• il y a 3 mois
En 2005, une loi ambitieuse a renforcé les droits des handicapés : droit à la scolarité, à une aide à domicile…

Les handicapés réclament simplement son application. Pour faire bouger les lignes, ils relaient coups de gueule face caméra, montages humoristiques, mais aussi vidéos d’animation sur les réseaux sociaux.

Antoine Guerre a suivi le combat de plusieurs mères pour faire scolariser leurs enfants autistes avec l’aide d’accompagnants professionnels. C’est pour elles la seule garantie d’un avenir plus autonome. Grâce à leurs vidéos et pétitions, elles poussent les administrations à faire respecter la loi.

Mais l’enfance n’est que le début d’un long parcours du combattant. Certains adultes handicapés bénéficient d’une aide à domicile. Mais plusieurs d’entre eux subissent une importante réduction d’heures de ce dispositif, ce qui les met en danger. Nous avons suivi des citoyens qui ont découvert des documents compromettant pour l’administration.

Sarah Salmona, une professeure de français atteinte de myopathie, est victime de ces réductions d’aide. Sur son compte Facebook, elle a interpellé le Président Emmanuel Macron… Son témoignage vidéo a rencontré un tel succès, qu’elle a été reçue au Secrétariat d’État au handicap. Antoine Guerre l’a filmée tout au long de son combat.
D’autres dénoncent une loi qui complique leur vie amoureuse. Alors que les handicapés bénéficient normalement d’un revenu minimum lorsqu’ils sont en incapacité de travailler, celui-ci peut être supprimé dès lors qu’ils se déclarent en couple. Ils deviennent alors un poids financier pour leur partenaire. Comment, dans ces conditions, parler d’autonomie et de dignité pour les personnes handicapées ?

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Personnes
Transcription
00:00Je le dis, les enfants ne sont pas traités équitablement au sein de l'École de la République.
00:12Et on n'a pas honte là, et on va continuer à se battre.
00:30Jouno Beach, l'une des plages du débarquement en Normandie.
00:48Une équipe de jeunes femmes déterminées est au départ du parcours du combattant.
00:58Elles sont regroupées dans l'union des mamans d'enfants handicapés et luttent pour scolariser leurs enfants.
01:05Laura Julia Fiquet est la présidente de l'association.
01:09On va finir ce parcours ici !
01:14École pour tous !
01:185, 4, 3, 2, 1, c'est bon !
01:25Cette association est une communauté d'entraide sur Facebook.
01:29Elle regroupe des mamans isolées voulant faire entendre leur voix.
01:33Depuis 2005, une loi améliore l'intégration des enfants handicapés à l'école.
01:38Pourtant dans la pratique, de nombreux obstacles administratifs perdurent.
01:44Laura Julia a créé cette page en 2015, alors qu'elle rencontrait de graves difficultés pour scolariser son fils Johan, autiste.
01:53Elle s'est même filmée pour pousser un coup de gueule sur YouTube.
01:57Je vais vous parler des difficultés auxquelles moi et des milliers de femmes faisons face.
02:01Il faut savoir qu'aujourd'hui en France, des mères et leurs enfants handicapés subissent l'exclusion sociale dans l'indifférence de notre gouvernement.
02:12Si elle a mobilisé 10 familles pour participer à cette course, ce n'est pas par hasard.
02:18Le parcours du combattant, c'est le quotidien de ses mères.
02:22Des marches administratives sans fin, manque de personnel pour accompagner et suivre leurs enfants.
02:28Cette course est l'occasion parfaite pour communiquer sur leurs galères.
02:33Toute la journée, elle relaie vidéos et photos sur les réseaux sociaux pour faire l'événement.
02:40Quand on s'adresse en politique, ils vont résoudre des cas, des dossiers individuels, mais ils ne vont pas résoudre le problème en fait.
02:46Donc qu'est-ce qu'il nous reste ? Il nous reste les réseaux sociaux en fait, on n'a plus que ça.
02:50C'est pour ça que l'union des mères et leurs enfants handicapés ne cesse de grossir, grossir, grossir, parce que ça répond vraiment à une demande des familles.
02:57On ne se sent plus dans l'isolement, au moins dès qu'on a une question, on peut la poser, on a tout de suite une réponse et on se sent moins seul.
03:03Il faut plus de place, il faut plus de moyens, il faut vraiment que nos enfants soient inclus dans le système scolaire et qu'il n'y ait pas d'exclusion comme aujourd'hui.
03:13Qu'on n'ait pas à galérer pendant des mois pour trouver une place.
03:16C'est des enfants comme les autres et donc ils ont les mêmes droits que les autres.
03:39Laura Julia Fiquet élève seule son fils dans la banlieue de Caen.
03:44Johanna a 6 ans.
03:57Johanne, il a souffert d'anoxie cérébrale lors de la naissance. Il y a un moment où il a manqué d'oxygène, ce qui fait que dès sa naissance, il a été pris de malaise épileptique.
04:08Johanne, tu veux un gâteau ?
04:11Les médecins nous avaient dit qu'on ne saurait pas de quoi il serait capable à l'âge de 20 ans.
04:17Mais non, non, c'est pas pour jeudi.
04:20S'il pourrait marcher, s'il pourrait parler, quelles seraient ses capacités intellectuelles ?
04:24Hé, mais c'est pas pour le chien, c'était pour toi !
04:34Son handicap le plus marqué pour lui, ce sont des troubles du comportement qui sont assimilés à l'autisme.
04:41Il a une lésion cérébrale qui est justement située dans la zone du cerveau qui concerne le langage.
04:49Et lui, c'est vraiment très marqué, il n'arrive pas à parler.
04:59Viens dans la maison.
05:03Viens dans la maison.
05:05Si.
05:07Depuis 3 ans, Johanne ne suit pas une scolarité normale.
05:13Il passe la majorité de son temps avec sa mère, qui a arrêté de travailler.
05:19Les deux mains. Oui, si.
05:21Johanne, tu mets les deux mains.
05:23Elle tente de le faire progresser, de stimuler son langage.
05:27T'es pas gentille. Pourquoi tu veux pas mettre les deux mains ?
05:30Johanne fait des progrès grâce à la patience de sa mère.
05:33Et puis il y a l'école.
05:35La scolarisation des enfants handicapés est souvent facilitée par la présence dans la classe de ce que l'on appelle un auxiliaire de vie scolaire, un AVS.
05:45Cet AVS travaille en collaboration avec l'enseignant.
05:49En fonction du handicap de l'enfant, il reformule les consignes.
05:54Mais pour obtenir cette aide, Laura-Julia Fiquet va devoir se battre contre l'administration.
06:04Lorsqu'elle a inscrit Johanne à l'école, à l'âge de 3 ans, elle a demandé sa présence dans la classe.
06:10Elle n'a pas eu l'occasion d'y participer.
06:12Elle n'a pas eu l'occasion d'y participer.
06:14Elle n'a pas eu l'occasion d'y participer.
06:17Lorsqu'elle a inscrit Johanne à l'école, à l'âge de 3 ans, elle a demandé cet auxiliaire de vie scolaire à la maison départementale des personnes handicapées.
06:29C'est cette administration qui étudie les dossiers.
06:33Et après de longs mois de démarche, Laura-Julia obtient un auxiliaire de vie scolaire pour Johanne, 15 heures par semaine à l'école.
06:46À la première rentrée, il se passe que je viens avec son père dans la classe, toute contente, avec notre enfant tout mignon, la petite tenue qui va.
06:57Comme tout parent emmène son enfant à l'école, handicapé ou pas.
07:01Et là, on cherche du regard l'auxiliaire de vie scolaire.
07:04Il n'y a personne.
07:06Personne n'est là.
07:08Et là, le directeur, on va le voir.
07:10Et puis il dit, non, il n'y a pas d'AVS.
07:13Vous savez, ce n'est pas avant le mois de novembre.
07:15Il ne faut pas attendre avant.
07:17Mais il dit ça comme ça.
07:19Comme si c'était parfaitement normal.
07:22Mais pendant 2 ans, Johanne va passer au maximum 5 heures par semaine avec un AVS, au lieu des 15 heures attribuées par l'administration.
07:34Impossible pour Laura-Julia de trouver un emploi.
07:37Elle doit vivre avec le RSA et une allocation enfant handicapé.
07:43Impossible pour Laura-Julia de trouver un emploi.
07:46Elle doit vivre avec le RSA et une allocation enfant handicapé.
07:51Elle décide alors de militer sur Internet en créant son association de maman.
07:57Sa page Facebook devient vite incontournable dans le monde du handicap.
08:01Plusieurs milliers de familles publient leurs difficultés.
08:05Nous sommes bientôt 5700 sur ce réseau principal.
08:09Et évidemment, les gens ne parlent pas tous en même temps.
08:13Mais tous les jours, il va y avoir une cinquantaine de nouveaux témoignages qui parlent beaucoup de scolarité et de problèmes liés à l'intégration de leurs enfants.
08:24Doutes, déprimes, conseils.
08:28Ses mamans partagent tout grâce aux réseaux sociaux.
08:32Face à l'administration, elles s'entraident pour faire avancer leurs dossiers.
08:42Cela fait maintenant deux ans que Laura réclame le respect de la loi pour son fils.
08:46Et à chaque rentrée scolaire, de nombreuses familles s'inquiètent comme elle pour leurs enfants.
08:53Sur le forum de l'union des mamans d'enfants handicapés, c'était à nouveau l'effet retour.
08:59C'était à nouveau l'effervescence.
09:02A partir du 15 août, ça clignote dans tous les sens.
09:05Je n'ai pas de nouvelles de mon AVS. Je ne sais pas ce qui va se passer.
09:09J'ai pas reçu de courrier.
09:11Et je voyais des femmes par centaines qui venaient dire leurs inquiétudes concernant la rentrée.
09:18Et moi-même, j'étais la première à vivre ça aussi.
09:22Et je me suis dit qu'il faut que je trouve le moyen de témoigner de ce qui se passe.
09:30J'estime que la grandeur d'une nation se mesure à la façon dont ses enfants sont traités.
09:35Et je le dis, les enfants ne sont pas traités équitablement au sein de l'école de la République.
09:41Pour attirer l'attention, elle a bricolé une vidéo sur Youtube, partagée aussi sur Facebook.
09:48Il faut avoir du courage.
09:51C'est très difficile. C'est vraiment un exercice difficile de se filmer
09:55et de témoigner sur ce qu'on vit au quotidien avec nos enfants.
10:01Je me suis fait violence.
10:03Mais en même temps, c'était ça. J'avais pas d'autre alternative.
10:09Je me suis plainte. Tu n'as pas été écoutée ni entendue à aucun moment. Jusqu'au point de non-retour.
10:15Je me suis dit que j'allais taper un peu plus fort, que j'allais interpeller des ministres.
10:19Aujourd'hui, je lance l'invitation à notre ministre de l'Éducation nationale, Mme Najat Vallaud-Belkacem,
10:24de venir accompagner mon enfant à sa rentrée des classes le 1er septembre à 8h45 à l'école de Louvigny.
10:31Je me doutais bien que personne n'allait venir.
10:33Mais je me suis dit que ça avait peut-être plus de chance de tomber dans leur service com.
10:37Et ça a marché.
10:40La vidéo est relayée par tout son réseau.
10:43Le buzz est instantané et atteint les grands médias.
10:47Le Figaro publie même sa vidéo.
10:50Jamais j'aurais pensé attirer le Figaro comme ça, en fait.
10:55Je suis dans le top 5 des événements les plus partagés de l'année 2016 en termes de partage et de réaction.
11:04RTR, ils m'ont contactée pour me dire qu'il allait y avoir l'interview de Najat Vallaud-Belkacem au mois de septembre dans le cadre de la rentrée scolaire
11:13et que je pourrais enregistrer une question qui lui serait posée.
11:16La présidente de l'Union des Mamans d'Enfants Handicapés en appelle à la ministre.
11:21J'aimerais qu'elle se confronte à la réalité, en fait, de l'application de la loi.
11:25Handicapé, pas handicapé, la loi est la même pour tout le monde.
11:28Et il est inadmissible aujourd'hui qu'on fasse attendre des familles jusqu'au mois de novembre
11:32pour inscrire leur enfant à l'école parce qu'il est handicapé.
11:37Je le lui dis, j'espère qu'elle écoute. Je viendrai avec plaisir avec elle pour pouvoir, s'il y a besoin, en effet, régler un dysfonctionnement qu'elle a pu rencontrer.
11:46C'est pas si besoin, elle n'en a pas.
11:48Ce qui est très drôle, c'est qu'une demi-heure après que Najat Vallaud-Belkacem ait quitté les studios de RTL,
11:55moi, j'ai reçu pour la première fois en deux ans un appel de l'inspection académique de ma région
12:02pour me dire que Johan aurait son AVS le lendemain.
12:07Qu'est-ce que vous en pensez de ça ? Qu'on règle votre problème qui courait depuis maintenant deux, trois ans en quelques heures ?
12:14J'hésite entre pathétique et ridicule.
12:20J'étais extrêmement contente, évidemment, pour mon fils parce qu'enfin, nos problèmes avaient une solution,
12:25mais la solution miracle providentielle de la ministre.
12:29Incroyable ! Une demi-heure après, mes problèmes sont réglés.
12:32Je n'ai plus cette angoisse que je traîne depuis des années, en fait.
12:36Pour la première fois, Johan a pu vivre une année scolaire normale.
12:40Il continue aussi ses séances de kiné, d'orthophoniste
12:46et également de psychomotricité avec Blandine.
12:50C'est toi qui fais ou c'est moi ?
12:52Elle a commencé à le suivre dès sa naissance.
13:00L'objectif premier, c'est vraiment qu'on soit en relation, lui et moi,
13:04qu'on puisse se regarder, qu'on puisse faire l'un après l'autre.
13:09Et puis qu'il puisse prendre plaisir à jouer.
13:12À jouer avec moi, à jouer avec l'autre.
13:15Oh, t'es tombé sur ton pantalon !
13:20C'est juste à l'heure.
13:22Vas-y.
13:24Non, pas avec ton nez, avec ta bouche.
13:27Oui, ça, c'est le nez.
13:30Le progrès le plus énorme, c'est justement qu'il puisse nous regarder,
13:35qu'il puisse être avec nous et nous prendre en compte.
13:39Sur le tien.
13:47Va donner, Antoine.
13:49Va donner pour qu'il se tue.
13:52Regarde ce que tu fais.
13:56C'est aussi parce que Johan peut participer à une année scolaire,
14:02qu'il voit d'autres enfants, qu'il participe aux activités à l'école.
14:07Oui, effectivement, cette année, il a particulièrement progressé.
14:12Suivre une consigne, ça, c'était pas possible.
14:16C'était moi qui proposais toujours à Johan des choses.
14:19Lui ne pouvait pas faire de propositions.
14:21Aujourd'hui, c'est lui qui fait des propositions.
14:23C'est lui qui va chercher le jeu et qui joue avec moi et qui me demande de jouer avec lui.
14:27C'est tout ça qui permet à Johan de progresser.
14:30C'est un tout, mais il y a besoin de chaque pièce du puzzle pour y arriver, pour grandir.
14:49Johan, scolarisé, c'est aussi plus de temps pour sa mère,
14:53qui peut désormais organiser sa vie professionnelle.
14:57Elle vient de lancer son entreprise de commerce en ligne, depuis chez elle.
15:11Dans toute la France, de nombreuses familles sont toujours en attente d'une solution de scolarisation pour leurs enfants.
15:21Sur le groupe Facebook de l'association des mamans,
15:24une nouvelle pétition en ligne vient d'apparaître.
15:28Nathalie, de la Londres, habite au Havre.
15:32Depuis 6 mois, elle attend un auxiliaire de vie scolaire pour son fils, Adam, élève en seconde.
15:44L'AVS, dont bénéficiait Adam jusque-là, lui permettait de suivre ses études normalement.
15:50Il n'a jamais redoublé.
15:52Mais sans aide depuis la rentrée, il est en difficulté.
15:58AVS pour Adam, c'est le titre que j'ai mis.
16:02C'est une maman qui m'avait dit comment faire, parce que c'est pareil, il faut s'y connaître.
16:06Je n'avais jamais fait ça.
16:08Et là, ce jour, j'ai 516 signatures.
16:11Il y a plein de mamans et papas aussi qui sont sentis concernés
16:15et qui ont, eux, partagé dans d'autres groupes ma pétition.
16:20C'est comme ça que ça a pris un peu d'ampleur ?
16:22Oui, complètement.
16:25Ça va plus vite que les administrations françaises.
16:30Et ça fait du bien d'avoir ce soutien d'autres gens qui sont dans vos groupes ?
16:34Déjà, on se dit qu'on n'est pas seuls à y croire.
16:36Parce que s'il y a des mamans derrière moi, c'est parce qu'ils savent qu'il y a du résultat si on a l'AVS.
16:41Il y a des mamans qui ont des enfants qui ont 25 ans et qui ont réussi dans leur vie professionnelle.
16:47Donc, ils sont là pour nous témoigner aussi, dire qu'accrochez-vous, battez-vous, parce que ça en vaut la peine.
16:54Adam a tardivement été diagnostiqué dyspraxique, avec des troubles de l'attention.
17:01Donc, c'est sur les verbes...
17:04La dyspraxie, c'est un dysfonctionnement cérébral qui handicape le geste.
17:08Donc, tu recopies. Tu mets bien tes points, tes majuscules.
17:17Le fait qu'il est dyspraxique et dysgraphique, lui, en fait, il est obligé de se concentrer sur la forme des O, la forme des A, comment il met son stylo.
17:28Du coup, il ne se concentre pas du tout sur le sujet.
17:31Donc, après, s'il veut comprendre ce qu'il écrit, il faut qu'il arrête d'écrire.
17:35Donc, l'AVS, normalement, c'est écrit pour lui.
17:37Et là, dans ce cas-là, il peut se concentrer sur le travail.
17:42Et ça, tu l'as fait en cours, en fait. C'était le cours sur le passé.
17:48D'accord.
17:49On va deviner comme ça, en fait. On devine.
17:52Les cours, on les devine. Les exercices, on les devine.
17:54Mais je ne baisse pas les bras.
17:56Donc, c'est moi qui fais le boulot à la maison du prof qui n'a pas à noter, de l'AVS qui n'est pas là.
18:01Il faut que je devine.
18:0415 heures d'auxiliaire de vie scolaire, c'est ce que l'administration accorde à Adam depuis 3 ans pour compenser ses difficultés.
18:12Avec succès, car l'année dernière, il a décroché son brevet des collèges.
18:20J'ai eu le brevet sans mention, mais je l'ai eu.
18:23Tu étais content ?
18:24Oui, ça va.
18:26C'était gagné en début d'année d'avoir le brevet ?
18:29Non.
18:30Et ça, tu penses que c'est aussi grâce à cette aide-là que tu as eu toute l'année ?
18:34Oui.
18:36Et comment ça se passe scolairement depuis la rentrée du cours sans cette aide ?
18:40Alors, scolairement, échec scolaire. J'ai le bulletin, le premier bulletin, on le voit bien, ça chute.
18:47C'est impossible pour lui, impossible de suivre.
18:50En anglais, 4, c'est marqué des lacunes.
18:53Bon, il a 11,90 en électronique.
18:55En simple covenable, attention à ne pas se déconcentrer.
18:59Études de construction, 7.
19:02Peu de travail, Adam doit fournir plus d'efforts.
19:05Français, 9,5.
19:06Les résultats sont un peu justes.
19:08Adam n'est pas du tout concentré en classe.
19:11C'est pareil, moi j'ai tendance à rigoler.
19:1410 en histoire.
19:16Parce qu'on sait qu'il est trouble de l'attention, donc rajouter qu'il n'est pas attentif en classe, c'est un pléonasme.
19:25C'est risible, quoi.
19:28Donc là, aujourd'hui, c'est aussi son avenir qui est en jeu ?
19:31Complètement, c'est complètement son avenir qui est en jeu.
19:34Son avenir professionnel et son avenir d'adulte autonome.
19:40Si on ne l'aide pas maintenant, il ne sera jamais autonome plus tard.
19:49Trois semaines après la mise en ligne de la pétition, la VS d'Adam est enfin arrivée dans sa classe.
19:57Une histoire qui finit plutôt bien, grâce au combat acharné d'une mère sur les réseaux sociaux.
20:05Malgré la loi, combien d'enfants en France sont encore privés d'une aide régulière à l'école, si importante pour leur avenir ?
20:14Aucun chiffre n'est disponible.
20:17Aucun chiffre non plus sur le nombre de parents contraints d'arrêter leur activité professionnelle.
20:27Dans le monde du handicap, l'enfance, ce n'est que le début d'une longue bataille.
20:35Sur YouTube, de nombreux adultes handicapés rivalisent d'humour pour montrer leurs difficultés au quotidien.
20:45Etienne Boulet habite à Montpellier.
20:48Grâce à son BTS audiovisuel, il réalise avec talent des vidéos qu'il poste sur sa chaîne YouTube.
21:04Abonnez-vous !
21:34Sur les réseaux sociaux, on trouve des sketchs, mais aussi des témoignages poignants.
22:04638 vues. Sandy a posté ce message dans l'indifférence la plus totale.
22:34Et elle n'est pas la seule à utiliser Internet pour alerter sur les conditions de vie des adultes handicapés.
22:44Sarah Salmona souffre de myopathie.
22:47Elle aussi a voulu témoigner et raconter son histoire.
22:51Le titre de son texte, Sauvez mon droit d'exister.
22:57Sarah habite Saint-Germain-en-Laye.
23:04Elle est professeure de français au lycée.
23:09Pour l'aider à enseigner, l'Education nationale a embauché une auxiliaire.
23:14Et à la sortie des cours, son transport est pris en charge jusqu'à son appartement.
23:20J'ai une myopathie depuis la naissance, qui s'appelle myopathie centrale corps.
23:27C'est une maladie musculaire qui affaiblit tous les muscles du corps.
23:34Là où c'est le plus handicapant, c'est que ça atteint mes muscles respiratoires et que ça entraîne beaucoup de fatigue.
23:42Sarah devrait bénéficier pleinement de la loi votée en 2005.
23:46Ce texte veut favoriser l'intégration des handicapés dans la société.
23:51Il doit leur permettre de construire un projet de vie.
24:00Pour gérer son quotidien, Sarah a droit à une auxiliaire.
24:07Elle a besoin d'aide.
24:09Pour gérer son quotidien, Sarah a droit à une auxiliaire.
24:16Au déjeuner, Julia vient l'aider pendant une heure.
24:19On va faire le déjeuner.
24:33Pour le déjeuner, Julia va m'aider à sortir toutes les affaires des tiroirs, des placards, à soulever les choses lourdes.
24:43Parce que je n'ai pas beaucoup de force dans les bras, essentiellement.
24:46Et puis ça m'est arrivé deux, trois fois quand même de me brûler parce que je lâche un truc et que ça me tombe dessus.
25:08Cette aide est attribuée après une évaluation des besoins par l'administration.
25:17En 2012, Sarah avait obtenu huit heures de présence par jour.
25:29Mais trois ans plus tard, les choses ont changé.
25:32Les choses ont changé.
25:44Tous les après-midi, pour récupérer après les cours, Sarah fait une sieste.
25:57La mission de son auxiliaire de vie se termine.
26:00Pourtant, Sarah a encore besoin d'elle.
26:11Mais l'administration lui a enlevé près de six heures d'aide par jour.
26:16Une situation que Sarah dénonce sur Internet.
26:30Avais-je miraculeusement amélioré mes capacités physiques pour justifier une telle différence ?
26:36Malheureusement, non.
26:38J'avais en réalité perdu en capacité respiratoire.
26:42Un nouvel appareil de compagnie m'aidait à respirer la nuit et à me ventiler trois heures par jour.
26:48Trois heures de souffle en plus, mais six heures d'aide en moins.
26:52À la fin de sa sieste, Sarah est toute seule pour se relever.
27:01À sa demande, nous la filmons sans intervenir.
27:22Une société qui choisit d'abandonner les plus faibles, choisit de perdre son humanité.
27:30Elle choisit de perdre ceux qui ne se plaignent jamais,
27:33parce qu'ils n'ont pas le temps de s'apitoyer sur leur sort.
27:43Elle choisit de perdre des guerriers qui ont perdu leur vie.
27:47Elle choisit de perdre des guerriers qui avancent avec leurs âmes,
27:52qui ont su s'inventer des armes pour survivre,
27:55et qui n'attendent ni gloire, ni laurier, ni territoire, mais simplement le droit d'y résister.
28:16N'oubliez pas les plus démunis au risque d'oublier que vous êtes des êtres humains avant tout.
28:26Ne nous abandonnez pas.
28:39À cause de cette réduction d'heures, Sarah doit solliciter ses parents.
28:42Ça a remis en cause ma vie autonome, mon indépendance.
28:52Du coup, mes parents, à qui je ne demandais plus aucune aide,
28:56sont obligés aujourd'hui d'intervenir, et sans eux, vraiment, je ne peux pas vivre toute seule.
29:02C'est impossible.
29:05Vous allez bien les mettre là ?
29:07Là, dehors.
29:08Ça a été un grand choc.
29:10Parce que tout ce qu'on avait réussi à construire, ça s'est effondré.
29:14Du jour au lendemain.
29:16Ça, je te le mettrai dehors.
29:18J'allais faire mes courses, j'allais à la réunion auxiliaire,
29:21j'allais dans les magasins, j'allais choisir mes aliments.
29:25Mais là, je ne peux plus le faire.
29:27C'est tout bête, mais ça, ça nous fait sentir vive, sentir être adulte.
29:32Ça commence ?
29:34Oui, ça commence.
29:35Bien que j'ai un pépin de santé, ça devient très compliqué,
29:38parce qu'il n'y a pas d'auxiliaires qui sont là pour m'aider.
29:41Si mes parents ne sont pas prêts à intervenir,
29:44je peux me retrouver en très grosse difficulté.
29:48On est en astreinte.
29:50C'est-à-dire qu'à tout moment, elle peut avoir besoin de nous pour quelque chose.
29:56La nuit, il peut lui arriver de faire un petit déjeuner,
30:00un petit déjeuner, un petit déjeuner,
30:02quelque chose.
30:04La nuit, il peut lui arriver de faire tomber quelque chose.
30:07Enfin, je ne sais pas, son masque pour respirer,
30:10elle ne peut pas le ramasser.
30:12Donc, ça lui arrive de nous téléphoner la nuit pour qu'on se déplace.
30:15C'est sûr, c'est évident.
30:17Pour se projeter dans l'avenir, c'est beaucoup plus angoissant et incertain,
30:22parce que s'il arrive quelque chose à mes parents,
30:25vertige me tourne.
30:26Voilà, donc on est dans une situation qui...
30:30Voilà, on est en insécurité.
30:32Moi, je me sens en insécurité,
30:34et je n'arrive plus à me projeter de façon sereine dans l'avenir.
30:40Les parents de Sarah ont engagé une auxiliaire de vie.
30:44Une heure tous les soirs.
30:46900 euros par mois à leurs frais.
30:51Sans cette aide, Sarah aurait arrêté de travailler
30:54et serait retournée vivre chez ses parents.
31:00Son témoignage,
31:02sauver mon droit d'exister,
31:04a été repéré par une petite association qui l'a publié sur son site.
31:12La Coordination Handicap et Autonomie a peu de moyens,
31:17mais elle est hyper active sur les réseaux sociaux.
31:20Elle se mobilise
31:22pour que les heures de prestation de compensation du handicap
31:25ne soient pas réduites par l'administration.
31:33Un combat mené par Yves Mallet,
31:36retraité et bénévole dans le département de l'Île-et-Vilaine.
31:44C'est un tel parcours du combattant,
31:46ces dossiers de prestation de compensation du handicap,
31:49que je comprends parfaitement
31:51que les gens, à un moment donné,
31:53ils en ont marre et puis ils baissent les bras.
31:55Ils disent, ils en arrêtent.
31:59De nombreux handicapés se plaignent
32:01de la réduction de leur temps d'aide à domicile.
32:06Cela intrigue Yves Mallet,
32:08qui décide alors d'enquêter.
32:12Et sur Internet,
32:13il met la main sur un document de l'administration
32:16qui n'aurait jamais dû être publié.
32:20J'ai cherché, cherché,
32:22puis je suis tombé sur le site de l'AMDPH de l'ISER
32:26et sur le site de l'AMDPH de l'ISER,
32:28il y avait effectivement une information sur un nouveau guide
32:31avec comme sous-titre,
32:33Heure Aide Humaine.
32:35Donc je me suis dit,
32:37ce doit être ça.
32:38C'est un guide de la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie.
32:42Un des organismes qui finance les aides pour les handicapés.
32:48Il est utilisé par l'administration
32:51pour évaluer le nombre d'heures d'aide nécessaires.
32:57Dans ce document,
32:59Yves Mallet découvre un minutage très précis
33:02des gestes que doivent effectuer les auxiliaires de vie.
33:05L'alimentation, l'illumination, la toilette,
33:08chaque acte est disséqué en minutage.
33:12C'est-à-dire que, par exemple, pour la toilette,
33:15on a fait des fichiers
33:17où on mettait toilette,
33:19alors toilette du haut, toilette du bas,
33:21se laver les dents, deux minutes et demie, pas plus.
33:25Pourquoi est-ce que vous trouvez ça choquant, vous,
33:27ce minutage ?
33:29C'est-à-dire,
33:31que l'esprit de la loi,
33:33c'est analyser les besoins d'une personne
33:36en situation de handicap
33:38en fonction de son projet de vie.
33:41Le projet de vie d'une personne handicapée,
33:43ce n'est pas manger,
33:45dormir,
33:47dormir,
33:49dormir,
33:51dormir,
33:53dormir,
33:55dormir,
33:57dormir,
33:58dormir,
34:00se laver, etc.
34:03Ce n'est pas ça, un projet de vie pour nous.
34:05Ça, c'est un projet de survie.
34:08Choqué par cette logique comptable,
34:11Yves Mallet publie le guide sur Internet.
34:15La réaction des handicapés est immédiate.
34:20Etienne Boulet réalise une nouvelle vidéo,
34:23toujours avec humour.
34:25J'ai lu le petit titre et...
34:27Comment dire ?
34:34Pourquoi ?
34:36Pourquoi ?
34:39Lourdement handicapé,
34:41Etienne bénéficie de toute l'aide dont il a besoin.
34:44Oui, je suis un petit chasseur.
34:51Mais par solidarité,
34:52il a décidé de tester lui-même les minutages
34:55pour en montrer l'absurdité.
34:57Dans le guide,
34:59pour manger son petit déjeuner,
35:01c'est 5 minutes.
35:03Son auxiliaire de vie doit gaver Etienne
35:06pour qu'il rentre dans les temps.
35:10Dans la catégorie prendre soin de son corps,
35:13c'est 6 minutes pour la peau,
35:15la barbe et les ongles.
35:22Tu gagnes !
35:52En Ile-et-Vilaine,
35:5420 personnes se sont vues réduire leurs aides
35:56à cause du minutage.
36:00Alors sur Facebook,
36:02l'association lance l'alerte.
36:05Elle parle de maltraitance,
36:07crée une pétition en ligne
36:09afin de convaincre la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie
36:13de supprimer son guide.
36:17Mais il ne s'arrête pas là.
36:19Mathilde
36:20décide d'aller interpeller directement
36:22la Caisse nationale lors d'une conférence publique à Paris.
36:25Une intervention qu'elle poste sur Youtube.
36:50On a acheté des micros-cravates-amplificateurs
36:53parce qu'on a des toutes petites voix
36:55et ça allait être pour un grand fille
36:57dans lequel on savait par avance
36:59qu'on n'allait pas nous entendre
37:01et qu'on n'allait pas nous donner la parole aussi.
37:03Dans les faits, nous,
37:05ce qu'on voit sur le terrain,
37:07c'est une révélation,
37:09une forte révélation
37:11de notre autonomie.
37:13Et justement,
37:15alors que vous êtes sourds,
37:17vous n'avez pas le droit
37:19alors que vous êtes sourds,
37:21combien est bon
37:23et bien la pratique,
37:25elle se dégrade
37:27et elle devient déshumanisante.
37:29Sur le moment,
37:31on s'est regardé,
37:33qui c'est qui y va ?
37:35C'est moi qui ai parlé,
37:37mais ça aurait pu être quelqu'un d'autre.
37:39On n'a pas envie de ça
37:41et on va continuer à se battre
37:43pour notamment faire disparaître ce guide
37:45qui va à l'encontre de la loi,
37:46qui va à l'encontre de la loi.
38:17dont les aides ont été drastiquement réduites.
38:22Nous lui montrons la vidéo filmée par l'association.
38:30Je pense que
38:32cette jeune femme a complètement raison.
38:35Moi, ce que je pourrais en effet ajouter,
38:37c'est que la CNSA,
38:39donc la Caisse nationale de solidarité et d'autonomie,
38:41c'est pas le législateur.
38:43Donc c'est un guide qu'ils ont fait
38:44pour harmoniser les pratiques au sein des MDPH,
38:46mais en attendant,
38:48ce guide-là, il ne respecte pas la loi.
38:50Le législateur a vraiment expliqué
38:52les temps de minutage,
38:54les temps de prestations de compensation,
38:57donc les temps d'habillage, de toilette,
38:59de surveillance, etc.,
39:01de façon globale.
39:03L'alimentation, par exemple,
39:05c'est 1h45 par jour.
39:07Le temps de toilette, c'est 70 minutes.
39:10On a des temps qui sont quantifiés,
39:12mais de façon assez globale.
39:14Et en attendant,
39:16ces précisions sont comme des restrictions
39:18parce que c'est extrêmement quadrillé, minuté.
39:22Or, il y a des jours
39:24où un acte peut prendre 10 minutes
39:26et puis d'autres jours, ça va prendre 5 minutes.
39:28Et puis il y a des fois,
39:30il y a une personne qui va avoir un besoin
39:32et puis le lendemain ou quelques heures après,
39:34elle ne l'aura pas.
39:36Donc c'est finalement réduire
39:38la personne en situation de handicap à des minutes.
39:40En quelques mois,
39:42la pétition de la Coordination handicapée autonomie
39:44prend de l'ampleur.
39:46Cette mobilisation est payante.
39:49Le guide est modifié
39:51et les minutages sont abandonnés.
39:56Pour comprendre ce revirement de situation,
39:59nous nous rendons à la Caisse nationale
40:01de solidarité pour l'autonomie.
40:06Pour comprendre ce revirement de situation,
40:08pourquoi l'institution a-t-elle mis en place
40:11un minutage si précis ?
40:15Nous avons rendez-vous avec Stéphane Corbin,
40:18en charge de la prestation de compensation du handicap.
40:24Là, c'est le tableau qu'il y avait
40:26dans cette version 2013 du guide.
40:28C'était assez précis,
40:30manger son petit déjeuner, c'est 5 minutes.
40:32Comment les équipes sont arrivées
40:34à trouver ce 5 minutes ?
40:35Il y a eu des tests ?
40:37Oui, ce n'était pas des tests en situation.
40:40C'était de se dire sur un volume
40:42d'heures globales d'intervention.
40:45Si nous devons effectivement
40:47créer des subdivisions,
40:49essayons de voir ce qui apparaît
40:52comme étant le plus proche de la réalité.
40:55On s'est aperçus assez vite
40:57qu'il y avait plus d'inconvénients
40:59que de qualités.
41:01C'est pour cela
41:02que nous y avons renoncé.
41:04Dans son utilisation,
41:06il pouvait avoir vocation
41:08finalement à réduire
41:10la durée de prestation.
41:12Vous l'avez supprimé.
41:14Il n'y a plus de minutage
41:16et il n'y a plus de tableaux Excel
41:18et de grilles dans le nouveau guide.
41:20C'est cela.
41:22J'ai rencontré Sarah,
41:24qui est professeure de français,
41:26le matin.
41:28Elle a eu 8 heures d'aide humaine
41:30par jour en 2012.
41:33Nous montrons à Stéphane Corbin
41:35le réveil de Sarah Salmona,
41:38qui doit se lever seule
41:40depuis la réduction de sa prise en charge.
41:45Si manifestement,
41:47ce que vous souhaitez
41:49me faire prendre conscience,
41:51la personne n'a pas suffisamment d'aide
41:54par rapport à ses besoins,
41:56manifestement,
41:58il faut sûrement revoir
42:00le besoin tel qu'il a été
42:02évalué,
42:04mais je n'ai pas participé à cette évaluation,
42:06je ne connais pas cette situation-là,
42:08et donc je ne peux pas apporter là-dessus
42:11un jugement qui consisterait à dire
42:13au regard de cette vidéo
42:15que cette personne n'a pas assez d'heures
42:17et que c'est bien scandaleux.
42:19Sa situation étant intenable,
42:22Sarah est allée en justice.
42:26Elle n'espère pas récupérer
42:28les 6 heures perdues,
42:30mais au moins une partie.
42:33Je n'ai demandé que 3h30
42:35parce que j'ai eu peur
42:37qu'on ne me les accorde pas,
42:39et donc j'ai demandé le minimum vital,
42:41en me disant on ne pourra pas
42:43me refuser le minimum vital.
42:45En 2015,
42:47le tribunal lui accorde 3h30 par jour
42:49au lieu des 2h22
42:51dont elle devait se contenter jusque-là.
42:53Le tribunal, statuant publiquement,
42:55déclare recevable en la forme
42:57le recours de Mme Salmona, Sarah.
42:59Voilà.
43:00Et du coup, vous avez récupéré
43:02ces 3h30 d'aide ?
43:04Et je ne les ai pas récupérées
43:07puisqu'un mois après,
43:09la MDPH des Yvelines
43:11a fait appel de cette décision.
43:14Sarah a gagné son procès,
43:16mais l'appel est suspensif.
43:19En attendant le jugement final,
43:21sa situation reste la même.
43:23Elle ne bénéficie toujours
43:25que de 2h22.
43:27Qu'est-ce que vous en pensez,
43:28de cette politique d'appel ?
43:30Je pense qu'il est absolument anormal
43:34que, encore une fois,
43:37pour bien des personnes
43:39en situation de handicap
43:41qui n'en ont pas les moyens,
43:43l'appel est une façon, au fond,
43:45de contraindre...
43:48De dissuader les gens.
43:50De dissuader les gens, oui,
43:52de poursuivre.
43:54Parce qu'ils n'ont pas les moyens
43:56de continuer comme ça.
43:58C'est la loi de 2005.
44:00C'est ça que je veux dire.
44:03On a l'impression
44:05d'être devant une administration
44:07hermétique, ébornée.
44:09Voilà.
44:11Ça peut être très grave
44:13parce que nous, on s'en sort.
44:15Des personnes
44:17sans revenus, sans moyens.
44:20La situation peut aller
44:22jusqu'à l'hospitalisation.
44:25Parce qu'une personne
44:26sans aide,
44:28qu'est-ce qu'il fait ?
44:30Il va se faire hospitaliser
44:32parce qu'il ne peut plus vivre tout seul.
44:34C'est un système qui peut
44:36broyer l'individu.
44:38C'est infâme.
44:40Sarah devra patienter
44:42encore de longs mois
44:44avant le jugement en appel.
44:46La maison départementale
44:48des personnes handicapées
44:50a décliné notre demande d'interview.
44:52Mai 2017,
44:54Emmanuel Macron est élu président.
44:56Il dévoile sa dernière carte
44:58en l'interpellant sur Facebook.
45:00Monsieur Macron,
45:02vous dites vouloir faire du handicap
45:04une priorité de votre quinquennat
45:06et je m'en réjouis.
45:08Sur cette vidéo,
45:10elle se filme dans son quotidien
45:12pour montrer concrètement
45:14à quel point une auxiliaire de vie
45:16lui est indispensable.
45:18Ces restrictions d'aide humaine
45:20se généralisent partout en France.
45:22Je ne suis pas un cas isolé
45:24et c'est le problème
45:26de l'âge.
45:28Et pour ceux qui ne font pas de la politique,
45:30partagez un maximum
45:32pour qu'on finisse par nous entendre là-haut.
45:34Sa vidéo touche les internautes.
45:37En cinq jours,
45:39son coup de gueule est déjà vu
45:41plus de 300 000 fois.
45:43Elle est même l'invitée
45:45du journal de France 2.
45:47Paris réussit.
45:49Trois jours après son passage sur France 2,
45:52Sarah est reçue au ministère de la Santé.
45:56C'est un sacré victoire
45:58que je n'avais absolument pas imaginé.
46:01Il y a une semaine de ça,
46:03j'ai posté mes vidéos.
46:05Ça fait deux ans
46:07que je suis dans mes démarches administratives.
46:09Et là, en une semaine,
46:11j'ai un rendez-vous avec le ministère de la Santé.
46:13C'est incroyable.
46:15Elle pensait avoir rendez-vous
46:17avec Sophie Cluzel,
46:19la secrétaire d'État au handicap.
46:21Bonjour.
46:23Enchantée.
46:25Merci de me recevoir.
46:27C'est Patrice et Yannis
46:29qui vont me recevoir.
46:31Parce qu'il faut qu'on parte
46:33cet après-midi pour un séminaire gouvernemental.
46:36Allez, je vous laisse.
46:38Je vous laisse.
46:40Merci.
46:42Allez, je vous laisse bosser.
46:45La secrétaire d'État s'éclipse.
46:48Bonjour.
46:50Ce sont ses conseillers
46:52qui reçoivent Sarah pendant une heure.
46:54Mais interdiction de filmer.
46:56À la fin du rendez-vous,
46:58la secrétaire d'État est de retour
47:00pour la photocommunication.
47:02On peut faire une photo toutes les deux
47:04puis on fera une photo aussi avec Yannis.
47:06Ça va, vous avez plu ?
47:08Vous me dites par rapport au fond
47:09que c'est pas...
47:11C'est bon.
47:13Parfait.
47:15Mais pour l'instant,
47:17pas d'avancée ni de promesses fermes.
47:21Je suis allée frapper à leur porte
47:23vraiment au sens propre du terme.
47:27Maintenant, je réalise bien
47:29que le problème ne va pas se résoudre demain
47:33et qu'il va falloir maintenir
47:35une forte pression.
47:37Et il faudrait pas que je sois toute seule.
47:40Pour Sarah,
47:42la pression va payer.
47:44Quelques jours seulement
47:46après son rendez-vous,
47:48la maison départementale
47:50des personnes handicapées
47:52lève son appel, comme par magie,
47:54et lui accorde les 3h30
47:56qu'elle demandait.
47:58En revanche,
48:00pour les autres personnes
48:02dans sa situation,
48:04le problème reste entier.
48:06Sur Internet,
48:07nous tombons sur un dernier problème
48:09auquel sont confrontées
48:11de nombreux handicapés.
48:13Avec cette vidéo intitulée
48:15Le prix de l'amour.
48:18C'est l'histoire d'Andy,
48:20une jeune femme de 30 ans
48:22vivant à Paris.
48:24Andy est atteinte
48:26d'une maladie dégénérative.
48:28Ainsi, depuis ses 20 ans,
48:30elle a le droit à l'AAH,
48:32l'allocation adulte handicapé.
48:34Lors d'une soirée,
48:35il ne tarda pas à tomber
48:37sous le charme de la pétillante Andy.
49:06Cet ingénieur informatique
49:08est devenu tétraplégique
49:10à la suite d'un accident.
49:12Il ne touche plus l'AAH,
49:14l'allocation adulte handicapé
49:16de 800 euros,
49:18depuis qu'il travaille.
49:21On se dirige vers la CAF de Grenoble.
49:23La CAF,
49:25c'est l'organisme payeur de l'AAH.
49:27C'est quand la dernière fois
49:29que tu es venu ici ?
49:31C'était il y a 2 ou 3 ans,
49:33je ne sais plus exactement.
49:36Hop.
49:38Et c'est ici
49:40qu'a commencé son enquête.
49:43Dans un premier temps,
49:45je touchais l'AAH à taux plein.
49:47Donc l'allocation
49:49était versée à 800 euros par mois.
49:51Et puis ensuite,
49:53quand j'ai commencé à travailler,
49:55il y a eu une baisse de l'AAH
49:57et j'ai voulu comprendre cette variation-là.
49:59Donc j'ai pris rendez-vous avec un conseiller
50:01et en fait, eux, dans la pratique,
50:03je leur donne mes ressources,
50:05ils mettent à l'intérieur de leur logiciel
50:07ces ressources et en sortie,
50:09il y a le montant de l'AAH.
50:11Donc c'est une boîte noire
50:13dans laquelle le fonctionnement interne
50:15n'est pas explicité.
50:17Et c'était ça que j'essayais de comprendre
50:19en venant ici.
50:21Après plusieurs rendez-vous,
50:23je n'ai pas eu cette explication,
50:25j'ai été directement voir
50:27à l'intérieur des textes de loi
50:29ce que disait le Code de la Sécurité Sociale.
50:32En quelques mois d'enquête,
50:33Kevin découvre que le montant de l'AAH
50:36diffère en fonction de la situation familiale,
50:39en couple ou célibataire.
50:42Il l'explique dans une vidéo d'animation.
50:45L'histoire d'Andy,
50:47une jeune handicapée qui tombe amoureuse.
50:51Son film sera vu plus de 100 000 fois.
50:56Ils filent le parfait amour
50:58et décidèrent de sauter le pas
51:00en s'installant ensemble.
51:02J'ai découvert que c'est dès lors
51:04qu'on se déclare en couple,
51:06qu'on a un formulaire à remplir à la CAF
51:08où on déclare nos revenus.
51:10Et il y a une petite case
51:12où on coche si notre situation a changé,
51:14donc situation maritale,
51:16situation en concubinage ou en PACS.
51:18À peine emménagée,
51:20Andy allait vite déchanter.
51:22Car elle s'aperçut que la CAF
51:24ne lui versait plus l'AAH.
51:26Ne comprenant pas ce qu'il se passait,
51:28elle prit alors rendez-vous avec un conseiller
51:29qui lui expliquait
51:31que cette suppression d'allocations
51:33était liée à ce que Paul gagnait.
51:35J'ai essayé de faire un format
51:37qui soit un peu plus accessible,
51:39une vidéo de 5 minutes
51:41qui essaye de synthétiser le problème
51:43à travers l'histoire d'Andy.
51:45Voici comment varie le montant de l'AAH versée
51:47en fonction des revenus du conjoint.
51:49Paul, gagnant 2200 euros net par mois,
51:52l'AAH d'Andy est de fait réduite à zéro.
51:55Et parce que son handicap a changé ?
51:57Non.
51:59Son statut n'a pas changé,
52:01uniquement le fait d'être déclaré en couple.
52:03Cette situation difficile à supporter pour Andy,
52:05si indépendante,
52:07pesa sur leur couple.
52:09Au point qu'ils finirent par y mettre un terme.
52:12On met en avant le fait de
52:14vouloir au maximum autonomiser les gens,
52:16de vouloir favoriser la vie en couple.
52:19Et là, on se rend compte que
52:21ce mode de calcul est un obstacle
52:23à sa réalisation.
52:25Pourquoi ?
52:27Dans le cas où Andy vit sous le même toit
52:29que ses parents,
52:31qui ont une bonne situation financière,
52:33son AAH est préservé à taux plein.
52:35Tandis que dans le cas où elle vivait
52:37sous le même toit que son concubin,
52:39qui a un revenu moyen,
52:41son AAH lui était tout bonnement supprimé.
52:43Ça a été plus viral que je pensais,
52:45finalement, sur les réseaux sociaux.
52:47Et c'est là qu'on se rend compte,
52:49finalement, de l'ampleur du problème
52:51qu'il y a beaucoup plus de couples
52:53qu'on le pense qui sont concernés
52:55par cette situation.
52:57C'est-à-dire qu'il y a des personnes
52:59qui m'exposent leur situation
53:01en disant qu'ils ne savent pas comment faire.
53:03Soit ils le découvrent tardivement
53:05et devant le fait accompli,
53:07ils se rendent compte que leur AAH
53:09a été supprimé.
53:11Et on vient à regretter, finalement,
53:13de cette déclaration en couple.
53:15À regretter ?
53:17Oui, oui. Certains m'ont avoué
53:19avoir pour projet de se dépaxer
53:21ou de divorcer
53:23pour retrouver
53:25une situation financière pérenne.
53:27Et on a reçu des centaines de témoignages
53:29que Kevin a reçus.
53:31Celui d'une femme
53:33qui habite en Bretagne.
53:41Elle souhaite garder l'anonymat
53:43pour préserver son conjoint.
53:50Depuis plusieurs années,
53:52elle souffre d'une maladie auto-immune
53:54qui détruit petit à petit
53:55ses articulations.
53:57Elle ne peut plus travailler.
54:00Elle bénéficie donc
54:02de l'allocation adulte handicapée.
54:04Mais quelques mois
54:06après s'être paxée
54:08et avoir emménagé
54:10avec son conjoint,
54:12la mauvaise nouvelle tombe.
54:14Son allocation est fortement réduite.
54:16Et bientôt,
54:18avec l'augmentation de salaire
54:20de son compagnon,
54:22elle sera supprimée.
54:24On ne peut pas rencontrer quelqu'un
54:26en disant
54:28adopte-moi.
54:30Attention, il ne va pas y avoir
54:32que le regard des autres
54:34que tu vas devoir affronter.
54:36Il y a aussi le fait
54:38que tu vas devoir subvenir à mes besoins.
54:40Si en plus,
54:42il doit sponsoriser mon handicap,
54:45je ne me sentirai plus
54:47de prendre des décisions,
54:49de donner mon avis.
54:50Et donc, je me sentirai
54:52comme une mineure à vie.
54:54La conséquence directe,
54:56elle a été celle
54:58de devoir
55:00rompre notre pax
55:02et fiscalement se séparer.
55:05Il ne doit plus du tout
55:07faire partie de ma vie
55:09en ce qui concerne
55:11l'argent,
55:13les factures,
55:15quoi que ce soit.
55:16Ce mode de calcul
55:18pour les couples
55:20fait l'objet
55:22de nombreuses pétitions en ligne.
55:24Certains élus
55:26ont également fait part
55:28de cette injustice
55:30au ministère de la Santé.
55:32Jusqu'à présent,
55:34sans aucun effet.
55:37Un jour, ça va changer quand même.
55:39Vous avez espoir
55:41que cette loi change ?
55:43Si je n'ai pas l'espoir,
55:44de toute façon,
55:46il faut qu'elle change, la loi.
55:48Elle n'est pas juste.
55:50Justement, avec le handicap,
55:52on voit bien qu'on n'est pas égaux.
55:54Donc, au moins,
55:56que ce soit équitable.

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