Depuis quelques mois, les confrontations ont fait plusieurs blessés graves et un mort. Affrontements physiques, guerre médiatique, bras de fer judiciaire : la rupture est consommée entre l'État et les écolos radicaux.
Category
✨
PersonnesTranscription
00:00...
00:07Ce matin, nous avons rendez-vous
00:09avec une trentaine de militants écologistes
00:11pour une opération secrète.
00:13...
00:17Leur présence sur ce terrain départemental
00:20est interdite par les autorités.
00:22...
00:30On dirait un chantier archéologique,
00:32mais en réalité, c'est pas du tout un chantier archéologique.
00:36Ce sont des gens qui ramassent
00:38les petits déchets, notamment de construction.
00:41Ces déchets, ce sont les leurs.
00:44Pendant un an et demi,
00:46une centaine d'entre eux a vécu ici.
00:48Leur but, s'opposer à la construction
00:50du barrage de Sivince.
00:52...
00:56Le 6 mars 2015,
00:57l'Etat a envoyé 400 gendarmes pour les déloger.
01:01Un journaliste indépendant était présent.
01:03Voici ces images.
01:05...
01:07Il est dans le bras !
01:08...
01:10Ils nous lâchent le bras !
01:11Ils nous lâchent le bras !
01:13...
01:15Une évacuation musclée,
01:16sous l'oeil du sous-préfet du Tarn.
01:19...
01:20Allez, tranquillement. Tranquille.
01:22Tranquille.
01:23...
01:25Mais aussi d'un drone et d'un hélicoptère.
01:27...
01:30Les militants expulsés,
01:32les forces de l'ordre ont mis le feu à leur cabane.
01:35...
01:39Deux mois plus tard, ils reviennent pour nettoyer le site.
01:43C'est vraiment ce qu'on cherche, à pouvoir enlever du sol.
01:47Parce que si une vache avale ça en broutant l'herbe,
01:49elle peut mourir, parce que ça lui crève la pence.
01:52Et le problème, c'est que la façon dont les pouvoirs publics
01:56ont brûlé les affaires, ont enfoui les affaires,
01:58quand ils ont brûlé, par exemple, les planches,
02:01le bois a brûlé, mais les clous restent au sol.
02:04Pour les gendarmes, c'est une nouvelle provocation.
02:07Très vite, la prairie est cernée.
02:11...
02:12Madame, écoutez-moi.
02:13On discute devant, on avance.
02:15Si je me mets devant vous, forcez pas là.
02:17C'est nous trois, je vous l'explique.
02:20On vous reculez.
02:21...
02:22Les militants sont évacués par le PSIG,
02:25le peloton de surveillance et d'intervention de la gendarmerie.
02:29Des forces spéciales, équipées de bombes lacrymogènes,
02:33de grenades et de flashballs.
02:35Il est équipé comme s'il partait à la guerre.
02:38Il a besoin de ça, vraiment, t'as besoin de ça pour nous ?
02:41À Sivince, les militants écolo sont sous haute surveillance.
02:46Même le chef du renseignement territorial du département
02:49s'est déplacé.
02:52Et à ses côtés, à nouveau, le sous-préfet.
03:01L'Etat veut à tout prix éviter
03:03que ses opposants au barrage ne se réinstallent.
03:07Vous avez peur d'une réoccupation de la zone ?
03:10C'est pas une question de peur, il faut rester vigilant.
03:13C'est plus la mission de la gendarmerie
03:15que d'assurer cette vigilance.
03:20Depuis trois ans, un peu partout en France,
03:22militants écologistes et forces de l'ordre s'affrontent violemment.
03:26...
03:28On va dégrouiller !
03:29Derrière cette guerre de terrain,
03:31se joue aussi une bataille judiciaire
03:34et un combat politique.
03:37J'ai fait, selon moi, un acte citoyen,
03:40qui était d'aller descendre dans la rue
03:42et de lancer un projet inutile.
03:44J'imaginais jamais qu'on puisse me tirer dessus.
03:47A l'heure où François Hollande
03:49se pose en premier défenseur de l'environnement...
03:52L'enjeu, celui qui nous rassemble,
03:55c'est de faire de la France
03:57la nation de l'excellence environnementale.
04:00...
04:01Nous allons vous raconter comment,
04:03loin des médias et des salons parisiens,
04:06l'Etat Hollande fait la guerre aux militants écologistes.
04:09...
04:27Juillet 2015, nous prenons la route pour Nantes.
04:31C'est ici que, depuis trois ans,
04:33se joue un bras de fer
04:35entre François Hollande et les écologistes.
04:38La région possède un aéroport situé au sud de Nantes.
04:44Mais depuis les années 60,
04:45l'Etat envisage de le remplacer par un nouveau,
04:48plus au nord, à Notre-Dame-des-Landes.
04:51...
04:54Objectif officiel,
04:55s'adapter à l'augmentation du trafic aérien.
04:59Le terrain choisi,
05:001650 hectares de bocages et de terres agricoles.
05:04...
05:07Dès le départ,
05:08certains paysans refusent de quitter leurs terres.
05:12Le projet est mis en veille.
05:14Au début des années 2000,
05:16le gouvernement Jospin y croit à nouveau.
05:19En 2008, le projet d'aéroport est déclaré d'utilité publique.
05:24...
05:26En 2012, un mois avant son élection,
05:29François Hollande s'engage.
05:31Cet aéroport se fera.
05:33...
05:36Mais la contestation va à nouveau faire barrage.
05:38...
05:41Là, on arrive au rassemblement annuel
05:44des opposants à l'aéroport de Notre-Dame-des-Landes.
05:47...
05:50Apparemment, il y a beaucoup de monde.
05:52...
05:57Comme chaque année,
05:58des milliers de personnes sont venues en famille ou entre amis
06:01demander l'arrêt du projet d'aéroport.
06:04Parmi les opposants, des représentants politiques,
06:08comme Yannick Jadot,
06:10une figure du parti Europe Écologie-Les Verts.
06:12...
06:15Il faut que ce gouvernement soit en capacité de dire
06:18que la rationalité environnementale,
06:20la rationalité sociale,
06:21la rationalité agricole, la rationalité des finances publiques,
06:25c'est d'arrêter ce projet
06:26et de laisser ses terres à l'agriculture et à la biodiversité.
06:30D'autres élus de gauche le rejoignent dans ce combat,
06:33comme Françoise Verchères.
06:35Sur son stand, c'est Atelier Cartes Postales.
06:38L'unique destinataire, le président de la République.
06:41Ah oui ?
06:42Qui n'a pas encore signé sa carte à François Hollande ?
06:45Allez, allez, venez, venez.
06:47On lui demande de vraiment abroger
06:49la déclaration d'utilité publique de l'aéroport de Notre-Dame-des-Landes
06:53parce que c'est un mauvais projet.
06:55Bonjour !
06:56Eh bien, voilà !
06:57Alors...
06:59Patrick Varin est un ancien camarade de promotion
07:02de François Hollande à l'ENA.
07:06De la part d'annexe de la promotion Voltaire.
07:09C'est un plaisir, du coup.
07:11C'est quelqu'un que j'ai suivi,
07:13que j'ai soutenu, d'ailleurs, pour l'élection de 2012.
07:16Et puis, on se sépare sur ce sujet de Notre-Dame-des-Landes
07:19parce que, depuis le départ,
07:21je considère que c'est un projet
07:24qui n'a pas sa justification aujourd'hui.
07:27Selon l'Etat, le nouvel aéroport sera plus grand que l'actuel
07:31et mieux adapté au trafic aérien des années à venir.
07:35Une affirmation que réfute Françoise Verchères.
07:39Elle nous présente les plans de Vinci,
07:41le groupe de BTP en charge de la construction du nouvel aéroport.
07:45Voilà.
07:46Contrairement à ce qu'on nous a fait croire,
07:49l'aéroport prévu à Notre-Dame-des-Landes
07:51est plus petit en superficie que cet actuel aéroport.
07:54On a comparé les halls départ-arrivée-enregistrement
07:58dans l'actuel aéroport, ici.
08:00Ça fait un peu plus de 4 000 m2.
08:03On a regardé ce que la Direction générale de l'Aviation civile voulait
08:06au cas où on resterait ici. Elle veut plus de 5 000 m2.
08:09En réalité, à Notre-Dame-des-Landes, il n'y aurait que 2 670 m2.
08:13En revanche, au niveau commerce et restauration,
08:17on doit reconnaître qu'à Notre-Dame-des-Landes,
08:20il y aurait plus de superficie consacrée au commerce.
08:23Autrement dit, on est en train de nous vendre un aéroport
08:27soi-disant beaucoup plus grand,
08:29beaucoup plus confortable pour les passagers.
08:32En réalité, on veut construire un aéroport tel qu'on l'est fait,
08:36qui ne soit qu'une vaste zone commerciale
08:39dans laquelle vous attendez.
08:40Pour Françoise Vercher,
08:42ce nouvel aéroport ne sert pas l'intérêt général,
08:46contrairement à ce que dit l'Etat.
08:48Elle estime aussi que sa construction entraînerait
08:51une immense perte environnementale.
08:53Elle nous emmène sur le lieu précis du futur chantier.
08:59La zone de Notre-Dame-des-Landes,
09:01quand on la regarde et qu'on ne connaît rien,
09:03on a l'impression que c'est un bout de campagne.
09:06Vous ne pouvez pas vous rendre compte que c'est une zone humide.
09:09Une zone humide, c'est une terre gorgée d'eau,
09:13particulièrement riche en biodiversité.
09:16Depuis 1992, l'Etat considère
09:19qu'un tel milieu doit être protégé.
09:22Sur cette carte, en vert, la zone humide.
09:26Le projet d'aéroport,
09:28tracé en rouge, est situé en plein milieu.
09:34C'est un lieu où naissent les sources
09:37qui vont donner des petits ruisseaux,
09:39qui eux-mêmes donneront des rivières
09:41qui iront se jeter dans des fleuves.
09:43Si vous venez demain imperméabilisé d'est en ouest,
09:46en mettant deux pistes, une aérogare et plein de parking,
09:50vous n'avez aucune chance que les échanges des animaux,
09:53que les échanges de l'eau continuent à se faire
09:56et continuent surtout à avoir une eau de bonne qualité.
10:00Un constat que partagent des experts du ministère de l'Ecologie.
10:04Dans un rapport de février 2015,
10:07le Conseil scientifique du patrimoine naturel
10:10et de la biodiversité...
10:12...émet un avis défavorable
10:14à la destruction de cet ensemble très original
10:17par la réalisation de l'aéroport de Notre-Dame-des-Landes.
10:21Un avis consultatif que l'Etat préfère ignorer.
10:26Ces dernières années, les défenseurs de la nature
10:29ont déposé 18 recours devant la justice.
10:32Tous ont été rejetés et font l'objet d'un appel.
10:36Ces appels étant non suspensifs,
10:38les travaux de déboisement peuvent commencer à tout instant.
10:42Alors, certains opposants ont choisi de mener une guérilla rurale.
10:47Musique sombre
10:50...
10:52Explosion
10:53Depuis 7 ans, Notre-Dame-des-Landes est devenue une ZAD,
10:57pour Zone à Défendre.
10:59Les militants qui occupent le terrain sont surnommés les zadistes.
11:04Une zone que l'Etat a déjà tentée de détruire.
11:07...
11:1016 octobre 2012, le gouvernement de Jean-Marc Ayrault,
11:14ancien maire de Nantes et partisan du nouvel aéroport,
11:18envoie des pelleteuses à Notre-Dame-des-Landes.
11:21C'est le début de l'opération César.
11:24Dans le viseur des autorités, les fermes des paysans rebelles.
11:30Mais aussi des cabanes construites illégalement.
11:33...
11:35On veut l'immunité ! On veut l'immunité !
11:39On veut l'immunité !
11:40Attendez, il y a une salamandre. C'est une espèce protégée, monsieur.
11:44C'est une espèce protégée.
11:46C'est quoi, le symbole ?
11:47Je comprends bien, monsieur, mais j'ai des armes.
11:50Vous avez des armes, mais la nature, elle prime avant tout.
11:53...
11:54Des militants font barrage de leur corps.
11:57En vain.
11:59Peu à peu, la ZAD se transforme en champ de bataille.
12:02Face aux grenades des gendarmes,
12:06les zadistes lancent des branches,
12:08mais aussi des cocktails molotovs.
12:11...
12:15En cette fin 2012,
12:17les affrontements vont s'enchaîner pendant plusieurs semaines.
12:20Au plus fort de la crise,
12:23plus de 1 000 gendarmes seront déployés.
12:25Coût pour les contribuables, plusieurs millions d'euros.
12:29...
12:31Mais au bout de deux mois, l'Etat se replie.
12:35L'opération César est un échec.
12:37...
12:40Trois ans plus tard,
12:41la ZAD est toujours occupée par 200 opposants à l'aéroport.
12:45Le lieu est difficile d'accès.
12:47Les journalistes considéraient comme étant à la solde du pouvoir.
12:52Dès notre arrivée, un zadiste nous met en garde.
12:55Ils vont pas parler avec toi, ils vont voir la caméra,
12:58soit ils vont vous la casser, soit ils vont vous la voler.
13:01Mais nous ne subirons rien de tel.
13:04En amont, nous avons négocié plusieurs semaines
13:07avec deux zadistes qui ont accepté de nous rencontrer.
13:12Antoine, ancien étudiant, et Jean, ex-ingénieur forestier,
13:16habitent ici depuis trois ans en toute illégalité.
13:20Ils ont construit leur cabane avec des matériaux de récupération.
13:24Donc, voilà, là, par exemple, c'est là où j'habite.
13:28Et puis un petit intérieur fonctionnel avec tout ce qu'il faut
13:32pour réfléchir, dormir, manger.
13:34Après une prépa littéraire,
13:37Antoine a décidé de changer radicalement de vie.
13:41Je corresponds à quelqu'un qui a fait des études
13:45et qui aurait pu avoir une belle carrière
13:49ou une reconnaissance sociale,
13:51mais qui a choisi de se mettre en marge
13:53parce que dans ce système, je m'y suis jamais senti à l'aise.
13:57Antisystème, anticapitaliste, anarchiste,
14:01mais aussi naturaliste, végétarien ou féministe,
14:05les profils des zadistes sont variés.
14:08Leur point commun, la lutte contre l'aéroport,
14:11symbole d'une société consumériste.
14:15Pour bloquer le démarrage du chantier,
14:17les zadistes ont une stratégie,
14:19multiplier les constructions.
14:22De plus en plus sophistiquées, comme la maison de Jean et ses amis.
14:29Donc, ça, c'est la cuisine.
14:30On a l'eau courante depuis pas si longtemps.
14:33On a vécu sans eau courante.
14:36Et c'est un sacré confort.
14:38Le coin salon, au coin du feu, l'hiver, là, c'est la salle à manger.
14:44Et puis, en haut, à l'étage, il y a une double mezzanine.
14:50C'est une très belle maison.
14:52On a plutôt l'image de zadistes dans des tipis.
14:56Oui, mais dans des tipis, on ne tiendrait pas longtemps.
14:59Il y a besoin de s'organiser dans la durée, de vivre, de se sentir bien.
15:03C'est vraiment important d'avoir une vraie maison,
15:06comme n'importe qui.
15:08Et pour se nourrir, les zadistes cultivent leurs fruits et légumes.
15:13Leur potager est un autre moyen d'occuper le terrain.
15:19On est traversés par des questions d'écologie,
15:22des ressources, de la planète qui s'épuise,
15:25la destruction des habitats naturels,
15:28l'oppression qui est exercée sur le monde paysan,
15:33l'agriculture vivrière partout dans le monde,
15:36par les intérêts financiers, etc.
15:39Et une façon d'intégrer ça dans nos vies,
15:42c'est de refuser la consommation.
15:47L'occupation, une arme dissuasive qui ne suffit pas toujours.
15:53Pendant l'opération César, les zadistes ont eu recours à la violence,
15:57s'en prenant directement aux forces de l'ordre.
16:04Jean et Antoine assument.
16:08Je ne crois pas que ce soit pertinent
16:11de jeter des pierres ou des cocktails dans toute situation,
16:14mais dans certains cas, bien réfléchi, oui,
16:17ça peut être pertinent.
16:19Quand on n'a plus le choix que de s'opposer,
16:22physiquement, à l'avancée,
16:26soit des forces de l'ordre, soit des machines.
16:27Est-ce que vous, par exemple, ça vous arrive de lancer des projectiles
16:31ou des cocktails molotovs contre les forces de l'ordre ?
16:34Après, moi, du coup, je ne vais pas répondre à ça,
16:39clairement, face à une caméra.
16:40Jeter un cocktail molotov et risquer de blesser une personne,
16:43c'est quelque chose qui est répréhensible, c'est illégal.
16:46Je pense qu'il faut bien mesurer que la violence de l'État
16:50et la violence par son bras armée, la police,
16:53mais aussi au quotidien,
16:55est nettement, nettement supérieure
16:58à celle de la Résistance.
17:02Depuis 2012, une vingtaine d'autres ZAD ont émergé
17:05un peu partout en France.
17:08À Roibon, contre un Center Parcs.
17:11À Agin, contre un Technopole.
17:13À Echillais, contre un incinérateur.
17:16Pour François Hollande, chacune de ces zones à défendre
17:19est un front de plus qui s'ouvre.
17:22L'État va tout faire pour déloger les ZADistes.
17:25Comme à Sivinz, dans le Tarn,
17:27où les affrontements vont prendre un tour dramatique.
17:36Ici, depuis 2007,
17:39le Conseil départemental veut construire un nouveau barrage.
17:42Un barrage aux besoins surévalués,
17:45selon l'avis même du ministère de l'Écologie,
17:48et dont le coût s'élèverait à plus de 8 millions d'euros,
17:51entièrement financés par des fonds publics.
17:55Comme à Notre-Dame-des-Landes,
17:57le bétonnage entraînerait la disparition d'une zone humide
18:00et d'une centaine d'espèces protégées.
18:06Pour s'opposer à la construction de ce barrage,
18:09pendant un an et demi,
18:11une centaine de ZADistes ont occupé le terrain.
18:13Ils vont avancer pour faire ce qu'ils veulent.
18:18Mais en septembre 2014,
18:19le Premier ministre Manuel Valls annonce le début du chantier.
18:24Nous avons tenu bon à Sivinz.
18:26Les travaux de ce barrage vont enfin commencer
18:29au terme de longues consultations.
18:32Et il s'agit là, simplement, d'appliquer le droit.
18:36Le déboisement commence.
18:40Pendant le mois qui suit,
18:41les gendarmes font quotidiennement reculer les ZADistes.
18:45La tension monte.
18:48Le 7 octobre, ils veulent évacuer Elsa
18:51et une de ses amies.
18:54Elle se réfugie dans une caravane avec trois autres militants.
18:59Ils pensent être en sécurité.
19:01Aucun avis d'expulsion ne vise la parcelle.
19:04Mais un gendarme va tenter de les déloger, coûte que coûte.
19:11Elsa ne souhaite pas apparaître à l'écran.
19:14Elle a néanmoins accepté de nous raconter le moment où tout bascule.
19:18Il nous dit, je vous laisse partir.
19:20On voit qu'il manipule quelque chose, une grenade, à priori.
19:24Attendez ! Attendez !
19:26On essaye de discuter avec lui, de lui expliquer
19:29que cet endroit-là, il ne peut pas nous faire sortir comme il le veut.
19:33Et là, il jette la grenade.
19:35C'est quoi, ça ?
19:36C'est quoi, ça ?
19:38C'est vraiment tombé très proche de moi.
19:40Et dans un espèce de réflexe,
19:43je m'en suis rapprochée pour la...
19:45Je ne l'ai pas touchée, heureusement,
19:47parce que sinon, j'aurais plus de mains du tout.
19:49Et je m'en suis rapprochée suffisamment
19:52pour que l'impact soit assez fort, quoi.
19:54À l'hôpital, on m'annonce, au bout d'un certain moment,
19:57qu'en fait, c'est grave et que si on ne m'opère pas rapidement,
20:00je peux perdre ma main.
20:02Elsa a été touchée par les éclats d'une grenade de désencerclement.
20:06Pourtant, leur usage est strictement encadré.
20:10Les gens ne sont pas en mesure d'en parler.
20:12Leur usage est strictement encadré.
20:14Les gendarmes n'ont le droit de s'en servir
20:17que lorsqu'ils sont encerclés.
20:19Et elle ne peut être jetée qu'au sol et non en l'air.
20:25Nous nous sommes procurés un rapport
20:27de l'inspection générale de la Gendarmerie nationale
20:30sur les opérations de maintien de l'ordre à Sivince.
20:34Sur l'affaire d'Elsa, il conclut...
20:43Ce gendarme, qui a lancé sa grenade dans la caravane,
20:46a-t-il été sanctionné ?
20:50À Albi, au siège de la gendarmerie du Tarn,
20:54nous interrogeons un de ses supérieurs.
20:57Il ne sait pas qu'il est enregistré.
21:13De son côté, un an après les faits,
21:15Elsa n'a toujours pas été entendue par la justice.
21:20La répression des forces de l'ordre ne touche pas que des haddistes,
21:24mais parfois aussi de simples manifestants.
21:2922 février 2014, en plein centre-ville de Nantes.
21:34C'est la fin d'une grande manifestation
21:37contre l'aéroport de Notre-Dame-des-Landes.
21:39Des casseurs affrontent les CRS.
21:43À quelques centaines de mètres, des manifestants en retrait,
21:47quand soudain, une détonation retentit.
21:53À gauche de l'image, un opposant à l'aéroport s'écroule.
21:57Il s'appelle Quentin Torselli.
22:00Alors qu'il est évacué, les CRS continuent à tirer.
22:05Ses amis réussissent à le mettre à l'écart.
22:09Il est touché à l'œil.
22:11Ne paniquez pas. Laissez-le faire.
22:16Stop ! Stop !
22:18Stop ! Stop !
22:20Coups de sifflet
22:22Cris de la foule
22:31Aujourd'hui, Quentin Torselli porte un œil de verre.
22:35Pourquoi la police l'a-t-elle visé ?
22:37À cette question, il n'a toujours pas de réponse.
22:41...
22:44J'ai fait, selon moi, un acte citoyen,
22:46qui était d'aller descendre dans la rue
22:48pour dénoncer un projet inutile.
22:51J'imaginais jamais qu'on puisse me tirer dessus.
22:53C'était inconcevable,
22:55parce que je leur ai pas donné matière à ce qu'ils me tirent dessus.
22:58À aucun moment, tout au long de la manifestation,
23:01j'ai été une menace ou agressif envers les forces de l'ordre.
23:04L'arme qu'il a défigurée, la voici.
23:08Un LBD, pour lanceur de balles de défense.
23:12Des balles en caoutchouc, comme celle-ci.
23:17Quentin Torselli n'est pas un cas isolé.
23:20Ce jour-là, deux autres manifestants ont été blessés à l'œil.
23:24Pourtant, les forces de l'ordre ont interdiction de tirer dans la tête.
23:29Alors, pourquoi l'ont-elles fait ?
23:33Celui qui était en charge du maintien de l'ordre ce jour-là,
23:37c'est le préfet de Loire-Atlantique de l'époque,
23:39Christian Gaillard de La Vernée.
23:41Pour lui, l'usage des armes était justifié.
23:46Il est absolument clair que ces blessures
23:49sont le résultat direct
23:51d'attaques sévères et dangereuses sur des gendarmes.
23:57Quentin n'est ni un zadiste, ni un casseur.
24:00Doit-on risquer de perdre un œil quand on va manifester contre un projet ?
24:05Il n'y a aucun risque pour aucun manifestant,
24:10je vous l'assure, s'il se contente de manifester.
24:17C'est clair.
24:18C'est illégal de tirer dans la tête ?
24:21On peut appeler ça des bavures ?
24:23Non, c'est pas des bavures. C'est de l'accident.
24:26Ce même jour, il y a eu deux autres jeunes
24:31qui ont eu un œil blessé.
24:32Voilà Emmanuel, et voilà Damien.
24:35J'ai aucune explication disponible, je suis désolé,
24:39parce que tout ça a fait l'objet immédiatement
24:42d'une procédure judiciaire d'enquête.
24:44Et comme j'ai quitté mon poste, pourtant,
24:48trois mois après, j'ai jamais eu le résultat de l'enquête.
24:51Les trois manifestants qui ont perdu l'usage d'un œil
24:54ont saisi la justice.
24:56Mais en 2015,
24:58leurs plaintes ont été classées sans suite
25:00par la procureure de Nantes.
25:02Dans le cas de Quentin Torcelli, elle lui a répondu...
25:14Une justice qui serait partisane,
25:16à Toulouse, c'est ce qu'estime l'avocate Claire Dujardin.
25:23Elle représente notamment 24 opposants
25:25au barrage de Sivinz qui ont porté plainte pour agression.
25:32Les plaintes que nous avons déposées,
25:35elles ont été la plupart classées sans suite.
25:38Les personnes n'ont pas été invitées à se présenter
25:41pour faire des expertises médicales,
25:43comme ça devrait être fait.
25:44On laisse traîner pour oublier,
25:47pour que ça puisse être mis de côté et qu'on parle d'autres choses.
25:50Cette avocate a aussi pour client 14 autres militants
25:54qui sont, eux, accusés de violence.
25:57Et là, la justice a tranché beaucoup plus vite.
26:01Les 14 personnes opposant
26:04qui ont été poursuivies,
26:06ils ont été poursuivis très rapidement,
26:09soit en comparution immédiate,
26:11soit convoqués lors d'audiences qui ont quasiment toutes eu lieu.
26:15Il y a deux poids, deux mesures, à ce moment-là.
26:18Parmi ces opposants au barrage de Sivinz jugés trop rapidement,
26:22Yannick Anglade, accusé d'avoir fracturé la main d'un gendarme,
26:27il a été condamné en comparution immédiate
26:30à 4 mois de prison avec sursis.
26:32Lui se dit victime d'une injustice.
26:35Il a fait appel.
26:37Son avocate va nous montrer la pièce maîtresse de sa défense,
26:41une vidéo amateur tournée au moment de l'agression.
26:48Elle est au coeur du dossier,
26:49puisque quand on la passe au ralenti,
26:52on voit réellement ce qui s'est passé.
26:54Ce 15 septembre 2014, à Sivinz,
26:58les forces de l'ordre font reculer les militants écologistes
27:01qui tentent d'empêcher le déboisement.
27:05À droite de l'image, sous la casquette blanche,
27:08Yannick Anglade.
27:09Il va chercher à dégager un de ses camarades.
27:12Un gendarme lui assène alors un coup de pied.
27:15Yannick Anglade tombe.
27:21Pendant qu'il gîte au sol,
27:23un gendarme va donner des coups de pied à l'autre militant,
27:26également à terre.
27:29Mais selon l'avocate, le coup de pied donné par le gendarme
27:32atteint involontairement un de ses collègues,
27:34qui était lui aussi au sol.
27:42Là, on voit le gendarme qui va donner le coup de pied
27:46à la personne au sol et le gendarme qui a été blessé,
27:50qui se relève avec la main gauche fracturée.
27:53Donc c'est le gendarme qui a donné des coups à son collègue
27:57et qui l'a blessée.
28:00En appel, Yannick Anglade est finalement relaxé.
28:04La vidéo, ce militant n'avait pas pu la présenter
28:07lors de son premier procès en comparution immédiate,
28:1048 heures après les faits.
28:13La justice fonctionne-t-elle à deux vitesses ?
28:16Expéditif pour les militants écolo,
28:19laxiste pour les forces de l'ordre.
28:22Nous insistons auprès du service de presse de la garde des Sceaux
28:26pour obtenir une interview.
28:28Quand les forces de l'ordre portent plainte
28:30contre des militants écologistes,
28:32ces derniers sont la plupart du temps jugés
28:34en comparution immédiate et condamnés.
28:36Et quand, à l'inverse, ce sont des militants écologistes
28:39qui portent plainte pour agression,
28:41leurs plaintes sont classées sans suite.
28:44Donc il y a un sentiment de justice à deux vitesses.
28:46Il y a beaucoup de demandes.
28:48C'est vraiment pas la seule.
28:50Il y a des demandes d'interview de la garde des Sceaux
28:52qui ont duré deux ans.
28:54On ne veut pas répondre.
28:55On a un enjeu très chargé et on est obligés de faire un tri
28:58dans les demandes.
29:03Un État particulièrement muet,
29:05notamment depuis la nuit du 25 au 26 octobre 2014.
29:10Cette nuit-là, à Sivince,
29:11un jeune écologiste va perdre la vie.
29:14Il s'appelait Rémi Fraisse.
29:16Il avait 21 ans.
29:21Tout commence par un rassemblement festif et familial
29:24contre le barrage.
29:272 000 personnes présentes,
29:29parmi lesquelles José Bové...
29:33et Rémi Fraisse.
29:35Bénévole dans une association de protection de la nature,
29:38il recensait les renoncules à feuilles d'Ophioglos,
29:41une variété de boutons d'or très rares
29:43qui pousse uniquement sur les zones humides,
29:46comme Sivince.
29:48Six mois après le décès de Rémi Fraisse,
29:51son père, conseiller municipal d'Yvergauche,
29:54s'exprime pour la première fois.
29:58Il était sensibilisé
30:00à cette destruction systématique de la nature,
30:04de cette belle forêt.
30:05C'est la première fois, je pense, qu'il allait à une manifestation,
30:10quelle qu'elle soit, d'ailleurs, écologiste ou autre.
30:14Mais pour la première fois, ça a été la bonne, on ne l'a pas raté.
30:18Le samedi du drame, en fin d'après-midi,
30:21des affrontements éclatent sur la ZAD,
30:23à un peu plus d'un kilomètre du rassemblement.
30:27Devant une zone appelée Bassevie,
30:30un parking vide prévu pour stationner les engins de chantier.
30:36D'un côté, environ 150 opposants,
30:39auxquels se mêlent des militants anarchistes et radicaux
30:41équipés pour en découdre avec les forces de l'ordre.
30:46De l'autre, près de 70 gendarmes et CRS.
30:49Leur mission, défendre la Bassevie
30:52afin de permettre aux machines du chantier de revenir le lundi.
30:56Aucun ZADiste ne doit pénétrer sur ce parking,
30:59protégé par une douve et un grillage.
31:05La situation dégénère.
31:08Face aux pierres, feux d'artifice et cocktails Molotov
31:11lancés par certains ZADistes,
31:13les forces de l'ordre ripostent à coups de gaz lacrymogènes,
31:17de flashballs et de grenades.
31:19Coups de feu
31:21Cris d'horreur
31:23Cris d'horreur
31:25Cris d'horreur
31:27Cris d'horreur
31:30Cette guerre de tranchées se prolonge jusque dans la nuit.
31:34Les deux camps sont déterminés à ne rien lâcher.
31:37Cris d'horreur
31:39Cris d'horreur
31:41Cris d'horreur
31:43Vers 1h du matin, Rémi Fraisse arrive sur cette zone
31:47pour voir ce qu'il se passe.
31:49Cris d'horreur
31:51Avec nous, deux témoins du drame reviennent sur les lieux.
31:55Cris d'horreur
31:57C'est l'endroit où Rémi Fraisse est tombé.
32:00Il est tombé, et il est réellement tombé à peu près comme ça,
32:04parce que les gendarmes étaient par là.
32:07Donc, lui, il est arrivé de là à se faire les feux.
32:10Et en se faisant taquer, il est tombé là.
32:13Rémi Fraisse vient d'être touché par une grenade offensive.
32:16A effet de souffle, c'est la plus chargée en TNT
32:20des grenades dont dispose la gendarmerie.
32:23Pourquoi ?
32:25Rémi Fraisse a été touché par une grenade
32:29Pourquoi les forces de l'ordre ont-elles tiré
32:32une grenade offensive sur le jeune homme ?
32:35Nous avons demandé à rencontrer le gendarme en cause.
32:38Il n'a pas souhaité nous répondre.
32:40Mais son avocat parle pour lui.
32:43Nous allons lancer une grenade.
32:45Vous avez, ce soir-là, une soixantaine de gendarmes
32:48qui sont assaillis par 120, 130, 150 assaillants
32:51qui lancent des projectiles, qui lancent des cocktails motoff,
32:54qui tirent à tir tendu avec des mortiers,
32:57avec des projectiles à l'intérieur des mortiers.
33:00Ca n'est qu'en réaction à l'agressivité mise en oeuvre
33:03par les zadistes que, progressivement,
33:05le ton va se durcir, que des avertissements vont être faits
33:09et que les gendarmes vont devoir répliquer.
33:11Pourtant, le groupe de 5 zadistes
33:13dans lequel se trouvait Rémi Fraisse
33:16ne lançait pas, lui, de cocktails molotov,
33:19mais des mots de terre et des pierres,
33:22une version confirmée par les gendarmes présents.
33:27C'est là, les cailloux qu'on trouvait, ils faisaient noir.
33:30Ce qu'on ramasse au sol, quand on arrive au toucher, on attrape ça.
33:33Voilà l'état de violence qu'ils ont reçu.
33:35Entre des cailloux, des pierres et, eux, des armes de guerre,
33:39je vois pas... L'état de force, il est inégal.
33:42C'est... C'est pas... C'est injustifié.
33:44C'est injustifiable.
33:46Et selon un autre zadiste,
33:48avant de mourir, Rémi Fraisse
33:50ne s'en prenait pas aux gendarmes.
33:53J'ai une image très exacte
33:55de le voir passer à 50 cm de moi, les bras levés.
33:59Il était pas là en mode attaque. Il faillit s'approcher,
34:02les bras levés, comme certains ont essayé de le faire,
34:05pour leur dire, arrêtez, arrêtez. Il était pas armé.
34:08Au moment de sa mort, la zone où se trouvait Rémi Fraisse
34:11était plongée dans le noir.
34:13Pour son père, le gendarme n'aurait jamais dû tirer.
34:17Quand vous avez une grenade de guerre dans les mains,
34:21soit vous y voyez, il y a des feux, etc.,
34:24et vous la lancez à côté, surtout quand vous êtes à 10 m,
34:27soit vous y voyez pas, les feux sont éteints à ce moment-là,
34:30et là, vous la lancez pas, parce que vous savez que si vous touchez
34:33à la conversion, vous allez le tuer. Donc, pour moi,
34:36c'est une attaque inconsidérée et meurtrière
34:40dont mon fils a fait les frais, mais qui aurait pu atteindre
34:43n'importe quel des 3 ou 4 autres manifestants.
34:47Selon le rapport de l'Inspection générale
34:50de la Gendarmerie nationale sur le maintien de l'ordre à Sivince,
34:53le gendarme n'a commis aucune faute professionnelle.
34:59Mais alors, pourquoi a-t-il tiré une grenade,
35:02malgré le manque de visibilité ?
35:07L'ordre qui est donné aux escadrons,
35:10c'est de défendre le site, donc de défendre la zone de vie,
35:13c'est-à-dire d'en interdire l'approche, d'en interdire la violation.
35:16Cet ordre est ferme, les gendarmes doivent à tout prix
35:20interdire aux zadistes de rentrer dans cette zone de vie.
35:23Pourquoi une défense ferme d'un site vide
35:26au risque d'avoir des blessés de chaque côté,
35:29des zadistes, du côté des gendarmes,
35:32au risque d'affrontements ultra-violents ?
35:35Bien sûr, à un moment ou un autre dans le débat,
35:39il devra se poser la question de savoir pourquoi l'État
35:42a imposé les lois de la République dans cet endroit,
35:45dans ce carré vide.
35:47Est-ce que c'est une question de principe,
35:50d'orgueil, de valeur de la République
35:54que l'on doit à tout prix défendre et qui ne doivent pas céder
35:57face à une adversité volontairement agressive ?
36:00C'est une question d'ordre politique.
36:02Deux semaines après le drame, le ministre de l'Intérieur,
36:05Bernard Cazeneuve, est interpellé à l'Assemblée nationale
36:08par les écologistes.
36:11Faut-il croire le préfet du Tarn, qui déclare qu'il n'avait,
36:15je cite,
36:17donné aucune consigne de sévérité aux forces de l'ordre,
36:20ou le commandant du groupement de gendarmerie,
36:23qui indique sur procès verbal avoir reçu du préfet
36:26la consigne de faire preuve, je cite de nouveau,
36:29d'une extrême fermeté ?
36:33Nous devons à la mémoire de Rémi Fraisse,
36:36nous devons à tous les Français la vérité sur les circonstances
36:39du drame et l'assurance, comme le président de la République
36:42l'a indiqué.
36:45Est-ce qu'il y a eu des consignes données de ma part
36:48pour qu'il y ait de la fermeté dans un contexte
36:51où il y avait de la tension ? J'ai donné des instructions
36:54contraires et je le redis devant la représentation nationale.
36:58Pourquoi ? Parce que j'avais conscience depuis des semaines
37:01du climat d'extrême tension qui existait à Syvins
37:04et j'étais désireux de faire en sorte que celui-ci
37:08Le lendemain, le ministre de l'Intérieur interdit
37:11l'utilisation de la grenade offensive.
37:14Nous avons souhaité le questionner sur la présence
37:17des gendarmes la nuit du drame.
37:21En vain, malgré nos multiples relances
37:24auprès de son conseiller en communication.
37:27Pourquoi les gendarmes avaient-ils pour ordre
37:30la défense ferme de la zone ? Un site vide,
37:33il n'y avait rien à protéger ?
37:36Je lui ai dit que tout ça a été mis
37:39et rebattu 50 fois l'année dernière.
37:43Pourquoi ne pas être revenu le lundi matin
37:46pour expulser les zadistes ? Et je n'ai pas, pardonnez-moi,
37:49trouvé cette réponse.
37:51Vous n'aurez pas d'interview du ministre de l'Intérieur
37:54sur ce reportage.
37:56Un an après le décès de Rémi Fraisse,
38:00l'instruction judiciaire est toujours en cours.
38:03La demande de reconstitution par sa famille a été rejetée.
38:06Elle n'est pas nécessaire.
38:09A l'automne 2014, la mort du jeune manifestant,
38:12le 1er tué par les forces de l'ordre depuis 1986,
38:15déclenche un séisme politique.
38:18Les députés écologistes
38:22réclament une enquête parlementaire.
38:27Nous avons un devoir vis-à-vis de la mémoire de Rémi Fraisse,
38:30de la douleur de sa famille et de tous ceux qui réclament
38:33que les forces de l'ordre dans ce pays respectent
38:36les règles républicaines, les libertés publiques,
38:40le droit à la liberté d'expression et le droit à manifester.
38:43C'est le sens de la commission d'enquête que nous vous proposons.
38:46Une commission d'enquête sur le maintien de l'ordre républicain
38:49est alors mise en place.
38:52Noël Mamère est nommé président.
38:55Mais les socialistes vont remporter la bataille.
38:59Car le poste clé, ce n'est pas le sien.
39:02Mais celui de rapporteur, occupé par Pascal Poplin,
39:05un député PS proche de Manuel Valls.
39:08C'est lui qui rédige le rapport.
39:11Nous sommes le 21 mai 2015.
39:14C'est le jour du vote des propositions.
39:17Et fait rare, le président va voter contre le rapport
39:21de sa propre commission.
39:24Je vous propose que nous passions au vote qui est pour,
39:27qui est contre,
39:30qui s'abstient.
39:33Le rapport de notre collègue Pascal Poplin est adopté.
39:36Ce rapport propose 23 mesures
39:39pour renforcer la préparation des manifestations
39:43et améliorer l'organisation des forces de l'ordre.
39:46Au lieu d'aboutir à des conclusions
39:49qui viseraient à préserver le droit de manifester,
39:52les propositions formulées par notre rapporteur
39:55consistent plutôt à les réduire,
39:58à les museler.
40:01On est en train de restreindre ce droit,
40:05petit à petit, de manière subreptice.
40:08Et c'est ça qu'on ne peut pas accepter.
40:11Et c'est ça que je n'ai pas accepté.
40:14Selon lui, 7 mesures restreignent le droit de manifester.
40:17Comme celles qui prévoient de donner le pouvoir au préfet,
40:20d'interdire de manifestation.
40:23Les individus connus pour faits de violence
40:26ne peuvent pas manifester.
40:30Mais que signifie une formule aussi vague ?
40:33Nous demandons des précisions
40:36au rapporteur de la commission.
40:39Le terme connu pour être violent,
40:42est-ce qu'on se base sur une condamnation de justice ?
40:45Connu pour être violent, moi, dans le rapport,
40:49je n'ai pas écrit ça.
40:52Je dis que...
40:56Il faut qu'il y ait des motifs sérieux.
40:59C'est-à-dire que la personne ait été condamnée.
41:02Moi, d'ailleurs, je suis plutôt favorable à cette rédaction,
41:05mais c'est vrai qu'on l'a édulcoré.
41:08Musique intrigante
41:12Aujourd'hui, l'Etat et les militants écologistes
41:15se livrent une guerre médiatique.
41:18Dès 2012, alors ministre de l'Intérieur,
41:21Manuel Valls lance les hostilités.
41:24Pour décrire le conflit à Notre-Dame-des-Landes,
41:27il utilise des mots qui inquiètent.
41:30Nous ne laisserons pas un kyste s'organiser.
41:34Musique intrigante
41:37Il y a là une mouvance,
41:40un arco autonomiste.
41:43L'Etat sera très déterminé.
41:46Nous ne nous laisserons pas impressionner par des groupes
41:49qui n'ont rien à voir avec l'idée qu'on puisse se faire
41:52et essayer d'émettre une opinion.
41:55Deux ans plus tard, à propos de la ZAD de Syvins,
41:59son successeur Bernard Cazeneuve va aller plus loin.
42:02Ce sont des acteurs qui prennent la question de l'écologie
42:05en otage et cherchent l'incident et la violence,
42:08la violence extrême.
42:10Kyste, arco autonome, violence extrême,
42:13pour ce politologue, le gouvernement n'emploie pas
42:17ces mots au hasard.
42:20...l'incident et la violence, la violence extrême.
42:23Les violences extrêmes, c'est quand même bien défini
42:26en science sociale. On parle de violences extrêmes
42:29pour parler des violences de type génocidaire,
42:32violences de masse, des atrocités en période de guerre
42:35ou en situation de guerre. Vous voyez bien, évidemment,
42:39que l'ambition de délégitimation, de stigmatisation,
42:42elle est absolue, très forte. L'ambition, elle est là.
42:45Le but, selon lui, stigmatiser les écologistes radicaux
42:49pour les couper de l'opinion. Pour cela,
42:52les responsables politiques locaux vont prendre le relais
42:55et aller jusqu'à les assimiler à des terroristes.
42:58Pour Christian Gaillard de Laverney, l'ancien préfet
43:02de Loire-Atlantique, les opposants institutionnels
43:05à Notre-Dame-des-Landes seraient...
43:08...la vitrine légale d'un mouvement armé.
43:11...
43:14Jacques Oxiette, le président socialiste de la région,
43:17estime, lui, que lutter contre les hadistes...
43:20...ce n'est pas plus compliqué qu'au Mali.
43:23...le Mali, où l'armée française est en guerre
43:27contre les djihadistes.
43:29...
43:31Accuser l'autre de terrorisme, c'est délégitimer sa cause.
43:34Après tout, on se fiche de savoir
43:37quelle va être son argumentation,
43:40quelle va être sa cause, l'idée qu'il défend, etc.
43:43S'il est terroriste, il est de fait dans le camp des ennemis,
43:47dans le camp de l'illégitimité absolue,
43:50et à ce titre-là, on ne négocie plus avec lui.
43:53Ces ennemis de l'intérieur, l'Etat les surveille de près.
43:56Depuis 2014, à travers toute la France,
43:592200 agents des renseignements territoriaux,
44:03les anciens RG,
44:06espionnent les mouvements revendicatifs et protestataires.
44:09Ces policiers n'ont pas le droit de parler aux journalistes.
44:12Équipés d'une caméra cachée, nous rencontrons l'un d'entre eux.
44:16Son travail ? Ficher les opposants aux grands projets de l'Etat.
44:19Pour cela, il recrute des informateurs parmi les zadistes.
44:46On écoute les observants,
44:48en observant leurs réactions sur différentes actions,
44:51ou quand ils sont interpellés,
44:54dans la gueule par terre, à se faire savater par les collègues.
44:57Moi, j'arrive, le bon Dieu, c'est quelqu'un que je connais,
45:00soyez cool, on met le commissariat, il dit que ça va,
45:03une cigarette, je flatte.
45:05Pourquoi on parle aux EGAs ? Qu'est-ce qui t'arrive ?
45:08Ça dure des heures, on va les voir souvent.
45:12Au final, il y en a certains, à la fin de la vie,
45:15qui sont en train d'arriver.
45:17L'objectif ? Alimenter un immense fichier secret
45:20de tous les militants qui s'opposent aux grands projets.
45:23Le FPASP, pour Fichier de prévention des atteintes
45:26à la sécurité publique.
45:28Il regroupe les zadistes, les militants radicaux,
45:31mais aussi les opposants traditionnels.
45:37Vous mettez aussi bien les non-violents que les violents ?
45:40Oui, après, c'est pas un fichier en vrac,
45:43c'est sédimenté.
45:45À partir du moment où un mec est fiché,
45:49sa fiche est attachée, et si c'est dangereux,
45:52on le met dans un autre fichier, le fichier S.
45:55La fiche S, c'est celle qui est attribuée
45:58aux terroristes islamistes potentiels.
46:01La fiche S, j'avais entendu, pour les terroristes.
46:04Les écolos aussi ?
46:07Oui, ceux qui veulent déstabiliser le camp.
46:10C'est l'anarchiste.
46:12Quelles menaces les militants écologistes
46:15représentent-ils pour l'Etat ?
46:18Nous avons contacté le service de presse de Manuel Valls,
46:21sans réponse.
46:22Ca fait plus de 4 mois qu'on a demandé une interview
46:25au Premier ministre. On va profiter d'un déplacement
46:28pour lui poser notre question.
46:30Ce jour-là, Manuel Valls est l'invité d'honneur
46:34du Congrès de l'ordre des médecins.
46:36Applaudissements
46:38Monsieur le Premier ministre ?
46:40Comment expliquez-vous...
46:42S'il vous plaît, monsieur le Premier ministre.
46:45Nous attendons la fin de son discours
46:47pour essayer de comprendre le fichage d'opposants écolos
46:51non violents.
46:52Applaudissements
46:55Pourquoi des militants écologistes
46:57sont aujourd'hui fichés par l'Etat
46:59alors qu'ils sont pacifistes ?
47:01Excusez-moi, s'il vous plaît.
47:03Ca fait 4 mois qu'on le sait.
47:06Nous n'en saurons pas plus.
47:09En juillet 2015, le gouvernement Valls
47:12fait voter une loi sur le renseignement
47:15qui renforce cette confusion des genres
47:18entre militants écologistes et terroristes.
47:21En dehors de toute procédure judiciaire,
47:24les services de renseignement
47:27peuvent désormais lire les mails, les SMS,
47:30écouter les messages,
47:32faire des recherches,
47:34faire des enquêtes,
47:36lire les SMS,
47:38écouter les conversations téléphoniques,
47:41poser des micros dans les appartements,
47:45des balises GPS sous les voitures.
47:47Les cibles, les terroristes potentiels,
47:50mais les antinucléaires
47:52peuvent aussi être visés
47:54au nom d'un concept assez vague,
47:56la défense des intérêts économiques,
47:59industriels et scientifiques majeurs de la France.
48:02Les zadistes, eux, peuvent être passés au crible
48:05sur la base d'une notion tout aussi imprécise.
48:08La prévention des violences collectives
48:11de nature apportée gravement atteinte à la paix publique.
48:15Les militants écologistes
48:17sont donc désormais directement visés par le gouvernement.
48:27Depuis 3 ans, leur combat sur le terrain
48:31était relayé au plus haut niveau par les parlementaires verts.
48:35Par exemple, en 2012,
48:37dans cette manifestation
48:39contre l'aéroport de Notre-Dame-des-Landes,
48:42on retrouvait François de Rugy,
48:44alors président du groupe vert à l'Assemblée nationale.
48:47Ca fait 15 ans que j'y suis.
48:50C'est un projet qui va favoriser le transport aérien.
48:53C'est un projet qui pose de gros problèmes écologiques,
48:56quand il y a déjà un aéroport à Nantes.
48:58A ses côtés, le président du groupe vert au Sénat,
49:01Jean-Vincent Placé,
49:03dénonçait la répression policière de l'opération César.
49:09J'étais scandalisé de voir ces images dans le pays qu'est la France,
49:13de voir des manifestations pacifiques,
49:16des citoyens pacifiques expulsés de cette manière
49:20avec des gaz à émogène et des hélicoptères.
49:23Trois ans plus tard, la donne a changé.
49:26En février 2015,
49:28François Hollande tend la main aux écologistes.
49:31Il leur fait miroiter des postes au gouvernement.
49:34Nos amis écologistes,
49:36qui sont des spécialistes de l'écologie,
49:40n'ont pas le monopole de l'écologie.
49:42Si les écologistes veulent participer à cette politique,
49:45ils sont les bienvenus.
49:47Un appel qui va être entendu par certains.
49:50En mai 2015, à l'Assemblée nationale,
49:52c'est le jour du vote de la loi sur le renseignement
49:56qui menace de surveillance les militants écologistes.
49:59Surprise, sur 18 députés verts,
50:02cinq vont voter pour.
50:04Parmi eux, François de Rugy.
50:07Lui qui défilait aux côtés des opposants de terrain
50:10a cette fois décidé de soutenir le gouvernement.
50:16Le fait que des militants radicaux,
50:18qu'ils soient écologistes, anarchistes, syndicalistes,
50:21d'extrême-rouge, d'extrême-droite,
50:23puissent être visés par du renseignement,
50:26oui, s'ils commettent ou s'ils prévoient
50:29de commettre des actes violents ou des projets d'attentats.
50:33Ca peut arriver.
50:34Des gens commettent des attentats au nom de tout et n'importe quoi.
50:37Quelques semaines plus tard, son parti explose.
50:40François de Rugy et Jean-Vincent Plassé
50:43claquent la porte des verts,
50:45dénonçant une dérive gauchiste.
50:52En octobre 2015,
50:55ils créent un nouveau parti écolo, centriste.
50:59L'UDE, l'Union des démocrates et des écologistes.
51:05Signe de leur ralliement au camp Hollande,
51:08ils invitent Jean-Christophe Cambadélis,
51:11le chef du Parti socialiste, visiblement ravi.
51:15Bravo pour avoir décidé,
51:19dès le point de départ,
51:21de vous situer dans ce que j'appellerais
51:24la gauche du réel.
51:25La gauche du réel veut peser sur les événements
51:28pour les transformer.
51:30La gauche de contestation ne fait que les contester.
51:33Bravo, enfin,
51:35pour avoir placé d'emblée
51:39votre action dans le soutien
51:41au président de la République, François Hollande.
51:44Désormais, la famille écolo est déchirée en deux camps.
51:47Les pro-gouvernement, avec l'UDE,
51:50et les anti-gouvernements,
51:52emmenés par la députée Europe Écologie-Les Verts,
51:56Cécile Duflo.
51:57Des Verts affaiblis,
51:58leur nombre de députés est divisé par deux,
52:01les finances du parti aussi.
52:03Divisé pour mieux régner, joli coup.
52:08En vue de l'élection présidentielle de 2017,
52:11François Hollande a coupé l'herbe
52:13sous le pied des élus écologistes.
52:15Mais sur le terrain, les militants, eux,
52:18n'ont pas l'intention de désarmer.
52:20Ils se préparent aux nouvelles batailles
52:22contre les grands projets de l'Etat.