• il y a 2 mois
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Nicolas Pouvreau-Monti, directeur de l'Observatoire de l'immigration et de la démographie, répond aux questions de Dimitri Pavlenko.
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Transcription
00:00Il est 7h12 sur Europe 1, Dimitri Pablenko, vous recevez ce matin le cofondateur et directeur de l'Observatoire de l'Immigration et de la Démographie.
00:08Bonjour Nicolas Pouvremonti.
00:10Bonjour.
00:1112 migrants illégaux qui tentaient de passer en Angleterre ont trouvé la mort mardi au large de Boulogne-sur-Mer.
00:16Énième tragédie de l'immigration clandestine dans la Manche, à quelques kilomètres seulement des côtes britanniques, ça se passe en cette fin d'été.
00:22Et ce n'est pas un hasard si c'est à ce moment de l'année Nicolas Pouvremonti.
00:27Non, effectivement, il y a une saisonnalité des traversées qui est bien connue, qui attrait notamment à la belle saison, comme on dit,
00:33le terme est hélas peu adapté, mais à la saison estivale et directement post-estivale.
00:37Plus globalement, ces 12 morts dans le naufrage tragique qu'on a vécu au large de Boulogne mardi, ça monte à 35,
00:44le nombre de personnes qui sont mortes en tentant de traverser la Manche depuis la France vers la Grande-Bretagne.
00:50Et ça s'inscrit plus globalement dans la dynamique très forte des traversées et des tentatives de traversées qu'on observe notamment depuis le début de l'année 2024.
00:57On a ce chiffre de près de 40 morts cette année dans la Manche, de noyades bien sûr,
01:01mais aussi ça arrive de plus en plus souvent des morts étouffées ou écrasées à bord d'embarcations surchargées.
01:07Près de 40 morts, pour combien de gens qui tentent de passer en Angleterre chaque année depuis la côte d'Opal, Nicolas Pouvremonti ?
01:15Alors, les données les plus fermes que nous ayons sont celles des personnes qui ont réussi à traverser effectivement la Manche.
01:21Pour ça, l'ambassade du Royaume-Uni en France expliquait qu'entre le début de l'année 2024 et aujourd'hui, on a eu quasiment 20 000 personnes qui ont réussi la traversée.
01:29Donc on peut estimer que les tentatives de traversées sont potentiellement aussi nombreuses que les traversées réussies.
01:35Et comme vous le soulignez à juste titre, ce phénomène qui était autrefois concentré autour de Calais a eu tendance à se diffuser sur toute la côte d'Opal.
01:42C'est-à-dire qu'on a mis beaucoup d'effectifs, notamment pour sécuriser le port de Calais, pour sécuriser le point d'entrée du tunnel sous la Manche, ce qu'on a plutôt réussi à faire.
01:50Et donc de ce fait, les migrants et plus encore les passeurs qui encadrent et qui poussent ces migrants ont réparti les traversées, si je puis dire,
01:57en les faisant partir par exemple de Boulogne et de ses alentours, qui est beaucoup plus au sud que Calais, en les faisant partir des plages de Dunkerque également.
02:04Donc en sécurisant mieux le tunnel sous la Manche et le port de Calais, on n'a pas résolu le problème, mais on l'a en quelque sorte diffusé sur toute la côte.
02:11Alors les partisans de la suppression des frontières répètent inlassablement que ces tragédies sont la faute des policiers, la faute de la répression. Que répondre à cela ?
02:20Écoutez, c'est une explication très, comment dirais-je, pleine de mensuétude pour les vrais responsables de cette situation, que sont évidemment les passeurs.
02:30Chaque année, en France, il y a 1500 à 2000 passeurs qui sont arrêtés et qui sont la plupart du temps des petites mains de filières criminelles transnationales
02:39qui opèrent assez largement en dehors du territoire. La vraie question est celle de l'existence ou non de frontières.
02:47Si on estime que, tant pour la sécurité des gens qui y vivent que pour la sécurité des gens qui y entrent, un État doit être en mesure de contrôler qui se rend sur son territoire,
02:56fatalement il y a des mesures de contrôle et ces mesures de contrôle, quand on cherche à les contourner et quand on est poussé en cela par des filières criminelles,
03:03il y a un risque absolument grave pour la vie humaine, mais la responsabilité est évidemment celle des passeurs plutôt que celle des lois démocratiques qui réagissent au fonctionnement des frontières.
03:11Alors, mardi soir, Gérald Darmanin, ministre de l'Intérieur, a fait le constat amer d'un problème de coopération des Britanniques qui ne payent pas, disait le ministre,
03:19en tout cas qui ne payent que le tiers de ce que coûte à la France la lutte contre les départs clandestins.
03:24Combien ça coûte, Nicolas Pouvremonti, de retenir les migrants pour le compte des Anglais ?
03:29Et qu'y a-t-il dans cet accord qui nous lie à eux, à la maire de Calais, Natacha Bouchard, notamment plaidée hier pour un bras de fer, pour renégocier ce fameux traité avec les Britanniques ?
03:38Alors, le coût global du contrôle qui est effectué par la police française pour le compte de la frontière britannique,
03:44parce que c'est la nature exacte du traité du Touquet qui a été signé en 2003 et qui a été complété par quatre autres accords depuis lors,
03:51c'est bien que le contrôle des personnes en partance vers le Royaume-Uni est effectué au départ de la France,
03:57donc de fait, ça revient à reporter la responsabilité du contrôle de cette frontière sur la police française.
04:01C'est un coût dont l'estimation varie d'un côté ou de l'autre de la Manche, mais qui est clairement de l'ordre de plusieurs dizaines de millions d'euros.
04:08De ce point de vue-là, il se pose la question des alternatives, c'est-à-dire que le ministre s'inscrit dans un jeu qui est pratiqué des deux côtés de la Manche,
04:16qui est finalement un jeu de blâmer le voisin, c'est-à-dire que pour le Royaume-Uni, c'est la responsabilité de la France et vice-versa.
04:22En vérité, au-delà du traité du Touquet, qui est plein de défauts et qui est clairement désavantageux pour la France et excessivement favorable au Royaume-Uni,
04:30la dénonciation ne serait sans doute pas une si bonne idée dans l'immédiat, parce que ça enverrait le signal d'une ouverture de la frontière à Calais.
04:36En fait, c'est la France qui dit qu'on ne contrôle plus la frontière entre la France et le Royaume-Uni, venez.
04:40Donc dans l'immédiat, ça aggraverait la situation plutôt que ça ne l'arrangerait.
04:43Au-delà de ce traité-là, la question qui est posée, c'est bien celle du cadre plus global des traités qui régissent l'immigration
04:49et qui va bien au-delà du cas bilatéral de la France et du Royaume-Uni.
04:52C'est le régime de l'asile et son principe de non-refoulement qui rend très difficile le fait de repousser l'entrée de migrants irréguliers
04:59quand ils rentrent en Europe pour atteindre Calais et pour atteindre Dunkerque ensuite.
05:03C'est tout le régime de Schengen qui fait que ces migrants, une fois qu'ils ont réussi à atteindre la Sicile ou les Canaries,
05:08ils peuvent aller jusqu'au Calaisie ou jusqu'au Dunkerquois en circulant dans un espace sans aucun contrôle aux frontières intérieures pour les personnes,
05:16quelle que soit leur nationalité.
05:17Donc les vraies raisons structurelles de cette situation sont plutôt à chercher dans ces enjeux plus généraux du cadre migratoire qui nous régit actuellement
05:26que dans le traité du Touquet qui a des défauts mais qui arrive finalement en bout de chaîne, si je puis dire.
05:31Merci beaucoup Nicolas Pouvremonti. Je rappelle, vous êtes le cofondateur et directeur de l'Observatoire de l'Immigration et de la Démographie.
05:38Bonne journée à vous.
05:39Merci à vous.

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