DB - 06-09-2024
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00:00:00Sous-titres réalisés para la communauté d'Amara.org
00:00:30L'École normale
00:00:36Respecté de tous, Oscar Thibault, membre de l'Institut,
00:00:39président des œuvres catholiques,
00:00:41est fier de son fils, le docteur Antoine Thibault.
00:00:45Il a toujours été en conflit avec son fils cadet Jacques.
00:00:48Jeune, il l'a fait interner à Crouilly,
00:00:50dans une maison de redressement qu'il a lui-même fondée.
00:00:53Plus tard, alors que Jacques venait d'être reçu à l'école normale,
00:00:57son père s'est opposé à son penchant pour une protestante,
00:01:00Génie de Fontanin, la sœur de son ami Daniel.
00:01:03Après une scène très violente, Jacques s'est enfui,
00:01:06laissant sa famille sans nouvelles.
00:01:08Gise, la jeune filleule de son père, qui aime Jacques depuis l'enfance,
00:01:12ne peut se consoler de cette disparition.
00:01:15Maintenant, trois ans ont passé.
00:01:19Après...
00:01:24Aubry, félicien.
00:01:27Sous-officier de Joive.
00:01:30Demande une place de surveillant au pénitentier de Crouilly.
00:01:34Pénitentier, pourquoi pas prison ?
00:01:37Au poignet.
00:01:38Quoi ?
00:01:39Après.
00:01:40Pourquoi pas prison ?
00:01:52Presbytère de Ville-Neuve-Joubin.
00:01:55Profonde reconnaissance.
00:01:58Remerciements pour un pupil.
00:02:01Sans intérêt.
00:02:02Sans intérêt, lisez, M. Charles, lisez.
00:02:06M. le fondateur, mon saint ministère me donne l'occasion de remplir un devoir bien doux.
00:02:12Je suis chargé par ma paroissienne, Mme Bélier,
00:02:15de vous exprimer sa profonde reconnaissance...
00:02:18Plus tard.
00:02:19Profonde reconnaissance pour les admirables résultats du régime de Crouilly
00:02:24sur la nature du jeune Alexis.
00:02:26Depuis son retour, nous sommes unanimes à louer la douceur d'Alexis,
00:02:31son goût au travail, son aile à remplir les devoirs de notre religion.
00:02:35Je prie notre seigneur qu'il accorde ses grâces à la prospérité d'une œuvre
00:02:41où de pareilles rénovations morales sont possibles.
00:02:45Et je salue respectueusement M. le fondateur
00:02:48en qui revit l'esprit de charité et désintéressement d'un saint Vincent de Paul.
00:02:54Eh bien, bien belle lettre, M. Charles.
00:02:58Pensez-vous pas que nous devrions l'insérer dans notre prochain bulletin ?
00:03:02Rappelez-le-moi à l'occasion, après.
00:03:08Non, finissons-en d'abord.
00:03:11Ministère de l'Intérieur. Administration pénitentiaire.
00:03:16Nous l'en faisons. C'est une formule imprimée. A vos lots.
00:03:21Mais lisez, M. Charles.
00:03:23Institut de France. Séance du 27.
00:03:27Plus fort. Après.
00:03:42Je suis un homme fini, M. Charles.
00:03:45Déjà ?
00:03:48Voyez-vous pas que chaque jour, les forces m'abandonnent davantage ?
00:03:53Enfin, si je dois mourir, que ce soit le plus vite possible.
00:04:00Mourir ?
00:04:02Il y a un jour où on n'a plus envie que de repos.
00:04:11La mort ne doit pas effrayer un chrétien.
00:04:14Bien sûr. La mort, ça ne doit pas effrayer.
00:04:18Si moi, la mort de ma mère, eh bien, ça ne m'effraie pas.
00:04:22Et pourquoi s'effrayer ?
00:04:24Et pourtant, on est bien tranquille, maintenant qu'elle est dans son asile.
00:04:27Et même en enfance. C'est ça qui fait le charme.
00:04:30D'ailleurs, ma mort non plus ne m'effraie pas.
00:04:33Ça regarde le bon Dieu en définitive.
00:04:36Mais la vie, c'est la vie qui m'effraie, moi.
00:04:40Je vais lire, voilà.
00:04:42Dame, comptons.
00:04:44400 francs que je touche ici tous les mois, ce n'est pas un gros maximum.
00:04:48Et pourtant, on regarde à tout. Ma parole d'honnête homme, monsieur.
00:04:51On regarde même au journal. On relit des vieux qu'on avait mis de côté.
00:04:55Si j'avais plus ces 400 francs, mais qu'est-ce qu'on dirait ?
00:05:02Oui, oui, bien sûr.
00:05:06Ayez confiance. C'est toujours le refrain.
00:05:09C'est monsieur de Saint-Roch, par exemple.
00:05:11Ayez confiance, voyons, vous n'êtes pas sans protecteur.
00:05:14Sans protecteur, non, j'admets, je ne suis pas sans protecteur.
00:05:18Et la confiance, je peux bien l'avoir, moi.
00:05:21Mais il faudrait d'abord le petit capital.
00:05:23Avoir confiance, monsieur, ce serait plus facile si j'étais sûr.
00:05:27Oh, monsieur Charles.
00:05:30Monsieur Charles, je crois vous avoir compris.
00:05:33Mais...
00:05:35Comment dirais-je ? Est-ce qu'il n'y a pas plus de courage
00:05:39à repousser certaines suggestions qu'à y céder par faiblesse ?
00:05:44Voyons.
00:05:46La pauvreté.
00:05:48N'est-ce pas une forme déguisée de la grâce divine ?
00:05:55Hein ?
00:05:57Pensez-y.
00:06:00Et l'inégalité des biens temporels.
00:06:04N'est-ce pas la condition même de l'équilibre social ?
00:06:07Allons ! Pensez-y. Pensez-y, mon ami.
00:06:11Bien sûr, c'est ça qui fait le charme.
00:06:15Monsieur Charles, je vous ai inculqué de bons principes.
00:06:20Exact et sérieux comme vous êtes,
00:06:25vous pourrez toujours rendre des services.
00:06:29Même si...
00:06:32Enfin, même si je devais disparaître avant vous.
00:06:36Pour ça, monsieur, vous pouvez mourir tranquille.
00:06:39Je me débrouillerai toujours.
00:06:41La bricole, les inventions pratiques.
00:06:44C'est ma petite idée.
00:06:46Toute une affaire à mettre sur pied dès que vous ne serez plus là.
00:07:02Ah, vous priez pour moi, ma sœur.
00:07:05Mais oui, monsieur. Plusieurs fois par jour.
00:07:09Je suis bien malade, ma sœur.
00:07:12Très, très malade.
00:07:17Eh bien, en voilà des idées.
00:07:22Ah.
00:07:24On ne devait pas me le dire, mais moi, je le sens bien.
00:07:28Je ne me remettrai jamais.
00:07:32Je vais voir l'abbé Vécart.
00:07:34Vous avez communié l'autre samedi, monsieur.
00:07:36Vous devez être en règle avec le bon Dieu.
00:07:41Ah, c'est toi.
00:07:43As-tu m'expliqué pourquoi je souffre de plus en plus ?
00:07:47Ah, c'est toi.
00:07:51As-tu m'expliqué pourquoi je souffre de plus en plus ?
00:07:54À croire que vos sérums exaspèrent la douleur au lieu de...
00:07:58Mais naturellement, ils exaspèrent.
00:08:00Et c'est la preuve qu'ils agissent.
00:08:03Ah.
00:08:06Qu'éprouves-tu en ce moment ?
00:08:08Oh.
00:08:10La douleur dans les jambes.
00:08:13Et puis, la lourdeur dans les reins.
00:08:17On a fait un sondage à trois heures.
00:08:19Et puis...
00:08:21Un poids là, là.
00:08:24Une oppression comme...
00:08:31Tu m'écoutes, Antoine ?
00:08:37Dans le testament que tu trouveras après ma mort...
00:08:40Père, je ne te croyais pas si pressé de mourir.
00:08:43Non, mais laisse-moi parler, mon cher.
00:08:45Aux yeux de la science, je ne suis peut-être pas de ces malades...
00:08:49Qu'on ne peut guérir, mais...
00:08:52Mais moi, je sens.
00:08:55Alors...
00:08:57Enfin, que veux-tu ?
00:08:59Prenons patience.
00:09:01La miséricorde de Dieu est infinie.
00:09:04Ce n'est pas ça que je voulais te dire.
00:09:07J'ai pris certaines dispositions.
00:09:10Une liste de lègue...
00:09:14Pour les vieux serviteurs.
00:09:17Oui, je n'ai peut-être pas été assez...
00:09:21Généreux.
00:09:24Je pense à M. Charles.
00:09:29Notre présence nous impose certains devoirs.
00:09:35Ne sommes-nous pas le pivot sur lequel tourne la société ?
00:09:39Mais père, je suis de ton avis.
00:09:43Oui, tu es de mon avis.
00:09:50Tu en reviendras.
00:09:54Tu en reviendras de ces idées-là.
00:09:57Allons, voyons.
00:09:59Élevé comme tu l'as été, est-ce que tu ne devrais pas...
00:10:03Enfin, une certaine ferveur religieuse ?
00:10:08J'ai eu deux fils.
00:10:11Dès la naissance, ils se sont éloignés de moi.
00:10:18Et pourtant, n'ai-je pas fait tout ce qu'il fallait ?
00:10:22Dès le plus jeune âge, je ne les ai pas confiés à l'Église.
00:10:30Pour cette tâche chrétienne, ta sainte mère m'a donné un enfant.
00:10:35Pour cette tâche chrétienne, ta sainte mère m'a été ravie trop tôt.
00:10:43J'ai oublié tout ferme.
00:10:48J'ai peut-être été dur.
00:10:53Mais Jacques s'est tué.
00:10:57Le docteur vient tout de suite, mademoiselle. Je l'ai prévenu.
00:11:01Voulez-vous un peu de lumière ?
00:11:27Bonsoir, Gise.
00:11:28Il y a beaucoup de monde, aujourd'hui.
00:11:30C'est le métier. Veux-tu aller dans mon cabinet ou rester ici ?
00:11:35Comment vas-tu, toi ? Mais on ne se voit plus jamais.
00:11:40Je ne sais pas.
00:11:42Je ne sais pas.
00:11:44Je ne sais pas.
00:11:46Je ne sais pas.
00:11:48Je ne sais pas.
00:11:50Je ne sais pas.
00:11:52Je ne sais pas.
00:11:54J'ai été vraiment peu émouvable.
00:11:57Oui.
00:11:59Tu es une très jolie médaille.
00:12:03Donne-moi ta main.
00:12:06Elle n'est plus potelée comme autrefois, ta petite main.
00:12:14Ton père s'est assoupi ?
00:12:18Comme tu as la peau douce, Gise.
00:12:20Que voulais-tu me dire ?
00:12:22Jacques.
00:12:24Père est très malade, tu sais, depuis son opération de cet hiver.
00:12:28Père?
00:12:29Oui.
00:12:31Mais malade au point de...
00:12:32Oui.
00:12:35Combien de temps crois-tu?
00:12:39Deux ou trois mois, tout au plus.
00:12:41Ou peut-être moins.
00:12:47Dis-moi, Gise.
00:12:50Tu vas me laisser seule, maintenant?
00:12:53Il faut que je retourne à Londres.
00:12:55Il est essentiel pour moi d'avoir ce diplôme.
00:12:59Je vais avoir besoin de me suffire à moi-même bien plus tôt que je pensais.
00:13:03Mais ça ne serait pas nécessaire.
00:13:07Et Jacques?
00:13:10Toujours pas de nouvelles.
00:13:14Monsieur Rumel vient d'arriver.
00:13:16Oui.
00:13:20Adieu, Gise.
00:13:23Adieu.
00:13:25Écoute, Antoine.
00:13:27Dès que je pourrai, je ferai un saut à Paris, je te le promets.
00:13:44Promesseur Jalicourt, je suis Antoine Thibault.
00:13:49Le frère de Jacques Thibault.
00:13:51Si vous permettez que nous fassions quelque part, je voudrais vous demander deux ou trois choses à son sujet.
00:13:56Oui.
00:13:57Que savez-vous de Jacques, monsieur?
00:14:00Vous allez comprendre.
00:14:01Une lettre adressée à Jacques, cela n'était pas arrivé depuis trois ans.
00:14:05Et alors, si je me suis permis d'ouvrir la vôtre, c'est que depuis trois ans, mon frère a disparu.
00:14:11Comment disparu?
00:14:12Oui, depuis trois ans.
00:14:14Sans motiver son départ, sans donner signe de vie.
00:14:17Il n'y a aucun frère qui est gravement malade aujourd'hui, ni à moi, à personne, sauf à vous.
00:14:24Vous me comprenez?
00:14:26Et nous ne savions même pas s'il était encore vivant.
00:14:28Vivant, il l'est, puisqu'il vient de publier une nouvelle qui m'est parvenue par la poste.
00:14:33D'ailleurs, elle n'est pas signée Thibault.
00:14:35C'est moi qui ai cru pouvoir interpréter un pseudonyme qui m'a paru clair.
00:14:40Jacques Bolti.
00:14:42Bolti, Bolti, n'est-ce pas?
00:14:44D'ailleurs, j'ai bien reconnu l'écriture.
00:14:47Mais d'abord, expliquez-moi, pourquoi est-il parti?
00:14:52Jacques est un violent.
00:14:53Oui, déjà à 13 ans, il avait fait une fugue entraînant avec lui un camarade.
00:14:57Mais depuis, il s'était ressaisi.
00:14:59Et il passait ses vacances paisiblement, en attendant l'entrée anormale.
00:15:03Voyons que je rappelle mes souvenirs.
00:15:07Votre frère est venu me voir un soir, assez tard, à l'improviste.
00:15:12Il doit y avoir trois ans.
00:15:14Un peu avant la rentrée des classes.
00:15:16Juste avant son départ.
00:15:20Je l'ai reçu. Je reçois toujours les jeunes gens.
00:15:23Sa physionomie énergique, passionnée, presque fiévreuse, mais restée présente à l'esprit.
00:15:32Il hésitait entre deux déterminations.
00:15:35Devait-il entrer sagement à l'école, ou bien renoncer aux examens, travailler à sa guise?
00:15:42Écrit.
00:15:44Ah, je vous avoue que je ne sais plus très bien ce que je vais conseiller.
00:15:47Oh, sans doute, ai-je dû l'engager à ne pas abandonner l'école.
00:15:52Il m'a parlé avec une violence juvénile de l'esprit universitaire, de la discipline.
00:16:00De certains professeurs, oui.
00:16:02Et même, si j'ai bonne mémoire, de sa vie de famille.
00:16:06Il a parlé de nous?
00:16:07Cela vous étonne?
00:16:08Ah, j'aime assez l'intolérance des jeunes.
00:16:11C'est bon qu'un adolescent soit en révolte.
00:16:13Et tenez, parmi mes élèves, ceux qui sont arrivés à quelque chose,
00:16:17étaient tous de ces dociles entrées dans la vie, l'injure à la bouche.
00:16:22Comme disait mon maître, monsieur Renan.
00:16:25Et pour en revenir à monsieur votre frère,
00:16:29je ne sais plus très bien comment nous nous sommes quittés.
00:16:32Toujours est-il que, le surlendemain peut-être,
00:16:35il m'a fait parvenir un feuillet,
00:16:38et que je dois savoir encore à la maison.
00:16:42Oui, ce n'est pas une lettre,
00:16:44une simple transcription d'un poème de Whitman.
00:16:47A foot and light-hearted, I take the open road.
00:16:52A pied et de cœur léger, je prends la route, la route ouverte, la grande route.
00:16:56Oui, mais la nouvelle.
00:16:58Elle a paru en septembre, dans Calliope.
00:17:02Calliope est une revue de jeunes très vivante,
00:17:06éditée à Lausanne.
00:17:08Neuf fruits de la mercerie à Lausanne.
00:17:10Vous verrez, vous verrez, c'est plein de talent.
00:17:13Moi, j'avoue, je suis trop vieux.
00:17:16Mais tout de même, il y a là un accent...
00:17:20Vous permettez.
00:17:23Pour la première fois, le fils fait front à son père.
00:17:27Et ce fils a cru aimer une certaine Annetta, sa demi-soeur,
00:17:32mais il a décidé d'épouser une autre jeune fille nommée Sybille,
00:17:36une protestante.
00:17:38Jamais le père n'a heurté de résistance qu'il n'ait écrasé.
00:17:42Il feint le calme.
00:17:44Taisez-vous.
00:17:46Pensez-vous qu'une hérétique allait porter notre nom, le mien ?
00:17:49Jamais. Machination, machination, Huguenot.
00:17:54Le fils rédit les points.
00:17:56Il souhaite...
00:17:58Il souhaite la mort du père.
00:18:04Pour un suprême affront, il trouve la force de rire.
00:18:08Il laisse tomber.
00:18:10Vous êtes comique.
00:18:12Il passe devant le père.
00:18:14Il ricane tête haute.
00:18:16Où vas-tu ?
00:18:18Je vais me tuer.
00:18:20Le père a levé la main.
00:18:22Va-t'en, mauvais fils.
00:18:24La voix du père s'élève une dernière fois.
00:18:27Je te maudis.
00:18:30Le fils traverse en courant la terrasse
00:18:33et se perd dans la nuit.
00:18:36Je peux l'emporter ?
00:18:38Naturellement.
00:18:42Est-ce qu'il n'y aurait pas, par la transparence,
00:18:46un accent autobiographique ?
00:18:50Vous devez le savoir mieux que moi.
00:19:46C'est bon.
00:20:47Je vais me tuer.
00:20:57C'est pour moi.
00:21:03Viens.
00:21:17Qu'est-ce que tu me veux ?
00:21:19Mais qu'est-ce qu'on me veut ?
00:21:21Jacques.
00:21:23Qu'est-ce que tu me veux ?
00:21:25Père est au plus mal.
00:21:27Je suis venu te chercher, mon petit.
00:21:30Je n'ai personne auprès de moi.
00:21:32Mademoiselle ne compte pas et j'y suis en Angleterre.
00:21:35En Angleterre ?
00:21:37Oui.
00:21:39Je suis venu te chercher.
00:21:41Je suis venu te chercher.
00:21:43Mademoiselle ne compte pas et j'y suis en Angleterre.
00:21:46En Angleterre ?
00:21:47Oui. Elle prépare un diplôme dans un couvent.
00:21:50Je suis tout seul.
00:21:52J'ai besoin de toi.
00:22:03Jacques.
00:22:06Tu m'en veux ?
00:22:09Père va mourir.
00:22:11Quand ?
00:22:14Quand penses-tu partir ?
00:22:16Au plus tôt.
00:22:18Tout est à craindre.
00:22:20Demain ?
00:22:21Ce soir même, si c'était possible.
00:22:24Le rapide de nuit.
00:22:29Pauvre père.
00:22:33Après tout ce qu'il a souffert et souffre encore,
00:22:37la mort sera pour lui une délivrance.
00:22:40Pour nous, sans aucun doute.
00:22:46Comment m'as-tu trouvé ?
00:22:52Par Jalicourt.
00:22:56Par Jalicourt ?
00:23:06Par Jalicourt.
00:23:20Alors, toi aussi, tu as...
00:23:23Tu as lu ma nouvelle ?
00:23:28Et qui d'autre encore ?
00:23:30Personne. Ma parole.
00:23:33Qui est-ce qui sait que tu es ici ?
00:23:35Personne.
00:23:37Père ?
00:23:38Mais non.
00:23:39Gise ?
00:23:40Non, personne.
00:23:43Gise est à Londres.
00:23:45Mieux vaut qu'elle ne sache encore rien.
00:23:49Pauvre père.
00:23:51Tu le jugerais peut-être autrement
00:23:53si tu l'avais vu comme moi vieillir pendant ces trois ans.
00:23:56Peut-être.
00:23:59Tu me juges sévèrement.
00:24:01Ça m'est égal.
00:24:03Je ne le mérite pas.
00:24:05Mais non.
00:24:07J'ai tout de même le droit d'être heureux à ma façon.
00:24:09Jacques !
00:24:10Je ne suis pas venu ici pour te faire le moindre reproche.
00:24:13Tais-toi, Antoine.
00:24:15Laisse tout ça, tu ne peux pas comprendre.
00:24:21Comment t'en tires-tu ?
00:24:24Tu vois.
00:24:26Je ne te pose pas de questions pour me mêler de tes affaires, Jacques.
00:24:32Va falloir que je te présente au père Kemerzin.
00:24:34Après, nous irons faire un tour.
00:24:48Excusez-moi, monsieur Kemerzin.
00:24:50Je ne fais que passer pour vous présenter mon frère Antoine.
00:24:52Tiens, bonjour, cher monsieur.
00:24:54Et vous annoncez que je serai absent quelques jours.
00:24:56Absent, mon garçon ?
00:24:57Oui, je pars ce soir.
00:24:59Pour Paris.
00:25:01Mais je conserve la chambre.
00:25:03Je laisse toutes mes affaires.
00:25:05Ah, c'est très bien, très bien, mon garçon.
00:25:07Ah !
00:25:09Vous verrez ça dans le prochain numéro du journal.
00:25:11Tout le projet d'une imprimerie coopérative
00:25:13pour les journaux du parti.
00:25:15Bon, à tout à l'heure.
00:25:17Je n'entre pas déjeuner.
00:25:19Si on me demande, je serai à midi au Gastronomica.
00:25:29Vous avez vu quelqu'un de là-bas ?
00:25:31Non.
00:25:33Antoine ?
00:25:35Une macabre de reproche.
00:25:37Que veulent-ils ?
00:25:39Ils disent que c'étaient des gens payés.
00:25:41C'est-ce ma faute ?
00:25:43Ils savent bien qu'on ne les dénoncera pas.
00:25:45Sabakin disparaîtra dès qu'il aura senti le vent.
00:25:47Et Bisson aussi, vous verrez.
00:25:49Bisson ?
00:25:51Peut-être.
00:25:53Mais...
00:25:55Je ne sais pas.
00:25:57Peut-être.
00:25:59Mais ces revolvers ?
00:26:01Non, ça, c'est facile à prouver.
00:26:03Écoutez, Rayer.
00:26:05Ne comptez pas sur moi ces jours-ci.
00:26:07Je ne pourrai rien écrire d'ici quelques temps.
00:26:09Mais allez trouver Richard Lay.
00:26:11Il va remettre les papiers.
00:26:13Vous lui direz que c'est pour moi.
00:26:15S'il a besoin d'une signature,
00:26:17qu'il téléphone à MacLear, n'est-ce pas ?
00:26:19Et Lute ?
00:26:23J'y peux rien, j'y peux rien, je l'aime.
00:26:27Et ça vous mènera-t-il tous les deux ?
00:26:29J'irai chez Richard Lay.
00:26:31Vous êtes un grand, un vrai, un chic type.
00:26:33Rie de vous voir, Baltis, là.
00:26:35Bras commode presque avec le monde.
00:26:37Avec l'homme.
00:26:39Au revoir.
00:26:51J'ai séjourné en Italie.
00:26:53En Allemagne.
00:26:55En Autriche.
00:26:57Ça ne va pas ?
00:26:59Migraine.
00:27:01Oui, docteur.
00:27:03Je suis devenu sujet aux migraines.
00:27:05Quel genre ?
00:27:07Une douleur. Par là.
00:27:09Toujours à gauche ?
00:27:11Non.
00:27:13Des neurologies ? Des troubles oculaires ?
00:27:15Rassure-toi, ça va beaucoup mieux.
00:27:17Non, il faudra qu'on t'examine sérieusement.
00:27:19Tu n'avais rien de semblable autrefois.
00:27:21Quand cela a-t-il commencé ?
00:27:23Après une maladie.
00:27:25Comme un choc.
00:27:27Une grippe, peut-être.
00:27:31Je suis resté près d'un mois.
00:27:33À l'hôpital.
00:27:35À l'hôpital ? Où ?
00:27:37À Gabès.
00:27:39À Gabès. En Tunisie ?
00:27:41Oui.
00:27:43J'avais eu le délire, paraît-il.
00:27:45Alors après, j'ai terriblement souffert de la tête.
00:27:47Pendant des mois.
00:27:49Ce qui m'a sauvé, c'est la peur.
00:27:51Je n'avais plus qu'une idée.
00:27:53Prendre le bateau et gagner Naples.
00:27:55Pourquoi Naples ?
00:27:57D'abord, à Naples, j'avais une recommandation
00:27:59pour quelqu'un du consulat.
00:28:01L'ajournement est beaucoup plus facile à l'étranger.
00:28:03Je préférais être en règle.
00:28:05D'ailleurs, j'aurais préféré être porté déserteur
00:28:07plutôt que de rentrer en France
00:28:09pour être coffré dans leur caserne.
00:28:13Mais pour ces voyages, tu avais de l'argent ?
00:28:15Quelle question !
00:28:17C'est bien de toi.
00:28:19Mais je ne me suis trouvé longtemps sans argent.
00:28:21Le nécessaire.
00:28:23Là-bas, au début, évidemment, il a fallu faire n'importe quoi.
00:28:25On se tire très vite d'affaires, tu sais.
00:28:27Mais quoi ? Comment ?
00:28:29Eh bien, par exemple,
00:28:31des leçons de français,
00:28:33des corrections d'épreuves
00:28:35et puis, très vite, des reportages.
00:28:39Que cela aille loin.
00:28:41Laisse.
00:28:43Je n'ai jamais pu supporter le printemps d'Italie.
00:28:49Eh, Daniel, tu as des nouvelles ?
00:28:51Daniel ?
00:28:53Mais figure-toi que nous sommes devenus de grands amis.
00:28:57Ça t'étonne ?
00:28:59C'est vrai que nous sommes assez différents, lui et moi.
00:29:01Mais j'ai fini par accepter sa conception de la vie.
00:29:05Oui, elle peut être légitime quand on dit qu'elle est légitime,
00:29:07mais quand on dit qu'elle n'est pas légitime,
00:29:09elle est légitime.
00:29:11C'est vrai.
00:29:13C'est vrai.
00:29:15C'est vrai.
00:29:17Oui, elle peut être légitime quand on est l'artiste qu'il est.
00:29:21On se met là ?
00:29:23Oui.
00:29:25Tu sais qu'il réussit au-delà de toute prévision ?
00:29:27Oui, son exposition
00:29:29chez Ludwigson l'a tout à fait lancée.
00:29:33Il vendrait beaucoup plus s'il voulait,
00:29:35mais il produit si peu.
00:29:37Une choucroute ?
00:29:39Deux choucroutes, s'il vous plaît.
00:29:41Et deux bocs.
00:29:43Daniel est à Paris.
00:29:45Sait-il que...
00:29:47Mais non.
00:29:49Il fait son service à Lunéville.
00:29:51Il y est encore pour des mois.
00:29:53Jusqu'en octobre 14.
00:29:55Je l'ai à peine vu depuis un an.
00:29:59Et Jenny ?
00:30:01Elle a été malade et sa mère l'a emmenée dans le milieu.
00:30:05Pardon.
00:30:07Je vous dérange ?
00:30:09Non, assieds-toi.
00:30:11C'est Camérzine qui m'a envoyé ici.
00:30:13Lithergue est arrivé
00:30:15et il apporte une lettre de Vladimir.
00:30:17Qu'est-ce que tu prends ?
00:30:19Rien, merci.
00:30:21La lettre de Vladimir Kniabrowski,
00:30:23c'est une belle lettre, savez-vous ?
00:30:25Et bien, qu'est-ce qu'il compte faire maintenant ?
00:30:27Il se soigne.
00:30:29Il a retrouvé sa femme, sa mère, les petits.
00:30:31Il se prépare à vivre encore une fois.
00:30:33C'est un cœur pur.
00:30:35Je ne vous ai pas apporté la lettre.
00:30:37Je l'ai prêtée à Olga pour qu'elle l'apporte au cercle.
00:30:39Il dit que
00:30:41il ne s'est jamais senti si vraiment lui-même que dans cette prison.
00:30:43Quand est-ce qu'il compte faire
00:30:45paraître son livre ?
00:30:47Il ne dit pas.
00:30:49Je vous apporterai la lettre demain.
00:30:51Pas demain. Je ne serai pas là.
00:30:53Je m'excuse, je vous ai dérangé.
00:30:55Mais je tenais à vous donner tout de suite des nouvelles de Vladimir.
00:30:59Tu travailles trop en ce moment, mon petit valet.
00:31:01Tu devrais te reposer.
00:31:03Non, non.
00:31:05Toujours chez Schomburg-Ericht ?
00:31:07Je dis oui, monsieur,
00:31:09du matin jusqu'au soir, mais je tape.
00:31:11Que ça peut faire ?
00:31:13Le soir venu, je me retrouve,
00:31:15alors je suis libre de penser
00:31:17non, monsieur, et tout ça, toute la nuit
00:31:19jusqu'au lendemain matin.
00:31:21J'ai crevé la faim pendant
00:31:23dix ans, messieurs. Pour ces idées-là,
00:31:25j'y tiens.
00:31:27Vous partez ?
00:31:29Tant pis.
00:31:31Ça me faisait du bien
00:31:33de venir, savez-vous.
00:31:35Tout est si corrompu.
00:31:39Il ne souffre autour d'eux
00:31:41que des êtres serviles,
00:31:43des chiens couchants.
00:31:45Des chiens couchants.
00:31:49Comment aurais-je pu
00:31:51donner trois ans de ma vie à leur école ?
00:31:55Oh non, jamais je n'aurais pu.
00:31:57Comprends-moi, Antoine.
00:32:01Non, tu ne peux pas me comprendre.
00:32:03Ce n'est pas seulement pour échapper
00:32:05à l'embrigadement,
00:32:07ni par dégoût pour cet appareil scolaire,
00:32:09mais
00:32:11cette vie dérisoire, Antoine.
00:32:15Dérisoire.
00:32:17Quand tu es allé voir Jalicourt,
00:32:19tu t'es décidé à...
00:32:21Oh non, pas du tout.
00:32:23Ce mois d'octobre d'il y a trois ans,
00:32:27je suis revenu de maison Lafitte dans un état,
00:32:29dans un état lamentable, Antoine.
00:32:33C'est seulement après ma soirée chez Jalicourt
00:32:35que tout s'est décidé.
00:32:37Ça t'étonne ?
00:32:39Oui.
00:32:41Tu ne peux pas comprendre ce qu'il représentait
00:32:43aux yeux de ma génération.
00:32:45Depuis des années, nous disions
00:32:47qu'on sera l'élève de Jalicourt.
00:32:49Moi, chaque fois que j'avais une hésitation
00:32:51sur l'école, je pensais
00:32:53oui, mais il y a Jalicourt.
00:32:55Il était le seul qui nous paraissait valoir la peine.
00:33:01Je lui avais écrit.
00:33:05J'avais de lui trois lettres.
00:33:07Ma fierté.
00:33:09Un trésor.
00:33:13Je les crois encore aujourd'hui admirables.
00:33:17Si j'ai eu le courage de partir,
00:33:19c'est à lui que je le dois.
00:33:21Je crois qu'il ne s'en est jamais donné.
00:33:23Tu veux que je te raconte ?
00:33:27C'était un soir.
00:33:29Ce soir-là,
00:33:31je n'avais pas de rendez-vous avec lui.
00:33:33J'y suis allé comme ça,
00:33:35soir après dîner.
00:33:53Je viens à vous.
00:33:57Je viens vous demander conseil.
00:33:59Conseil ?
00:34:03Passons dans mon cabinet.
00:34:23Je n'ai personne à qui demander conseil.
00:34:25Mon frère, peut-être, mais...
00:34:29Je me suis dirigé seul.
00:34:31Je suis ainsi fait.
00:34:33Essayez-vous.
00:34:35Merci.
00:34:41Je veux être romancier.
00:34:43Je veux être romancier.
00:34:53Depuis des années déjà,
00:34:55tout effort de culture n'a jamais fait que m'entraver.
00:35:03Je vous écoute.
00:35:07J'ai pris en aversion les études,
00:35:09les écoles,
00:35:11l'érudition,
00:35:13le bavardage, le commentaire,
00:35:15par instinct de défense,
00:35:17de conservation.
00:35:19Et tout cela me pèse.
00:35:21Tout cela entrave mon véritable élan.
00:35:27Je vous dis la vérité, monsieur.
00:35:29Je le vois bien.
00:35:33Ce n'est pas de l'orgueil.
00:35:35Rien non plus de ce qu'on appelle l'ambition.
00:35:37Asseyez-vous.
00:35:41Oui, je vois.
00:35:43Tout de même,
00:35:45il ne faut pas trop mépriser
00:35:47les chemins battus.
00:35:49Le profit que l'on gagne
00:35:51à se soumettre aux disciplines.
00:35:53Bon.
00:35:55Vous êtes de ceux qui les surmonteront.
00:35:59Ceux de votre âge, on pourrait les classer.
00:36:03On pourrait vous classer
00:36:05comme les natures que...
00:36:07Je hais les classifications.
00:36:09Comme je hais les professeurs.
00:36:11C'est pour ça que j'étais venu vous voir.
00:36:13Vous.
00:36:17Mais que voulez-vous de plus ?
00:36:21Vous ne voyez pas que je suis vidé,
00:36:23fini,
00:36:25et sans avoir jamais rien fait ?
00:36:29Comment pouvez-vous dire cela ?
00:36:31Rien, rien.
00:36:33C'est très difficile à savoir cela.
00:36:37Mais qu'est-ce qui vous fait illusion ?
00:36:39Mes livres, zéro.
00:36:41Je n'y ai rien mis, rien.
00:36:43Rien de ce que j'aurais pu.
00:36:45Alors quoi ?
00:36:47Mes titres, mes cours,
00:36:49l'académie.
00:36:53Tenez.
00:36:55La vérité, la voilà.
00:36:57Moi aussi.
00:36:59À votre âge ?
00:37:01Un peu plus âgé.
00:37:03À ma sortie de l'école.
00:37:05Et moi aussi, j'ai cru à cette vocation de romancier.
00:37:09Et moi aussi, cette force
00:37:11qui a besoin de liberté pour s'épanouir.
00:37:15Et moi aussi.
00:37:17J'ai eu l'intuition que je faisais fausse route.
00:37:27Que voulez-vous de moi ?
00:37:29Un conseil. Prenez garde.
00:37:31Le voilà.
00:37:33Lâchez les livres. Suivez votre instinct.
00:37:35Et apprenez quelque chose, monsieur.
00:37:37Si vous avez une bribe de génie,
00:37:39vous ne pourrez croître que du dedans.
00:37:41Sous la poussée de vos propres forces.
00:37:45Peut-être pour vous est inencore temps.
00:37:59J'ai vécu deux ans et demi en Suisse.
00:38:01Je suis arrivé là-bas
00:38:03à la fin du mois de mai.
00:38:05Dans un petit village de montagne.
00:38:07Mulinbert.
00:38:09J'y ai séjourné six mois.
00:38:11Chez des fermiers.
00:38:13Deux vieux sans enfants.
00:38:15Quel printemps !
00:38:19Quel été !
00:38:21J'étais dehors du matin au soir.
00:38:23Bien installé, je me suis senti tellement mieux.
00:38:25Je peux même dire que jamais je n'ai eu la tête
00:38:27aussi libre, aussi légère.
00:38:39Oui.
00:38:41Deux ans et demi déjà.
00:38:55Antoine, écoute.
00:38:57Il faut que tu saches.
00:39:01Au début, au tout début,
00:39:05j'ai mené une existence inavouable.
00:39:11J'ai vécu l'expédient.
00:39:13Pire encore.
00:39:15Les baffons.
00:39:17Je suis avili.
00:39:21Un soir, sur le port,
00:39:23j'ai eu un sommet coup de matraque.
00:39:25C'est ma tête, c'est à cause de ça.
00:39:29J'ai fait de la prison préventive.
00:39:35Oui, Antoine.
00:39:37J'ai mené une existence inavouable.
00:39:43C'est une salope.
00:39:47Ah non, pas vous.
00:39:49Où est Antoine ?
00:39:51Il est mort.
00:39:53Il a été sanctifié.
00:39:55J'ai fait de la prison préventive.
00:39:59Souffre-t-il en ce moment ?
00:40:01Pas beaucoup.
00:40:03Je viens de faire une piqûre.
00:40:05Bien, laissez-nous.
00:40:09Vous traversez une heure cruelle, mon ami.
00:40:11Ouvrez votre cœur à Dieu.
00:40:15Dieu perd.
00:40:17Je suis là pour vous aider.
00:40:19Prions d'abord.
00:40:21Prions ensemble, mon ami.
00:40:23Mais où est Antoine ?
00:40:27Allez-vous, assez avec vos histoires.
00:40:29Voyez pas que je vais mourir.
00:40:31Et quand ce serait, mon ami ?
00:40:33Est-ce une raison pour avoir si grand peur ?
00:40:37Voyez, Dieu n'a pas voulu
00:40:39que la mort fondie sur vous,
00:40:41à l'improviste,
00:40:43s'écute là-trop, comme un voleur.
00:40:45Eh bien, il faut être digne de cette grâce,
00:40:47car c'en est une.
00:40:49Dieu !
00:40:51Oh, Dieu ! Dieu ! Quoi, Dieu ?
00:40:53Quelle aide !
00:40:55Est-il idiot, à la fin ?
00:40:57Comment est-ce que Dieu
00:40:59peut plaire une chose pareille ?
00:41:01Quand vous vous croyez
00:41:03bien loin de moi à des limitations,
00:41:05c'est alors, souvent,
00:41:07que je suis le plus proche de vous.
00:41:09Oui.
00:41:11Vous verrez, l'ami.
00:41:13Oui.
00:41:15Vous verrez, quand ce sera votre tour.
00:41:17Nul ne peut dire.
00:41:19La tentation me sera épargnée.
00:41:21Mais je supplie le bon Dieu
00:41:23de m'envoyer, à l'heure de ma mort,
00:41:25un ami.
00:41:27Oh !
00:41:29Voyons,
00:41:31vous qui êtes un chrétien,
00:41:33vous saviez bien que cette vie terrestre
00:41:35devait finir.
00:41:37Puis le vif cesse.
00:41:39À l'heure, vous allez peut-être payer votre dette.
00:41:41Quelle ingratitude,
00:41:43mon ami, de marchander.
00:41:45Mais...
00:41:47Quittez tout ça.
00:41:49Je...
00:41:51Je ne peux pas.
00:41:53Je ne veux pas. J'ai peur.
00:41:55Le divin Maître,
00:41:57lui aussi,
00:41:59a connu les tortures de l'agonie
00:42:01et la sueur de sang.
00:42:03Et lui aussi, un instant,
00:42:05un court instant,
00:42:07il a douté.
00:42:09Je lis et lis la masse à Bactanie.
00:42:13Mais n'est-ce pas une pensée apaisante
00:42:15que ce retour universel
00:42:17dans le sein
00:42:19de notre Père Tout-Puissant ?
00:42:21Oui, mais pas tout de suite.
00:42:23Dieu vous a comblé en vous accordant
00:42:25une vie longue pour faire votre salut.
00:42:27Mais c'est ça qui est terrible, l'ami.
00:42:29Terrible, oui.
00:42:31Mais vous avez, moins qu'un autre,
00:42:33le droit d'avoir peur, vous.
00:42:35Non !
00:42:37Baisez-vous.
00:42:41Un chrétien, moi, je...
00:42:51Je n'ai jamais su aimer.
00:42:57Jamais. Personne.
00:42:59Mon ami.
00:43:01Mon ami.
00:43:03C'est votre faute, à vous.
00:43:05Pourquoi ne m'avez-vous rien dit
00:43:07quand il en était temps ?
00:43:09Peut-être est-ce vraiment ce soir
00:43:11la première fois
00:43:13que se tend pour vous
00:43:15la main de Dieu.
00:43:21Alors que faire ?
00:43:23Que faire ?
00:43:25Confiance.
00:43:27Tout le secret d'une bonne mort,
00:43:29mon ami, tient dans ce mot-là.
00:43:31In te domine
00:43:33speravi.
00:43:35Tournez maintenant les yeux
00:43:37vers le ciel, mon ami.
00:43:45Et que votre attitude
00:43:49soit un modèle
00:43:53pour tous ceux qui vous ont connus.
00:44:01Un modèle.
00:44:09Oscar Thibault
00:44:11est mort comme un saint.
00:44:17C'est ça, hein ?
00:44:19C'est ça.
00:44:31Merci bien, monsieur.
00:44:37Jack, tu m'attends dans le bureau.
00:45:01Viens.
00:45:05J'ai eu peur que tu ne reviennes pas à temps.
00:45:07Le rein est bouché, mon vieux.
00:45:09Depuis quand ?
00:45:1124 heures. On a supprimé les piqûres.
00:45:13Non, tout de même, en pleine urémie,
00:45:15il est impossible de continuer la morphine.
00:45:21Ma sœur,
00:45:23est-ce que vous mettez du laudanum sur vos compresses ?
00:45:25Ah non, docteur.
00:45:27Bien, j'ai tout ce qu'il faut en bas.
00:45:29Viens avec moi.
00:45:39Ma sœur, monsieur Antoine,
00:45:41vite, vite !
00:45:59Alors, père,
00:46:01comment va ?
00:46:03Hein ?
00:46:05Comment va, père ?
00:46:07Comment ça va-t-il ?
00:46:09Hein ?
00:46:11Père !
00:46:15Jack, reste là.
00:46:29Combien de crises ?
00:46:31Trois depuis hier.
00:46:59J'y vais.
00:47:29Jack,
00:47:31il est midi.
00:47:39Il t'a reconnu ?
00:47:43Oui,
00:47:45il m'a reconnu.
00:47:47Il m'a reconnu ?
00:47:49Oui,
00:47:51il m'a reconnu.
00:47:53Il m'a reconnu ?
00:47:55Oui,
00:47:57il m'a reconnu.
00:48:01Je ne sais pas.
00:48:11Antoine,
00:48:13explique-moi.
00:48:15Que va-t-il se passer ?
00:48:17Qu'est-ce qu'on peut prévoir ?
00:48:23Voilà 36 heures que le filtre rénal ne donne plus.
00:48:27Oui.
00:48:29Alors ?
00:48:33Alors, si rien interrompt la toxication,
00:48:37c'est difficile à préciser,
00:48:39mais je crois que
00:48:41demain, ou peut-être même cette nuit...
00:48:47Et les souffrances ?
00:48:49Oh, ça !
00:48:51Quand l'uramie prend cette forme convulsive...
00:48:53Je ne sais pas.
00:48:57Et alors, pourquoi a-t-on arrêté la morphine ?
00:48:59Parce qu'il n'élimine plus rien.
00:49:01Et que ça le tuerait à coup sûr.
00:49:23Docteur !
00:49:27Docteur !
00:49:29Monsieur Antoine !
00:49:31Docteur !
00:49:35Tiens-le.
00:49:39Calme-toi.
00:49:53Calme-toi.
00:50:23Antoine, ça ne peut pas continuer, voyons.
00:50:27Ça fait trois jours.
00:50:31Mais cherche !
00:50:33Il faut le soulager.
00:50:35On doit trouver quelque chose.
00:50:39Viens.
00:50:41Adrien, laissez tout ça.
00:50:43Allez me chercher Léon et sœur Céline.
00:50:45Dites-lui qu'elle apporte un drap.
00:50:47Bien.
00:50:49Vous, ma sœur, allez faire couler un bain tiède.
00:50:51Et dites à Clotilde qu'elle débarrasse le couloir.
00:50:53Vite.
00:51:05Adrien, aidez-moi.
00:51:07Faites-le rouler.
00:51:09Qu'est-ce que vous faites ?
00:51:11Dans l'autre sens, maintenant.
00:51:13Venez.
00:51:15Soulevez un peu la tête, ma sœur.
00:51:17Léon.
00:51:19Qu'est-ce que vous faites ?
00:51:27Doucement.
00:51:29Qu'est-ce que vous...
00:51:31Doucement.
00:51:49Calme-toi, père.
00:51:55Assassins.
00:51:57Assassins.
00:51:59Doucement.
00:52:01Doucement.
00:52:05Doucement.
00:52:15Laissez-le glisser, Léon.
00:52:17Doucement.
00:52:25J'ai mal.
00:52:29J'ai mal.
00:52:35Ça va aller mieux, père.
00:52:39C'est toi ?
00:52:41Non, pas maintenant.
00:52:43Pas maintenant. Laissez-moi.
00:52:49Saint-Joseph, patron de Mourange.
00:52:53Et pitié de moi.
00:52:59Doucement.
00:53:03Doucement.
00:53:07Doucement.
00:53:09Fais-le rouler.
00:53:13Vite.
00:53:17Au rendez-vous.
00:53:21Doucement.
00:53:29Doucement.
00:53:53Bonjour, Léon.
00:53:55Bonjour, madame.
00:53:59Est-ce que monsieur...
00:54:01Pas encore, mademoiselle.
00:54:03Mademoiselle Devese est dans sa chambre.
00:54:11Jacques, vite l'étouffe.
00:54:13Téléphone à Cotreau.
00:54:15Rue de Sèvres, Fleurus 5402.
00:54:17Et dis-lui qu'il envoie immédiatement 3 ou 4 ballons d'oxygène.
00:54:19J'ai compris.
00:54:21Fleurus 5402. Allez, vite.
00:54:25Père, étouffe.
00:54:29Mademoiselle, je voudrais Fleurus 5402.
00:54:31C'est pour un malade.
00:54:37Allô, les établissements Cotreau ?
00:54:39Non ? Ce n'est pas Fleurus 5402 ?
00:54:45Mademoiselle, je vous en prie, c'est pour un mourant.
00:54:47Je voudrais Fleurus 5402.
00:54:49Fleurus 5402.
00:54:57Allô ?
00:54:59Les établissements Cotreau ?
00:55:01Oui, pour le docteur Thibault.
00:55:09Allô ?
00:55:13Allô ?
00:55:15Pouvez-vous envoyer immédiatement des ballons d'oxygène ?
00:55:17Quoi ?
00:55:19Oui, oui, Patriporteur.
00:55:21Docteur Thibault, oui, 4 bis, oui.
00:55:31Bonjour.
00:55:33Monsieur Schall te mettra au courant.
00:55:35Tu arrives au pire moment.
00:55:39Asseyez-vous.
00:55:43Tel que vous me voyez, Mademoiselle Gise, je suis là.
00:55:47Commencez.
00:55:49Commencer quoi ?
00:55:51La prière, Mademoiselle Gise.
00:56:17La prière.
00:56:47C'est plus possible, c'est plus possible.
00:56:49Du calme, Antoine, réfléchis.
00:56:51Le pouls est faible.
00:56:53Urémie progresse.
00:56:59Je comprends que tu sois à bout,
00:57:01mais il n'y en a plus pour très longtemps.
00:57:09Je vais passer la nuit avec vous
00:57:11pour que votre frère puisse se reposer un peu.
00:57:13Non, je reste.
00:57:15Non, je reste.
00:57:17N'insiste pas.
00:57:19Nous sommes encore deux ou trois ici
00:57:21à être à peu près solides.
00:57:23Réserve-toi.
00:57:35Vous ne voulez pas du thé chaud, M. Antoine ?
00:57:37Non, merci.
00:57:39Oui, tu ne manges rien.
00:57:45Ça va faire la quatrième nuit depuis l'Haussade.
00:57:49Monsieur, une nouvelle crise.
00:58:15Les crises sont de plus en plus brèves.
00:58:19Oui, mais elles sont de plus en plus fréquentes.
00:58:45Tout de même, Antoine,
00:58:47si tu demandais quelqu'un en consultation...
00:58:53Mais cherche enfin.
00:58:55Il est impossible qu'il n'y ait pas quelque chose à faire.
00:59:05Si.
00:59:09Si.
00:59:11Si.
00:59:17Il y a une chose qu'on peut toujours faire.
00:59:23Tu n'y as jamais pensé, toi ?
00:59:37Tu le ferais, toi ?
00:59:41Non.
00:59:49Je ne sais plus.
00:59:51Peut-être que non.
00:59:57Eh bien, moi, oui.
01:00:03Tu me désapprouves.
01:00:07Non.
01:00:11Non.
01:00:21Ma sœur.
01:00:23Je crois qu'une saignée lui procurerait quelques répit.
01:00:41Non.
01:00:45Non.
01:00:49Non.
01:00:53Non.
01:00:59Non.
01:01:05Non.
01:01:11Non.
01:01:17Non.
01:01:23Non.
01:01:29Non.
01:01:35Non.
01:01:41Non.
01:01:49Non.
01:01:53Non.
01:01:57Non.
01:02:01Non.
01:02:07Non.
01:02:11Non.
01:02:17Non.
01:02:23Non.
01:02:27Non.
01:02:31Non.
01:02:35Non.
01:02:37Non.
01:02:43Non.
01:02:47Non.
01:02:51Non.
01:02:57Non.
01:03:01Non.
01:03:03Non.
01:03:09Non.
01:03:15Non.
01:03:21Non.
01:03:27Non.
01:03:33Non.
01:03:39Non.
01:03:45Non.
01:03:51Non.
01:03:57Non.
01:04:03Va chercher sœur Céline.
01:04:33Le pot était insensible.
01:05:03Non.
01:05:07Non.
01:05:11Non.
01:05:15Non.
01:05:19Non.
01:05:25Non.
01:05:27Empêche-la, voyons.
01:05:31Non, laisse, c'est presque fini.
01:05:35Il ne veut plus rien entendre.
01:05:57Non.
01:06:03Non.
01:06:07Non.
01:06:11Non.
01:06:17Non.
01:06:21Non.
01:06:27Non.
01:06:33Non.
01:06:37Non.
01:06:41Non.
01:06:47Non.
01:06:51Non.
01:06:57Non.
01:07:01Non.
01:07:05Non.
01:07:09Non.
01:07:13Non.
01:07:17Non.
01:07:21Non.
01:07:23Antoine,
01:07:25je n'irai pas à l'enterrement.
01:07:29Je ne veux pas aller à Crouilly.
01:07:33Je ne veux pas entendre leur discours.
01:07:35Je ne veux pas de leur cérémonie.
01:07:39Je ne veux pas.
01:07:43Mais oui.
01:07:47J'irai quand même.
01:07:49Mais après.
01:07:53Quand il n'y aura plus personne.
01:07:55Oui, oui.
01:08:01Et maintenant, les visites.
01:08:05Ça non plus, hein ?
01:08:11Qu'est-ce que m'a dit, mademoiselle ?
01:08:13Gise est malade ?
01:08:15Non, rien de grave.
01:08:17La fatigue, l'émotion.
01:08:19Un petit peu de fièvre.
01:08:23Il faut que j'y aille.
01:08:33Entrez.
01:08:37Comment vas-tu, Gise ?
01:08:43Tu as plutôt bonne mine.
01:08:49Mais tu n'as plus de fièvre.
01:08:51Tu as froid ?
01:08:53Tu veux que je ferme la porte ?
01:08:55Comme tu voudras.
01:09:05Alors, c'est fini ?
01:09:09Oui, c'est fini.
01:09:15Et moi, je me taire
01:09:17pour éviter tous ces gens qui viennent.
01:09:21Merci.
01:09:33N'empêche, quand je me rappelle,
01:09:35je ne retrouve presque rien d'autre
01:09:37que d'interminables journées d'ennui.
01:09:39Tu parles de Maison Lafitte ?
01:09:41Bien sûr.
01:09:43Et puis, vers 14 ou 15 ans,
01:09:45l'ennui a disparu.
01:09:47Je ne sais pas pourquoi.
01:09:51Tu te rappelles du Major Van Cuyp ?
01:09:55Le Major Van Cuyp
01:09:57était un homme d'une force peu commune.
01:09:59A Sumatra, le Major Van Cuyp
01:10:01s'était imprudemment endormi
01:10:03à l'ombre d'un baobab.
01:10:21Le Major Van Cuyp
01:10:23était un homme d'une force peu commune.
01:10:25A Sumatra, le Major Van Cuyp
01:10:27s'était imprudemment endormi
01:10:29à l'ombre d'un baobab.
01:10:31« Le Major Van Cuyp est un homme mis au point. »
01:10:33« Maison Lafitte »
01:10:35« Le Major Van Cuyp est un homme mis au point. »
01:10:37« Maison Lafitte »
01:10:49Un charmant, un charmant garçon.
01:10:51Il fallait le connaître.
01:10:53Un peu mortifiant à temps perdu,
01:10:55mais c'est juste.
01:10:57Juste. Un vrai justicier. Non. Ces choses-là, M. Antoine, ne devraient pas exister.
01:11:06Quoi ? Qu'est-ce qui ne devrait pas exister ?
01:11:11La mort. J'ai vu ces messieurs de Saint-Roch. Je leur ai commandé des messes. Par acquis
01:11:22de conscience, M. Antoine, pas plus. Parce que pour moi, jusqu'à plus en plein formé,
01:11:30j'avais douze mille francs d'économie. J'ai dû tout donner à l'asile quand ma
01:11:35maman y est entrée. Venez, M. Charles, sortons.
01:11:44M. Charles, je ne sais pas si mon père a eu le temps de prendre des dispositions à
01:11:53votre égard, mais soyez tranquille. Mon frère et moi, nous vous assurons, votre vie
01:11:58durant, les mensualités que vous touchez ici.
01:12:01Pas un viagé. Un capital, oui, mais pas un viagé. A cause de des dettes, votre petite
01:12:11mère s'est opérée, vous vous souvenez bien ? Par le fait, c'est comme une descendance
01:12:14pour moi. Oui, oui, je m'en souviens.
01:12:19Oh non, arrêtez ça, M. Charles. Oui, oui, j'abuse. Un petit capital, M. Antoine,
01:12:27voilà le mieux. C'est un capital qu'il me faut. J'ai ma petite idée, moi, depuis
01:12:32longtemps, je vous l'expliquerai. Faire des remesses, oui, si on veut, mais pour moi,
01:12:37le défunt n'a besoin de rien. Un homme comme ça n'est pas parti à volo. Pour moi,
01:12:44la chose est faite, M. Antoine. À l'heure actuelle, il a déjà son paradis.
01:12:50Léon téléphone d'en bas, M. Antoine. Votre tailleur vous attend.
01:12:53C'est vrai, il y a ça aussi. Je compte sur vous, le plus tôt possible.
01:13:07C'est entendu. Au revoir, docteur. Cher docteur, j'ai téléphoné il y a un instant,
01:13:15on m'a appris la freuse nouvelle. J'ai tout lâché pour venir. Vous devez terriblement
01:13:26souffrir. Rassurez-vous, madame, je n'aimais pas mon
01:13:34père. Alors.
01:13:59Jacques, il faut que nous parlions. Mon Dieu, qu'elle aie l'air sérieuse.
01:14:18Tu vois, tu me fais déjà pleurer. Eh bien, oui, après tout. Parle.
01:14:26Moi aussi, je préfère en finir. Jacques, oh.
01:14:56Jacques, je t'en prie, je t'en prie, je t'en prie, je t'en prie, je t'en prie, je t'en
01:15:25prie, je t'en prie, je t'en prie, je t'en prie, je t'en prie, je t'en prie, je t'en
01:15:54Priest Hope
01:16:01Jeux Vieilles
01:16:02Je désire qu'après une messe base dite à Saint Thomas d'Aquin, ma paroisse, mon corps
01:16:08soit porté à Croyeux. Je désire que, contrairement au service de Saint Thomas d'Aquin, la cérémonie
01:16:16mortuaire de Croyeux se déroule avec toute la salanité dont il plaira au conseil d'Honorem
01:16:21Oui, je souhaite.
01:16:33Après m'être entouré des lumières de la méditation et de la prière,
01:16:37il me semble que, en cette circonstance,
01:16:41le véritable devoir consiste à imposer silence au sentiment d'une stérile humilité
01:16:46et à faire en sorte que, au jour de ma mort,
01:16:49mon existence puisse, s'il plaît à Dieu, être une dernière fois érigée en exemple
01:16:54afin d'inciter d'autres chrétiens de notre grande bourgeoisie française
01:16:58à se consacrer au service de la foi et de la charité catholique.
01:17:49Maman.
01:18:20Mais il est dix heures, M. Schall.
01:18:23Il faut vous dépêcher de partir.
01:18:26Vous n'avez pas sommeil ?
01:18:29Oh, non. Ce qui me tient éveillé, moi, ce sont les idées.
01:18:33J'écris, j'écris des adresses, si on veut que tout ça arrive à temps pendant l'enterrement.
01:18:37Mais pendant ce temps-là, pendant ce temps-là, M. Antoine,
01:18:41ça tourne, ça tourne, ad libitum.
01:18:44Avec le petit capital dont vous m'avez parlé,
01:18:46je vais pouvoir réaliser une idée à moi, le comptoir.
01:18:50C'est un nom abréviatif, en quelque sorte.
01:18:53On peut dire aussi un office, une boutique, enfin.
01:18:56Oui, d'abord une boutique, un magasin dans une rue passagère de la localité.
01:19:00Mais la boutique, c'est l'extérieur.
01:19:03L'idée, elle est dedans.
01:19:06L'atoche parlerait de tout ça mieux que moi.
01:19:09Il y a beau temps que je connais l'atoche,
01:19:12et pour le passé, je n'ai jamais vu sur lui qu'il n'y avait pas.
01:19:16Il n'y avait que de parfaits antécédents.
01:19:19Une élite, toujours des idées, mais comme moi.
01:19:22Et à nous deux, une grande idée, le fameux comptoir.
01:19:26Le comptoir de l'ingéniosité moderne. Vous y êtes ?
01:19:29Non, pas tout à fait, non.
01:19:31Les petites inventions pratiques. On centralise tout ça, l'atoche et moi.
01:19:34On lance des réclames dans les journaux de la localité.
01:19:37Quelle localité ?
01:19:39Du temps du défunt, j'aurais eu honte de parler de tout ça.
01:19:43Mais maintenant.
01:19:44Depuis à 13 ans que je rumine tout ça. Depuis l'exposition.
01:19:47Je m'aime rien qu'à moi seul inventer un tas de petites célébrités.
01:19:51Un talon enregistreur, pour compter les pas.
01:19:54Un mouilleur de timbre, automatique et perpétuel.
01:19:57Mais le plus conséquent, c'est l'œuf.
01:20:01L'œuf carré. Reste à trouver mon liquide.
01:20:04Et pour ça, je suis en correspondance avec des chercheurs.
01:20:07Les curés de campagne sont tous candidats adeptes.
01:20:10En hiver, après N'Angelus, on a le temps de bricoler.
01:20:12Je l'ai tous lancé.
01:20:14Et quand vous aurez trouvé le liquide ?
01:20:16J'y plonge mes oeufs, juste assez pour amollir la coquille, sans gâter l'œuf.
01:20:20Vous y êtes ?
01:20:22Non.
01:20:24Je l'ai fait sécher dans des moules.
01:20:26Carrés ?
01:20:28Naturellement, par centaines, une usine.
01:20:30L'œuf carré, plus de coquetiers. L'œuf carré tient debout.
01:20:33La coquille reste dans le ménage.
01:20:36On en fait un poids moutarde, un porte-allumettes.
01:20:39Et pour les expéditions, vous vous rendez compte ?
01:20:43Excusez-moi.
01:20:45La nervosité, la vessie.
01:20:47Chaque fois que je parle de l'œuf, je reviens.
01:21:13Oui, il nous a quittés, notre père, notre digne.
01:21:24Oui, il nous a quittés, ou un autre meilleur.
01:21:35Il n'a pas laissé sa place perdue.
01:21:41Il est resté dans notre terre.
01:21:46Oui, il nous a quittés, ou un autre meilleur.
01:22:04Oui, il nous a quittés, ou un autre meilleur.
01:22:34Oui, il nous a quittés, ou un autre meilleur.
01:23:05Monsieur Loudun Costard, de l'Académie des Sciences Morales et Politiques.
01:23:11Messieurs, au nom de l'Institut de France,
01:23:16j'ai le triste privilège de rendre un dernier hommage
01:23:21à notre éminent collègue et de m'incliner devant ce noble cœur
01:23:26qui, jusqu'au bout, n'a battu que pour des cours et des études.
01:23:31Qui, jusqu'au bout, n'a battu que pour des causes justes et généreuses.
01:23:37Monsieur le Président des œuvres d'assistance et de secours à l'enfance.
01:23:48Quel était le secret de cette force ?
01:23:52La source où Oscar Thibault puisait cet équilibre sans défaillance,
01:23:56cet optimisme serein, cette confiance en lui-même,
01:24:01qui lui assurait la réussite des plus grandes, des plus difficiles entreprises.
01:24:08Messieurs, ce grand lutteur n'a que faire aujourd'hui de vos hommages stériles.
01:24:16L'heure est plus grave que jamais.
01:24:20Ne nous attardons pas à ensevelir nos morts.
01:24:23Hantons-nous, messieurs, de retourner au bon combat.
01:24:29Oscar Thibault avait une intelligence avertie et clairvoyante
01:24:34qui sut toujours, dans les funestes querelles de notre époque troublée,
01:24:39reconnaître la bonne cause et travailler à construire l'avenir.
01:24:44Adieu, cher Président. Adieu.
01:24:48Monsieur le Directeur de la Colonie.
01:24:51Cette jeunesse coupable est vouée au mal dès son berceau
01:24:57à laquelle Oscar Thibault est venu tendre la main.
01:25:04Ces tristes victimes d'un ordre social hélas imparfait
01:25:11sont là, messieurs, pour témoigner de leur éternelle gratitude.
01:25:18Et pour pleurer avec nous le bienfaiteur qui leur est ravi.
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