• il y a 3 mois

Pascal Praud revient pendant deux heures, sans concession, sur tous les sujets qui font l'actualité.Aujourd'hui, il revient sur l'affaire Philippine en compagnie du vice-président de la Conférence nationale des procureurs de la République, Jean-Baptiste Bladier.

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Transcription
00:00Europe 1, Pascal Praud.
00:03De 11h à 13h sur Europe 1, vous écoutez Pascal Praud et vous recevez Pascal Jean-Baptiste Bladier, vice-président de la Conférence Nationale des Procureurs de la République.
00:11Je le remercie grandement d'être avec nous, Monsieur Bladier, et je pense aux auditeurs qui nous écoutent qu'ils ont sans doute besoin d'avoir deux ou trois informations.
00:18D'abord, vous êtes procureur, vous êtes procureur depuis combien de temps ?
00:21Ça fait 12 ans que je suis chef de parquet et 22 ans que je suis magistrat du ministère public.
00:25Donc forcément, vous avez une expertise sur la dureté ou pas de la justice, sur les peines qui sont prononcées ou pas.
00:32Le parcours d'un procureur, il passe par l'École Nationale de la Magistrature ?
00:36En tout cas, mon parcours, ça a été de faire des études de droit et ensuite de passer le concours de l'École Nationale de la Magistrature à Bordeaux
00:42et d'être formé principalement sur le terrain au cours d'un long stage qu'on appelle stage juridictionnel à Toulon.
00:48Ensuite, j'ai pris mon premier poste en 2002.
00:50Bon, deux ou trois choses sur l'affaire Philippine.
00:53D'abord, il y a la juge des libertés qui a pris la décision qu'elle a prise de libérer M. Tao.
01:01Et si j'ai bien compris, elle écrit dans son jugement un risque de réitération de faits délicteux.
01:08Elle imagine qu'il y a une possibilité de nuire à l'ordre public, une menace à l'ordre public, mais elle le relâche quand même.
01:16Et si j'ai bien compris, cette dame ne peut pas prendre une autre décision.
01:21C'est en tout cas, en filigrane, ce que je perçois.
01:24Est-ce une réalité ou est-ce qu'elle aurait pu prendre une autre décision ?
01:29Le cadre qui s'impose à un juge, c'est celui de la loi.
01:32Mais la loi laisse toujours une marge d'appréciation au juge, sinon le juge ne sert à rien.
01:37Effectivement, dans cette situation, elle avait des critères légaux pour décider s'il était pertinent ou pas de maintenir ce monsieur en rétention.
01:46Le critère, c'était de savoir si l'administration rapportait la preuve que les autorités consulaires étrangères étaient susceptibles de délivrer rapidement ce laissé-passer consulaire.
01:55À partir de là, c'est elle qui, en fonction des éléments du dossier, forge sa décision.
01:59Mais un juge n'est jamais tenu de prendre une décision dans un sens ou dans un autre, dès lors qu'il agit dans le cadre de la loi.
02:05Ce que, à l'évidence, me semble-t-il, a fait cette collègue.
02:08Est-ce que cette dame, on va lui demander des comptes ?
02:11Parce que souvent, c'est ce qui existe dans l'opinion publique, de dire que les juges ne doivent jamais rendre de comptes à personne.
02:18Est-ce qu'il y a possibilité de sanctions ? Est-ce qu'il y a possibilité également de regard sur la décision qu'elle a prise ?
02:24Il y a différents niveaux de réponse à votre interrogation.
02:29D'abord, c'est une décision qui peut faire l'objet d'un appel.
02:32Il peut y avoir une autre instance juridictionnelle qui est amenée à examiner la décision.
02:36Là, c'était plus de manière disciplinaire que j'entendais ma question.
02:40J'ai bien compris. Dans l'absolu, oui, bien sûr que les magistrats peuvent faire l'objet de poursuites disciplinaires.
02:46Il y a un organe disciplinaire qui s'appelle le Conseil supérieur de l'administrature et qui rend chaque année des décisions disciplinaires.
02:52La question de fond que vous posez, c'est de savoir si un juge peut avoir à rendre des comptes sur la décision qu'il rend.
02:58Le critère qui s'impose, c'est celui de la légalité.
03:01Est-ce que la décision rendue par le juge est légale ?
03:04Parce que si on doit engager la responsabilité du juge à chaque fois que sa décision légale aboutit à un drame,
03:11ça veut dire qu'en fait on tient le juge responsable d'une obligation de résultat.
03:16C'est impossible.
03:17Pour la simple et bonne raison qu'un juge, aussi compétent et expérimenté soit-il, ne peut pas sonder les reins et les cœurs.
03:24Beaucoup connaissent peut-être le film Minority Report, vous savez avec Tom Cruise, dans lequel on anticipe les crimes.
03:30Mais ça c'est au cinéma, ce n'est pas dans la vraie vie.
03:32Elle écrit quand même qu'il y a une menace de l'ordre public, donc elle anticipe.
03:36Oui.
03:37Elle anticipe, elle voit le dossier, elle dit attention, il y a quand même quelque chose.
03:41Est-ce que vous trouvez qu'elle a pris une bonne décision ?
03:43Pour répondre à cette question, il faudrait que je connaisse le dossier.
03:45S'il y a bien une chose que 20 ans de vie judiciaire m'ont apprise, c'est que quand on n'est pas dossier...
03:49J'ai envie de dire qu'on le connaît le dossier.
03:51Vous le connaissez peut-être, moi quoi.
03:53Je connais deux ou trois éléments qui sont assez importants.
03:56Vous voyez, la réponse que vous apportez, je ne la partage pas.
04:00C'est votre droit.
04:01Évidemment que vous ne connaissez pas tout le dossier, mais vous en connaissez suffisamment.
04:04Non.
04:05Un homme condamné à sept ans...
04:07Non, je ne connais pas le dossier, je connais ce que les médias en disent.
04:09Non.
04:10Quand vous jugez une personne, vous ne jugez pas un dossier, vous jugez une personne, monsieur le procureur.
04:14Monsieur le procureur, vous savez la sanction qu'a eue cet homme.
04:17Cet homme a été condamné à sept ans de prison pour un viol.
04:23Donc c'est quasiment la peine maximum pour un viol lorsqu'on est mineur.
04:28Ça veut dire quand même que la gravité des faits était reconnue.
04:33Nous sommes d'accord.
04:34Ce n'est pas un élément neutre, quand même.
04:36Donc vous dites, je ne connais pas le dossier.
04:38Moi j'interprète plutôt, et je vous comprends d'ailleurs, vous êtes dans votre rôle,
04:42j'interprète plutôt votre réponse comme une volonté, ce que je vois souvent d'ailleurs chez les magistrats,
04:48de ne pas prendre parti d'une forme de réflexe corporatiste et de ne rien dire sur cet juge des libertés.
04:55Voilà comment je l'interprète.
04:56Le réflexe corporatiste aurait pu m'inciter à rester dans mon cabinet aujourd'hui.
05:00Je vous remercie d'être avec nous.
05:02Ça aurait été indiscutablement plus confortable.
05:05Non, la difficulté c'est que je comprends votre point de vue,
05:08mais il faut que vous acceptiez que moi je suis soumis à des règles.
05:11Je suis tenu à un devoir de réserve.
05:14Donc par exemple, je ne dois pas exprimer mes opinions politiques.
05:16Les opinions politiques du citoyen Bladier n'intéressent personne.
05:19Et par ailleurs, je suis tenu à une exigence déontologique.
05:23Je n'ai pas à me prononcer sur un dossier que je ne connais pas.
05:27Et je me permets d'ajouter que c'est aussi le fruit de mon expérience.
05:31Vous l'acceptez, vous ne l'acceptez pas.
05:33Je préfère la première réponse à la deuxième partie.
05:35Vous pensez que c'est un repli, moi je vous le dis.
05:38Précisément parce qu'il ne s'agit pas de juger un dossier, mais une personne.
05:43Quand on n'a pas connaissance du dossier et de la personne,
05:45on ne peut pas se prononcer complètement et utilement.
05:48Deuxième chose qui nous étonne toujours,
05:50et j'emploie très souvent une expression lorsqu'il y a un drame,
05:53c'est, j'emploie l'expression, ouvrir le capot.
05:55Donc on voit à travers ce drame tout le fonctionnement de la justice française,
06:01mais pas que la justice française également,
06:03mais les échanges avec les nations qui ne veulent pas reprendre leurs ressortissants criminels ou délictueux.
06:09Bon, on me dit le 3 septembre que le procureur n'est pas sur place au moment de l'audience.
06:15C'est Thibaud de Montbréal qui le disait hier.
06:18C'est-à-dire que le procureur il est là, c'est le parquet,
06:21j'ai envie de dire il est là pour me défendre, c'est le représentant de la société, c'est ça le parquet.
06:26C'est vraiment le représentant de la société.
06:28Et il n'est pas là le 3 juillet.
06:31Alors pourquoi n'est-il pas là ? Est-ce une faute ?
06:34Et est-ce qu'il y aura également une enquête pour savoir pourquoi il n'était pas là ?
06:38Non, ce n'est pas une faute parce que c'est un mode de fonctionnement courant
06:41qui est rendu incontournable par la réalité des moyens dont nous disposons.
06:46En fait, un procureur de la République, c'est un décideur public,
06:49un comptable des deniers qu'on lui confie,
06:51et il doit en permanence faire des arbitrages.
06:54La réalité des choses, pardon, je sais très bien qu'on va dire, a encore le débat sur les moyens de la justice.
06:59Mais les choses sont ainsi.
07:00Je dirige le 15e parquet de France, qui devrait comporter 20 magistrats, 18 à ce jour.
07:05Demain, si la loi de programmation sur la justice est maintenue, il en comportera 23.
07:10Trois poids supplémentaires en l'état des finances publiques de notre pays,
07:13c'est un effort extrêmement important, et qui m'oblige.
07:17Pour autant, si mon parquet était doté des mêmes moyens que la moyenne des pays du Conseil de l'Europe,
07:2447 pays, l'Union Européenne plus 20,
07:26je dirigerais une équipe de 67 magistrats, M. Praud.
07:3067.
07:31Aujourd'hui, je dirige une équipe de 20 magistrats.
07:34Alors effectivement, je dois faire des arbitrages en permanence.
07:37Et faire des choix.
07:39De là où je déploie mes moyens et mes ressources, parce que j'ai un volumétrie d'audience extrêmement élevé.
07:45Pour qu'on comprenne, c'est un problème humain, dites-vous,
07:49et je voudrais précisément le comprendre mieux que cela encore.
07:53Le 3 septembre, combien de personnes peuvent être à cette audience ?
07:58Seul le procureur et seul le substitut ?
08:03Oui, le substitut de la République et le procureur, il n'y a que deux personnes.
08:08Vous avez un juge.
08:09Oui, mais qui peut représenter le parquet ? Je pose la question différemment.
08:12Un magistrat du ministère public.
08:13Et il y en a combien à Metz ?
08:14Je ne sais pas, 16 je crois.
08:1616. Donc il n'y a aucun des 16 qui peut être là ce jour-là.
08:19Et vous me dites que c'est un problème de moyens.
08:21Alors je peux vous dire, M. Praud.
08:22Et il y a quelqu'un qui a violé. Pardonnez-moi, mais j'ai le droit de dire que ce n'est pas audible ?
08:26Ce n'est pas audible, très bien.
08:27C'est ce que je dis, je pense aux auditeurs qui nous écoutent.
08:30C'est-à-dire que vous avez quelqu'un qui va passer, effectivement, on va juger pour savoir s'il reste ou pas dans ce centre de rétention administrative.
08:39On a un dossier, j'imagine quand même, ce n'est pas que des dossiers comme ça, qui arrive sur le bureau,
08:45qui a violé, qui est donc potentiellement un récidivisme.
08:48Mais que pensez-vous que les magistrats du ministère public de Metz faisaient pendant ce temps-là, M. Praud ?
08:52Mais je voudrais savoir.
08:53Que pensez-vous ? Pensez-vous qu'ils étaient en train de tailler les crayons ?
08:55Mais c'est ça que je voudrais savoir.
08:57Je vous explique.
08:58Est-ce qu'il y aura une enquête ?
08:59Non mais je vous explique.
09:00Ils étaient à la permanence pour gérer les dizaines de gardes à vue chaque jour et des violences conjugales.
09:05Ils étaient à l'audience pour recueillir l'application des peines.
09:08Ils étaient devant les juges d'application des peines pour assurer l'exécution des peines.
09:11Ils étaient devant le tribunal de commerce pour assurer les procédures collectives.
09:14Mais ça on le sait aussi.
09:15Ils étaient en audience civile pour assurer la représentation du ministère public en tout ce qui concerne les tutelles,
09:21parce que notre présence est obligatoire.
09:22Ils étaient au contact des élus qui nous demandent de venir les rencontrer.
09:25Alors je pose la question différemment.
09:26Ils étaient au moins au courant que cette audience existait ?
09:30C'est-à-dire qu'ils ont jugé qu'il ne fallait pas y aller ?
09:32Ou ça peut passer à travers les radars ?
09:34Non, bien sûr qu'ils sont informés du résultat de l'audience.
09:37Et ensuite, en fonction du résultat, ils prennent leur décision.
09:39Est-ce qu'ils étaient au courant ?
09:40Oui, bien sûr.
09:41Ça on en est sûr ?
09:42Oui, bien sûr.
09:43Je ne connais pas le fonctionnement.
09:44Non, je vous le dis, bien sûr.
09:45Donc là-dessus, ils savaient que cet homme allait passer ?
09:46Oui.
09:47Enfin, ils savaient qu'il y avait une audience concernant des examens de...
09:50Ils savaient qu'il y avait une audience au cours de laquelle un certain nombre de gens qui étaient en retenue depuis un certain temps
09:54allaient passer devant le JLD.
09:55Mais avec le dossier quand même, j'imagine.
09:57C'est pas... Non ?
09:59Non, on n'a pas forcément... On sait qu'il y a un certain nombre de dossiers qui passent.
10:02Oui, mais ça dépend du dossier quand même.
10:04Il faut savoir qu'on ne se déplace pas de la même manière pour un violeur
10:07que pour quelqu'un qui est là à voler une pomme quelque part.
10:12Il me semble.
10:13Sauf que vous attendez de moi que je ne fasse pas trop de droits.
10:15Donc je ne vais pas rentrer dans les distinguos subtils
10:17entre la compétence du juge administratif et la compétence du juge judiciaire
10:20en matière de rétention administrative.
10:22Mais la rétention administrative, ça n'est pas du tout le cœur de mission du ministère public.
10:26Ça n'est pas du tout le cœur de mission du procureur public.
10:30Le cœur de mission, c'est l'action.
10:32Non, ce n'est pas ce que je vous ai dit.
10:33C'est ce que j'entends.
10:34Non, c'est parce que vous m'écoutez mal.
10:36Il est 12h.
10:37D'abord, je vous remercie.
10:39Pardonnez-moi, je pose simplement les questions que les gens se posent.
10:42Je vous assure, ne voyez dans ce que je dis rien de personnel.
10:45Je comprends la règle du jeu.
10:46Il n'y a rien de personnel là-dedans.
10:48Vraiment rien de personnel.
10:49Je ne le prends pas comme tel, Monsieur Prost.
10:50Sinon, je ne serais pas là.
10:51Voilà, les gens qui nous écoutent, ils se posent ces questions-là.
10:54Et moi, je suis un Français comme les autres.
10:56Je vous assure que le jour où je serai 67 magistrats au lieu de 20, je ferai bien plus.
11:00Restez avec nous et je vous remercie grandement d'être avec nous.
11:03A tout de suite, on est très en retard.
11:04Il est 12h.
11:16Je rappelle que Jean-Baptiste Bladier est procureur de mots.
11:20On a eu un échange pour essayer de comprendre.
11:22Alors, à la fin de notre échange, je me dis qu'il n'y a aucun dysfonctionnement, selon vous, de la justice française.
11:34La question première, encore une fois, c'est de savoir si ce qui a été fait est conforme à la loi.
11:39Si vous considérez qu'effectivement, la justice dysfonctionne dès lors qu'à la suite d'une décision,
11:44quelqu'un qui est remis en liberté commet une horreur,
11:47ça veut dire, encore une fois, que vous attendez des juges qu'ils aient une obligation de résultat,
11:51qu'ils puissent sonder les reins, les âmes et les cœurs pour anticiper sur les horreurs que les gens pourraient faire.
11:58Moi, je suis là pour poser des questions d'une certaine manière, pas que pour poser des questions.
12:02Ma réponse ne va pas vous satisfaire, il ne m'appartient pas de répondre.
12:05Mais en tout cas, la question de savoir...
12:06Il n'y a pas de dysfonctionnement, selon vous, sur le plan légal ?
12:09Il ne m'appartient pas de répondre, sur le plan...
12:12En l'état des informations dont je dispose, grâce à vous, M. Pro et grâce aux médias,
12:17je n'ai pas le sentiment, je ne peux pas dire autre chose que la décision qui a été rendue ait été non conforme à la loi.
12:23Mais les Français, évidemment, n'ont pas, eux, ce sentiment.
12:25Ils ont le sentiment qu'il y a eu, durant...
12:28Mais parce que je respecte l'émotion de mes concitoyens, parce que je la partage.
12:31Mais ce n'est pas que de l'émotion !
12:32J'entends bien M. Pro, mais encore une fois, ça veut dire que votre discours, de manière si bilingue,
12:38veut dire qu'il faut que nous soyons tenus à une obligation de résultat.
12:40Non, pas que ! Il a fait plusieurs jeux, d'ailleurs !
12:42J'ai une solution, M. Pro.
12:45Condamnons... Ne prononçons que des peines maximales.
12:50Construisons un système de fixité des peines.
12:52On va coller le max à tout le monde, et ça va régler le problème.
12:55Parce que si, effectivement, une fois qu'ils auront exécuté la peine maximale,
12:58ils ressortent de prison et qu'ils recommencent, ce ne sera pas la faute du juge.
13:01Quel est le statut juridique, aujourd'hui, d'une personne sous OQTF ?
13:05Est-ce que c'est un délinquant ?
13:07Non, ça n'est pas un délinquant.
13:09Alors, quel est son statut juridique ?
13:11C'est un retenu administratif.
13:13C'est en rétention, ou c'est une personne qui est illégalement sur le territoire national.
13:17Donc, ça veut dire que cette personne ne peut pas être arrêtée ?
13:19Depuis quelques années.
13:21Depuis François Hollande, je crois.
13:23J'avoue, je n'ai plus la date en tête.
13:24Et à la suite d'une norme de l'Union Européenne,
13:27le séjour irrégulier n'est plus une infraction pénale.
13:31Mais c'est juste inaudible, en fait.
13:33Mais ça, monsieur, je n'ai pas assez justifié la loi.
13:35Oui, j'entends bien, mais j'imagine que les gens qui nous écoutent disent
13:39que c'est juste inaudible.
13:41Quelqu'un qui est en France, en situation irrégulière, n'est pas un délinquant.
13:45En fait, c'est un oxymore.
13:47Pardonnez-moi, monsieur Praud, mais ne me demandez pas plus que je ne puis.
13:50Mais j'entends bien, mais comprenez...
13:52Je suis tenu.
13:54Ma seule légitimité, en tant que magistrat,
13:57c'est 1. La loi.
13:592. La loi.
14:003. La loi.
14:01J'entends bien.
14:02Avant de donner la parole à Marie-Christiane,
14:04il y a une justice qui est parfois idéologisée, dit-on.
14:07Qui est d'autant plus...
14:09Alors, je peux citer hier soir, j'étais avec Gilles-Louis Dame-Colnadel,
14:12avocat,
14:14qui expliquait que
14:16la justice, lorsqu'elle a en face d'elle des cols blancs,
14:20elle est infiniment plus dure
14:22que lorsqu'elle a des gens qui menacent la sécurité.
14:26Et qu'on envoie parfois en prison plus facilement
14:29des gens pour des raisons financières,
14:31qui a priori ne menacent pas forcément leurs congénères,
14:36elle est plus indulgente, en tout cas,
14:38que pour ces délinquants à qui on trouve toujours
14:41des raisons, et notamment des raisons sociales, d'éducation, etc.
14:44Est-ce que c'est quelque chose que vous constatez avec les magistrats ?
14:47Est-ce que vous diriez que la justice est idéologisée
14:50et qu'elle penche à gauche ?
14:54La force de la justice, c'est d'être servie par des femmes et des hommes.
14:58La faiblesse de la justice, c'est d'être servie par des femmes et des hommes.
15:01Donc, tout le travail du magistrat,
15:03c'est d'essayer en permanence de se méfier de lui-même.
15:07Alors évidemment, parfois on y arrive,
15:10parfois on n'y arrive pas, de bonne ou de mauvaise foi.
15:13Le juge, le procureur, qui essaie de faire son boulot correctement,
15:16il le fait avec sa conscience le mieux qu'il peut.
15:19Il doit, j'en suis persuadé, essayer le plus possible
15:22de taire ses affects.
15:24Mais ensuite, la loi ne lui demande pas autre chose
15:27que de juger, dans le cadre de la loi,
15:29et en fonction de sa conscience.
15:33À partir de là, quand un juge prend une décision,
15:35vous avez toujours quelqu'un pour penser que la décision est excessive,
15:38et un autre pour penser que la décision ne l'est pas assez.
15:40Non, là, ma question est plus précise,
15:42sur est-ce qu'il y a une idéologie dominante,
15:44un certain regard,
15:46on a le sentiment par exemple avec M. Migaud,
15:48première chose que dit M. Migaud, par exemple,
15:50la justice n'est pas laxiste, et on a le sentiment
15:52que M. Retailleau n'est pas tout à fait sur cette ligne-là.
15:55Donc, c'est un sentiment,
15:57que les uns et les autres ont un regard
15:59qui est posé sur cette délinquance-là.
16:01Maintenant, je comprends qu'à la place
16:03à laquelle vous êtes, vous avez force...
16:05En fait, dans ces discussions,
16:07je pense que vous pensez quelque chose,
16:09mais que vous êtes à une place de retenue,
16:11ce que je peux comprendre, et que vous ne pouvez pas exprimer,
16:13ça s'appelle le devoir de réserve.
16:15Deuxièmement de réponse, M. Prot,
16:17encore une fois, ma seule légitimité,
16:19c'est ma déontologie.
16:21Ma déontologie, c'est un devoir de réserve.
16:23C'est évidemment frustrant pour les médias,
16:25parce que je suis comme tout le monde, je suis un citoyen,
16:27j'exerce mon droit de vote,
16:29non seulement ça ne regarde que moi,
16:31mais je n'ai pas le droit de vous le dire.
16:33Juste un point, vous me permettez ?
16:35On parle du lacisme judiciaire.
16:37Juste parler du lacisme judiciaire.
16:39Il y a 20 ans,
16:41il y a 20 ans, la justice,
16:43en 2000, ce sont des données de la Cour des Comptes,
16:45prononçait
16:4750 000 années de prison par an.
16:4950 000.
16:51Aujourd'hui, dernier chiffre,
16:532019, 90 000.
16:55Oui, mais ça ne veut rien dire.
16:57C'est-à-dire que le nombre d'années d'emprisonnement
16:59a augmenté de 70% en 20 ans.
17:01C'est du laxisme ?
17:03Est-ce que c'est du laxisme ?
17:05Ce chiffre-là, il doit être ayé
17:07par ce qui s'est passé sur le terrain ?
17:09Alors, bien sûr, M. Praud, la difficulté,
17:11c'est que le terrain, en l'occurrence aujourd'hui,
17:13il n'est fait que de cette dramatique
17:17situation à faire, je cherche le mot
17:19pour être le plus humain possible, parce que je ne suis pas
17:21insensible, loin s'en faut
17:23au drame que vit la famille de
17:25Philippine. Mais par hypothèse,
17:27celui qui est sorti
17:29hier à fêter ses 10 ans de libération
17:31après 20 ans de réclusion criminelle pour un homicide
17:33et qui n'a pas fait parler de lui, vous n'en parlerez pas.
17:35Et c'est normal. Et donc, vous allez juger
17:37la justice uniquement à l'aune.
17:39Ce que je comprends de ce drame.
17:41Mais encore une fois, celui qui hier a sorti,
17:43a fêté ses 10 ans de fin de réclusion
17:45et qui n'a pas fait parler de lui, vous n'en parlerez pas.
17:47Non, là, je ne
17:49ne serai pas sur ce terrain-là.
17:51Je vois dans
17:53cette affaire de
17:55Tahô, je vois des choses
17:57qui m'étonnent. C'est-à-dire que vous aviez
17:59un centre de rétention administrative
18:01dans lequel
18:03ce jeune homme pouvait rester
18:05encore 15 jours ou 3 semaines,
18:07et il est sorti avant, alors que le
18:09pass consulaire est
18:11arrivé 24 heures ou 48 heures après.
18:13Je vois donc là un dysfonctionnement.
18:15Je me dis une chose que tout le monde se dit,
18:17pourquoi cet homme n'est-il pas allé
18:19au bout des 90 jours
18:21de rétention administrative ?
18:23Parce que contrairement à vous, la juge ne savait pas
18:25ce qui se passerait le lendemain. Mais elle peut le garder
18:27quand même, puisqu'elle a les moyens de le garder.
18:29A condition, monsieur Proulx,
18:31non, à condition que l'administration
18:33c'est la loi, à condition que l'administration
18:35rapporte la preuve que les autorités consulaires
18:37sont susceptibles de livrer, se laisser passer
18:39dans un délai strict et proche. Et elle n'avait pas la preuve ?
18:41Je ne sais pas. Je ne connais pas
18:43le contenu du dossier. Bon, il est 12h15,
18:45Marie-Christiane va pouvoir
18:47vous interroger. Merci
18:49une nouvelle fois d'être avec nous.
18:51Et cette conversation, je la trouve
18:53passionnante. A tout de suite.
18:54Jean-Baptiste Bladier, procureur de la République
18:56de Moine, notre invité. Vous pouvez aussi vous
18:58l'interroger au 01-8020-39-21, 11h-13h.
19:02C'est Pascal Praud et vous sur Europe 1.
19:09Europe 1, Pascal Praud.
19:10De 11h à 13h sur Europe 1, et Marie-Christiane
19:12est avec nous en ligne, Pascal.
19:14Marie-Christiane, qui était assez virulente
19:16tout à l'heure. Alors, Marie-Christiane,
19:18comme monsieur le procureur a
19:20accepté avec courtoisie de venir,
19:22je voudrais qu'on garde un certain...
19:24Voilà, qu'on garde un certain
19:26tenu dans nos échanges. Bonjour, madame.
19:28Bonjour, monsieur le procureur.
19:30Je suis très honorée, évidemment, de participer
19:32à cette conversation. Il ne faut pas.
19:34Je suis un agent public qui rend des comptes, c'est normal.
19:36J'ai évidemment suivi
19:38avec beaucoup d'intérêt votre échange
19:40avec Pascal Praud. J'ai écouté, bien sûr,
19:42tous vos arguments qui, vous vous en doutez,
19:44n'ont pas pu me convaincre, forcément.
19:46Parce que d'abord, nous ne sommes pas sur le même niveau.
19:48Vous, vous avez des compétences.
19:50Moi, j'ai juste une réaction épidermique
19:52et émotionnelle d'une simple citoyenne.
19:54C'est tout à fait honorable, madame.
19:56Je le comprends très bien.
19:58On ne peut pas se comprendre, parce qu'en fait,
20:00moi, ça me conforte dans l'idée
20:02qu'il faut absolument réformer et les lois
20:04et la justice. Ce que vous allez
20:06évidemment...
20:08Ben non, madame, on est d'accord.
20:10Je ne dis absolument pas qu'il ne faut pas
20:12changer les lois. Je ne dis absolument pas
20:14qu'il ne faut pas changer la justice.
20:16Je pense au contraire qu'il faut faire une réforme très profonde
20:18de la justice.
20:20Pour moi, ce dont je souffre
20:22beaucoup dans mon exercice professionnel,
20:24je vais vous expliquer, c'est que mon obligation
20:26du quotidien, c'est de gérer
20:28des flux. D'essayer de faire en sorte
20:30qu'on juge vite. Et contrairement à ce que souvent
20:32les gens croient, on y arrive.
20:34Le défi qu'il faudrait que je puisse relever,
20:36mais que je n'ai pas les moyens de relever,
20:38c'est de gérer du risque.
20:40De pouvoir vraiment
20:42rechercher la réponse pénale
20:44qui va produire un effet. Parce que vous savez,
20:46mon métier, c'est de demander que les gens soient punis.
20:48Ce n'est pas très compliqué de punir les gens. Vouloir priver
20:50de leur liberté, de leur argent,
20:52de leur patrimoine, ce n'est pas
20:54très compliqué. Le vrai problème,
20:56c'est de faire en sorte que la réponse pénale,
20:58la sanction, elle va produire un résultat
21:00en termes de prévention de la récidive.
21:02Et le grand drame
21:04de la justice française en réalité, dont on ne
21:06parle jamais,
21:08c'est qu'on ne s'interroge pas sur ceux qui
21:10marchent. Prenons l'exemple des peines planchers.
21:12Moi, je n'ai aucune difficulté
21:14avec les peines planchers. Ce qui m'agace,
21:16c'est la pétition de principe qui est
21:18en faveur ou contre les peines planchers.
21:20Parce qu'en réalité, personne ne pose la vraie
21:22question. Est-ce que ça marche ?
21:24Est-ce que durant les années
21:26au cours desquelles on a eu les peines planchers,
21:28il y avait moins de délinquances et moins de récidives ?
21:30Si la réponse est oui, alors il n'y a pas de débat.
21:32On met les peines planchers.
21:34Et la réponse, c'est qu'on ne sait pas. C'est bien ça le problème.
21:36C'est parce qu'on ne se donne
21:38jamais les moyens. On n'a
21:40ni l'argent, ni même la méthodologie
21:42pour construire des évaluations
21:44de nos politiques publiques.
21:45Ça veut dire que la justice est faite par des amateurs.
21:47Non. C'est que la justice, elle est faite par
21:49des professionnels, mais qui parfois, sur le plan
21:51de l'évasion des risques, avancent dans le brouillard.
21:53Pardonnez-moi, mais dans l'entreprise privée,
21:55ça, ça n'existe pas. Ce que vous dites là,
21:57dans une entreprise privée, n'existe pas.
21:59On se donne les moyens d'avoir
22:01les informations qui nous permettent
22:03d'être plus efficaces.
22:05Oui, dans l'entreprise privée, monsieur, vous gérez votre budget
22:07et vous l'administrez comme bon vous semble.
22:09Ou comme vous estimez devoir le faire.
22:11Hum.
22:13Et pas dans la justice. Mais vous me disiez tout à l'heure
22:15et en parallèle, c'est que
22:17vous, vous aimeriez par exemple des départements criminologie.
22:19Oui. Qui n'existent pas.
22:21Et là, ça rejoint un peu ce que vous dites là.
22:23C'est-à-dire que la justice française
22:25n'est pas assez performante
22:27aujourd'hui pour traiter tous les sujets
22:29qu'elle a. C'est le même sujet. Bien sûr.
22:31Mais pourquoi il n'y a pas de criminologie alors ?
22:33Ah, c'est une bonne question. Mais vous êtes des professionnels.
22:35C'est à vous de l'imposer.
22:37Je ne peux pas juger.
22:39Voyez-vous que par exemple, avec un centre de procureurs depuis quelques années,
22:41on expérimente, hors du cadre légal,
22:43une justice
22:45où on est allé piquer les idées aux anglo-saxons
22:47qui s'appelle les juridictions résolutives de problèmes.
22:49Où on essaie de mettre en place
22:51des prises en charge beaucoup plus intensives
22:53que ce qui existe dans le cadre légal.
22:55Sauf que, moi, on construit ça notamment avec des associations.
22:57Mais après,
22:59quand on monte ses projets, ensuite,
23:01il faut trouver le budget. Parce qu'un procureur,
23:03il n'a pas un euro à engager sur ses politiques pénales.
23:05J'entends bien, mais depuis le départ
23:07de notre conversation, vous me dites que vous n'avez pas
23:09assez de moyens. C'est quasiment la réponse
23:11à tout. Non, ce n'est pas la réponse à tout.
23:13Elle est importante.
23:15Alors, effectivement, c'est important.
23:17Je crois que sur 1 000 euros d'argent
23:19public dépensé, je crois que
23:21c'est 4 euros, simplement, qui va à la justice.
23:23Monsieur Praud, je mesure parfaitement
23:25le discours que j'ai à Doripilan,
23:27de ce point de vue-là. Toujours les moyens, les moyens, les moyens.
23:29J'ai 6 enfants
23:31et je m'inquiète de la dette publique
23:33que je vais leur léguer. Mais la réalité
23:35est là, encore une fois. Mes homologues
23:37des pays européens,
23:39ils ont, pour 100 000 habitants, 4 fois
23:41plus de magistrats que moi. Alors, forcément,
23:43ils font plus de boulot. C'est la moyenne
23:45au sein du Conseil de l'Europe.
23:47Nous, on a 4 fois moins de magistrats que l'Espagne,
23:49que l'Italie, que l'Allemagne, que l'Angleterre.
23:51La moyenne au sein du Conseil de l'Europe,
23:53c'est 47 États. C'est 11
23:55procureurs pour 100 000 habitants.
23:57C'est 3 en France.
23:59C'est combien de temps ?
24:01Des temps immémoriaux, je le crains.
24:03C'est-à-dire que...
24:05Non, mais la magistrature
24:07sous De Gaulle, la magistrature sous Giscard,
24:09la magistrature sous Mitterrand...
24:11J'ai pas la culture
24:13historique suffisante pour vous dire.
24:15J'ai le souvenir, vous voyez, quand j'étais à l'école,
24:17d'un cours d'un historien du droit
24:19qui avait étudié tous les budgets de la justice
24:21depuis le
24:23Premier Empire et qui démontrait que,
24:25structurellement, pour des raisons politiques spécifiques à chaque
24:27régime politique, le budget de la justice a toujours
24:29été le parent-preuve des budgets publics.
24:31Mais pour autant, il faut être juste.
24:33Il faut être juste.
24:35Et je suis pas là pour rendre hommage à qui que ce soit, mais
24:37le précédent ministre en a obtenu
24:39un budget historique.
24:41Il faut lui rendre justice, et rendre justice surtout à la nation
24:43qui consente l'effort.
24:45Deux choses pour revenir sur ce qu'on a dit tout à l'heure.
24:47Je parlais de la musique.
24:49Je parlais de l'idéologie
24:51possible dans la magistrature.
24:53Je vais pas vous redemander votre avis parce que vous ne répondrez pas.
24:55Sans doute, mais quelqu'un me précise
24:57le mur des cons, ça a existé quand même.
24:59Alors je vais être très clair, M. Praud.
25:01Et là, peut-être que ma réponse va vous surprendre.
25:03Je n'entends pas.
25:05Ça fait des années que je
25:07subis avec des collègues l'opprobre
25:09d'un comportement
25:11que je
25:13décris avec la dernière vigueur.
25:15Je ne suis en rien
25:17solidaire ou responsable
25:19des errements déontologiques,
25:21d'ailleurs qualifiés de délit par la justice,
25:23d'un certain nombre de mes collègues.
25:25Je n'ai donc pas à répondre
25:27de ce contentement.
25:29Je suis d'accord avec vous, ça a existé.
25:31C'est tout ce que je dis.
25:33Non coupable et non solidaire.
25:35J'ai bien compris.
25:37Et puis l'autre chose, effectivement,
25:39où on pouvait vous apporter la contradiction,
25:41c'est sur cette circulaire, par exemple,
25:43quand on dit changer la loi,
25:45il faut apporter la preuve que la circulaire
25:47va arriver pour...
25:49Le laisser passer consulaire.
25:51Le laisser passer consulaire, pardonnez-moi.
25:53Et quelqu'un me dit, est-ce qu'il ne faudrait pas apporter la preuve
25:55non pas que la circulaire,
25:57le laisser passer consulaire,
25:59ne va pas arriver, mais plutôt la certitude,
26:01plutôt que la certitude
26:03qu'il va arriver.
26:05D'inverser, si tu veux,
26:07si vous voulez.
26:09C'est pour ça que
26:11ce que je souhaiterais, c'est qu'on puisse
26:13dépasser les passions qui sont légitimes,
26:15mais mon discours
26:17n'est absolument pas de dire, après le drame
26:19qu'on a connu, circulaire, il n'y a rien à voir,
26:21nous ne nous posons aucune question. Certainement pas !
26:23Mais contrairement à l'idée qu'on peut
26:25s'en faire, ce genre d'affaires,
26:27ça nous prend au trip,
26:29et avec les équipes, on les débriefe,
26:31on les analyse, on essaie de comprendre ce qui n'a pas marché.
26:33Ce n'est pas parce que ça s'était passé à Metz
26:35qu'on se dit, ça ne se passera pas chez moi, donc tout va très bien.
26:37On va marquer une pause paritique, il y a une nouvelle prison à Troyes
26:39qui a été
26:41ouverte et
26:43elle est vide parce qu'il n'y a pas assez de
26:45personnel pénitentiaire.
26:47Je ne sais pas.
26:49Il est 12h27, à tout de suite.
26:51Jean-Baptiste Bladier, vice-président de la conférence nationale
26:53des procureurs de la République,
26:55et notre invité dans Pascal Proévou,
26:57vous pouvez l'interroger bien sûr au 0180
26:5929 21.
27:01A tout de suite sur Europe 1.
27:03Europe 1, le journal permanent.
27:05Il est 2h31,
27:07j'espère que vous avez le même
27:09intérêt et peut-être aussi plaisir à écouter
27:11Monsieur Bladier, vice-président de la conférence
27:13nationale des procureurs de la République,
27:15qui nous renseigne sur le fonctionnement
27:17de la justice et effectivement
27:19on s'aperçoit que cette justice a peu
27:21de moyens. On rentrait dans l'instant, Monsieur Bladier
27:23me disait, je vous invite à venir
27:25à mot avec moi pour
27:27voir les conditions dans lesquelles je
27:29travaille. Ça me fait peur, pourquoi ?
27:31Parce qu'on paye quand même beaucoup d'impôts, on est un des
27:33pays les plus imposés
27:35et de quelques côtés qu'on
27:37se tourne lorsqu'on va vers un service
27:39public, c'est vrai pour l'hôpital, c'est vrai avec
27:41la justice, ceux qui sont des acteurs
27:43de ces services publics disent
27:45qu'on n'a pas assez de moyens
27:47donc on se dit, on passe l'argent.
27:49Je veux être très honnête, il y a eu des
27:51énormes efforts ces dernières années, c'est indispensable
27:53de le dire, ce serait manquer vraiment à l'honnêteté
27:55intellectuelle de base que de ne pas le dire.
27:57J'entends bien.
27:59Émilie Desse, c'est à vous pour le rappel des titres.
28:01Le meurtrier présumé de Philippines est toujours
28:03entendu en Suisse en attendant d'être
28:05extradé vers la France. Ce Marocain de
28:0722 ans condamné pour viol était visé par
28:09une obligation de quitter le territoire.
28:11Il a été relâché malgré un risque
28:13de réitération de faits délictueux.
28:15Toutes les règles, toutes les normes
28:17visent à transférer l'insécurité
28:19sur les Français, déplore Jean-Philippe
28:21Tanguy. Le député RN de La Somme
28:23était l'invité de la grande interview Europe 1C News.
28:25Une centaine de personnes
28:27ont rendu hommage à Philippines hier soir
28:29lors d'une veillée de prière. Ces obsèques
28:31seront organisées demain à Versailles.
28:33Philippine, 19 ans, a été retrouvée morte
28:35dans le bois de Boulogne samedi dernier.
28:37Après 4 ans de procédure,
28:39Cédric Jubilar va être renvoyé aux Assises
28:41accusé d'avoir tué sa femme Delphine.
28:43Il est incarcéré depuis 2021.
28:45Les enquêteurs ont la conviction
28:47que Cédric Jubilar l'a tué
28:49alors qu'elle venait de lui annoncer son intention
28:51de divorcer. 72%
28:53des Français estiment qu'il faut
28:55engager des poursuites judiciaires
28:57à l'égard des représentants politiques qui dénigrent
28:59les forces de l'ordre. C'est ce qui
29:01ressort d'un sondage CSA pour Europe 1C News
29:03et le JDD. En début de semaine,
29:05le ministre de l'Intérieur, Bruno
29:07Rotaïo, a annoncé qu'il portait plainte
29:09contre l'insoumis Raphaël Arnault.
29:11L'élu avait accusé les forces policières
29:13d'être envoyées en Nouvelle-Calédonie
29:15pour assassiner les Kanaks.
29:17L'école doit être préservée.
29:19Des intimidations, de la brutalité
29:21et des violences assurent la nouvelle
29:23ministre de l'Éducation à la tenue.
29:25Ce matin, une réunion sur la sécurisation
29:27des établissements scolaires.
29:29En début de semaine, le collège Stéphane Malarmé
29:31de Marseille a été criblé
29:33d'un pacte de plomb. Il rouvre ses
29:35portes aujourd'hui. Israël
29:37continue de combattre le Hezbollah.
29:39Avec force, assure le Premier ministre
29:41israélien. Et ce, malgré un appel de la France
29:43et des États-Unis à un cessez-le-feu immédiat
29:45de 21 jours. Son gouvernement
29:47n'a pas répondu à cette
29:49proposition de trêve.
29:51Sahal annonce avoir frappé 75
29:53objectifs militaires du Hezbollah la nuit
29:55dernière. Le Hezbollah qui, de son côté, a
29:57multiplié les tirs de roquettes
29:59vers le nord d'Israël.
30:01Ce sont désormais six départements
30:03qui sont en vigilance. Orange, pluie et inondation.
30:05La Corrèze et les Alpes du Nord.
30:07Et le Jura à l'est. Des débordements
30:09de cours d'eau ou des coulées de boue
30:11sont possibles. Et puis du foot. Avec
30:13la Ligue Europa à Lyon, on reçoit les Grecs
30:15de l'Olympiakos ce soir à 21h.
30:17Hier, Nice a arraché le nul un
30:19partout face à la réelle Sociedad.
30:21Merci beaucoup Émilie Desse, 12h34.
30:2311h, 13h.
30:25Pascal Praud sur Europe 1.
30:27Encore quelques minutes avec monsieur Bladier, vice-président
30:29de la Conférence nationale des procureurs de
30:31République. Et c'est vrai que c'est bien
30:33lorsque vous venez dans les médias, et je pense que vous avez
30:35tout intérêt à venir, surtout
30:37pour expliquer et faire un peu
30:39de pédagogie, parce qu'on a l'impression
30:41qu'il y a une forme de morgue, parfois, dans la justice
30:43et de froideur. Et c'est bien
30:45donc d'expliquer, me semble-t-il.
30:47Oui, ça me coûte beaucoup
30:49de vous entendre, mais voilà, j'espère
30:51avoir diminué le taux de morgue
30:53et de froideur. Mais ce n'est pas
30:55votre cas. C'est la justice
30:57parfois qui est perçue comme ça.
30:59Parce que la justice, elle est tenue encore une fois
31:01et je sais très bien que ce n'est pas compatible avec les exigences
31:03du débat médiatique, mais encore une fois,
31:05le magistrat, il n'est légitime que s'il
31:07la ferme, pour dire les choses
31:09clairement, en réalité.
31:11Puisqu'il n'est pas censé participer
31:13au débat politique.
31:15Voilà, donc est-ce qualité ? Il n'a qu'un
31:17droit, se taire.
31:19D'expliquer les procédures comme vous le faites ce matin, c'est
31:21intéressant, c'est un exercice de pédagogie
31:23qui permet de comprendre. Vous-même, vous êtes frustré quand je vous réponds
31:25que, sur le fond, je ne peux pas vous dire parce que je ne connais
31:27pas le dossier ou parce que ma déontologie m'interdit d'eux.
31:29Vous contenez votre frustration, mais elle est là.
31:31La frustration, je ne sais pas
31:33si c'est le terme qui convient, mais en tout cas,
31:35Philippe est avec nous et Philippe
31:37va pouvoir vous...
31:39Puisque, dans cette émission,
31:41c'est aussi une des règles que
31:43nos invités puissent échanger avec
31:45des auditeurs. Philippe qui est routier
31:47et qui nous appelle de temps en temps. Bonjour Philippe !
31:49Bonjour monsieur.
31:51Bonjour. Bonjour Philippe.
31:53Excusez-nous de vous déranger, on aimerait un peu plus
31:55d'enthousiasme dans votre bonjour quand même.
31:57Je vous dis simplement bonjour, il n'y a pas de souci.
31:59Bon. Quel est votre sentiment sur la justice
32:01française et quelles questions auriez-vous
32:03à poser à un procureur de la République ?
32:05Alors déjà,
32:07moi j'étais choqué d'entendre des gens
32:09parler de Guantanamo, de peine de mort.
32:11Enfin voilà, en France, il y a une justice.
32:13Malgré
32:15le fait que, pour vous, la
32:17justice a une idéologie, donc est classée
32:19à gauche, obligatoirement.
32:21Mais si elle était à gauche, il y aurait peut-être plus de voleurs
32:23à col blanc qui seraient derrière les barreaux.
32:25Donc voilà, j'étais assez choqué
32:27de votre prise de position par rapport à ça.
32:29En même temps, on est dans la digne ligne éditorialiste
32:31de CNews d'Europe.
32:35En tout cas, la parole est
32:37libre sur cette antenne, puisque c'était
32:39moi la cible et ce n'était pas monsieur le procureur.
32:41Oui, parce que ce que vous avez dit
32:43m'a fait
32:45bondir.
32:47Je vous dis, la parole est libre et ça
32:49ne me dérange pas. Mais ce que j'aimerais, c'est que vous
32:51posiez une question intéressante
32:53à monsieur
32:55Bladier ou que vous ayez une remarque
32:57à faire.
32:59Non, la seule remarque que j'aurais à faire...
33:01Elle était pour vous.
33:03Ce n'était pas une balle perdue,
33:05comme on dit.
33:07Il n'y a pas de soucis, d'ailleurs.
33:09J'entends ce que vous dites.
33:11J'ai voulu étayer ma position
33:13qui n'était pas la mienne, d'ailleurs. Je
33:15rapportais la position de Gilles
33:17William Golnadel, avocat, qui
33:19indignait que parfois les clients
33:21qu'il a sont mis en prison
33:23plus rapidement que d'autres.
33:25Il reste en prison plus rapidement que d'autres
33:27parce qu'il y a une volonté, parfois,
33:29de faire payer
33:31plus fortement la délinquance
33:33en col blanc qu'une autre délinquance.
33:35Si c'est un avocat qui le dit, c'est que ça doit être vrai.
33:37Ah, monsieur
33:39Bladier, c'était un avocat.
33:41Par exemple,
33:43beaucoup d'avocats me disent cette chose.
33:45Merci beaucoup, Philippe, et je vous remercie grandement
33:47d'avoir intervenu. Beaucoup d'avocats me disent,
33:49des vieux avocats me disent, il y a 30-40 ans,
33:51j'étais en sécurité
33:53avec la justice, parfois.
33:55C'était mieux avant.
33:57Ils me disent précisément, il y a 30-40 ans,
33:59je pouvais dire à mon client,
34:01voilà, voilà, voilà, voilà. Aujourd'hui,
34:03je ne suis plus en sécurité avec la justice.
34:05Et disent-ils,
34:07et ça c'est quelque chose qu'ils rencontrent,
34:09notamment dans des jeunes magistrats,
34:11il y a parfois tout simplement de l'incompétence.
34:13Des gens qui sont mal formés
34:15et qui ne sont pas au niveau
34:17de ceux qu'ils pouvaient avoir.
34:19Et ils sont effectivement...
34:21Mais vous n'imaginez pas
34:23le nombre d'avocats que j'entends
34:25rapporter ça.
34:27La deuxième chose que j'entends de tous les avocats,
34:29c'est qu'un juge d'instruction,
34:31eh bien, il instruit à charge.
34:33Et jamais à décharge.
34:35Mais le propre de l'avocat,
34:37et c'est la grandeur de son métier.
34:39Et des clients aussi, si j'ose dire.
34:41Les clients me disent, quand je suis passé dans...
34:43Je m'apprêtais à vous dire que la grandeur
34:45de l'avocat, c'est d'avoir cheveillé au corps
34:47le seul intérêt de son client,
34:49a fortiori le dit client.
34:51Donc à partir de là, que voulez-vous ?
34:53Mais le juge d'instruction...
34:55Oui, évidemment,
34:57quand le juge d'instruction n'est pas convaincu
34:59par l'argument de l'avocat et qu'il renvoie le client
35:01devant un tribunal correctionnel ou une cour d'assises,
35:03l'avocat vous dit, le juge est nul.
35:05Oui, c'est son droit.
35:07Et le simple observateur
35:09que je suis,
35:11il se rend compte que parfois, entre l'appel
35:13et entre le premier
35:15décision, et c'est un échange que j'ai régulièrement
35:17avec Philippe Belger,
35:19il y a une décision qui va dans un sens
35:21et puis en appel, il y a une décision qui va
35:23dans le sens exactement
35:25contraire. Et c'est le même dossier.
35:27Sur la culpabilité ou sur la peine ?
35:29Ah non, sur
35:31la culpabilité.
35:33Et c'est le même dossier parfois.
35:35Donc tu te dis, qu'est-ce qui a changé ?
35:37Moi j'avais cité...
35:39C'était le maire de
35:41Georges Tron.
35:45En premier appel, cet homme il est
35:47innocenté.
35:49En deuxième appel, il est condamné à
35:512-3 ans de prison. C'est le même dossier.
35:53C'est le même dossier.
35:55La justice est humaine, c'est un vrai problème.
35:57La loi par exemple,
35:59si un jour vous êtes juré d'assises...
36:01Quand vous êtes dedans, je peux vous dire
36:03que ça doit vous faire drôle.
36:05Il faut remplacer les juges par l'intelligence artificielle.
36:07Monsieur Prot, si un jour vous êtes juré d'assises,
36:09la seule chose que la loi vous demandera, c'est
36:11quel effet
36:13les preuves ont fait sur votre intime conviction.
36:15Votre intime conviction ne sera peut-être
36:17pas celle de votre consoeur assis à votre côté.
36:19C'est la réalité des choses.
36:21La grandeur de la justice, c'est d'être servi
36:23par des femmes et des hommes. La faiblesse de la justice,
36:25c'est d'être servi par des femmes et des hommes. Oui,
36:27précisément. C'est pour ça que quand on dit
36:29la justice est laxiste, on étudie
36:31un cas, on met tout le monde autour d'une table
36:33et vous aurez 10 peines différentes.
36:35Moi, quand par exemple je requière, je ne sais pas,
36:37un an ferme et que le juge prononce
36:396 mois sur 6, c'est moi qui ai raison ?
36:41C'est lui qui a tort ? Ce n'est pas comme ça.
36:43La seule question, c'est est-ce que la peine est légale ?
36:45Bon, si déjà la peine est illégale,
36:47il y a un problème. Si la peine est légale, qui a raison ?
36:49Qui a tort ? C'est la perception.
36:51On ne peut pas demander au juge
36:53de faire autre chose que de juger selon
36:55sa conscience dès lors qu'il respecte la loi.
36:57Sinon, effectivement, il faut avoir des
36:59cadres restrictifs de la marge
37:01d'appréciation du juge. Mais ça, c'est au législateur
37:03de définir le périmètre
37:05de liberté du juge.
37:06Dans les questions que les uns et les autres se posent,
37:08quels sont vos rapports avec
37:10un ministre de la justice ?
37:12Quand on est un magistrat important
37:14comme vous, un procureur, est-ce que
37:16le ministre, vous le rencontrez ?
37:18Est-ce qu'il vous demande votre avis ?
37:20Est-ce qu'il vous teste ?
37:22Est-ce qu'il prend le pouls
37:24de ses procureurs ?
37:26Est-ce qu'il arrive avec une idéologie
37:28ou avec des principes ?
37:30On a envie de savoir comment de l'intérieur
37:32les choses se passent.
37:34Sur le plan de la loi, c'est très clair.
37:36Le ministère public, c'est une pyramide.
37:38Au sommet de laquelle, il y a le garde des Sceaux.
37:40C'est clair. Il a un certain nombre de prérogatives.
37:42Il peut donner des instructions
37:44qui soient exclusivement générales.
37:46Il ne peut pas dire, monsieur Blady, dans le dossier machin,
37:48vous allez faire comme ça. Il peut dire, je souhaite
37:50que face à tel phénomène de délinquance,
37:52mesdames, messieurs les procureurs généraux
37:54et mesdames, messieurs les procureurs,
37:56vous agissiez dans ce sens-là.
37:58Ensuite, ces instructions sont déclinées au niveau
38:00du cours d'appel par les procureurs généraux.
38:02Ils sont 35. Et ensuite, les procureurs généraux,
38:04ils ont autorité sur les 160
38:06ou 64 procureurs de la République de France.
38:08Ensuite, bien évidemment,
38:10on rencontre d'autres ministres.
38:12Moi, j'ai été amené plus particulièrement ces dernières années
38:14puisque j'ai été élu par mes pères au conseil
38:16d'administration de la conférence des procureurs.
38:18C'est-à-dire l'organisme qui représente les procureurs.
38:20Mais sinon, il est tout à fait usuel
38:22qu'un garde des Sceaux réunisse
38:24les procureurs généraux et les procureurs de la République
38:26pour délivrer ces instructions.
38:28Et naturellement, les procureurs,
38:30comme du côté des magistrats du siège,
38:32les présidents et les premiers présidents
38:34et les magistrats de terrain,
38:36qui ne sont pas chefs de juridiction ou de cours d'appel,
38:38sont associés à de très nombreux groupes
38:40de travaux à la chancellerie pour avancer
38:42les réflexions sur des tas de sujets.
38:44Ça fait combien de temps que vous êtes dans la magistrature française ?
38:46Je suis rentré à l'UNM en janvier 2000
38:48et je suis en poste depuis septembre 2002,
38:50donc 22 ans.
38:52Est-ce que vous diriez que la société française,
38:54la délinquance française,
38:56la criminalité française,
38:58va moins bien ou va mieux qu'il y a 25 ans ?
39:00Alors, je vais vous faire une réponse
39:02avec cette nuance.
39:04Je pense déjà qu'à l'époque, j'ai commencé à Angers
39:06et que la région me paraissait
39:08moins criminogène que celle où j'oeuvre
39:10actuellement. Après,
39:12je vous le dis sans phare et sans difficulté,
39:14je suis effaré par le niveau de violence.
39:16Voilà.
39:18Effaré par le niveau de violence,
39:20notamment intrafamilial,
39:22effaré par le niveau de violence faite aux femmes,
39:24effaré par le niveau de violence faite aux enfants
39:26et je pense que nous minerons encore
39:28un... je sens venir
39:30la vague qui va submerger la justice, qui est la question
39:32de la violence sur les personnes âgées vulnérables
39:34et oui, je me garderais bien
39:36de vous dire que tout va bien.
39:38Et tout ça vous paraît nouveau ou
39:40pire qu'il y a quelques années ?
39:42La violence par exemple. Vous êtes confronté
39:44à une violence souvent des très jeunes.
39:46Est-ce que vous diriez que lorsque vous avez commencé,
39:48cette violence-là n'existait pas ?
39:50C'est très difficile de répondre à cette question
39:52encore une fois, parce que ce ne sont pas les mêmes zones.
39:54C'est très complexe.
39:56Si on prend l'exemple des violences conjugales
39:58ou des violences faites aux femmes,
40:00plus largement, il y a une vraie interrogation
40:02sur... on sait qu'on en dénonce
40:04bien plus qu'avant, et c'est tant mieux.
40:06On sait qu'on n'en dénonce pas encore assez.
40:08Il faut qu'on arrive tous à faire en sorte que ça évolue.
40:10Est-ce qu'il y en a plus qu'avant ?
40:12Est-ce qu'on en dénonce plus parce qu'il y en a plus qu'avant
40:14ou est-ce que c'est parce que la société a réussi
40:16à un peu progresser, à donner un peu plus confiance aux femmes,
40:18à les convaincre un peu plus
40:20parce qu'elles vont être écoutées, prises en compte
40:22et que donc elles franchissent...
40:24Moi, intuitivement, ce qui m'a amené à penser
40:26que peut-être, peut-être, on avait réussi
40:28collectivement ça,
40:30c'est que j'ai vu augmenter le nombre de dossiers
40:32dans lesquels j'ai pu retenir
40:34la circonstance de violences
40:36habituelles sur les femmes.
40:38C'est-à-dire que j'ai vu plus de femmes qu'avant
40:40venir dire ça fait des années que ça dure.
40:42Et donc, peut-être, et vraiment je dis peut-être
40:44parce que je ne suis pas sûr de l'argument que j'avance,
40:46mais je me dis que peut-être ça veut dire que
40:48collectivement, on a réussi un petit peu
40:50non pas à faire augmenter les nombres de violences conjugales,
40:52espérons-le que non, mais à
40:54donner la conviction à des femmes qu'elles peuvent
40:56faire confiance au système et venir dénoncer
40:58ce qu'elles subissent.
40:59Mais au-delà de la violence faite aux femmes,
41:01c'est idée répandue dans l'opinion publique que la société
41:03française est plus violente
41:05qu'il y a 20 ans. Est-ce que
41:07vous adhérez à cette idée ?
41:09Sincèrement, il faudrait...
41:11Je sais, par exemple, qu'assez récemment, il me semble avoir lu
41:13une étude qui disait que le nombre de domiciles
41:15volontaires était reparti à la hausse
41:17après des années de baisse. Voilà, ça c'est des nouveaux objectifs
41:19sur lesquels on peut effectivement...
41:21qu'il faut assumer et affronter.
41:23Et si on se projette évidemment avec
41:25ce nouveau ministre qui va arriver,
41:27votre demande numéro
41:29un aujourd'hui,
41:31elle est d'avoir plus de magistrats,
41:33plus de moyens...
41:34C'est le maintien de la LPJ.
41:36Déjà franchement, la loi de programmation
41:38pour la justice qui a été adoptée par le Parlement
41:40il y a un an de mémoire, fin 2023.
41:42Et je mesure bien
41:44que dans le contexte budgétaire, c'est déjà
41:46un défi, un enjeu. Mais vraiment,
41:48vous vous souvenez, tout ça, ça arrive après les états généraux
41:50de la justice. Il y a eu un diagnostic qui a été posé.
41:52Et encore une fois, oui, je sais bien,
41:54tout n'est pas une question de moyens. Et vous avez raison,
41:56tout n'est pas une question de moyens. Je vous l'ai dit,
41:58je plaide une évolution culturelle pour qu'on travaille
42:00sur la gestion du risque. Donc je ne suis pas
42:02en train de vous dire que tout est une question de moyens.
42:04Mais c'est aussi une question de moyens. Et la priorité, elle est celle-là.
42:06Monsieur Bladier, je vous remercie beaucoup.
42:08Je vous remercie de votre écoute.
42:10Je pense que tous les procureurs,
42:12en tout cas la justice, a un intérêt
42:14à venir sur les plateaux
42:16de télévision. Alors, évidemment,
42:18je ne suis pas sûr que tout le monde soit aussi
42:20doué que vous, dans cet exercice
42:22de pédagogie, pour répondre...
42:24Vous faites le flagorneur sur la femme.
42:26C'est très aimable.
42:28Écoutez, je suis toujours au plus près
42:30de ce que je pense, ce qui rend la vie
42:32assez facile pour moi. Pourquoi ?
42:34Parce que vous vous mettez à notre
42:36hauteur, si j'ose dire. Sans morgue,
42:38justement, sans distance,
42:40sans surplomb.
42:42Donc, vous parlez à travers moi
42:44à ceux qui nous écoutent, et vous témoignez,
42:46vous rapportez
42:48l'avis d'abord d'un procureur, et puis
42:50vous expliquez, sans jamais d'ailleurs
42:52botter en touche sur toutes les questions
42:54que j'ai pu vous poser.
42:56Donc, je trouve ça agréable, mais votre nature
42:58sans doute vous pousse à être
43:00dans la pédagogie et dans
43:02la conciliation.
43:04Merci monsieur. Et rendez-vous à mots, alors ?
43:06Je viendrai à mots couverts, bien sûr.
43:08Il est 12h47. Merci,
43:10vraiment merci beaucoup. J'espère que
43:12ça vous a intéressé aussi. Je parle aux
43:14auditeurs, mais je suis sûr que la régie était passionnée
43:16par cela. On marque
43:18une pause, et le grand débrief tout de suite.
43:20A tout de suite, c'est le repas.

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