Punchline - Marseille : à quel point, le rajeunissement du narcotrafic rend le marché de la drogue est totalement incontrôlable ?

  • il y a 1 heure

Aujourd'hui dans "Punchline", Laurence Ferrari et ses invités débattent du rajeunissement du narcotrafic, notamment à Marseille et qui rend le marché de la drogue totalement incontrôlable.


Retrouvez "Punchline" sur : http://www.europe1.fr/emissions/punchline

Category

🗞
News
Transcription
00:0018h41, on se retrouve en direct dans Punchline sur CNews et sur Europe 1, on va se pencher
00:16sur ce qui s'est passé à Marseille. Un narcomycide avec un tueur présumé qui a
00:2114 ans. Il a été écroué. Ce jeune avait reçu un contrat de la part d'un autre délinquant
00:26qui était incarcéré. Il devait tuer un autre narcotrafiquant. Malheureusement, un
00:31chauffeur de VTC l'a conduit sur les lieux où il devait commettre son assassinat. Il
00:35a refusé d'attendre ce jeune homme. Le jeune homme l'a abattu d'une balle dans la tête.
00:38Grégory Giron, on est en plein cauchemar en réalité dans la cité phocéenne. On
00:43va juste écouter le procureur de la République de Marseille qui a donné une conférence de
00:46presse, Nicolas Besse. C'est lui qui avait tenu des propos ex-Besson, qui avait tenu
00:51des propos assez inquiétants il y a quelques mois. Il dépeint une jeunesse marseillaise
00:56en totale perte de repère qui commet des crimes de plus en plus graves de plus en plus
00:59tôt.
01:00Perte totale de repère qui va faire que des jeunes garçons vont répondre à des annonces
01:10non pas pour aller faire les vendages ou même pour vendre de la résine de cannabis sur
01:15une pointe de deal, mais pour aller ôter la vie d'autrui sans aucun remords. Malgré
01:20son jeune âge d'une quinzaine de condamnations, il est actuellement en détention provisoire
01:26à Marseille pour des infractions à la législation sur les stupéfiants et une association de
01:32malfaiteurs.
01:33Voilà, pour le tableau, on a quasiment la totale. Un tueur de 14 ans, donc ça interpelle
01:40sur l'âge de ces délinquants. Un commanditaire qui est en prison et au final une victime
01:45totalement inoffensante, une victime plurilatérale, qui est ce chauffeur de VTC Grégoire Giraud.
01:50On sera en ligne dans un instant avec Frédéric Bloch.
01:52Oui, clairement, c'est le scénario du pire presque. Ça démontre aussi toutes nos failles
01:55éducatives, pénales, 15 faits, 14 ans. C'est quand même juste un pédigré déjà quand
02:02même assez énorme pour un si jeune âge. Le sens de la peine quand on est en prison,
02:06c'est-à-dire qu'on a quand même un criminel qui est en prison et qui finalement continue
02:11son activité criminelle alors qu'il est censé normalement être à l'écart et la
02:16société protégée de ses agissements. On voit bien qu'en fait, finalement, tout continue
02:20pour lui assez normalement, puisqu'il arrive malheureusement, comme on dit, un meurtre.
02:24Et en plus, au milieu, on a en effet une victime innocente qui était simplement un chauffeur
02:28de taxi.
02:29Un père de famille qui était chauffé d'un taxi.
02:30C'est quand même dramatique et ça interpelle sur le pouvoir justement de ces trafiquants
02:35qui vont, sans trahir de secret, aller jusqu'à justement recruter très loin de Marseille
02:41quand même. Là, c'est un jeune marseillais, mais il n'y a pas si longtemps, c'était des
02:44gens qui venaient de l'ouest de la France et qui faisaient le déplacement en Marseille.
02:48Ils les changent pour ne pas qu'ils soient repérés par les policiers.
02:50C'est quand même très inquiétant.
02:51Frédéric Ploquin est avec nous en ligne. Bonsoir Frédéric, tu es journaliste, spécialiste
02:56de ces questions de banditisme, auteur de ce nouveau livre Confessions d'un patriote
02:59corse. Frédéric, ça vous interpelle, mais ça ne vous surprend pas, j'imagine, ce qu'il
03:04s'est passé à Marseille et ce qui se passe quasiment tous les jours ?
03:06Il a une trentaine d'années, il est en prison et il considère cette main d'œuvre vraiment
03:18comme une main d'œuvre qu'on va envoyer à l'égout quasiment.
03:22Je pense que ça a un élan sur l'organisation commerciale du trafic du stupéfiant aujourd'hui.
03:27C'est-à-dire qu'on a des caïds qu'il peut mettre en prison ou à Dubai qui commanditent
03:31une espèce de surplace sur le terrain des jeunes qui sont véritablement de la chair
03:36à canon. L'exemple est tellement extraordinaire, tellement frappant, c'est-à-dire qu'il envoie
03:44ce jeune au casse-nude. Mais pire que ça, il y a quelque chose quand même d'extrêmement
03:47nouveau dans ce fait divers, dans cet événement, dans ce crime, c'est que le gars est en prison,
03:54il commandite un assassinat depuis sa prison et ensuite il appelle la police pour dire
03:58qu'il n'a pas fait le bon boulot. Donc en plus on est dans une espèce de transparence
04:06du crime qui est la négation totale de ce qu'est le crime organisé et normalement
04:10la louyocratie tue en silence et en secret, n'hésite pas des armes. Là on a affaire
04:17à une classe criminelle naissante qui expose ces crimes, c'est-à-dire que c'est quelque
04:22chose un peu comme si finalement, en fait, ils l'exposent d'ailleurs pas tellement
04:27pour vous et moi, Laurence, pas du tout, parce qu'ils sont dans un autre monde et
04:31un autre univers. Ils exposent cette violence, ils la déploient en montrant même les armes
04:39qu'ils utilisent, etc. pour terroriser l'adversaire. Mais en réalité, de nous, de vous, de moi,
04:45nous n'en avons rien à faire. Et tant pis, sinon on est choqués. Mais le but ce n'est
04:49pas de nous choquer, le but c'est de choquer l'ennemi. Ils sont à Marseille dans une espèce
04:54de guerre de gang, de guerre à mort, qui va d'ailleurs continuer, et je ne sais pas
05:00si vous le voyez, mais à chaque fois, il y a un niveau de violence supérieure qui est
05:04utilisé. Là, il y a les coups de couteau, puis ensuite on fait cramer les cadavres et
05:07ensuite on torture. Donc voilà, on a affaire à une génération de jeunes qui sont nés
05:12avec la violence, qui ne voient que, comme avenir, la promotion sociale dans le gang.
05:18Et là, on a un jeune de 14 ans qui dit « oui chef, j'y vais ». « Oui chef, j'y vais,
05:22pourquoi ? ». Qu'est-ce qu'on lui promet à ce jeune ? On lui promet probablement une
05:27espèce de promotion sociale au sein de ce gang. Et il se dit, lui il y a 14 ans, c'est
05:32l'âge auquel on est en classe de troisième, on est en formation, on est un ado, on n'a
05:36pas encore toute sa tête, etc. Et c'est là qu'il les recrute, c'est là qu'il leur
05:41retourne le cerveau. Et tout d'un coup, j'alerte là-dessus, c'est qu'il y a peut-être des
05:46dizaines de jeunes qui potentiellement peuvent basculer là-dedans, à qui on va retourner
05:51le cerveau en disant « l'avenir c'est ça, tu nous obéis, tu fais ce crime ou cet attentat,
05:57pourquoi pas, et puis tu verras, tu seras un grand, tu seras quelqu'un, tu vas exister,
06:04et peut-être même que tu seras un jour intégré à la Z-Mafia, je ne sais quoi ». Parce qu'en
06:09réalité c'est ça, ces gangs sont l'avenir aujourd'hui de ces jeunes, parce que ces
06:15jeunes considèrent ces gangs comme leur seul débouché, leur seul avenir, et le seul fait
06:20qu'on leur promesse d'intégrer et de monter dans ces gangs s'excite suffisamment pour se mettre
06:26en danger de mort. Mais Frédéric, cet adolescent-là, c'est encore pire, c'est qu'il a tué un innocent,
06:35il a tué le chauffeur de VTC qui n'a pas voulu l'attendre alors qu'il venait de commettre un
06:38crime, et il l'a battu froidement d'une balle dans la tête. Alors il dit qu'il n'a pas fait
06:42exprès, que le tir était accidentel, bien sûr. Peut-être, mais de mettre des armes entre les
06:48mains d'enfants de classe de troisième, c'est quand même prendre le risque qu'il y ait ce genre
06:52de choses. Moi je me souviens, en classe de troisième, on jouait à la guerre dans la cour
06:56de récréation, mais on avait des armes en bois ou en plastique. Alors imaginez aujourd'hui,
06:59vous leur mettez des 357, des 358, des armes de guerre en fait, vous leur mettez entre les mains
07:06et vous leur dites « allez vas-y ». Évidemment ils ne savent pas s'en servir, évidemment ils n'ont
07:10pas de sang-froid, évidemment ils n'ont aucune expérience. Donc c'est là où ça nous concerne
07:14tous. C'est-à-dire qu'autrefois, les guerres du milieu à Marseille, elles se géraient entre
07:18grands moyens. Ils s'entretuaient, ok, très bien. Aujourd'hui, malheureusement, ces guerres nous
07:23concernent. Pourquoi ? Parce que ces individus qui se tirent dessus ne savent pas manier ses
07:26armes et on les manie devant des écoles, comme là ça s'est passé, et que les balles perdues,
07:31ça peut être pour vous, ça peut être pour moi, ça peut être pour cette jeune fille qui étudiait
07:35à Marseille et qui s'est vêtue dans son appartement, ça peut être pour ce chauffeur de VTC. Et c'est
07:39ça le problème, c'est que cette guerre nous éclabousse, parce qu'ils sont totalement hors
07:44de contrôle. On va écouter juste Bruno Rotailleau, il était cet après-midi à l'Assemblée nationale,
07:48il a évoqué ce qui s'est passé à Marseille, écoutez ce qu'il a dit. Un homme, père de famille,
07:55a payé de sa vie, il a été tué froidement par un gamin de 14 ans. Son bras, à ce jeune de 14 ans,
08:07a été armé par un gang banditaire, depuis la prison. Evidemment, on voit bien que derrière
08:17cette affaire, il y a le narcotrafic, il y a des règlements de comptes, entrebandes, et ça n'est
08:23pas supportable. Une des priorités du gouvernement, de mon ministère de l'Intérieur, avec le ministre
08:31de la Justice, garde des Sceaux, de lutter contre le narcotrafic, parce que c'est devenu
08:35une racine, une cause racine de toutes les hyper violences, et parce que le narcotrafic est en
08:41train de retirer sur un certain nombre de nos territoires, jusqu'à notre souveraineté, en
08:47corrompant un certain nombre de réseaux. C'est insupportable. Voilà pour Bruno Rotailleau. Un
08:52dernier mot, Frédéric Ploquin, est-ce que le pouvoir politique est impuissant ? On sait que
08:56les policiers font tout ce qu'ils peuvent pour essayer d'endiguer ce phénomène du narcotrafic,
09:00mais ils sont submergés par les masses d'argent, parce que génèrent le trafic en réalité.
09:06Écoutez, depuis que le trafic de drogue se développe en France, il y a 10-15 ministres
09:10de l'Intérieur qui se sont cassés les dents, mais ils ont quand même fait du bon boulot.
09:15Il ne faut pas... En fait, les ministres de l'Intérieur, ceux qui travaillent, ce sont les
09:18policiers sur le terrain qui se lèvent le matin ou le soir pour ceux qui travaillent la nuit et
09:22qui vont au charbon, et je peux vous garantir qu'ils y vont, et ils obtiennent du résultat.
09:26Le problème, c'est que ce marché aujourd'hui de la drogue est totalement incontrôlable. Il y a des
09:31consommateurs absolument partout. En fait, c'est un marché en progression permanente et que du coup,
09:37ils recrutent tous les jours de nouveaux acteurs qui sont prêts à risquer leur vie pour gagner
09:44quelques milliers d'euros. Donc effectivement, ne pas être impuissant. Oui, on a du mal. C'est
09:50vrai que c'est relativement difficile à contrôler et qu'aujourd'hui, pour contrôler ce marché,
09:55il faudrait déjà se donner les moyens peut-être d'aller négocier avec les pays producteurs,
10:01ce qui n'est pas facile, je le reconnais, et qui est une tâche diplomatique très complexe. Mais en
10:06attendant, sur le terrain, le procureur de Marseille le disait, on a affaire à une guerre de plus en
10:11plus asymétrique. C'est ce qu'a dit le procureur. Le mot est à prendre, mais pas à prendre à la
10:15légère. Quand il parle de guerre asymétrique, il disait que le rapport de forces était ponctuellement
10:21aujourd'hui en défaveur des forces de l'ordre. Merci Frédéric Ploquin, confession d'un
10:25patriote corse aux éditions Fayard. C'est votre prochain roman avec Joe Perali.
10:29Grégory Geron, je vous ai vu acquiescer pendant tout ce que disait Frédéric Ploquin.
10:33Oui, surtout sur le rapport de forces et la guerre asymétrique. Un exemple dans cette affaire-là,
10:39par exemple, le coup de fil a été passé de la prison. On a des difficultés pour empêcher les
10:47téléphones de rentrer dans les prisons, mais même quand on met un brouilleur dans une prison,
10:52en fait, ça marche pour la 3G. Pour la 4G, ça marche moins bien et pour la 5G, ça marche plus.
11:00Donc, en fait, nos éléments techniques ne sont déjà pas adaptés à ce qu'ils peuvent faire
11:06rentrer. Donc, quand on parle de guerre asymétrique et de moyens, c'en est le plus bel exemple. Tant
11:11qu'on ne mettra pas des moyens monstrueux pour lutter contre le narcotrafic, on sera de toute
11:17façon toujours un ton en dessous, ponctuellement, et puis demain, malheureusement, peut-être
11:22quotidiennement.

Recommandations