Le débat des experts entre Philippe Aghion et Jean-Marc Daniel sur la politique industrielle verte de l'Europe.
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00:00 Philippe Aguillon, est-ce qu'on peut raisonnablement envisager la transition écologique sans le nucléaire, comme voudraient le faire les Allemands ?
00:06 Je pense que non. Je pense qu'on a besoin, en tout cas on a besoin d'énergie intermédiaire.
00:13 Entre, alors, le nucléaire, l'avantage c'est que c'est une énergie quand même propre, même décarbonée.
00:19 Les Américains, eux, ils ont fait la révolution du gaz de schiste, en particulier,
00:23 qui leur a quand même permis de dépolluer par rapport au charbon, le gaz de schiste est moins polluant.
00:28 Mais l'idée c'est de dire je peux avoir une énergie de transition, alors le nucléaire je pense c'est encore mieux parce que c'est carrément pas polluant,
00:34 et ça ne veut pas dire que je n'investisse pas, que je n'investis pas dans des nouvelles sources d'énergie,
00:38 renouvelables, ou la fusion nucléaire, ou d'autres, vous voyez, d'autres, l'hydrogène,
00:44 mais je me donne la possibilité d'utiliser cette énergie de transition, tout en maintenant la recherche sur le long terme.
00:52 Et ça, ça me paraît être la meilleure stratégie, parce que ça vous permet de réduire quand même assez rapidement les émissions de CO2,
00:57 sans renoncer, évidemment, à poursuivre la recherche et l'innovation dans le long de l'année.
01:02 Je voulais dire qu'il y a deux instruments importants, l'un c'est les prix, tout ce qui est le prix du carbone,
01:06 et le prix du carbone aux frontières, comme le disait Jean-Marc, ça c'est très important.
01:09 Mais il y a un autre instrument qui est la politique industrielle verte, et le problème en Europe, c'est que l'Europe,
01:14 comme je le dis toujours, c'est un géant réglementaire et un imbudgétaire.
01:17 Il faudrait en Europe une vraie politique industrielle européenne pour construire, pour vraiment faire une politique industrielle d'énergie nouvelle,
01:25 de, vous voyez, une DARPA européenne de l'énergie, qui serait financée par des emprunts européens.
01:32 Mais ça, ça va très à l'encontre de l'Europe hayékienne que nous avons.
01:36 Alors j'ai beaucoup de respect pour Hayek, mais je trouve que l'Europe, c'était très l'idée, il ne faut surtout pas dépenser,
01:40 mais il y a des mauvaises dépenses et des bonnes dépenses.
01:43 Et les bonnes dépenses, c'est tout ce qui est dans la transition énergétique et la croissance, pour moi c'est des bonnes dépenses,
01:47 ce sont des bons investissements. Et l'Europe n'est pas vraiment armée pour, elle ne pense pas de cette manière-là.
01:52 Et il y a ces deux jambes, il y a la jambe des prix du carbone et de la tarification du carbone aux frontières,
01:58 mais il y a l'autre jambe qui est celle de la politique industrielle verte.
02:01 Et la France est pleinement engagée là-dedans, ce qui est une très bonne chose.
02:04 Jean-Marc ?
02:05 Moi, je serais plutôt Hayek dans cette affaire. Je pense que, effectivement, ou alors Pigouvien, c'est-à-dire que...
02:10 Pigouvien, Pigouvien, on est d'accord, on est Pigouvien.
02:12 Pigouvien, c'est-à-dire faire une taxe, effectivement, utiliser le produit de la taxe,
02:16 à contrebalancer les effets négatifs qui sont à l'origine de la taxe.
02:20 Grosso modo, je rappelle Pigou, il voulait mettre une taxe sur les chemins de fer,
02:23 parce que les chemins de fer, les locomotives à vapeur mettaient beaucoup d'escarbilles dans l'atmosphère,
02:28 et ça finissait par mettre le feu.
02:30 Et il dit, il faut utiliser le produit de la taxe, améliorer le fonctionnement des locomotives,
02:34 et à payer les services incendies, pour essayer de lutter contre les incendies qui sont mis dans la nature par les chemins de fer.
02:42 Moi, je pense qu'il faut faire une taxe Pigouvien avec un objectif, je le dis toujours,
02:47 il faut consacrer l'essentiel des ressources de la taxe carbone au financement de l'école des mines.
02:52 Mais de l'école des mines, l'école des mines en tant que symbole de la recherche.
02:57 Et je pense qu'il faut axer cette recherche en priorité,
03:00 vous avez cité mon livre sur cet héritage physiocratique, et le soleil.
03:04 Je pense qu'effectivement, il y a un problème de transition,
03:07 le plus vite on ira vers le soleil, le mieux ça vaudra.
03:10 Le problème du nucléaire, c'est que c'est des investissements très lourds,
03:14 qui ont vocation à durer très longtemps.
03:16 Et donc c'est aussi une menace pour moi de s'enfermer dans une forme de routine en disant,
03:20 on a le nucléaire, on peut attendre, on peut réfléchir pour le solaire.
03:24 Je pense qu'il faut véritablement le solaire, l'éolien,
03:27 alors il y a tout un débat sur l'éolien, les éoliennes et tout ça,
03:29 mais je pense que le renouvelable doit être le centre du financement de notre recherche,
03:35 grâce aux recettes de la taxe Pigovien.