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En septembre 2024, deux ONG ont demandé l’annulation de deux décrets relatifs à la Loi industrie verte. Selon elles, ils représentent un « détricotage massif et systématique du droit de l'environnement industriel ». Nicolas Walker, avocat en droit public » nous explique dans quelles mesures cette loi peut permettre de concilier protection de l’environnement et réindustrialisation.

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Transcription
00:00Le Zoom de Smart Impact consacré à la loi Industrie Verte critiquée par plusieurs associations de défense de l'environnement, on en parle avec Nicolas Walker, bonjour.
00:15Bonjour.
00:16Bienvenue, vous êtes avocat en droit public associé au cabinet Reed Smith, décret d'application de cette loi qui a été publiée le 5 juillet dernier.
00:24On va déjà expliquer les objectifs. Quels sont les principaux objectifs de la loi Industrie Verte ?
00:30La loi Industrie Verte qui avait été votée en octobre l'année dernière avait un certain nombre d'objectifs à l'instar de ce qui a été fait aux États-Unis avec l'IRA, à l'instar de ce qui se fait aussi au niveau européen avec la politique industrielle de l'Europe.
00:46Le principal objectif de cette loi, c'est de réindustrialiser la France, c'est-à-dire de relocaliser de la production industrielle en France, de passer aussi par des financements publics pour l'industrie,
00:57pour les industries jugées les plus vertueuses pour la transition écologique et énergétique, et aussi de s'attacher à une commande publique plus soignée, en tout cas plus orientée vers une démarche environnementale vertueuse.
01:09Quels secteurs industriels sont particulièrement concernés par cette loi ?
01:14Tous les secteurs sont concernés, mais dans la pratique il est vrai qu'il y a certaines activités à laquelle l'État a attaché une importance stratégique,
01:24notamment tout ce qui touche à la transition énergétique, donc ça veut dire la production de batteries.
01:30Pour décarboner l'Europe, il faut alimenter en batteries, donc il faut les produire. Elles sont lourdes en métaux lourds, donc on doit avoir une activité de production de batteries.
01:40Tout ce qui touche aussi aux panneaux photovoltaïques, au solaire, à l'éolienne, le nucléaire aussi.
01:47Et après la pandémie de la Covid, on s'est rendu compte aussi qu'on avait des sujets de dépendance, dépendance de production étrangère, notamment en matière de médicaments, en matière de biens de la consommation.
01:59Donc il y a, si vous voulez, ces doubles enjeux de favoriser la transition écologique, mais aussi de favoriser une production stratégique locale.
02:06Avec des difficultés. On voit au moment où on enregistre cette interview, on apprend que l'entreprise Insecte, qui fait de la protéine à base d'insectes, a demandé une procédure de sauvegarde.
02:19C'est des nouveaux secteurs, alors qu'elle a déjà bénéficié de beaucoup d'argent public et d'investisseurs, d'ailleurs. C'est des modèles qui peuvent être fragiles ? C'est ça qu'il faut retenir ?
02:30Tout à fait. L'État, en quelque sorte, est obligé de trancher entre là où on investit de l'argent public, notamment, et là où on n'investit pas. On peut tout faire pour qu'une industrie réussisse.
02:40Mais il ne faut pas oublier que c'est un écosystème. Il faut un bassin d'emploi. Il faut un bassin de formation. On ne forme plus en France, d'ailleurs, au métier d'Emmanuel.
02:48Il faut que tout cet univers marche ensemble pour qu'une entreprise réussisse. L'enjeu reste néanmoins que la France demeure un territoire attractif pour l'investissement industriel.
02:57C'est ça qu'on cherche à faire, in fine.
02:59Évidemment. Investissement industriel, mais aussi protection environnementale. La loi s'appelle Industrie verte.
03:04Qu'est-ce qu'elle prévoit ? Ensuite, on va rentrer dans la partie critique des associations. Mais que prévoit la loi, justement, pour associer ces deux objectifs ?
03:14C'est vrai que souvent, on a tendance à opposer, d'ailleurs, l'écologie et l'industrie. C'est une vision, en tout cas, qu'on a pu avoir par le passé.
03:22Je ne pense pas qu'il faille nécessairement y voir une opposition, en revanche.
03:25C'est-à-dire que pour faire les industries de main, pour faire les industries qui vont aider l'Europe à atteindre la neutralité carbone, il faut produire.
03:32Il faut passer par une production industrielle. Il faut passer par des productions industrielles locales.
03:36Ce que cherche à faire la loi, tant bien que mal, d'ailleurs, c'est de simplifier les procédures administratives pour les industriels.
03:44On constate qu'en France, en moyenne, on passe deux ans à faire une instruction administrative d'un projet stratégique majeur industriel.
03:51Ce que les industriels jugent trop long, trop coûteux. Et donc, pour répondre à cet enjeu-là, l'État a beaucoup simplifié les procédures administratives.
04:00Et donc, il y a plusieurs décrets, trois décrets qui sont incriminés par les associations Zero Waste et Notre Affaire à tous.
04:09Sur quoi portent les critiques ?
04:13Je tiens à dire que je ne conseille pas les associations en cause. Les écrits ne sont pas encore publics. Un certain nombre de communiqués de presse ont été, en revanche, publiés.
04:22Les griefs sont au nombre de trois, essentiellement.
04:25D'abord, on critique un aspect assez technique dans l'environnement qui touche aux installations classées, aux activités industrielles autorisées par les préfectures.
04:36Auparavant, on exigeait des garanties financières des industriels, notamment au moment de la mise à l'arrêt d'une activité, pour éviter à ce que l'État se trouve avec la note.
04:47On avait réfléchi. Beaucoup d'industriels trouvaient ça comme un frein à l'investissement.
04:52On constatait aussi qu'on les mettait peu en œuvre, ces garanties financières.
04:57Et donc, on les a supprimées, ce que les associations estiment comme un recul de la protection, notamment financière, de l'État en matière de la protection environnementale.
05:05Le deuxième sujet critiqué touche aux espèces naturelles dites protégées.
05:11On a en Europe des listes d'espèces, de faunes et de flores protégées, car en voie de disparition.
05:17Et on interdit, tout simplement, à ce qu'on perturbe leurs habitats, leurs aires de réproduction.
05:22Et alors, la loi, dans son objectif de simplification, pourrait mettre en danger certaines de ces espèces ?
05:28Par différents moyens de procédure, dont le détail n'est pas forcément très important, on permet de qualifier à l'avance certains projets industriels, dites stratégiques.
05:38On permet d'outrepasser, en quelque sorte, certaines de ces protections.
05:42Ce n'est pas tout à fait vrai. On doit quand même garantir un niveau de protection minimum.
05:46Mais il sera peut-être un peu plus faible ?
05:48Plus facile, plus vite et, on va dire, plus automatique d'outrepasser certains de ces protections.
05:53Il y a aussi un principe qui est très important. La terminologie fait parfois grincer des dents.
05:58Mais c'est le principe du pollueur payeur ou alors de la responsabilité élargie du producteur.
06:03Est-ce que la loi grignote ce principe ou pas ?
06:07Ce que disent les associations, effectivement, c'est oui.
06:11En tout cas, on peut constater un affaiblissement procédurier, peut-être, de ces aspects-là.
06:19Le principe, en revanche, n'est pas remis en cause.
06:22Le fond de nos droits n'a pas changé. Le pollueur doit être celui qui assume les conséquences.
06:27Effectivement, on a pu remanier certains aspects plus ou moins administratifs du processus.
06:32Mais il n'en reste pas moins qu'effectivement, les associations y voient une sorte de non-respect du principe de la non-régression en matière environnementale.
06:39Qu'est-ce qui va se passer ? Il y a des procédures qui vont être lancées.
06:43On sait que notre affaire à tous a porté un certain nombre de procédures.
06:47Donc, on rentre dans un processus judiciaire ?
06:49Tout à fait. On est au stade de ce qu'on appelle le recours gracieux.
06:52On est allé demander au gouvernement de prendre une nouvelle décision, de revenir sur les décrets qui ont été pris.
06:58En règle générale, ça ne se fait pas comme ça.
07:00Donc, on porte un recours juridictionnel devant le Conseil d'État, qui est la co-administrative suprême française.
07:06Et le Conseil d'État va être amené à juger si les décisions prises par le gouvernement, si ces aspects de remaniement de procédures sont ou non légales.
07:15Je vais me placer du côté des associations et par ma question aussi du côté de l'État et de cet objectif de réindustrialisation.
07:26Est-ce qu'il faut forcément détricoter le droit de l'environnement pour atteindre l'objectif de réindustrialisation ?
07:34Ou est-ce qu'on peut faire en sorte que ce soit compatible ?
07:38Je pense qu'il ne faut pas tout défaire.
07:41Nous avons dans notre droit, notamment dans l'environnement, une surproduction des normes.
07:45On a des régimes qui se complexifient, qui se multiplient.
07:48D'ailleurs, c'est une des critiques des industriels qui s'implantent en France.
07:51Et donc, pour ma part, mieux appliquer les normes que nous avons déjà.
07:56Peut-être mieux aussi penser et réfléchir à la question des sanctions qui, en France, sont bien inférieures à ce qu'on voit aux États-Unis, en Angleterre, en Allemagne.
08:04Cela permet de concilier ces deux enjeux sans forcément passer, mais c'est une habitude française, par une réforme constante de nos textes.
08:13Donc, on empile des normes sans appliquer les précédentes.
08:18C'est ce que je comprends un petit peu de votre réponse.
08:22Si on compare la France au reste de l'Europe ou à un marché comme peut-être l'Amérique du Nord, notre droit de l'environnement se situe où ?
08:30Il est plus protecteur, plus restrictif ou alors plus souple vis-à-vis des grands industriels ?
08:38Déjà, je pense qu'il faut se placer un peu sur le territoire européen.
08:42Les normes sont très harmonisées en quelque sorte maintenant.
08:45Je dirais qu'on a un niveau de protection minimum de l'Europe qui est quand même très élevé, notamment par rapport à nos confrères anglais, certainement par rapport à nos confrères américains.
08:55Mais c'est ce que l'Europe cherche, à juste titre.
08:57C'est qu'on soit leader sur le marché mondial, sur ces aspects-là, et qu'on impose finalement notre vision de protection de l'environnement.
09:06Et qu'on fait de l'Europe un territoire de l'industrie dite 3.0 ou 4.0, c'est-à-dire une industrie vertueuse qui cherche à décarboner tout en conciliant les enjeux de protection de l'environnement.
09:18C'est une conciliation qui n'est pas toujours évidente, mais c'est la tendance qu'on voit en Europe aujourd'hui.
09:23Et le pari qui est fait, c'est peut-être des contraintes aujourd'hui, mais ce sera un atout à moyen terme ?
09:32C'est le pari effectivement que le gouvernement prend, c'est qu'on en fait de nos normes environnementales une force,
09:38on en fait de nos capacités de production vertueuses sur le plan écologique une force.
09:44Il faut que ce soit accompagné par d'autres mesures, c'est-à-dire qu'il faut que la commande publique suit, on doit acheter ce qu'on produit localement.
09:51Il faut aussi qu'on réfléchit à la question des tarifs, du dumping écologique qu'on voit sur le plan européen.
09:57Si on veut fabriquer par exemple des voitures électriques en France, il faut qu'on arrête en quelque sorte de les importer d'ailleurs.
10:04Donc il y a toute une logique globale à réfléchir qui fait que le pari à moyen terme, c'est que la France reste un territoire attractif pour les industriels.
10:13Merci beaucoup Nicolas Walker et à bientôt sur Be Smart For Change.
10:18On suivra évidemment le destin judiciaire de cette loi, de ce texte industrie verte.
10:26On passe à notre rubrique consacrée aux start-up éco-responsables.
10:31Tiens, on va parler jardinage.

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