• il y a 20 heures
Face au réchauffement climatique et à ses conséquences sur la biodiversité et l'ensemble des atteintes environnementales, le concert des nations a pris des mesures écologiques pour réduire les émissions de gaz à effet de serre. Dès 2019, l'Union européenne s'est dotée d'un pacte vert ou « green deal » en vue d'une neutralité carbone en 2050 et pour verdir l'ensemble de nos économies, développant notamment des mobilités vertes, des économies d'énergie et des éco territoires. Dans le même temps la Chine et les États-Unis ont consenti d'énormes investissements pour verdir leurs industries et conquérir de nouveaux marchés à base de technologies de décarbonation. Ce qui a fait dire à Luca di Méo, dirigeant de Renault : « les Américains stimulent, les Chinois planifient, les Européens réglementent, d'où la compétition déséquilibrée ». Ce décalage ne fait que s'accentuer durant les crises, qu'il s'agisse des années de covid et de la perte de souveraineté sanitaire qui oblige à un rattrapage pharmaco-industriel, du conflit en Ukraine qui a rendu l'énergie de consommation courante très coûteuse avec un prix de l'électricité en forte augmentation et plus généralement de problèmes financiers macro-économiques (inflation, dette publique) ainsi que de la peine à réindustrialiser de nombreux territoires. On pourrait également évoquer la détérioration du climat social avec la précarisation de l'agriculture et l'industrie automobile qui patine.
Ce climat maussade a obligé l'UE à revenir sur son ambition écologique pour mieux ajuster son économie à la compétitivité internationale et à soutenir une croissance devenue atone.
Cela a conduit les États-Unis à doubler les taxes douanières pour protéger leurs mobilités industrielles décarbonnées .Comme si l'écologie était un frein au développement ,ou en tout cas se trouvait fortement concurrencée par l'économie. Émile Malet reçoit :

Juliette Méadel, ancienne ministre, élue de Montrouge ,présidente de "l'Avenir n'attend pas"
Olivier Lluansi, Délégué aux territoires d'industrie, en charge de l'avenir des politiques industrielles
Jacques Percebois, économiste, professeur émérite des Universités
Pierre Gadonneix, président d'honneur d'EDF, président de Rexécode

Présenté par Emile MALET
L'actualité dévoile chaque jour un monde qui s'agite, se déchire, s'attire, se confronte... Loin de l'enchevêtrement de ces images en continu, Emile Malet invite à regarder l'actualité autrement... avec le concours d´esprits éclectiques, sans ornières idéologiques pour mieux appréhender ces idées qui gouvernent le monde.

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Transcription
00:00Générique
00:02...
00:23Bienvenue dans ces idées qui gouvernent le monde.
00:26Ecologie ou économie, faut-il choisir ?
00:30Face au réchauffement climatique
00:32et à ses conséquences sur la biodiversité
00:35et l'ensemble des attêtes environnementales,
00:37le concert des nations a pris des mesures écologiques
00:41pour réduire les émissions de gaz à effet de serre.
00:44Dès 2019, l'Union européenne s'est dotée d'un pacte vert,
00:48ou Green Deal, en vue d'une neutralité carbone en 2050
00:52et pour verdir l'ensemble de nos économies,
00:55préconisant notamment des mobilités vertes,
00:58des économies d'énergie et des éco-territoires.
01:02Dans le même temps, la Chine et les Etats-Unis
01:04ont consenti d'énormes investissements
01:07pour verdir leurs industries et conquérir de nouveaux marchés
01:11à base de technologies de décarbonation,
01:14ce qui a fait dire à Luca Di Meo, dirigeant de Renault,
01:18les Américains stimulent, les Chinois planifient,
01:21les Européens règlementent,
01:23d'où la compétition déséquilibrée.
01:26Ce décalage ne fait que s'accentuer durant les crises,
01:30qu'il s'agisse des années de Covid
01:32et de la perte de souveraineté alimentaire,
01:35qu'il s'agisse également du rattrapage pharmaco-industriel
01:40aujourd'hui, du conflit en Ukraine,
01:42qui a rendu l'énergie de consommation courante
01:45très coûteuse, avec un prix de l'électricité
01:49en forte augmentation,
01:51et plus généralement des problèmes financiers macroéconomiques,
01:55l'inflation, la dette publique,
01:57ainsi qu'une difficulté à réindustrialiser
01:59de nombreux territoires.
02:01On pourrait également évoquer la détérioration du climat social
02:06avec la précarisation de l'agriculture
02:09et l'industrie automobile qui patine.
02:12Ce climat Mossade a obligé l'Union européenne
02:16à revenir sur son ambition écologique
02:19pour mieux ajuster son économie
02:22à la compétitivité internationale
02:25et à soutenir une croissance devenue à tonne.
02:29Les résultats des dernières élections européennes
02:32abondent dans ce sens.
02:34Cela a conduit les Etats-Unis à doubler les taxes douanières
02:38pour protéger leur mobilité industrielle décarbonée,
02:42comme si l'écologie était un frein au développement,
02:46ou en tout cas se trouver fortement concurrencée par l'économie.
02:50C'est de cela que nous allons vous entretenir
02:53avec mes invités que je vous présente.
02:56Juliette Méadel, vous êtes ancienne ministre,
03:00vous êtes élue de Montrouge
03:02et présidente de L'Avenir n'attend pas.
03:05Olivier Luancy, vous êtes délégué au territoire d'industrie,
03:09en charge de l'avenir des politiques industrielles.
03:12Vous êtes également ingénieur en chef des mines.
03:16Jacques Percevoy, vous êtes économiste,
03:18professeur émérite des universités
03:22et directeur du Créden.
03:24Pierre Gaddonex, vous êtes président d'honneur d'EDF,
03:27vous avez présidé de nombreuses grandes sociétés
03:31et vous êtes aujourd'hui président de Rexecode.
03:42Alors, économie ou écologie ?
03:46La conjoncture nationale et internationale
03:48est aujourd'hui à l'aune d'une situation conflictuelle aggravée.
03:53Tout en prenant en considération
03:55la préoccupation du réchauffement climatique,
03:58est-ce qu'il faudrait lever le pied sur l'écologie,
04:02qui ne serait plus la priorité majeure,
04:05tant les contraintes économiques et sociales
04:08sont prégnantes sur les populations ?
04:10Juliette Méadel.
04:12Vous avez choisi un sujet
04:13qui est au coeur de notre problématique de croissance
04:16et qui est aussi au coeur de notre problématique de survie.
04:20Comment on résout les contradictions
04:22entre l'écologie, l'économie et la croissance ?
04:25Sauf qu'il se trouve que nous n'avons pas le choix
04:28en termes de survie, puisque, comme le disent les spécialistes,
04:31nous avons épuisé toutes les ressources planétaires.
04:35Donc, si nous voulons avoir une chance de survivre,
04:38surtout pour nos enfants, mais à échéance assez brève,
04:41il va falloir qu'on change de modèle économique.
04:43Toute la question est de savoir si nous pouvons continuer à croître,
04:48comme l'ont théorisé depuis Keynes, théoricien de la croissance,
04:52ou s'il faut un peu ralentir, et même beaucoup.
04:56Il y a un terme que je trouve tout à fait porteur,
04:58c'est celui de sobriété économique.
05:01Donc, la question, c'est, est-ce qu'on peut inventer
05:04un nouveau modèle économique sobre,
05:06c'est-à-dire un modèle dans lequel on apprenne à consommer autrement ?
05:11Et un modèle dans lequel les puissances publiques
05:14investissent dans l'innovation,
05:16dans la recherche et dans l'intelligence,
05:18pour pouvoir créer de la richesse,
05:21mais de la richesse sobre,
05:23c'est-à-dire de la richesse qui ne gaspille pas de ressources,
05:26mais c'est aussi de la richesse qui permet aux plus fragiles
05:30de supporter la diminution du rythme, quand même,
05:34de croissance économique,
05:36car il faudra ralentir le rythme de la croissance.
05:40Olivier Luancy, sur cette même question,
05:43la sobriété pour les riches et pour les pauvres,
05:46ou alors il faut trouver un modèle
05:49qui puisse être équitable, si je puis dire ?
05:53Je crois qu'on n'a pas le choix.
05:55Il y a suffisamment de fractures dans notre pays et dans notre monde
05:58pour ne pas en rajouter encore.
06:00Donc, il va falloir effectivement changer de modèle économique.
06:05Il y a une question, un mot qui n'a pas encore été évoqué,
06:08qui reviendra certainement pendant ce débat,
06:11c'est le terme de décroissance, par exemple.
06:13Moindre croissance jusqu'à décroissance ?
06:17Si on regarde l'ensemble des investissements
06:19qui sont nécessaires, par exemple, dans le domaine industriel,
06:23pour faire face à ces enjeux environnementaux
06:25qui ne se limitent pas au réchauffement climatique
06:28ni à la biodiversité,
06:30six des neuf limites planétaires ont été dépassées,
06:33on ne pourra financer ces investissements,
06:35que ce soit dans le privé, dans le domaine industriel
06:38ou dans le public, qu'à condition d'avoir une économie
06:41qui continue à fonctionner.
06:42Donc, un mode de décroissance tel qu'il est prôné par certains,
06:46quand une fois, avec une certaine logique
06:48par rapport à ce qu'il se passe en termes de prélèvements
06:51sur l'environnement, à mon avis, pose une véritable question,
06:55qui est comment pouvons-nous faire ces investissements
06:58qui sont nécessaires si nous perdons la confiance
07:01dans notre modèle économique ?
07:03Un premier point, dans tous les cas,
07:05le modèle de décroissance économique tel qu'il est prôné par certains
07:10me semblerait une impasse.
07:11Ca ne veut pas dire qu'il ne faut pas faire décroître
07:14notre empreinte environnementale.
07:16C'est même, comme ça vient d'être dit,
07:19quelque chose qui est impératif.
07:20Alors, Jacques Percebois, vous êtes économiste.
07:25Quand vous entendez dire un nouveau modèle économique,
07:28vous y croyez ?
07:29Où on est en économie capitaliste
07:32et, disons,
07:35le marché ne dépend pas que de nous.
07:37Donc, est-ce qu'il y a une économie
07:40compatible avec une écologie fonctionnelle ?
07:44Alors, c'est un vaste sujet
07:46d'aborder les relations entre économie et écologie
07:49de ce point de vue.
07:51Dans un premier temps, c'est vrai que les activités industrielles,
07:54en particulier, génèrent des coûts à l'environnement,
07:58d'autant ce qu'on appelle des externalités.
08:00Et donc, il faut en tenir compte,
08:03ça entraîne des coûts pour les entreprises
08:05si l'Etat intervient en réglementant.
08:07Et donc, ces entreprises doivent réagir.
08:11Et la solution, c'est l'innovation.
08:13Et en fait, les contraintes, dans une première étape,
08:16se traduisent dans un deuxième temps par de l'innovation
08:19qui permet de réduire les coûts et les atteintes à l'environnement.
08:23Certains disent qu'il faut limiter la croissance
08:26pour limiter les dégradations à l'environnement.
08:29D'autres disent non.
08:30Historiquement, on peut observer ce qu'on appelle dans la littérature
08:34la courbe en U inversée.
08:36C'est Kuznets, un économiste du XXe siècle,
08:39qui avait mis en évidence cette relation,
08:41qui est controversée.
08:43Tout le monde n'est pas en phase avec ça.
08:45Mais c'est l'idée, finalement, avec le temps,
08:48il y a de l'innovation, les entreprises innovent,
08:50les Etats imposent des contraintes,
08:53et ces contraintes sont source de progrès.
08:55On le voit en Chine.
08:56Pierre Gaddonec, je ne voudrais pas vous réduire
08:59à la portion industrielle, encore qu'elle est très importante.
09:03Mais le grand industriel...
09:04Non, surtout pas.
09:05Mais le grand industriel que vous êtes,
09:08est-ce que vous pensez que les industries ont fait leur part
09:12et est-ce que vous pensez que vous pouvez avoir
09:15un chemin écologique compatible
09:18avec le cahier des charges de l'entreprise ?
09:22Tout à fait. Je dirais que cette conviction,
09:26je me suis forcé que l'institut Rexecode que je préside
09:30puisse y contribuer,
09:31puisqu'au sein de cet institut de conjoncture économique,
09:34nous avons créé un ensemble, un pôle transition énergétique,
09:39et le coeur de la conviction de Rexecode,
09:42c'est de dire que nous avons besoin de la croissance économique
09:46pour financer la transition énergétique.
09:49Donc, est-ce qu'il faut choisir ?
09:51Non, il ne faut pas choisir, on a besoin des deux.
09:53Alors, je reviens, madame, vous avez évoqué la décroissance,
09:57c'est un sujet qui revient
10:01à échéance, je dirais, pas régulière,
10:03mais dans le temps.
10:04Pour ceux qui sont de ma génération,
10:07dans les années 70, il y a eu le club de Rome.
10:09Je sais pas si certains se souviennent,
10:12c'était dans les années 70, le club de Rome,
10:14qui était des intellectuels du monde entier,
10:17sont arrivés à la conviction que c'était pas encore
10:20l'environnement, mais c'était les ressources naturelles,
10:23il fallait absolument réduire la croissance.
10:26C'était pas la décroissance, mais réduire la croissance
10:30qui était la voie.
10:31Bon, clairement, ces conclusions du club de Rome
10:34n'ont pas été suivies par les opinions.
10:3650 ans après, on a oublié.
10:38Et là, je vois aujourd'hui, quand vous parlez de décroissance,
10:41moi, je vois, quand on entend les opinions publiques,
10:44elles ne sont pas du tout prêtes à ça,
10:46mais pas du tout. Ce qui me frappe,
10:49c'est de voir, dans les campagnes électorales
10:51qu'on a eues il y a pas longtemps, le thème du pouvoir d'achat,
10:55ce qui est d'ailleurs un concept un peu confus,
10:57puisque, en fait, le vrai pouvoir d'achat,
11:00c'est le PNB par habitant.
11:01Et tout le monde se dit qu'il faut augmenter le pouvoir d'achat,
11:05c'est-à-dire augmenter le PNB par habitant.
11:08Donc, je pense que, non seulement, on ne peut pas opposer les deux,
11:11mais il faut inclure
11:13les préoccupations écologiques,
11:17de réduction des émissions de gaz à effet de serre,
11:20dans la croissance.
11:22Ma conviction, je pense qu'on y reviendra,
11:24c'est qu'en effet, il y a une opportunité.
11:26Je pense que c'est compatible,
11:28et je pense que pour les industriels, il y a une opportunité,
11:32parce que le marché des technologies
11:34qui permettent de réduire les conséquences sur l'environnement,
11:37il y a des tas de technologies nouvelles,
11:40avec la voiture électrique,
11:41c'est un marché colossal qui intéresse les industriels
11:45et que les industriels doivent être encouragés
11:48pour y investir.
11:50Alors, écoutez, Olivier, lui aussi,
11:52on va déplacer notre regard de la France
11:55vers l'ensemble des pays européens
11:57et voir au-delà, vers la Chine et les Etats-Unis.
12:01Qu'est-ce que vous pensez du reproche qui est fait
12:04à l'Union européenne de produire toujours plus de normes,
12:09alors que la Chine et les Etats-Unis
12:11mettent l'accent sur la conquête des marchés,
12:14et notamment se orienter sur les technologies bas carbone ?
12:18Est-ce que le reproche vous paraît justifié ?
12:21Sans langue de bois.
12:23Alors, oui, en partie.
12:25C'est pas de la langue de bois, mais il faut nuancer.
12:28Le premier point, à mon avis, que vous avez évoqué,
12:31c'est le rôle de l'innovation.
12:33Ca a été évoqué par d'autres intervenants.
12:35L'innovation a son rôle,
12:37mais je pense qu'il faut être transparent.
12:40Vous avez parlé de ne pas avoir de langue de bois.
12:42Vouloir avoir des ambitions environnementales
12:45comme des ambitions de souveraineté a un coût.
12:48C'est-à-dire que, certes,
12:50l'innovation va permettre peut-être de diminuer ce coût,
12:53mais il faut accepter que ces deux exigences-là
12:57auront un coût pour nos concitoyens,
12:59ce qui reboucle avec le pouvoir d'achat,
13:01qui, à mon avis, est central dans le sujet.
13:04Donc, une des conséquences de cela,
13:07c'est que si la façon dont on gère ce surcoût
13:09est différente aux Etats-Unis, en Chine ou en Europe,
13:12et ça l'est par les politiques que nous avons choisies.
13:15Je vais prendre un exemple sur la décarbonation.
13:18La décarbonation aux Etats-Unis
13:20est aujourd'hui soutenue par des subventions publiques,
13:23l'Inflation Reduction Act.
13:25En Europe, on a décidé d'internaliser le coût du carbone
13:28par le quota carbone.
13:29On se crée donc deux univers économiques différents.
13:33Et donc, tant qu'on sera dans ce type de situation-là,
13:37il n'y aura pas de possibilité,
13:39sauf de revoir notre politique commerciale.
13:43Tant qu'on aura des politiques différentes entre ces ensembles,
13:47nous aurons besoin de revenir sur nos politiques commerciales
13:50et aussi, il y aura un impact sur le pouvoir d'achat.
13:53Maintenant, est-ce que l'Europe peut faire différemment ?
13:57Sans doute.
13:58La question n'est pas est-ce qu'elle le peut
14:00parce qu'elle sera amenée à le faire,
14:02parce qu'on est dans un ensemble d'échanges.
14:05La question, c'est à quelle vitesse elle peut changer son logiciel.
14:09C'est surtout ce point-là, à mon avis,
14:11dans nos prochaines mandatures.
14:13On a beaucoup régulé, ça a été le mode,
14:16avec une régulation du marché.
14:18Il y a eu de la planification en Chine,
14:20de l'interventionnisme aux Etats-Unis.
14:23C'est plutôt un mix qui permettra de passer les crises violentes,
14:26la temporalité courte que nous avons.
14:29La question, c'est est-ce qu'on va être capable
14:31de passer par autre chose que la régulation en Europe ?
14:34Les derniers exemples n'ont pas été si encourageants que ça.
14:38Regardez face à l'Iran,
14:39nous n'avons pas été en capacité de faire un fonds européen.
14:43On a laissé les Etats-membres,
14:45si on prend l'exemple des batteries,
14:47subventionner des gigafactories.
14:49On ne les a pas coordonnées au niveau européen,
14:51tant et si bien que la somme des gigafactories en Europe
14:55est supérieure aux besoins que nous en aurons en 2030,
14:58parce que nous n'avons pas planifié,
15:00nous n'avons pas coordonné.
15:01Tout ça, ce sont des carences dans notre dispositif européen
15:05qu'il faudra corriger.
15:07La question, c'est celle de la temporalité.
15:09A quelle vitesse ?
15:10Alors, Jacques Percebois, il y a un point précis
15:14que je vous souhaiterais pouvoir préciser.
15:16Le pouvoir d'achat
15:18est quasiment la préoccupation numéro un des Français.
15:22Est-ce que vous pensez
15:25qu'on peut réduire le coût de l'électricité
15:29très rapidement ?
15:30Ou faut-il attendre que des mécanismes s'enclenchent
15:35au niveau du marché de l'électricité,
15:38au niveau européen ?
15:39Si on raisonne au niveau français...
15:42Oui ?
15:43Au niveau français, le coût de l'électricité,
15:45le coût de production est l'un des plus bas de l'Europe.
15:48Pour le consommateur, il n'est pas le plus bas.
15:51Oui, mais il faut bien produire de l'électricité,
15:54donc le coût des centrales doit être pris en compte.
15:57Le coût du nucléaire est relativement bas.
16:00Le coût des renouvelables est plus élevé,
16:02des subventions ou des compléments marchés.
16:04A côté de ça, vous avez le coût des réseaux.
16:07Aujourd'hui, ce qui est en train de plomber,
16:10c'est le développement accéléré des réseaux.
16:12Les réseaux de transport et distribution,
16:15notamment pour accorder les énergies renouvelables,
16:18ça coûte relativement.
16:19La troisième composante, ce sont les taxes.
16:22On peut réduire les taxes,
16:24ce que le gouvernement avait fait en 2022.
16:26Mais je veux dire, l'électricité, elle a un coût.
16:29Donc, ce coût doit être répercuté sur le consommateur.
16:33Il ne peut pas en aller autrement.
16:35Sinon, c'est le contribuable qui paye.
16:37Juliette Meyad, vous voulez dire un mot
16:39sur la bureaucratie bruxelloise ?
16:41Je voudrais dire quelque chose sur une notion
16:44qu'on n'a pas abordée depuis tout à l'heure,
16:47qui est la régulation mondiale.
16:48Il y a quelques années, l'Organisation mondiale du commerce
16:52jouait un rôle.
16:53Jouait quel rôle ?
16:54Le rôle de fixer des normes,
16:56des exigences en termes de commerce,
16:58des exigences en termes écologiques et de pollution.
17:01Et puis, l'Organisation mondiale du commerce,
17:04qui a échoué globalement dans sa mission première,
17:07on n'en parle plus du tout, alors que c'était la seule instance
17:10qui pouvait permettre d'arbitrer des différends
17:13entre les normes et les systèmes.
17:15Mais la Chine ne respecte pas ces choses-là.
17:17Donc, elle a échoué.
17:18Mais est-ce que ça veut dire, pour autant,
17:21que les Etats doivent se replier soit sur une sphère régionale,
17:24comme au niveau européen,
17:26soit même sur un niveau plus national ?
17:29J'ai l'impression que, comme l'OMC a échoué,
17:32plus personne n'essaye de porter l'idée
17:34d'une régulation mondiale du commerce.
17:36C'est le premier point.
17:38Pourtant, il y a des COP.
17:39On a eu la COP 28, il n'y a pas longtemps,
17:41il y a quelques mois.
17:43Le premier enjeu, c'est comment se fait-il
17:45que les Etats et la France...
17:47Vous avez été, Olivier Luancy, à l'Elysée.
17:51Comment se fait-il que nous n'ayons pas réussi
17:53à porter au plus haut niveau, entre France et Allemagne,
17:57les exigences en termes de normes commerciales
18:00et à se mettre d'accord avec d'autres pays,
18:02et peut-être avec d'autres pays, dans la zone extra-européenne ?
18:06C'est un premier point.
18:08J'ai l'impression qu'on est tous résignés.
18:10Le deuxième point, vous l'avez évoqué,
18:12c'est qu'il n'y a pas de politique commerciale commune en Europe.
18:16Pourquoi est-ce qu'on n'arrive pas à porter nos exigences ?
18:19Il y a d'abord une question, je crois,
18:21de parler de nos concitoyens qui sont plus exigeants que nous
18:25sur les questions écologiques.
18:26Il y a quand même un problème de volonté politique.
18:29Enfin, j'en viens aux industriels.
18:31Alors, pas EDF, qui a fait beaucoup d'innovation,
18:35mais à d'autres.
18:36Prenons le secteur de l'automobile.
18:38Je ne comprends pas pourquoi Toyota est toujours en avance sur nous.
18:42Ca fait 25 ans que Toyota a parfaitement intégré
18:45qu'il fallait pas se précipiter sur l'électrique,
18:48parce qu'ils ont tout de suite vu les problématiques de ressources.
18:52Sauf qu'aujourd'hui, nous, nos fleurons,
18:54nous sommes à fond sur la voiture électrique.
18:57Or, on sait très bien que ça ne va pas marcher.
19:00Donc, pourquoi il y a un tel retard à l'allumage
19:02au sommet de l'Etat et dans les grandes entreprises industrielles,
19:06à l'exception de quelques-uns de nos fleurons ?
19:09Pierre Gaddonex, vous avez entendu ce que dit Juliette Méadel.
19:12Est-ce que vous pensez qu'on peut faire plus sur la régulation
19:17de nos fleurons,
19:18à la fois sur le plan commercial,
19:21mais également au niveau des taxes,
19:25pour empêcher que les Etats-Unis et la Chine
19:29viennent empiéter sur notre marché
19:33et notamment sur toutes ces technologies d'avenir ?
19:37Non, je ne pense pas que ça soit la solution de long terme.
19:42Je pense que mettre des droits de douane,
19:44comme ça vient d'être décidé par les Etats-Unis
19:47et l'Europe est en train de s'y employer,
19:51je pense que c'est un aveu d'échec.
19:54Qu'est-ce que ça veut dire, de mettre ces droits de douane ?
19:57Notamment sur les automobiles électriques.
20:00Ca veut dire qu'on reconnaît que nos continents,
20:02Amérique et Europe, ont pris du retard
20:05pour le développement de la voiture électrique
20:07et que ce retard a été utilisé par la Chine
20:10pour prendre de l'avance.
20:11On met des droits de douane pour se donner du temps,
20:14mais c'est un aveu d'échec.
20:16Ca doit être une solution transitoire,
20:18parce qu'à long terme, la globalisation
20:20et les échanges internationaux sont créateurs de richesses.
20:24Par contre, ce que je voulais dire,
20:26et je reprends ce que vous avez dit...
20:28Quand on regarde l'analyse que nous venons de faire
20:31avec ces codes, c'est de comparer...
20:34La bonne nouvelle, madame, c'est quand même que...
20:37Vous avez raison de constater
20:39que l'Organisation du commerce international
20:41est actuellement en train de perdre de toute son efficacité.
20:45Par contre, la bonne nouvelle,
20:47c'est que ces réunions, tous les ans, des COP...
20:49Petit à petit, au début, c'était un peu frustrant,
20:52parce qu'on faisait des déclarations,
20:54mais il y a eu quand même un progrès.
20:56On est arrivé à l'accord de Paris,
20:58à une prise de conscience mondiale,
21:00c'est vraiment un des cas où il y a une entente mondiale,
21:04qu'il y avait un vrai sujet...
21:05Absolument.
21:07Le COP21, absolument.
21:08Il faut quand même le dire.
21:10Cette COP21, y compris la Chine,
21:12ont reconnu que c'était un vrai sujet
21:14et qu'on allait s'y employer.
21:15Nous, à Rexacode, on a comparé un peu les stratégies
21:18des trois continents, Chine, Etats-Unis, Europe.
21:21Le premier constat, c'est que les trois
21:24ont l'intention de tenir l'objectif.
21:26L'objectif à 2050,
21:29tout le monde continue à le...
21:31Sauf que les Chinois en demandent 10 ans de plus,
21:34mais pour les autres, tout le monde y croit.
21:36Par contre, les stratégies pour le mettre en oeuvre
21:39sont totalement différentes.
21:41Dans les stratégies, il y a toujours...
21:43Tu l'as dit, c'est qu'il y a une partie d'action
21:46sur la demande et une partie d'action sur l'offre,
21:49c'est-à-dire encourager les industriels à innover.
21:52L'Europe a privilégié la réglementation.
21:55C'est une tradition européenne, ça date pas d'hier,
21:58mais il y a aussi une raison qu'il faut bien voir.
22:01C'est que l'Europe, dans sa Constitution,
22:04n'a pas le pouvoir de faire des actions budgétaires,
22:09des actions fiscales.
22:10D'ailleurs, l'énergie n'est pas une compétence européenne.
22:14C'est une compétence nationale.
22:15Donc, l'Europe a eu tendance à utiliser les outils
22:18dont elle disposait, la réglementation.
22:21Alors, Ami, percevois, tu es très content,
22:24on a privilégié les permis d'émission de CO2.
22:26C'est un sujet qui a été bien développé.
22:29Et donc, l'Europe est devenue leader
22:32dans la mise sur le fait de donner un coût au CO2.
22:36Et ça fonctionne.
22:37Le problème, c'est que les autres ne le font pas.
22:40Et donc, ce système augmente les coûts de production.
22:44Alors, je pense que, et Lurcy l'a dit,
22:47je pense que l'Europe va être obligée
22:49de réorienter son action,
22:52cette idée est en train d'apparaître,
22:54petit à petit, c'est pour privilégier l'offre,
22:57l'innovation et la production.
23:00Pierre Gardonex, il y a quand même un problème,
23:02spécifiquement français.
23:04Sur le plan industriel,
23:07ou dans le PNB, le produit national brut,
23:10l'industrie représente à peu près 10 %.
23:14En Allemagne, c'est 20 %.
23:16En Italie, c'est 17 %.
23:18Ou à peu près. Enfin, le chiffre est voisin.
23:21Mais il y a donc un problème.
23:23Est-ce qu'au regard des normes européennes,
23:27au regard de la concurrence mondiale,
23:30est-ce que la France peut, dans ce contexte,
23:33réindustrialiser vers des industries d'avenir ?
23:36C'est, mot pour mot, ce que je pense être
23:39la conviction que nous essayons de promouvoir.
23:42Il y a une opportunité, aujourd'hui,
23:44de réindustrialiser la France sur, justement, les technologies.
23:48Il y a un marché colossal.
23:50Et la Chine a une avance,
23:52mais cette avance, on peut la rattraper.
23:54Et j'ajouterais, pour reprendre un point,
23:57c'est qu'on a une avance sur un sujet,
23:59mais on a une compétence distinctive,
24:02comme on dit, qui est le nucléaire.
24:04Nous avons, en Europe, un leadership
24:06dans la compétence nucléaire.
24:08On peut très bien faire la double bénéfice,
24:12c'est-à-dire, un, développer la production
24:14d'électricité nucléaire, ce qui réduit les émissions de CO2,
24:18et deuxièmement, créer de l'emploi en France,
24:20exporter des centrales nucléaires.
24:22L'idée de pouvoir relancer le nucléaire
24:24avec moitié de centrales construites à l'étranger
24:27et moitié en France, c'est un exemple
24:29de réindustrialisation de la France.
24:31Vous êtes...
24:33Il y a quand même quelque chose.
24:34Ce que doit faire, si vous me permettez,
24:37la France, c'est qu'il faut investir beaucoup plus
24:40dans l'innovation, la recherche et l'intelligence.
24:42Mais on n'est pas un très petit bras.
24:44Ca ne veut pas dire qu'il faut considérer
24:47que le technosolutionnisme, comme disent les écologistes,
24:50n'est pas du tout. Il faut chercher autrement.
24:53Mais pour chercher autrement, il faut chercher beaucoup.
24:56Il faut qu'il y ait beaucoup d'argent dans la recherche.
24:59Si le secteur public ne peut pas le faire,
25:01le secteur privé pourrait s'en emparer.
25:03La grande différence, vous avez raison,
25:05c'est que tout ça demande de l'argent.
25:08J'ai oublié pourquoi, en plus, l'Europe n'a pas tendance
25:11à utiliser les systèmes à l'américaine,
25:13des subventions massives, c'est qu'on a un problème de ressources.
25:17Bruxelles n'est pas autorisée à le faire
25:19et les pays comme la France n'ont pas des moyens,
25:22des finances qui permettent de le faire.
25:24Aux Etats-Unis, vous avez raison,
25:26ce qui est en train d'apparaître, on ne le voit pas bien,
25:29c'est qu'il y a beaucoup d'investissements privés,
25:32notamment les GAFA, les grands groupes performants
25:35et qui gagnent beaucoup d'argent, ils sont en train d'investir.
25:38Pourquoi ? Parce que ce sont les grands consommateurs d'énergie.
25:42On ne le dit pas beaucoup, mais l'intelligence artificielle
25:45consomme énormément d'électricité.
25:47Ceux qui sont des pollueurs, ils sont en train d'investir
25:51pour voir comment réduire les émissions de sol.
25:54Une seconde.
25:55Une seconde.
25:56J'ai visité ça en Chine.
25:58Il y a dix ans, ils ont investi massivement
26:00dans le solaire, dans l'épanouissement.
26:03Quand ils décident, comme c'est une dictature,
26:05c'est assez massif.
26:07Permettez-moi de revenir à la France,
26:09Jacques Percebois, sur cette réindustrialisation
26:12dont on dit qu'on a tous les atouts dans le nucléaire,
26:15mais qui ne se fait pas.
26:18En termes globaux, au niveau du produit national brut,
26:22ça n'apparaît pas.
26:24Il faut voir aussi que, dans certains cas,
26:26le protectionnisme peut être utile.
26:28Je suis d'accord avec Pierre Gaddonex.
26:30Sur le long terme, le protectionnisme,
26:33ce n'est pas la solution.
26:34On parle souvent d'un protectionnisme éducateur
26:37pour protéger des industries dans l'enfance.
26:40C'est une thèse bien développée.
26:42Je l'ai évoquée.
26:43J'observe aussi qu'il n'y a pas seulement les normes nationales.
26:46Il peut y avoir l'impact des populations.
26:49Je prends un exemple très concret.
26:51Dans les années 1980,
26:52Rohn-Poulenc raffinait à peu près 50 %
26:56de la demande de terres rares à l'échelle mondiale.
27:00Il y a eu une pression très forte des populations
27:03pour délocaliser l'entreprise, qui est allée en Chine.
27:06Aujourd'hui, on a besoin de ces terres rares.
27:09Le raffinage se fait à 90 % en Chine.
27:11On est obligés, en quelque sorte, de faire revenir ce raffinage.
27:15J'observe aussi qu'il n'y a pas que les règles en vigueur.
27:19Ce sont les subventions.
27:20Une étude récente de Rosta montre
27:22que les subventions à l'industrie en Chine
27:25sont démesurées par rapport à ce qu'on observe dans les autres pays.
27:29D'accord pour la compétition, pour la concurrence,
27:31à condition que ça se fasse dans des conditions d'équité.
27:35Or, ce n'est pas le cas.
27:36C'est l'absence...
27:37Vous faites tous un constat de manque,
27:42voire de déchéance,
27:44mais moi, je voudrais, Olivier Lehanci,
27:46vous nous disiez qu'est-ce qu'il faut faire
27:49pour que la part de l'industrie décarbonée,
27:53l'industrie d'avenir, l'industrie des technologies d'avenir,
27:58croisse de manière à ce qu'au sein du PNB,
28:02on approche de ce que font l'Allemagne ou l'Italie.
28:06Concrètement. Soyons constructifs.
28:09Le premier point qu'il faut redire,
28:11c'est le lien entre votre question
28:13et le sujet de la décarbonation.
28:15Réindustrialiser la France, c'est décarboner notre économie
28:19et diminuer globalement les émissions de CO2.
28:22Nous importons 50 % de notre empreinte de CO2.
28:25Premier point.
28:26Deuxième point, je pense que c'est assez caractéristique
28:30dans ce débat. Nous avons une conviction
28:32qui est sans doute héritée des politiques
28:34qu'il faut tirer l'industrie par un certain nombre de filières.
28:38On a un peu oublié que lorsqu'on a fait le TGV,
28:42les centrales nucléaires, la Caravelle, etc.,
28:45on était dans les 30 glorieuses,
28:47où la France avait aussi un tissu industriel
28:50qui augmentait de base, de biens de base,
28:53qui augmentait et qui croissait avec la consommation des ménages.
28:57Une des raisons, à mon avis,
28:58pourquoi, depuis 2009, on a déclaré
29:00qu'on voulait faire la réindustrialisation de la France,
29:03on est en 2024, on est à peu près toujours à 10 %,
29:06l'une des raisons, c'est que nous avons voulu tirer par le haut
29:10et nous n'avons pas soutenu par un tissu industriel dense.
29:13Une des réponses que vous évoquez,
29:15c'est densifier le tissu industriel français
29:18en s'appuyant sur le tissu existant.
29:21Les deux tiers de notre gisement de projets
29:23pour réindustrialiser, c'est les PMI et les ETI
29:26qui existent sur le terrain.
29:28C'est pas l'hydrogène, elle a sa place,
29:30mais ces nouvelles filières, ça pèse que 30 % de notre potentiel.
29:34Deuxième élément, on produit pas pour produire,
29:37on produit pour vendre.
29:38On marche sur un seul pied,
29:41on soutient la production,
29:43on ne va pas stimuler la demande
29:46pour le Made in France ou le Made in Europe.
29:48Nous avons rien sur ce sujet.
29:50La préférence communautaire des achats
29:53ne fait pas l'objet d'un consensus en Europe.
29:55On est dans l'interdiction européenne
29:58de faire de l'achat public Made in France,
30:00même si d'autres en Europe sont bien meilleurs que pour nous,
30:04et nous ne valorisons pas la fierté de nos produits
30:07auprès de nos consommateurs.
30:08Je vais vous donner un chiffre.
30:10Si les trois déciles ayant le plus de pouvoir d'achat,
30:13parce qu'il ne faut pas opposer fin du mois et fin du monde,
30:17donc je me concentre sur les ménages qui en ont les moyens,
30:20dépensaient un euro en plus par jour,
30:23350 euros sur l'année,
30:25pour acheter des produits Made in France,
30:28à peu près 30 % plus chers que l'importation,
30:30nous générerions 15 milliards d'euros de production
30:34Made in France supplémentaire.
30:36C'est un quart de notre déficit
30:38commercial manufacturé.
30:40Ce levier du Made in France ou Made in Europe
30:43est complètement absent de nos politiques.
30:46Vous dites que c'est absent.
30:48Vous êtes conseiller pour ces politiques industrielles.
30:51Comment vous n'arrivez pas à mettre en action ces choses-là ?
30:56On a une logique, on est dans nos rôles, comme vous l'avez dit.
30:59Je finis une mission de réflexion sur les politiques industrielles.
31:04Je fais le constat qu'on a aidé des filières émergentes,
31:07on s'est focalisés sur l'innovation,
31:09que ça ne suffit pas, il faut densifier
31:11le tissu industriel de base, et que nous ne réussirons pas
31:15à faire cette réindustrialisation décarbonée
31:18si nous ne travaillons pas sur la demande.
31:21Je ne suis pas élu, je ne suis pas ministre,
31:23je ne suis pas aux positions de décision,
31:26je suis en position de conseiller, vous l'avez dit.
31:28Est-ce que c'est vrai que la France territoriale,
31:33au niveau de ces territoires,
31:35présente des distorsions considérables
31:38concernant l'industrialisation ?
31:41C'est-à-dire qu'il y a des territoires
31:44qui sont laissés en friche alors qu'on pourrait les rehausser
31:48avec un désir d'industrie...
31:51Vous avez évoqué là une deuxième question.
31:54Ca avait été fait du temps de François Hollande.
31:57On réindustrialise pour décarboner,
31:59on réindustrialise aussi pour faire de la cohésion des territoires.
32:04Un des drames de la désindustrialisation,
32:06c'est que ça a laissé des dizaines, des centaines de sous-préfectures
32:10sans activité, création de richesses endogènes.
32:14Et à ce moment-là, effectivement, on a une déprise économique.
32:18On a un cercle vicieux économique
32:20qui devient un cercle vicieux social,
32:22puis, après, politique, que l'on constate depuis des années.
32:26Ca, c'est une réalité.
32:27Je pourrais finir, s'il vous plaît ?
32:29L'autre point, c'est qu'il n'y a pas de fatalité.
32:32Ce que j'ai constaté par territoire d'industrie,
32:35c'est que tout territoire, il n'est pas à côté d'un port,
32:38d'une autoroute.
32:39S'il veut prendre en main son destin économique,
32:42il peut réussir.
32:43Il y a de très beaux exemples.
32:45Prenez Fijac, par exemple,
32:47qu'on peut dire un territoire enclavé
32:49qui a une industrie autour de l'aéronautique
32:51qui est fantastique.
32:52Il n'y a pas de fatalité.
32:54Tous les territoires peuvent redévelopper
32:56une activité industrielle pour améliorer leur cohésion.
33:00La politique industrielle, ça a un sens.
33:02C'est pas un 20 mots.
33:04Il y a à peu près une dizaine d'années,
33:06nous avons, quand j'étais membre du gouvernement de France,
33:09et avant que j'y entre, Arnaud Montebourg avait lancé,
33:12avec le soutien du Premier ministre de l'époque,
33:15cette idée qu'il fallait réindustrialiser.
33:17Il y avait des outils.
33:18Avant que la gauche ne soit au pouvoir,
33:21la droite avait déjà touché ce point du doigt
33:23et avait lancé les pôles de compétitivité.
33:26C'était cette idée de découper le territoire
33:28et des synergies entre des industries,
33:30des universités et la recherche.
33:32Il y avait une volonté politique,
33:34que ce soit la droite ou la gauche,
33:36de le lancer.
33:37C'est pas vrai de dire que les préfectures
33:39assistent impuissamment à la désindustrialisation.
33:42Il y a des territoires, en particulier dans les Hauts-de-France,
33:46où, même aujourd'hui,
33:47même sous un gouvernement relativement libéral,
33:50il y a des préfets qui parviennent à attirer des industriels,
33:53y compris dans le domaine énergétique.
33:55Juliette Merden.
33:57Donc, ce que je veux dire, pardonnez-moi,
33:59mais j'insiste, c'est que ça n'est pas vrai
34:01de dire qu'on ne peut rien faire et que la volonté politique suffit.
34:05Vous n'êtes pas ministre de l'Industrie,
34:07donc je vous le concède, c'est plus compliqué pour vous,
34:10mais vous êtes en responsabilité.
34:12Il y a une possibilité d'agir plus vite,
34:15c'est ce que nous disions au début de cette émission.
34:17Pierre Gaddonex, on ne va pas trancher,
34:20mais il y a un point que je voudrais vous faire préciser.
34:23Est-ce que le principe de précaution,
34:26tel qu'il est gravé,
34:29quasiment d'un point de vue institutionnel
34:33et qui consiste à s'abstenir face à un risque inconnu,
34:38est-ce que ça n'est pas ennuyeux
34:41pour notre développement économique, social et écologique ?
34:46Est-ce qu'il n'y a pas, de là, trop d'idéologie,
34:49si je puis dire, dans ce principe de précaution ?
34:53La façon dont vous posez la question...
34:55Non, non, je vous pose la question.
34:57La vie même, c'est une prise de risque.
34:59La vie est une prise de risque.
35:02Et ceux qui gagnent, ce sont ceux qui prennent des risques.
35:06Je voyais, quand j'étais étudiant à l'université,
35:10à Harvard, on me disait,
35:11high risk, high return, il n'y a pas de miracle.
35:14Pour réussir, il faut prendre des risques.
35:16Ce que je voulais dire sur la réindustrialisation,
35:19vous me dites qu'il y a 10 ou 15 ans qu'on se préoccupe
35:22de réindustrialisation, ce qui est exact.
35:24D'ailleurs, la baisse de la part de l'industrie dans le PNB
35:27est stable depuis une dizaine d'années,
35:29mais ça a baissé de moitié en 50 ans.
35:32De moitié.
35:33Tout ce que vous avez dit, je le partage,
35:35mais vous n'avez pas soulevé un point qui est quand même,
35:38pourquoi il n'y a pas plus d'investissements
35:41de réindustrialisation en France ?
35:43Pourquoi ?
35:44Je pense qu'il y a aussi un problème de ressources.
35:47Les investisseurs, que ce soit public...
35:51Alors, les Etats-Unis ont des moyens,
35:55puisqu'ils peuvent faire de la dette sans limite.
35:58La souveraineté américaine permet de faire de la dette,
36:01d'imprimer les dollars sans que personne ne s'en occupe.
36:04C'est pas le cas de la France, de l'Europe.
36:06Nous sommes contraints.
36:08L'Europe ne peut pas faire l'Ira.
36:09Elle n'a pas réussi à faire l'Ira.
36:11Constitutionnellement, l'Europe n'en a pas les moyens,
36:14et financièrement non plus.
36:16Encourager l'investissement privé.
36:18L'Europe a de l'épargne.
36:20Et vous savez, ce n'est pas dit souvent,
36:22mais vous savez où elle va, cette épargne.
36:25Une grande partie va aux Etats-Unis.
36:27Donc, les productions qu'on voit aujourd'hui
36:29qui reviennent dans des technologies nouvelles,
36:32ont souvent été financées par l'épargne française.
36:35Et nous, face à ces importations, on fait la réglementation.
36:38Donc, je pense qu'il faudrait encourager l'investissement.
36:42Une des idées que nous développons avec ces codes,
36:44c'est que, dans le financement,
36:46il faudrait peut-être privilégier, dans l'action publique,
36:50la garantie, plutôt que le financement direct.
36:52C'est que l'Etat soit garant.
36:55Et peut-être que l'investissement privé
36:59s'orientera plus facilement sur des investissements
37:02de réindustrialisation en France,
37:04s'il y a une garantie.
37:06Pierre Gadonex, juste une précision.
37:09Vous êtes ce qu'on appelle un grand patron.
37:12Dans l'éducation, on aurait dit un mandarin.
37:14Mais j'ai toujours été dans le secteur public.
37:17Oui, mais là, bon...
37:18Il y a un petit détail.
37:20Regardez.
37:21Regardez les rémunérations, vous verrez,
37:23c'est pas tout à fait la même.
37:25Avec Rex & Code, vous touchez aussi aux entreprises privées.
37:29Est-ce que vous pensez, quand...
37:31Je vais vous dire, moi, comme M. Lambda,
37:34quand je vois les profits des entreprises du CAC 40...
37:38Oui.
37:39Ces profits sont importants.
37:41Est-ce qu'il peut y avoir une incitation de l'Etat
37:46pour orienter une partie de ces profits
37:50vers l'état économique, social et écologique
37:55dont est victime la France ?
37:57Quand je parlais de l'épargne privée,
37:59il y a les particuliers, mais aussi les entreprises.
38:02C'est exactement ce dont je parlais.
38:04Comment peut-on les mettre en contribution ?
38:07D'abord, les gens ne feront pas un patron d'entreprise privée,
38:10ce qui est contraire à ses intérêts.
38:12Donc, il faut concilier l'intérêt des entreprises
38:15avec l'intérêt public.
38:17Pour ça, je reviens à mon idée,
38:19qui est l'idée de Rex & Code,
38:21c'est d'avoir des systèmes de garantie.
38:23Vous prenez des risques,
38:25si vous faites des profits, les profits seront pour vous,
38:29et on vous protège des pertes.
38:31Oui, attendez, attendez.
38:32Laissez-moi un peu ordonner, là.
38:34On peut l'appeler ?
38:36Oui, mais plus les lains sont dettes,
38:38plus c'est coûteux.
38:40Je vais vous donner la parole à chacun,
38:42mais Jacques Percebois l'a demandé depuis un moment.
38:45Il y a également une dimension culturelle.
38:47Dans l'esprit de beaucoup de dirigeants,
38:50le progrès technique, le développement
38:52s'accompagne d'une tertiarisation de la production.
38:55Les services l'emportent sur l'industrie.
38:57L'industrie, c'est un peu ringard,
38:59ce qui est moins vrai aujourd'hui.
39:01Avec les industries de haute technologie,
39:03c'est plus tout à fait le cas.
39:05Mais il y a un goulot d'étranglement potentiel
39:08qui peut expliquer certaines difficultés.
39:10Le goulot d'étranglement, c'est la formation.
39:13On manque, probablement, de compétences
39:15dans certains domaines industriels.
39:17Et ça entraîne, dans le domaine des ingénieurs,
39:20des techniciens supérieurs, et on l'a vu récemment,
39:23y compris dans la filière nucléaire.
39:25Un manque d'ingénieurs, global, mais...
39:27Oui, Olivier Luancy ?
39:28Deux ou trois petits points.
39:30Le premier, c'est sur l'épargne.
39:32Pour faire notre réindustrialisation,
39:34à l'horizon de 10 ans, on a besoin de 200 milliards d'euros
39:37d'investissements productifs supplémentaires.
39:40C'est l'essence de notre épargne.
39:42Nous avons de l'argent, et comme vous le soulignez,
39:45les Français détiennent 260 milliards d'euros
39:47de bons de trésor américains.
39:49C'est à peu près la même somme, ce qui est assez ironique,
39:52voire un peu sidique.
39:54La question, c'est comment on oriente cette épargne.
39:57Comme le rendement, le retour sur investissement
39:59dans l'industrie est plus lent que dans les services,
40:02ça ne se fera pas sans incitation publique,
40:05d'une manière ou d'une autre.
40:07Le deuxième point sur la formation,
40:09j'attire votre attention sur le fait que nous formons
40:12à peu près 225 000 personnes
40:13sur des métiers industriels par an en France.
40:16Or, il n'y en a à peu près que la moitié
40:18qui rejoignent ces métiers.
40:20On forme des gens qui ne vont pas vers ces métiers-là.
40:24Le sujet est moins un sujet de formation,
40:26de carte des formations, il l'est,
40:28de bonnes compétences, de bons endroits,
40:30que d'attractivité des métiers industriels,
40:33de l'image qu'ils ont chez les parents,
40:35chez les professeurs,
40:36et, quelque part, dans le corps social.
40:39Le dernier point, je pense qu'on ne l'a pas encore évoqué,
40:42je voudrais qu'on prenne un peu de temps.
40:44Si on veut faire cette réindustrialisation,
40:47si on veut conserver un niveau de croissance économique,
40:50tout en respectant, tout en étant confrontés
40:52aux limites planétaires,
40:54nous n'aurons pas d'autre choix
40:56que de réinventer les produits
40:58que nous consommons,
41:01sur leur durabilité, sur leur circularité,
41:04sur la sobriété de consommation
41:07qu'ils vont engendrer.
41:08Je vous prends un exemple tout simple.
41:11Si nous prenons un lave-vaisselle
41:13qui serait produit dans des normes environnementales
41:16et sociales en Europe par rapport à un produit importé,
41:19disons qu'il soit 20 % plus cher pour un ménage,
41:22et on a la contrainte du pouvoir d'achat.
41:24La seule manière de rendre compatibles
41:26exigence environnementale et pouvoir d'achat,
41:29c'est de dire que ce produit est 20 % au moins plus durable,
41:32afin que, globalement, ça n'impacte pas le pouvoir d'achat.
41:36Ca pose véritablement la question de la réinvention des produits,
41:39de la durabilité, en plus de la sobriété.
41:42Un point de détail.
41:43Je suis d'accord sur la formation.
41:45On forme des ingénieurs très compétents
41:48et une bonne partie va dans la finance.
41:50Moins aujourd'hui.
41:51Moins aujourd'hui, mais ça va quand même dans la finance.
41:54Pourquoi ? Ou dans des métiers plutôt du tertiaire.
41:57D'abord, parce qu'il y a un effet d'image,
42:00mais aussi une rémunération.
42:02Oui, alors, Juliette Gardel, je vais vous donner la parole.
42:05D'ailleurs, je voudrais qu'on précise un point,
42:08parce qu'on tourne autour du pot
42:11sans essayer de discerner les problèmes
42:15entre écologie et économie.
42:18La question que je voudrais vous poser,
42:20c'est que, dans nos sociétés démocratiques,
42:23aujourd'hui, on le constate,
42:25il y a une archipélisation
42:27à la fois des votes, des opinions, etc.
42:31Les ONG,
42:34les ONG de l'environnement,
42:37peuvent-elles être manipulées quelquefois,
42:39quand elles sont trop militantes ?
42:42Et est-ce qu'à votre avis,
42:44est-ce qu'il n'y a pas, là,
42:46une entrave au développement économique chez nous
42:51par rapport au développement économique que l'on attend ?
42:55Donc, c'est pas mettre en cause l'écologie,
42:58mais c'est mettre en cause
43:00une influence délétère, si vous voulez,
43:03que certaines puissances, pour ne pas les citer,
43:06mais en tout cas des régimes autoritaires,
43:09ont sur ces ONG
43:10pour entraver le développement économique
43:14d'une manière perverse.
43:16Je ne sais pas si les ONG dont vous parlez
43:19ont réellement des intérêts
43:22à détruire le tissu économique français.
43:24Je ne veux pas aller sur ce débat-là.
43:26Vous avez raison et vous posez une très bonne question.
43:30Les mouvements écologistes,
43:31c'est-à-dire les mouvements politiques en France
43:34qui sont censés représenter l'écologie,
43:37ont des propositions alternatives, crédibles et efficaces
43:40en termes de transformation de notre modèle.
43:43Je suis frappée de voir que ceux que l'on appelle
43:45Europe Écologie Les Verts, ou je ne sais plus comment ils s'appellent,
43:49nagent en pleine incohérence
43:51sur le plan du modèle économique alternatif.
43:54C'est-à-dire qu'à la fois, ils sont totalement antinucléaires
43:57et en même temps, ils sont incapables de proposer
44:00comment concrètement on arrive à produire
44:03de la croissance décarbonée.
44:05Donc il y a une impasse sur le plan du modèle économique.
44:08Je vous rejoins. Le deuxième point...
44:10Implicitement, il y a les décroissances.
44:13Evidemment.
44:14Je trouve qu'aujourd'hui, nous n'avons pas
44:17de représentation de ce que devrait être l'écologie
44:20à la hauteur de la situation.
44:22Les Verts allemands, ce n'est pas mieux.
44:24L'enjeu, c'est d'arriver à réinventer
44:27un modèle économique, écologique, réaliste,
44:31acceptable, sans pour autant balayer avec virulence
44:37toutes les initiatives qui sont prises.
44:39Il y a quand même des situations de blocage de terrain
44:42dans certaines zones en France,
44:44à chaque fois qu'il y a des innovations économiques
44:46qui posent question dans les transports,
44:49dans le domaine énergétique ou industriel.
44:51Moi, je trouve que ce qu'il faut dire aujourd'hui,
44:53c'est que l'Etat ne fait pas rien.
44:55Par exemple, le crédit d'impôt recherche,
44:58qui est une façon pour les gouvernements
45:00d'inciter les entreprises à faire de la recherche.
45:03Il essaye. Ca coûte des milliards d'euros.
45:05Mais je pose une question aux chefs d'entreprise
45:08que vous êtes. Y a-t-il réellement,
45:10pour l'intérêt général, des répercussions
45:12de ces incitations, via, par exemple,
45:15le crédit d'impôt recherche,
45:16à aller vers de la recherche, de l'innovation
45:19et probablement aussi de l'innovation verte ?
45:21Est-ce qu'il y a un retour sur investissement pour nous ?
45:24C'est pas certain. Donc, en fait,
45:26on a des programmes politiques pas réalistes
45:30et on a une action de l'Etat qui peine à être efficace
45:34lorsqu'il veut soutenir la recherche et la croissance.
45:37Conclusion, il faut repenser complètement
45:40avec des économistes de pointe.
45:42Moi, je pense à M. Jankovici,
45:44qui a quand même pensé une façon, à la fois,
45:47de rendre compatibles nos limites planétaires
45:49et nos exigences de production de richesses.
45:52Il faut penser avec ce type de modèle économique-là,
45:55qui accepte le nucléaire,
45:57et il faut aussi penser, c'est le deuxième point,
46:00dans un système mondial.
46:02Il faut mener la bataille entre chefs d'Etat
46:04de toutes les grosses zones économiques
46:07et avec des grands industriels.
46:09Je me souviens quand même d'un point,
46:11et j'en finirai là, au moment de la Deuxième Guerre mondiale,
46:15quand il fallait terminer, vous avez tous vu Oppenheimer,
46:18ce film, sur la bombe atomique.
46:20-"Presque tous".
46:21-"Presque tous".
46:22Bref, il y avait un enjeu, c'était tragique,
46:24puisqu'il y avait un enjeu pour terminer la guerre.
46:27On a enfermé des chercheurs dans un endroit,
46:30on les a coupés du monde, on leur a dit qu'il fallait trouver
46:33une solution. Je ne dis pas que la bombe atomique
46:36est une bonne solution. Sauf que quand il y a un péril,
46:39peut-être qu'il faudrait que les meilleurs chercheurs,
46:42les meilleurs industriels, soient enfermés dans un fort
46:45pendant un an et qu'on leur dise...
46:47Et qu'on leur dise,
46:48trouvez-nous le moyen d'avoir un système économique
46:51qui produit de la richesse sans polluer
46:54et qui nous permette de nous en sortir.
46:56Ce qu'on peut faire là-dessus aujourd'hui,
46:58c'est que ce type de fonctionnement-là,
47:01de pensée, je dirais, descendante,
47:03ne fonctionne plus.
47:04Moi, je suis estomaqué,
47:05j'en suis plutôt issu par mon parcours,
47:08je suis estomaqué de voir que sur les sujets,
47:10notamment de liens entre l'environnement,
47:13l'économie et le social,
47:14l'innovation se passe dans les territoires,
47:17parce que, justement, à ce niveau-là,
47:19on arrive à désiloter les choses,
47:21les différents acteurs arrivent à se parler entre eux
47:24et qu'on y arrive beaucoup moins
47:26plus on monte dans les différents niveaux
47:28d'organisation politique.
47:30Le deuxième point, c'est qu'il faut être réaliste.
47:33Aujourd'hui, la France a fait 3 % du PIB,
47:36nous n'avons pas le poids nécessaire
47:39pour peser seule face aux différentes continents puissants.
47:43Par l'intermédiaire de l'Europe, nous le pourrions,
47:46c'est le projet européen,
47:48et aujourd'hui, nous avons beaucoup de mal, sur ces sujets-là,
47:51à trouver un consensus.
47:53Je parlais tout à l'heure de la préférence communautaire,
47:56parce que nous avons des systèmes économiques différents,
47:59énormément de subventions cachées en Chine,
48:01puisqu'il y a zéro système d'aide
48:03qui ont été déclarés par les Chinois à l'OMC,
48:06alors que c'est une obligation de leur signature.
48:08L'Ira américain, un gaz à 6 dollars le mégawatt-heure,
48:12quand en France et en Europe,
48:13revient avec le CO2 à 45 euros par mégawatt-heure.
48:17Vous voyez ces différences.
48:19Dans ce monde-là, l'Europe devrait réussir à se défendre en commun.
48:24Aujourd'hui, c'est un constat, c'est regrettable,
48:27mais il ne faut pas non plus dire qu'il faut faire juste de la pensée.
48:30Nous n'arrivons pas à peser dans ce monde.
48:33Ce que l'on entend aujourd'hui,
48:35dans le monde politique, dans le monde économique,
48:38dans le monde social, dans les milieux écologiques,
48:41c'est parler de souveraineté.
48:43On entend parler de souveraineté alimentaire,
48:47de souveraineté sanitaire,
48:49de souveraineté écologique, de souveraineté industrielle.
48:54Est-ce que vous croyez possible
48:57cette notion de souveraineté
49:00et à quelle échelle vous la situez ?
49:02Qu'est-ce qui peut être une souveraineté au niveau français ?
49:06Qu'est-ce qui peut être une souveraineté au niveau européen ?
49:09Et qu'est-ce qui peut, finalement, être aucune souveraineté
49:14parce que le marché est libre et sans frontières ?
49:17Pierre Gaddonex.
49:18Il se trouve qu'il y a quelques jours,
49:20le Conseil d'Etat a fait un rapport sur ce sujet
49:23et m'a interrogé.
49:24En ce qui concerne la souveraineté,
49:26la seule région du monde qui peut prétendre
49:29avoir une souveraineté tous azimuts,
49:31c'est-à-dire décider ce qu'elle veut
49:33sans se préoccuper des restes du monde,
49:35il n'y a qu'un seul continent, les Etats-Unis.
49:38Il n'y en a pas d'autres.
49:39Pour nous, la souveraineté tous azimuts,
49:42c'est impensable. On est dépendants des autres.
49:44Que faire pour avoir le maximum de marge de manoeuvre ?
49:48Alors, je dirais, premièrement,
49:50il faut absolument identifier des secteurs de compétences
49:54où nous sommes en position d'être dominants dans le monde,
49:58c'est-à-dire d'avoir vraiment des domaines de compétences.
50:01Je parle en matière industrielle. On en a.
50:03L'aéronautique a l'évidence en état.
50:07L'automobile, l'été,
50:10le passage du thermique, à mon avis,
50:14très mal négocié vers l'électrique.
50:16Très mal négocié, parce qu'on s'est fixé des contraintes
50:20pour dire qu'en 2030, 2035, on n'aura plus de voiture thermique,
50:23mais on n'a pas fait ce qu'il fallait en amont
50:26pour préparer l'industrie, alors que les Chinois l'ont fait,
50:29donc ils ont un boulevard.
50:31Un autre domaine, par exemple, c'est le nucléaire.
50:33Le nucléaire, grâce... Je sais pas si tout le monde le sait,
50:37il y a une avance dans le domaine nucléaire.
50:39Pourquoi ? Évidemment, à cause...
50:41On a développé le nucléaire avec le CEA après la guerre.
50:44Le général de Gaulle a créé le CEA,
50:46a développé le nucléaire pour le militaire,
50:49mais ce qu'on ne sait pas, c'est qu'en même temps,
50:52il avait décidé que le CEA aurait une compétence
50:55pour développer du nucléaire civil.
50:57Dès 1946, nous avons développé une compétence nucléaire civile
51:01qui s'est répartie dans tout le tissu industriel,
51:04PME, EDF, etc.
51:06Et donc, on a une avance,
51:08et la relance du nucléaire qui a été décidée il y a deux ans,
51:11c'est un exemple de secteur de compétence.
51:13Par contre, sur tous les autres domaines
51:16où nous ne serons pas leaders, la souveraineté ou la prudence,
51:19ça consiste à diversifier ses sources.
51:22Quand on est dépendant du pétrole, du gaz,
51:25de certains nombres de...
51:26Maintenant, des métaux rares,
51:28puisque ça devient une source très limitée,
51:31il faut, au maximum, assurer sa sécurité d'approvisionnement
51:34à travers des investissements à l'étranger
51:37et une diversification des sources.
51:39Alors, Jacques Percebois, vous êtes économiste.
51:42Est-ce que la notion de souveraineté
51:44est antinomique d'une économie libérale ?
51:49Ou est-ce que ça peut être concilié,
51:52on peut avoir des résultats,
51:55d'un point de vue économique ?
51:57C'est tout à fait compatible.
51:59Même en économie libérale, l'Etat a un rôle à jouer.
52:02L'économie libérale, c'est pas l'anarchie
52:05où tout le monde fait n'importe quoi.
52:07Être souverain, c'est pouvoir peser sur la décision.
52:10Comme le dit Pierre Ganodex,
52:12on peut pas être souverain dans tous les domaines.
52:15Il y a des domaines où c'est au niveau national
52:18que la souveraineté a un sens.
52:19Il y a des domaines où c'est au niveau européen.
52:22Il faut dissocier deux notions qui ne se recouvrent pas.
52:26C'est l'indépendance et la vulnérabilité.
52:28On peut être indépendant dans certains domaines
52:31et être peut-être vulnérable
52:33parce que le coût de l'indépendance est excessif.
52:36A l'inverse, on peut être dépendant
52:38dans certains domaines d'approvisionnement.
52:41On n'est pas vulnérable, comme le disait Pierre tout à l'heure.
52:44On peut diversifier les approvisionnements.
52:47Je crois qu'il n'est pas question, pour un pays comme la France,
52:51de dire qu'on est souverain dans tous les domaines.
52:53Le coût serait exorbitant.
52:55L'économie de marché permet à l'Etat de sélectionner les domaines
52:59où le rôle de l'Etat est déterminant.
53:01Olivier, si vous êtes d'accord avec cette notion de souveraineté,
53:05avec des points où c'est possible
53:07et d'autres où on doit composer.
53:10Notre situation est telle que nous n'avons pas la possibilité
53:13d'avoir la souveraineté absolue, telle que vous l'avez énoncée.
53:17Vous avez parlé de moyens financiers et militaires
53:20pour les Etats-Unis.
53:21Si on se base sur les aspects technologiques,
53:24c'est entre les Etats-Unis et la Chine que se fait le match,
53:27avec une petite avantage pour la Chine.
53:29Nous n'avons pas cette capacité.
53:31On est quand même dans des rapports de force
53:33qui sont celles de continents-puissance.
53:36Si on parle en termes économiques,
53:38qui est plutôt le domaine que je connais,
53:40la bonne dimension de la souveraineté,
53:42ce serait européen, pour faire face aux Etats-Unis et la Chine,
53:46avec des ensembles comparables.
53:47Encore une fois, la France, c'est 3 % du PIB,
53:50ce n'est pas les 16 ou 18 % de l'Union européenne.
53:53La difficulté qu'on a, et je reviens sur ce challenge,
53:56ce défi pour la mandature actuelle,
53:58c'est que ces défis-là s'accélèrent.
54:00Or, la notion de souveraineté n'est inscrite nulle part
54:04dans les traités européens.
54:05Faites une recherche, listez les traités européens,
54:08le mot de souveraineté n'y existe pas.
54:10Dans notre culture, c'est l'Etat-nation qui l'apporte.
54:13Nous sommes dans une transformation à faire
54:16ou dans un enjeu, un dilemme qui n'est pas traité...
54:19Merci.
54:20Juliette Merdel, sur ce point, et on conclut notre émission.
54:24Je dirais que ce que je vois,
54:25c'est que ce que nous avons été capables de faire
54:28dans le passé, c'était des Airbus.
54:30Pourquoi ne recommencerait-on pas à faire,
54:33avec les Etats qui le veulent et qui le peuvent,
54:35les Etats européens, évidemment,
54:37avec, éventuellement, des industriels
54:39qui le veulent et qui le peuvent,
54:41des projets, comme ça a déjà été fait,
54:43je ne parle même pas de coopération renforcée,
54:46mais des projets innovants, tout de suite.
54:49Parce que là, la température chauffe
54:51et on a besoin de solutions tout de suite.
54:53Donc, lancer un Airbus de l'écologie et de l'économie,
54:56tout de suite, c'est-à-dire un projet
54:58entre les Etats qui le souhaitent,
55:00pour qu'il soit les premiers et les plus performants sur ce sujet.
55:04Il me reste à vous remercier.
55:06Le temps écheu est là.
55:08On aura l'occasion de prolonger
55:11cette conversation extrêmement intéressante
55:14et prospective.
55:16Avant de nous quitter,
55:17je voudrais citer une brève bibliographie.
55:21Je voudrais citer les cahiers du PUCA,
55:24qui dépendent du ministère de l'Environnement et de l'Écologie,
55:28qui sont animés par Hélène Peskin.
55:31Je voudrais également citer l'ouvrage
55:34de David Geys et Xavier Desjardins,
55:37La révolution obligée,
55:39chez Alary Éditions.
55:41Il y a de nombreux autres ouvrages
55:44qui sont aujourd'hui, qui paraissent sur cette,
55:47j'allais dire, diarchie
55:49entre l'écologie et l'économie.
55:53Il me reste à remercier l'équipe de LCP
55:57d'avoir permis la réalisation de cette émission.
56:01Merci, madame, merci, messieurs,
56:03d'y avoir participé en apportant force à argument et conviction.
56:09Et avant de nous quitter,
56:11je voudrais vous laisser avec cette citation
56:15de Jean-Éric Schottel,
56:18Noël Lenoir et Jean-Claude Magindy,
56:21les droits des générations futures
56:23sont le cheval de troie d'ONG militante
56:27dont l'agenda est d'enrayer tout aménagement technique
56:31ou tout développement économique émanant des pays développés.

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