Thibault de Montaigu, journaliste et écrivain est l'invité de Léa Salamé à 9H20. Il publie "Coeur" (Albin Michel)
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00:00Et ma chère Léa, ce matin, vous recevez un écrivain.
00:02Et bonjour Thibault de Montaigu.
00:04Bonjour.
00:05Merci d'être avec nous ce matin.
00:06Si vous étiez une actrice, un président de la 5ème république et un paysage, vous
00:12seriez qui ? Vous seriez quoi ?
00:13Alors une actrice Monica Vitti, dont j'étais amoureux depuis toujours, un président Pompidou
00:20et un paysage, la Pampa en Argentine.
00:23La Pampa en Argentine… On ne sait jamais ce que le passé nous réserve, écrivait
00:28François Sagan, à qui vous aviez été comparé à la publication de votre premier livre
00:32il y a quelques années, premier roman, on disait de vous qu'il a quelque chose de
00:37Sagan.
00:38On ne sait jamais ce que le passé nous réserve ?
00:39Non, on ne sait jamais ce que le passé nous réserve et souvent quand on part à la découverte
00:44du passé, je pense qu'il y a toujours des non-dits, des histoires qui ont été éludées,
00:51des secrets de famille, souvent c'est le cas de mon livre.
00:54Et en fait, ça définit qui on est aujourd'hui et ce que va devenir l'avenir.
00:58C'est-à-dire que le passé ne passe jamais, je pense, le passé finalement, quand on va
01:02vers le passé, on fait voile vers le futur.
01:04Thibaud de Montaigu, la grâce, votre précédent roman il y a 4 ans que j'avais beaucoup
01:08aimé racontait l'histoire de votre oncle, homosexuel, fêtard, devenu moine franciscain.
01:12Vous aviez alors reçu le prix de flore et vous continuez d'explorer votre histoire
01:16familiale dans Coeur, chez Albain Michel, ce nouveau roman intime et romanesque qui
01:21pose la question de la relation père-fils, du poids des lignées et des mythologies familiales
01:26sur nos vies.
01:27Le livre est d'ailleurs sélectionné sur 6 listes de prix littéraires dont le Goncourt
01:31et le Renaudot.
01:32C'est pas mal, ça commence bien.
01:34C'est un bonheur et une joie d'être déjà présents sur ces listes.
01:37Alors le livre commence il y a 4 ans, vous êtes auprès de votre père, vieux, affaibli,
01:41aveugle et ruiné, dans le petit studio que vous lui payez avec votre frère et il vous
01:46donne sa chevalière, cette chevalière à laquelle il tenait particulièrement.
01:51Il vous la donne et le livre commence comme ça.
01:54Il faut savoir déjà que c'était le dernier bien qui lui restait parce qu'il était
01:57complètement ruiné, donc c'était un acte très fort de sa part de me donner sa chevalière.
02:02Il me dit, tu sais c'est un miracle si on l'a encore dans la famille parce qu'elle
02:05appartenait à ton arrière-grand-père, Louis, qui est mort durant la guerre de 14 dans une
02:12charge de cavalerie et c'est la dernière charge de l'histoire de France.
02:15C'est comme ça qu'il me la présente.
02:17Il est parti sabre au clair contre les canons et les mitraillettes allemands pour sauver
02:21l'infanterie.
02:22C'est un héros, c'est une histoire fantastique.
02:24J'aimerais que tu écrives cette histoire.
02:27Et là, il vous dit ça et franchement, ça ne vous intéresse pas trop.
02:31Dites oui, l'aïeul Louis, militaire 1914.
02:36Bon, non, non, j'avais vraiment, j'avais un autre projet de livre en plus et je n'avais
02:41vraiment pas envie de partir sur une histoire de famille encore.
02:44Mais c'est lui vraiment qui a insisté, qui a insisté.
02:47Il m'a envoyé toutes sortes de documents jusqu'à ce que je comprenne, en effet, au bout d'un
02:52moment que cette charge était un acte inouï et suicidaire, en fait, par bien des aspects
02:57et que sans doute se cachait un mystère derrière, comme si Louis avait cherché à mourir durant
03:02cette charge.
03:03Et là, je me suis dit, ah, il y a une histoire, il y a un roman, je vais enquêter dessus.
03:06Et il y a aussi un trou dans la biographie de cet arrière grand-père, héros de la
03:10famille, mais en même temps qui termine comme ça.
03:13Vous dites, on se demande s'il n'est pas allé se suicider dans cette dernière charge
03:17de cavalerie de la guerre.
03:19Et il y a trois années où, en enquêtant, vous vous dites, mais qu'est-ce qu'il a fait mon
03:24arrière grand-père Louis dans ces trois années ?
03:26Ça vous intrigue et vous décidez d'y aller.
03:29Évidemment, quand on commence à enquêter, on découvre des secrets familiaux et des
03:33secrets familiaux qui, peut-être, se transmettent de génération en génération.
03:37Comment vous avez enquêté ?
03:39Alors, d'abord, j'ai commencé dans la famille et en fait, je ne pensais pas trouver des
03:43choses. Mais en fait, je crois que dans toutes les familles, quand on commence un peu à
03:45chercher, on trouve des vieilles mâles dans un grenier avec des lettres à l'écriture
03:50inlisible, des petites photographies, vous savez, en noir et blanc, au bord crénelé.
03:54On se dit, mais c'est qui ?
03:56On commence à poser des questions.
03:58Et au fur et à mesure, comme ça, j'ai trouvé de plus en plus de documents.
04:01Je suis allé aux archives militaires aussi de Vincennes.
04:04Ça, vous dites, c'est un lieu où il y a des trésors, où on peut tous aller.
04:07Exactement.
04:07Tout est inscrit, même la vie privée.
04:10C'est marié à Sedan en 1914.
04:15Tout est dans les archives militaires.
04:16En fait, tous les Français pourraient aller.
04:19Exactement, parce que beaucoup de personnes dans nos familles sont passées par l'armée à
04:23cause de la conscription.
04:24Et là, on retrouve, c'est une mine d'informations absolument inouïe.
04:28C'est là où j'ai trouvé les dossiers de Louis qui le décrivent, mais précisément, mais
04:31même physiquement. Tout d'un coup, j'avais un personnage devant moi.
04:35Et puis, j'ai aussi trouvé ce site merveilleux que je recommande à tout le monde qui
04:38s'appelle Retro News, où il y a toute la presse quotidienne et régionale digitalisée
04:42depuis pratiquement la Révolution française.
04:45Et grâce à un moteur de recherche assez génial, on peut chercher par mots-clés et les
04:50mots-clés sont soulignés sur les journaux eux-mêmes.
04:54Donc, on trouve, par exemple, notre patronyme dans un journal du Bourbonnet de
04:571888. On va trouver notre nom de famille et une vieille histoire qu'on exhume comme ça.
05:03Et c'est comme ça, en faisant un travail d'enquête de plusieurs années, dans les
05:07mâles, sur Internet ou aux archives militaires de Vincennes, que vous commencez à
05:11dessiner cet homme, cet arrière-grand-père.
05:14Et vous comprenez que tous les hommes de la famille, c'est-à-dire Louis, votre
05:18arrière-grand-père, mais son fils Hubert, votre père Emmanuel, et peut-être vous-même,
05:24eh bien, vous vous ressemblez pas mal.
05:26En tout cas, eux, ils sont tous flamboyants, bien-nés, promis à des avenirs radieux,
05:30ambitieux. Ils rêvent de gloire et ils sont tous passés à côté de la gloire et de la
05:36vraie réussite. C'est-à-dire que Louis va échouer au concours de Saint-Cyr, votre père
05:40va échouer à la Polytechnique.
05:42Ils sont tous hantés et poursuivis par l'échec.
05:47Tout à fait. En fait, ils sont tous habités par ce mythe du chevalier.
05:50En fait, je pense à cet archétype presque junguien du chevalier.
05:54Et ils courent tous derrière une gloire évanouie, une gloire que connaît plus leur
05:59famille, mais qui a connu leur famille dans le passé.
06:01Et donc, ils vont tous essayer de faire quelque chose de grandiose.
06:04Ils vont tous essayer de s'élever au-dessus du commun des mortels et ils vont tous
06:08échouer. Et c'est pour ça qu'en écrivant sur mon arrière-grand-père, je me suis dit
06:11mais beaucoup de choses qui lui sont arrivées se sont arrivées à mon père, mais sont
06:14arrivées à d'autres personnes dans ma famille, comme s'il y avait cette même
06:17malédiction qui se répétait encore et encore.
06:19Alors, sans révéler, évidemment, le secret de famille à la fin du livre, mais c'est
06:24vraiment assez incroyable, ces répétitions de génération en génération que j'ai
06:27découvertes. Et je crois que ça vaut pour toutes nos familles, en fait.
06:30Je vous écrivais au sujet de votre père.
06:32Je reconnaissais dans ses yeux aveugles le mal qu'il avait rongé toute sa vie.
06:36Cette fièvre de grandeur, cette maladie d'orgueil, ce désir démentiel de s'élever
06:40au-dessus du commun des mortels, il n'est pas arrivé.
06:44Et ce désir de gloire, cette maladie d'orgueil, vous l'avez vous aussi ou non ?
06:48Oui, je pense qu'elle m'habite à ma manière, évidemment.
06:51Donc, ce n'est pas la guerre, ce n'est pas la fortune, mais il y a l'idée que la vie
06:55soit grandiose. Il y a l'idée de faire des grandes choses, de vivre dans l'intensité,
06:58de vivre avec panache et ça m'habite.
07:01Mais en faisant cette enquête, je pense que c'est très important de partir à la
07:04découverte de ses aïeux, de sa famille, pour se dire finalement qu'est-ce que j'en garde
07:09à la fin ? Parce que voilà, c'est un livre sur l'héritage et la transmission.
07:12C'est qu'est-ce qu'on en garde ?
07:13Et vous enquêtez, vous allez voir une psy qui vous explique ce qu'une théorie
07:17psychanalytique, la psychogénéalogie, en gros, les secrets, les traumatismes vécus
07:21par nos ancêtres, conditionnent nos troubles d'aujourd'hui.
07:24Tous les hommes de votre famille reproduisent le même schéma, revivent les mêmes
07:28traumatismes. Vous parlez de malédiction et donc, évidemment, vous vous demandez,
07:32vous aussi, est-ce que moi, je vais avoir aussi un rapport compliqué à la grandeur et à
07:36l'échec au fond ? Est-ce qu'on peut y échapper à ce déterminisme de la mémoire ?
07:42Je pense qu'on y échappe précisément quand on met des mots dessus, quand on part à la
07:46découverte de ce passé, parce qu'à ce moment-là, on arrive à le mettre à distance et
07:50de se dire voilà, est-ce que j'ai envie de continuer comme ça ou j'ai envie de commencer
07:55une vie nouvelle ? C'est d'ailleurs la fin du livre, enfin la dernière phrase du livre, c'est
08:00une vie nouvelle commence, donc on peut s'en libérer une fois qu'on les connaît.
08:03C'est aussi un livre sur votre père, sur la manière dont vous le regardez.
08:06Vous regardez sa fin de vie, de cet homme diminué, cet homme qui vous a tellement manqué
08:10dans l'enfance. Vous vous revoyez gamin en pyjama dans l'escalier, le regardant partir avec
08:15ses bagages, avec ses valises, parce qu'il quittait le domicile familial, parce qu'il était
08:20à la fois insupportable, joueur, menteur, infidèle et ruiné.
08:25Et en même temps, vous auriez tellement aimé lui ressembler.
08:28Oui, c'est contradictoire d'une certaine manière, mais c'est vrai qu'enfant, je le voyais comme
08:32cet homme d'affaires flamboyant, extrêmement séduisant, qui avait voyagé de par le monde,
08:38qui avait une facilité avec les gens, avec l'intelligence.
08:42Et en même temps, voilà, il était inconséquent, léger, coureur.
08:46Il a été absent. Donc, vous savez, c'est cette phrase d'Oscar Wilde, on dit au début
08:51de la vie, on commence à aimer ses parents.
08:53Ensuite, on les juge. Alors moi, j'ai une fille en préadolescence, donc je suis en plein de
08:57dents. Et à la fin, peut-être on leur pardonne, c'est-à-dire qu'on les comprend, on apprend
09:01à les aimer dans toute leur force et toute leur faiblesse.
09:05Et c'est le sujet de ce livre, c'est cette réconciliation, finalement, avec le père à la
09:09fin.
09:09Écrire ce livre, c'était, vous pensiez au début en l'écrivant, faire un cadeau
09:14à votre père, un dernier cadeau avant sa mort.
09:17Parce que d'ailleurs, à chaque fois que vous vous racontez, vous allez lui parler de Louis et
09:21de cette famille. Il a les yeux qui reviennent à la vie et que même affaibli et en fin
09:26de vie à l'hôpital, etc.
09:27Ce que vous racontez, chaque fois que vous lui parlez de sa lignée, il se réanime.
09:31Donc, vous vous dites, je lui fais un cadeau.
09:33En fait, ce que vous comprenez dans le livre, c'est lui qui vous a fait ce dernier cadeau.
09:36En vous parlant de Louis, en vous expliquant les choses de sa famille qui, peut-être, vont
09:40vous toucher. C'est lui qui vous a fait un cadeau.
09:44Et ce livre-là, c'est votre manière de lui dire merci et de lui dire au revoir et peut-être
09:49de lui dire je t'aime.
09:51Oui, c'est vrai que c'est une lettre d'amour au début de ce livre.
09:55En fait, c'est vrai que quand je menais cette enquête, je voyais que je lui redonnais
10:00des couleurs et je me sentais un peu comme chez Erhazade dans Les mille et une nuits,
10:05qui, chaque nuit, va raconter un nouveau conte pour repousser l'échéance de sa propre
10:10exécution. Et je me disais, tant que j'écrirai ce livre, je maintiendrai mon père en vie.
10:14Il y avait vraiment une sorte de course contre la montre.
10:17Mais à la fin, je me suis rendu compte que c'était lui, en fait, qui m'avait offert cette
10:21aventure, comme si c'était un dernier voyage qu'on entreprenait
10:26ensemble. Et surtout, ça a été une manière de le connaître au moment où il était
10:30finalement le plus faible, le plus diminué.
10:32En fin de vie, on se dit presque que tout est fini.
10:35Et c'est là où il s'est montré pour moi le plus vrai, le plus tendre, le plus émouvant.
10:40Il a baissé le masque, enfin, et j'ai découvert mon père mieux que jamais à ce
10:45moment-là, alors qu'il était au bord.
10:47Et vous l'avez écrit, comme Amélie Nothomb, dans son précédent livre, elle était venue
10:51nous en parler il y a deux ans ou trois ans, je ne sais plus, où elle parle de son père.
10:56Comme je n'avais pas pu lui dire au revoir, je n'étais pas à ses côtés quand il est
10:59parti, je n'ai même pas pu me rendre à ses funérailles, vu que j'étais confinée à
11:04Paris. J'ai vraiment eu l'impression d'un au revoir raté.
11:08Du coup, pour pouvoir enfin réussir mon au revoir, il fallait que je lui rende la vie,
11:14mais complètement. Et pour moi qui suis écrivain, la seule manière de lui rendre la
11:19vie, c'est non seulement de l'écrire, mais il ne suffisait pas d'écrire sa vie.
11:22Il fallait que je lui donne ma vie, qu'il fallait que je devienne mon père le temps
11:27d'écrire ce livre, d'où un livre écrit à la première personne dans lequel je suis
11:32réellement mon père.
11:34Alors, ce n'est pas exactement votre livre, mais c'est la phrase d'Annie Ernaux.
11:38Quand les choses ne sont pas écrites, elles ne sont pas vraiment vécues.
11:41Il vous fallait écrire l'histoire de cette famille, de cette lignée paternelle pour
11:45comprendre et écrire votre père.
11:47Oui, complètement. C'est drôle, cette phrase d'Annie Ernaux, ça me fait penser à
11:50Proust, qui dit la même chose à la fin de la recherche.
11:53Il faut que les choses soient écrites pour qu'elles deviennent vraiment vraies.
11:56Et c'est assez étonnant parce que quand on écrit sur les gens, quand j'écrivais sur
12:00mon père, j'avais l'impression que c'est très disparaissé.
12:02Proust raconte ça très bien aussi, ses modèles.
12:04Il a l'impression qu'il n'entend plus leur voix.
12:07Il ne sent plus exactement qui ils sont, comme s'ils devenaient des personnages de
12:10papier. Ils ne sont plus des personnages réels.
12:12Mais au final, on enferme leur essence.
12:16On atteint à ce qu'ils sont vraiment, à leur âme.
12:18Et en fait, dans ce livre, c'est ce que j'ai voulu faire.
12:21C'est que j'ai un peu voulu partir à la recherche de mon père ou de tous les
12:25fantômes de ma famille qui m'habitaient et leur offrir ce tombeau de
12:30papier où ils puissent enfin vivre en paix.
12:31C'est la famille paternelle qui vous intéresse, votre famille paternelle dans ce
12:35livre-là. Vous, on vous ramène souvent à votre famille maternelle.
12:39Puisque vous êtes fils, petit-fils, arrière petit-fils de Gallimard,
12:43Gaston Gallimard, de par votre mère.
12:47Vous écrivez dans ce livre.
12:49« J'ai été d'emblée classé comme un Gallimard, ma famille maternelle, non en
12:52raison de quelques aptitudes littéraires, mais plutôt pour une question de cuisses
12:55vigoureuses et d'un plan capillaire ».
12:58Alors, on est curieux, c'est quoi les cuisses Gallimard ?
13:01C'est des cuisses assez solides qui permettent de bien faire du vélo, par
13:05exemple.
13:06Non, mais vous racontez qu'en fait, vous vous ressemblez plus au Gallimard alors
13:09que vous auriez préféré ressembler à votre père, que vous trouviez
13:12fondamentalement plus beau.
13:13Oui, et puis oui, mon père, c'était une beauté à la Delon, à la Mastroianni.
13:18Voilà, donc j'avais très envie, enfant, de ressembler à mon père.
13:22Quand vous regardiez Apostrophe et Bernard Pivot, quand vous étiez gamin avec
13:24votre grand-père Gallimard, vous rêviez quoi d'être éditeur ou écrivain ?
13:29Écrivain, parce que les écrivains dans ma famille étaient considérés comme des
13:33sortes de demi-dieux. Ils étaient vénérés.
13:36Ils étaient peut-être presque plus aimés que les enfants eux-mêmes.
13:39Je voyais l'admiration absolue qu'ils avaient pour les écrivains.
13:42Donc, très tôt, je me suis fait la promesse d'être un de ces écrivains.
13:46Et le prochain livre, vous vous attaquez à la lignée maternelle ?
13:49Le livre sur Gallimard ?
13:51Forcément, ça arrivera un jour.
13:53Thibaud de Montaigu, vous assumez vos années de jeunesse fêtardes, vos nuits
13:56blanches sous drogue qui ont inspiré vos précédents livres.
13:59Il y a d'ailleurs un passage dans celui-là où vous dites mener une vie de
14:01zombie quand vous étiez plus jeune, connaître des blackouts à cause de
14:04l'alcool, avoir les gencives anesthésiées par la cocaïne.
14:07Vous avez renoncé, vous l'avez raconté, à cette vie de débauche à 37 ans.
14:11Il y a quelques années, vous l'avez raconté dans le livre La Grâce où vous
14:14avez brusquement quitté les excès pour la foi.
14:17Vous aviez eu la révélation de la foi.
14:19Vous étiez passé de la déglingue à la religion.
14:22Vous en êtes où de la foi, cinq ans après ?
14:25Écoutez, en fait, je pense que le livre s'appelait La Grâce.
14:29Et La Grâce, ce n'est pas quelque chose d'acquis, c'est quelque chose qui
14:31s'écrit au présent.
14:34Il y a cette phrase de Julien Green que j'aime beaucoup qui dit que La Grâce
14:37est comme un accord parfait au piano et le péché, en fait un accord qui
14:41sonne faux, mais le péché, étymologiquement en hébreu, c'est tomber à
14:45côté, c'est manquer sa cible.
14:46Et en fait, souvent, on joue faux.
14:47Il m'arrive encore de jouer faux dans la vie, mais je sais que je recherche
14:50toujours l'accord parfait à nouveau, l'harmonie.
14:52Donc voilà, je suis toujours en quête, comme tout le monde.
14:55Les impromptus. Pour terminer, vous répondez rapidement, la gloire et le
14:58deuil éclatant du bonheur, disait Madame de Staël.
15:00Vous êtes d'accord ?
15:01Oui, tout à fait.
15:02Si vous étiez un pays, l'Argentine ou la France ?
15:04L'Argentine.
15:05Oh, dites donc.
15:07Je suis désolé, mais mes enfants sont argentins.
15:09Oui, parce que vous avez épousé une Argentine.
15:11Sagan ou Duras ?
15:12Sagan.
15:13Alcool, drogue, sexe, quels sont encore vos vices ?
15:16L'alcool. J'ai arrêté le whisky, mais je suis encore au vin blanc.
15:20Freud ou Lacan ?
15:22Lacan.
15:23Houellebecq ou Despentes ?
15:26Houellebecq.
15:27Rimbaud ou Verlaine ?
15:28Rimbaud.
15:29Balzac ou Flaubert ?
15:30Balzac.
15:31D'ailleurs, ça se passe à Saumur, une partie.
15:34Céline ou Hugo ?
15:36Hugo.
15:37La dernière fois que vous avez pleuré ?
15:40Je crois que c'était en sortant d'un studio ici, à Radio
15:43France, quand j'ai lu la lettre à mon père que
15:46je raconte dans le livre.
15:48Donc, il y a pas mal de temps.
15:50Il y a pas mal de temps, mais c'est...
15:52Vous étiez chez Augustin Trappenard, il me semble.
15:53Exactement.
15:54Donc, vous n'avez plus pleuré depuis trois ans.
15:56Si, j'ai peut-être pleuré, mais je ne sais pas.
15:57Ce fait d'être dans le studio, tout d'un coup, ça me rappelle ce
15:59moment qui a été extrêmement émouvant pour moi.
16:01Je ne savais pas si mon père était encore en vie ou en mort.
16:03Et je lui lis une lettre d'amour à l'antenne.
16:06Et quand je rallume mon portable, on me dit qu'il a les larmes aux yeux.
16:09J'avais jamais... J'ai su qu'il était encore en vie.
16:11Et donc, c'était un moment extrêmement fort pour moi.
16:14Liberté, égalité, fraternité, vous choisissez quoi ?
16:18Fraternité.
16:19Les fils sont là pour continuer les pères.
16:22C'est les mots du peintre Eugène Carrière que vous citez
16:26dans votre livre.
16:27Chœur, donc, chez Albain Michel.
16:30Merci, Thibaud de Montaigu.
16:32Merci à vous. Belle journée à vous.