:39mais il faut les restituer dans un contexte historique qui date de 1948.
20:43– Elle hésite à un moment à venir avec son keffier faire son discours.
20:47Elle prend en partie François-Xavier Bellamy
20:51qui dirige le groupe LR des Français.
20:56– Et qui est vice-président du PPE au Parlement.
20:59– Comment vous réagissez ?
21:01– Elle est coutumière de ce genre d'intervention depuis qu'elle est élue,
21:06y compris Yves Trahard avec le keffier.
21:08Je rappelle que ce sont les huissiers qui lui rappellent
21:12systématiquement qu'on ne porte pas un keffier,
21:15notamment à la tribune.
21:18Quand on s'exprime devant le Parlement européen,
21:20elle manifeste visiblement à chaque fois un mécontentement
21:24que je ne trouve pas personnellement digne.
21:28Bon, maintenant elle est coutumière de fait,
21:30elle se trompe de tribune, bien sûr,
21:32ce n'est pas au Parlement européen qu'on va traiter ça.
21:34Il y a juste une petite chose qui me choque,
21:37c'est d'invectiver ses adversaires politiques.
21:42Quand on commence par votre inculture,
21:47mais qui est-on pour dire ça ?
21:49Et en particulier à François-Xavier Bellamy
21:52qui, comme tout le monde le sait, est un éminent AKG.
21:56– Évoquez sa supposée inculture sur le conflit israéliste,
21:58sur le conflit israélopéen.
22:00– Elle est indigne d'être eurodéputée ?
22:02– En plus de tout, personne n'est indigne de quoi,
22:04ils sont élus, ils sont élus, et je respecte profondément ça.
22:07Après, il y a aussi, vous savez, je sais qu'en France maintenant,
22:12le Parlement, quand on voit qu'on s'exprime comme ça, c'est formidable.
22:17– Quand vous voyez ce qui se passe aussi souvent
22:19dans l'hémicycle de l'Assemblée nationale.
22:21– C'est ce que je dis, cette évolution est une évolution qui est tout à fait dramatique.
22:26– Regrettable ? Que vous considérez comme étant regrettable ?
22:28– Très regrettable, très regrettable.
22:30Voilà, je n'ai rien d'autre à dire pour le reste.
22:32Les propos qu'elle tient n'ont pas vraiment leur place.
22:37– Est-ce que le Président de la République a eu raison
22:39d'avoir cette sortie cette semaine en disant
22:41qu'il fallait arrêter de vendre des armes à Israël ?
22:45– En France, c'est 0,2% des ventes d'armes,
22:48des achats d'armes par Israël, c'est-à-dire pratiquement rien.
22:52La polémique a eu lieu.
22:54– Un symbole quand même.
22:55– La polémique a eu lieu.
22:56Pourquoi elle a eu lieu ?
22:57Parce que précisément, cette interview est sortie à la veille du 7 octobre,
23:02à des célébrations de…
23:04– C'est maladroit pour le moins.
23:05– En tout cas, ça a été perçu comme ça, c'est une évidence.
23:07Bon, maintenant, voilà, sur le fond…
23:11– Il a été sifté par le CRIF.
23:13– Oui, oui, oui.
23:14– Vous voulez condamner lui s'il fait du CRIF ?
23:15– Non, je ne condamne pas, encore une fois, et surtout pas,
23:17je ne condamne certainement pas les propos et les comportements du CRIF,
23:20surtout dans ce moment-là.
23:22– Ça veut dire que vous condamnez le président de la République, alors ?
23:24– Je pense que, comme tout le monde, il y a eu un problème évident de calendrier.
23:29Mais j'ai vu que le président de la République, qui est aujourd'hui à Chypre,
23:33donc dans cette conférence méditerranée, a réitéré effectivement ses propos,
23:39mais avec une distance par rapport aux événements du 7 octobre.
23:44– Merci Thierry Breton.
23:45– Merci Thierry Breton, merci beaucoup.