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La crise de la finance mondiale Partie 2 Toute l'Histoire

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00:30Vous êtes l'Allemagne, oui, vous êtes l'Allemagne !
00:33Toutes les dimensions économiques coagulent...
00:34L'impasse financière menace notre souveraineté nationale
00:37pour la première fois depuis 35 ans.
00:39La Grèce est au plus mal.
00:41Les affrontements entre étudiants et forces de l'ordre
00:44continuent toujours.
00:45Cette fois, c'est l'Union européenne
00:47qui est ébranlée par la crise financière.
00:49Des marchés inquiets de l'ampleur que prend la crise en Europe.
00:52Nous sommes désormais confrontés à une crise de confiance sans précédent.
00:56Nous assumons nos responsabilités
00:58pour garantir la stabilité de la zone euro.
01:02Les bourses sont en chute libre sur fond de crise grecque.
01:08L'Europe est-elle en train de se faire ?
01:11Est-elle en train de se défaire ?
01:13En tout cas, l'Europe, ces temps-ci, traverse une crise.
01:17Comment en sortir ?
01:19C'est pour tenter d'y voir clair et de dégager une voie
01:22que nous avons demandé à quelques personnalités,
01:24toutes connues pour leurs compétences européennes,
01:27de venir en débattre devant vous.
01:35L'Union européenne est au bord du gouffre.
01:37La crise qui s'est abattue sur elle en 2008
01:39avec la chute de la banque Lehman Brothers
01:41menace aujourd'hui l'existence même de la zone euro.
01:44Après avoir emporté les banques américaines,
01:47le tsunami financier des subprimes n'aura pas mis longtemps
01:49pour traverser l'Atlantique
01:51et frapper de plein fouet l'économie européenne.
01:54Au fil des mois,
01:55le marasme économique a laissé place au marasme politique.
01:59L'Europe s'enfonce dans d'interminables sommets
02:01de la dernière chance.
02:03Comment a-t-elle pu en arriver là ?
02:05Comment a-t-elle pu devenir le maillon faible
02:07de l'économie mondiale ?
02:09Tout avait pourtant si bien commencé.
02:2131 janvier 1998.
02:23La monnaie unique européenne est officiellement lancée.
02:26C'est une première mondiale.
02:28Cette union permet à l'Europe de faire jeu égal
02:30avec les Etats-Unis et l'Asie.
02:32Les marchés financiers sont euphoriques.
02:39L'euro, chacun l'a vu, nous rend des marges de manœuvre
02:43parce que c'est un instrument de maîtrise de la mondialisation,
02:47parce que faire l'euro, c'est refuser la soumission
02:50à des mouvements de marché qui sont parfois irrationnels.
02:53C'est affirmer la force de l'Europe face au reste du monde.
02:58La monnaie unique est l'aboutissement
02:59de 50 années de coopération économique.
03:02Les nouveaux objectifs sont ambitieux.
03:04Faire de la zone euro le premier pôle de compétitivité au monde.
03:08La confiance des investisseurs est totale.
03:10Impossible d'imaginer pouvoir revenir en arrière.
03:13L'euro est éternel.
03:20Aujourd'hui, on a un espace économique intégré
03:23et qui s'organise majoritairement autour d'une monnaie
03:26qui fait que c'est un marché qui attire,
03:30si on veut, aussi bien des investisseurs
03:33que qui attire économiquement.
03:37L'Europe est devenue une grande puissance économique
03:40grâce à l'euro.
03:41L'euro, c'est sûr, sera en concurrence avec le dollar
03:44et pourrait bientôt réduire l'hégémonie du billet vert
03:47comme valeur refuge.
03:48Les fonds de pension lorgnent de plus en plus
03:50vers le vieux continent.
03:51Avec haut classement de leurs frics parades,
03:53la Grande-Bretagne, l'Allemagne et la France.
03:56Les privatisations à tour de bras, les fortes hauts d'épargne
03:59et des marchés cotés en dessous de leurs valeurs
04:01et en plein boom
04:03en ont fait de véritables eldorados boursiers.
04:14Les pays membres du club euro
04:15deviennent des privilégiés aux yeux des marchés financiers.
04:18Pourtant, les différences de niveau de vie
04:20entre les pays sont énormes.
04:22L'Espagne, la Grèce, le Portugal ou l'Irlande sont en retard.
04:26L'objectif de l'Union est de ramener à un même niveau
04:29toutes les économies de la zone euro.
04:32Les pays sont sortis des années 90
04:36avec du fait des chocs qu'il y avait eus,
04:40de l'unification allemande notamment,
04:43qui a eu des effets sur toute l'Europe.
04:45Ils avaient des taux d'intérêt,
04:48donc des conditions financières, si vous voulez, très hétéroclites.
04:51Le taux allemand était à 3 % en 98.
04:55Le taux espagnol était à 12.
04:57Et donc, d'une certaine manière, à ce moment-là,
05:00ces pays voyaient leurs propres risques
05:02et étaient individualisés par les marchés.
05:04Arrive la zone européenne, arrive le club,
05:08tout le monde rentre dans le club sous influence,
05:12sous magistère de la Bundesbank
05:15et tout le monde a les taux d'intérêt de la Bundesbank.
05:18Les marchés vont anticiper
05:20que puisque l'Allemagne va livrer à l'Europe son inflation basse,
05:25tous les taux d'intérêt vont descendre au niveau du taux allemand.
05:27C'est un choc fantastique.
05:29Vous vous rendez compte ce que ça signifie pour un pays
05:32où le coût du capital,
05:34c'est-à-dire le coût de s'endetter pour faire n'importe quoi,
05:39pour faire une opération économique,
05:42le coût du capital est 10-12 %
05:44et tout d'un coup, il descend à 3 %.
05:46C'est un appel d'air incroyable.
05:48On pouvait emprunter grâce à l'euro
05:51avec des taux d'intérêt très bas,
05:53donc ça, c'était le début de la folie,
05:56c'est-à-dire que comme il n'y avait pas de difficulté
06:00à emprunter de l'argent,
06:01on empruntait un peu n'importe comment
06:04et on faisait des dettes un peu n'importe comment.
06:07Vous êtes grec, vous êtes espagnol, vous êtes italien.
06:11On vous dit, après votre histoire qui a été compliquée,
06:15chaotique, difficile, douloureuse,
06:17vous rentrez dans le club.
06:18Qu'est-ce que vous faites ?
06:20Vous dites, c'est très bien d'être dans le club,
06:22je vais essayer de rattraper le niveau moyen du club.
06:26Je suis espagnol, j'arrive dans la zone euro,
06:29j'ai un niveau de revenu qui est 30 % au-dessous
06:32du niveau de vie moyen des Européens.
06:34Qu'est-ce que je vais faire ? Je vais rattraper.
06:37Et comment je vais faire pour rattraper ?
06:39Je vais investir mon DT et je vais m'en déter d'autant plus facilement
06:43que mes taux d'intérêt qui étaient à 10 passent à 4.
06:46Je vais aller deux fois plus vite.
06:48C'est une bénédiction pour des pays
06:50à l'écart de la compétition économique internationale.
06:53Parmi eux, l'Irlande,
06:54qui fait le choix de baisser sa fiscalité
06:57pour les entreprises étrangères.
06:59Combinée à son entrée dans la zone euro,
07:01cette stratégie permet aux pays d'attirer
07:03des milliards d'euros d'investissement.
07:06L'Irlande rattrape son retard
07:07et est un exemple pour le reste de l'Europe.
07:15En ce moment, l'Irlande, c'est le paradis.
07:17Pour payer un minimum de taxes, il n'y a pas mieux.
07:20Il faut que cela dure le plus longtemps possible.
07:23Pour assurer son décollage économique,
07:26l'Irlande a misé sur les entreprises étrangères,
07:29avec notamment un impôt sur les sociétés minimum, 10 %.
07:34Il est de 36 % en France.
07:36En quelques années, le tigre celtique
07:39est devenu la coqueluche des multinationales.
07:44La réussite de l'Irlande va rapidement s'étendre
07:46à son industrie financière.
07:48Les banques irlandaises sont victimes de leur succès
07:51et attirent l'appétit des autres grandes banques européennes.
07:54Progressivement, la finance devient le secteur le plus puissant du pays.
07:59Les banques irlandaises s'enrichissent
08:01dans l'ombre du secteur immobilier.
08:03Les investissements à outrance sont largement entretenus
08:06par la société.
08:08Tout le monde veut profiter des plus-values réalisées.
08:11En 2008, l'ensemble des prêts bancaires
08:13représentent deux fois le PIB irlandais.
08:22L'argent était disponible pour les banques irlandaises
08:25au marché international à des prix très réduits.
08:28Tout le monde achetait des choses.
08:30Il y avait des gens qui achetaient des deuxièmes maisons,
08:33des appartements en Bulgarie.
08:35J'ai des collègues qui sont un peu plus vieux que moi
08:38qui avaient payé des taux d'intérêt sur leurs prêts bancaires
08:42pour acheter leur maison de 14 %,
08:44parce qu'à l'époque, c'était nécessaire pour l'économie irlandaise.
08:48Moi, j'ai jamais payé plus que 5 %.
08:50J'ai acheté deux maisons,
08:52et j'ai payé plus que 5 %.
08:54J'ai acheté depuis l'arrivée de l'euro.
08:58Ils ont vécu dans un...
09:00Ce n'est même pas un mythe, c'est une réalité de l'argent pas cher.
09:05C'est...
09:06L'argent n'était pas cher.
09:08Pour les pays de la périphérie, il n'était pas assez cher.
09:22Musique sombre
09:25...
09:27...
09:30La zone euro séduit.
09:32Libéralisation des marchés oblige.
09:34Les investissements ne sont pas centralisés par les Etats,
09:37mais répartis par les investisseurs avec l'aide des banques.
09:41Partout en Europe,
09:42les principaux bénéficiaires sont la finance et l'immobilier.
09:45En Espagne, les promoteurs construisent plus de logements
09:48que l'Italie, la France et l'Allemagne réunies.
09:51Le béton européen est alors coulé dans la péninsule ibérique.
09:54...
10:01Croissance, emploi, démographie,
10:04tous les voyants économiques sont au vert.
10:06Résultat, la pierre est plus que jamais
10:09l'investissement préféré des Espagnols.
10:11Autour de Madrid, Barcelone, Bilbao ou Pamplune,
10:15les immeubles poussent comme des champignons.
10:17Chaque année, un million de logements sont vendus.
10:20La demande est très forte, alors bien sûr, les prix explosent.
10:23Les capitaux sont bien rentrés,
10:26mais ils ont financé ce qui était le plus rentable.
10:29Et ce qui était le plus rentable,
10:31c'est là où l'appréciation des valeurs se faisait le plus fort,
10:35où les gains en capital étaient le plus élevés,
10:38c'est-à-dire l'appréciation des actifs immobiliers.
10:41Et donc, une fantastique bulle spéculative
10:47s'est développée en Espagne
10:48qui a duré plus de dix ans.
11:07Cette expansion immobilière est alimentée par les responsables politiques.
11:11En 1997, une nouvelle législation est mise en place par Eduardo Zaplana.
11:16Elle donne le contrôle des caisses d'épargne aux présidents de région.
11:19Ils sont libres de dépenser autant qu'ils le souhaitent
11:22pour attirer les touristes ou flatter leur électorat
11:25en lançant des projets immobiliers complètement démesurés.
11:47La décennie que vient de vivre la zone euro sur le plan économique
11:50est une réussite incontestable.
11:52Un secteur va particulièrement profiter de cette formidable expansion,
11:56la finance.
11:57Les banques européennes gagnent des parts de marché dans le monde entier.
12:01Mais en 2007, la crise des subprimes venues des Etats-Unis
12:05fait peser sur elles une lourde menace.
12:07Il y avait un certain nombre de banques européennes,
12:10un certain nombre d'investisseurs européens,
12:13il y avait malheureusement des banques qui n'étaient pas des banques
12:15européennes, il y avait même un certain nombre de collectivités
12:19territoriales européennes qui avaient investi en produits titrisés,
12:24en subprimes ou en produits structurés américains
12:28parce qu'ils considéraient que c'était un bon véhicule d'investissement
12:31ou qui avaient pris des protections auprès de banques américaines.
12:35Et donc l'effondrement de tout ça a un impact immédiat en Europe.
12:39On le voit tout de suite sur, par exemple,
12:42une banque de collectivité locale allemande
12:44qui va connaître des difficultés,
12:46on va le voir sur des banques hypothécaires allemandes,
12:48on va le voir dans des collectivités locales norvégiennes, etc.
12:52Donc le premier canal de transmission, c'est le canal financier
12:55puisque dans un monde globalisé,
12:57les produits financiers structurés et développés par les banques américaines
13:00avaient été diffusés partout dans le monde.
13:03Et donc, toutes ces institutions vont constater des pertes immédiates.
13:08Les banques deviennent rapidement le maillon faible de l'Europe.
13:11Mais elles ne sont pas de simples victimes de la crise des subprimes.
13:14Le rôle joué par les banques européennes
13:16dans les dérives de la finance moderne est considérable.
13:19Et cela, dès les années 50.
13:34A la fin de la Seconde Guerre mondiale,
13:36le Royaume-Uni perd ses colonies les unes après les autres.
13:39Son prestige décline.
13:41Londres veut conserver son influence en faisant de sa place financière, la City,
13:45la tête de pont de l'économie européenne.
13:49En 1958,
13:51la Banque d'Angleterre prend une décision
13:53avec l'accord des grands banquiers britanniques.
13:56Londres doit devenir le lieu où circuleront tous les dollars
13:59qui se trouvent en dehors des États-Unis.
14:07Comme ces activités qui commencent à se développer, elles sont en dollars.
14:10Les Anglais disent, c'est pas à nous de réguler.
14:12Comme c'est en dollars, mais que ça se passe à Londres,
14:14les Américains disent, c'est pas à nous de réguler.
14:16Donc, on ouvre, à partir de la fin des années 50, début des années 60,
14:21un champ de la finance qui va être contrôlé par personne.
14:24Et ce champ, la finance contrôlée par personne,
14:27ne va pas cesser de se développer au cours des années 70, 80,
14:30et exploser à partir des années 90.
14:33Cette décision est un profond bouleversement pour la finance européenne.
14:37À une époque où les marchés sont étroitement contrôlés
14:39par les régulateurs, Londres devient un îlot de liberté
14:42pour les capitaux étrangers.
14:44Les grandes banques américaines et européennes
14:46utilisent ce marché pour contourner les règles de l'époque
14:48jugées trop strictes.
14:50Des richesses considérables s'accumulent en Grande-Bretagne.
14:55Tour à tour, les autres pays européens
14:57cherchent à attirer les investisseurs étrangers
15:00en déréglementant leur marché sur le modèle anglais.
15:03En France, il faut attendre 1983.
15:06La crise accroît les déficits.
15:08Le franc est dévalué à plusieurs reprises.
15:10L'inflation permet de réduire la dette,
15:13mais l'économie française est à l'arrêt.
15:15Le gouvernement socialiste décide d'ouvrir les marchés
15:18pour relancer l'activité économique.
15:21Pour permettre à l'État de pouvoir se financer
15:25alors qu'on ne voulait plus passer par le processus d'inflation
15:29qui dévaluait les dettes,
15:31il a fallu trouver des ressources à l'État.
15:33Donc il a fallu que l'État développe les marchés financiers
15:36pour se faire financer par le reste du monde.
15:38La gauche multiplie les avantages fiscaux
15:40pour les épargnants qui investissent en bourse,
15:43les avantages matériels pour faciliter l'accès à la bourse
15:46avec les fonds communs de placement, le développement des SICAV
15:49et surtout, peut-être surtout,
15:51la gauche a réconcilié les Français avec l'entreprise,
15:54avec le profit, avec l'argent.
15:57En effet, ça allait dans la logique en question.
16:02L'Europe entre de plein pied dans l'économie de marché.
16:06En 1986, Margaret Thatcher veut faire de Londres
16:09le cœur de la finance mondiale.
16:16Ce qu'on a appelé le Big Bang de la place de Londres,
16:19c'est simplement l'idée que dans un monde de la finance globalisée
16:23et libéralisée,
16:24il y a toute une série de réglementations
16:27qui sont en fait limitatives
16:29pour le développement de la sphère financière,
16:31donc de la sphère du crédit, donc de l'économie.
16:34Ce qu'il faut bien comprendre, c'est que ces gens qui libéralisent
16:37pensent que ce faisant, ils contribuent à une croissance plus forte.
16:40La déréglementation britannique, comme son nom l'indique,
16:43fait sauter la plupart de ces contraintes.
16:45Désormais, les banques pourront acheter ou vendre
16:48directement des titres en bourse
16:49sans être obligées de passer par des agents de change.
16:52La perspective alléchante de faire de gros bénéfices
16:55a fait courir les banques vers la city.
16:57Aujourd'hui, elles sont près de 600,
16:59dont 400 d'origine étrangère,
17:01la plus forte proportion dans le monde.
17:03Beaucoup d'entre elles, pour entrer en force sur le marché,
17:06ont purement et simplement acheté
17:07les anciennes compagnies d'agents de change
17:09ou, quand ce n'était pas possible,
17:11se sont arrachés leur personnel
17:13à coups de surenchères salariales parfois vertigineuses.
17:16Quant au risque de krach, tous les financiers de la city
17:18vous diront qu'ils sont très limités.
17:19On a fait beaucoup de progrès depuis 1929.
17:22Et même, la compétition est devenue tellement vive
17:25entre les pays pour attirer les capitaux
17:26que bientôt, tout le monde sera obligé de faire pareil.
17:30La libéralisation des échanges et des capitaux
17:32devient la norme européenne.
17:34La construction de l'union économique
17:36est au service de l'émancipation des marchés financiers.
17:39Le 17 février 1986, la signature de l'acte unique
17:43renforce un peu plus l'intégration économique.
17:46C'est la naissance d'un grand marché sans frontières en Europe.
17:49Les capitaux sont libres d'être placés partout
17:51et de circuler sans aucun contrôle.
17:57Si on n'avait pas fait la libération des mouvements de capitaux,
18:00en son temps, il n'y aurait pas eu le grand marché,
18:05le marché unique, qui a été le facteur de relance
18:09de 1985-87.
18:11Il n'y aurait pas eu ce grand marché.
18:13Ce grand marché a eu un grand succès
18:16puisqu'il a permis à l'Europe de sortir
18:20d'une sorte de vague à l'âme économique
18:23pour créer 15 millions d'emplois en 7 ans.
18:28Avec le traité de Maastricht en 1992
18:30et la monnaie unique en 1999,
18:33l'Europe affiche ses ambitions.
18:35Le vieux continent veut rivaliser avec les Etats-Unis.
18:38La construction européenne encourage les banques à s'unir.
18:41Il faut être plus gros pour être plus solide.
18:44Les années 90 sont marquées par une série sans précédent
18:47de fusions-acquisitions dans le secteur de la finance.
18:50Les banques régionales deviennent nationales, puis européennes.
18:58Les Etats-Unis se développaient
18:59et se développaient avec leurs grands champions,
19:02qui étaient des champions de marché.
19:05L'Europe se développait avec ses banques,
19:08qui étaient des banques de réseau.
19:10En Europe, il y a eu un consensus autour de ces sujets-là également.
19:14Nous avons des grandes banques, tout va bien,
19:18donc laissons-les prospérer.
19:27...
19:35Une banque symbolise cette course au gigantisme,
19:38la caisse d'épargne.
19:40Dans les années 80, c'est un ensemble d'entités régionales.
19:43Elles collectent l'épargne des Français grâce aux livrets.
19:46Les marchés financiers sont encore loin
19:48pour cet établissement vieux de 150 ans.
19:51Mais son directeur, Charles Millot, a d'autres ambitions.
19:5426 millions de clients, 1520 milliards de francs de dépôt.
19:58Une puissance financière est toujours la même image,
20:01celle de la sécurité.
20:02Nous ne souhaitons pas avoir une vocation hexagonale.
20:05Nous souhaitons tisser des alliances
20:07avec d'autres caisses d'épargne ou banques coopératives.
20:10La caisse des dépôts, l'établissement public et les caisses d'épargne
20:13ont décidé de constituer une holding
20:15qui va abriter l'ensemble des structures financières
20:19que nous avions déjà, ou que nous venons de créer,
20:23et qui sont sur le marché concurrentiel.
20:25Au niveau européen, nous sommes dans les 20 premiers,
20:27mais bien évidemment, notre ambition, c'est d'aller au-delà.
20:30Main dans la main, la caisse d'épargne et la banque populaire
20:33pour créer ensemble un nouveau géant de la banque.
20:36C'est le projet Natixis, présenté officiellement ce matin.
20:41Le conseil de surveillance du groupe caisse d'épargne
20:44s'est réuni ce dimanche 19 octobre sous ma présidence.
20:49Il a pris connaissance du rapport intermédiaire
20:53présenté par M. Jean-Christian Metz,
20:55inspecteur général du groupe caisse d'épargne,
20:58sur les circonstances dans lesquelles la Caisse nationale des caisses d'épargne
21:02a subi une perte importante
21:04dans le cadre de sa gestion d'opérations pour comptes propres.
21:08À la suite de cette présentation,
21:11et après délibération,
21:13le conseil a accepté la démission de M. Charles Millaud,
21:16président du directoire,
21:18Nicolas Mérindol, directeur général,
21:21et Julien Carmona, membre du directoire en charge des finances.
21:42L'Europe a suivi la route tracée par les Etats-Unis.
21:45La déréglementation bancaire et boursière.
21:48Pendant une décennie, cette stratégie a été gagnante.
21:50Mais en 2007, lorsque la crise éclate,
21:53les banques européennes sont aussitôt contaminées.
21:56Elles aussi ont massivement investi dans les produits financiers toxiques.
21:59Elles aussi ont pris des risques insensés pour gagner plus d'argent.
22:02Les Etats ont laissé les marchés prendre le contrôle de leurs économies.
22:06Ils sont aujourd'hui pieds et poings liés.
22:08La crise bancaire européenne marque le début d'une nouvelle catastrophe
22:11qui risque de tout emporter avec elle.
22:18Nous sommes désormais confrontés à une crise de confiance sans précédent
22:22qui menace de paralyser l'économie mondiale.
22:26Un conseil des ministres extraordinaires
22:29pour dévoiler le plan français au lendemain du sommet de l'Eurogroupe.
22:32L'Etat est prêt à garantir jusqu'à 320 milliards d'euros de dette de ses banques.
22:37Deuxième point, l'Etat va consacrer jusqu'à 40 milliards d'euros
22:40à la recapitalisation des banques françaises.
22:43L'Elysée a aussi répété que l'Etat ne laisserait aucune banque
22:46française faire faillite.
22:48Je crois que cette tsunami qui est venue de l'autre côté de l'Atlantique
22:52a eu comme effet que nos instances publiques,
22:55nos gouvernements ont dû investir beaucoup d'argent
22:59dans le sauvetage des banques, des assureurs, des fonds de pension, etc.
23:04Et donc on estime à 4 600 milliards d'euros
23:09le montant global de toutes les subventions
23:13et toutes les garanties qui ont été données à l'Etat.
23:15Qui ont été données par les Etats européens pour sauver leurs banques.
23:20Nationalisation, aide d'urgence des gouvernements,
23:23en un week-end, ce sont plus de 109 milliards d'euros
23:26qui ont été investis pour venir en aide aux banques européennes.
23:30La Belgique, les Pays-Bas et le Luxembourg ont nationalisé Fortis.
23:34Les trois Etats ont mis 11 milliards d'euros
23:36pour prendre le contrôle de l'établissement
23:38et éviter son dépôt de bilan.
23:40Au Royaume-Uni, pour la deuxième fois depuis le début de l'année,
23:43le gouvernement a dû nationaliser une banque.
23:45Pour sauver Bradford & Bigley de la faillite,
23:47l'Etat a pris à sa charge 63 milliards d'euros de prêts,
23:51principalement des prêts immobiliers.
23:53Autre puissance touchée, l'Allemagne.
23:55Là, c'est le spécialiste du crédit commercial
23:57qui s'est vu accorder un crédit de 35 milliards d'euros
24:00garanti principalement par l'Etat.
24:02Le Danemark et l'Islande sont aussi intervenus pour sauver des banques.
24:06La France semble épargnée,
24:07mais aujourd'hui, c'est le groupe franco-belge Dexia
24:09qui se trouve dans la tourmente.
24:11Leader du financement des collectivités locales,
24:13il doit faire face aux pertes de sa filiale américaine.
24:16L'effet a été immédiat.
24:18L'effet a été une dégratation des finances publiques
24:21dans la plupart des Etats membres de la zone euro.
24:25Et la conséquence a été, naturellement,
24:27la crise autour de la dette qu'on connaît aujourd'hui.
24:32Les banques sont renflouées par les Etats.
24:34Mais les marchés financiers n'ont plus confiance.
24:36Ils craignent que ce ne soit pas suffisant.
24:38Les banques ont de plus en plus de difficultés
24:40pour trouver de l'argent et accorder des crédits à leurs clients.
24:43L'économie est à l'arrêt.
24:49La crise financière va devenir une crise économique.
24:51Alors par quels mécanismes ?
24:53C'est très simple, il y a toute une série de secteurs économiques
24:55qui dépendent beaucoup du crédit pour leur développement.
24:59Je vous donne deux exemples, le logement et l'automobile.
25:02Il y a peu de gens qui achètent cash un logement et une automobile.
25:06Donc quand le marché financier se tend,
25:09quand le crédit devient plus difficile,
25:12quand les banques font du désendettement elles-mêmes,
25:15l'accès au crédit devient beaucoup plus difficile
25:17et donc les activités liées au crédit s'effondrent.
25:19Et par contagion, c'est l'ensemble de l'économie qui souffre.
25:22Et ça, ça vous donne la crise économique de 2009,
25:25lorsqu'on assiste à un effondrement du commerce international
25:28et qu'on assiste à la propagation de la crise américaine vers l'Europe.
25:34En 2009, le monde entre en récession pour la première fois
25:37depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale.
25:39Les Etats européens ont déjà payé très cher pour sauver leurs banques.
25:43Ils sont à bout de souffle.
25:44L'activité économique est à l'arrêt.
25:46Les déficits se creusent et atteignent un niveau inquiétant.
25:49Les marchés financiers commencent à déceler des signes de fragilité
25:52chez certains membres de la zone euro.
25:55Ils vont en profiter.
25:56À la fin 2009, c'est la fin de la seconde guerre mondiale.
26:01À la fin 2009, c'est une autre histoire qui commence.
26:04C'est la crise des dettes souveraines, européenne.
26:12Cette fois, c'est l'Union européenne qui est ébranlée par la crise financière.
26:16Un sommet des chefs d'Etat et de gouvernement vient de s'ouvrir à Bruxelles
26:20et tous les regards sont tournés vers la Grèce.
26:23Vous vous souvenez de ce qui arrive en octobre 2009 ?
26:25Un nouveau gouvernement arrive en Grèce.
26:27C'est le gouvernement Papandréou.
26:29Et le gouvernement Papandréou annonce à la face du monde
26:33que le déficit de finances publiques grecques ne sera pas de 6 % du PIB
26:37comme ça avait été annoncé, mais de 10, 11, 12 %.
26:41Le pays croule sous une dette colossale de 300 milliards d'euros,
26:45la plus importante de son histoire.
26:47Une situation très grave qui affole les marchés financiers
26:50et inquiète les pays européens.
26:52La Grèce veut rassurer et promet d'assainir son économie.
26:56Jusque-là, la révolte est sous contrôle,
26:59mais dans les rues d'Athènes, la colère gronde.
27:02Depuis ce week-end, les manifestations se multiplient
27:05avec un dénominateur commun, le malaise social.
27:08La Grèce est au plus mal.
27:10La crise financière est passée par là,
27:13rétrogradée par les agences de notation,
27:16car endettée à hauteur de 300 milliards d'euros,
27:19plus de 120 % du PIB, la Grèce n'inspire plus confiance.
27:23Les marchés financiers voient rouge,
27:25les rumeurs de faillite de la Grèce persistent,
27:28le nouveau gouvernement plaça du mal à sauver les apparences.
27:32La passe financière menace notre souveraineté nationale
27:36pour la 1re fois depuis 35 ans,
27:38mais nous allons tout faire pour sortir le pays de la crise.
27:42C'était pas une attaque, c'était la conséquence du fait
27:45que les agences de notation étaient critiquées
27:48parce qu'ils étaient trop mous et trop souples dans le passé.
27:52On a critiqué les agences de notation en disant
27:55que c'était impossible de donner une notation triple A
27:59à des produits financiers mauvais
28:02comme ceux qui ont causé la crise financière.
28:05Les agences de notation ont réagi et ont dit
28:08qu'elles allaient être plus dures, moins souples.
28:11Une des 1res victimes de cette nouvelle politique
28:15des agences de notation a été la Grèce,
28:18qui a été dégradée très vite à triple B+.
28:23Cette dégradation survient alors que la BCE annonce
28:26qu'elle ne prêtera pas d'argent aux Etats notés en dessous de A.
28:30Traduction, la Grèce n'est plus protégée par la BCE.
28:33La faille est mince, mais suffisante pour s'y engouffrer.
28:37Les spéculateurs sautent sur l'occasion.
28:40À partir du moment où certains pays peuvent faire défaut
28:44sur la dette, notamment la Grèce,
28:47dont on découvre qu'elle était mal gérée,
28:50que sa dette échappait à tout contrôle,
28:53que ses déficits avaient cru,
28:55les opérateurs financiers, les investisseurs se disent
28:58qu'il y a peut-être des risques spécifiques
29:01aux pays membres de la zone euro liés à leur endettement.
29:09Les marchés financiers sont d'autant plus inquiets
29:12que la Grèce révèle avoir maquillé ses comptes publics
29:15pour entrer dans la zone euro
29:18Goldman Sachs.
29:20Quel a été le rôle des grandes banques internationales
29:23dans les difficultés que connaît actuellement la Grèce ?
29:26La Goldman Sachs, notamment, qui a accordé à la Grèce des prêts,
29:29mais en empochant d'importantes commissions,
29:32qui ont encore plus plombé les comptes du pays.
29:34Il semblerait que pour entrer dans la zone euro,
29:37les autorités grecques aient masqué l'ampleur de leurs déficits
29:40par des montages financiers.
29:42A l'époque, ils étaient légaux.
29:44Aujourd'hui, ils seraient à l'origine
29:46de cette crise sans précédent.
29:48Essayons d'avoir les réponses à plusieurs questions
29:51concernant les arrangements passés par Goldman Sachs et la Grèce.
29:55Il est évident qu'utiliser des montages financiers
29:58de cette manière-là a intentionnellement déstabilisé
30:01un pays, et nous allons vérifier ça de près.
30:04L'Union européenne n'a pas été assez vigilante
30:07parce que nous n'avons pas surveillé les comptes.
30:10Le FMI avait dit plusieurs fois
30:12qu'il y avait des interrogations.
30:14Le Eurostat avait dit plusieurs fois
30:16qu'il y avait des interrogations.
30:18Chaque fois, on leur a dit, passé, il n'y a rien à voir.
30:21L'Allemagne, à un moment donné, s'était opposée
30:24à ce qu'il y ait des vérifications sur pièce et sur place
30:27des systèmes européens, en disant,
30:29c'est chaque pays qui est responsable
30:31de la qualité de ses comptes.
30:33On voit bien ce qui se passe.
30:35On voit bien que le jour où la Grèce se dit,
30:38je suis désolé, je n'ai pas 3% de déficit budgétaire,
30:41à ce moment-là, tout le monde se rend compte
30:44que la situation devient intenable.
30:47Ce qui m'énerve dans cette histoire,
30:49c'est que tout le monde le savait,
30:51mais tant qu'on pouvait vendre des armes en Grèce,
30:54tout allait bien.
30:55Tant qu'on arrivait à graisser la patte au gouvernement grec
30:58pour vendre des hélicoptères français
31:00ou des sous-marins allemands,
31:02on s'en foutait de la réalité de la Grèce.
31:05Il y a une responsabilité des Grecs,
31:07mais il y a une responsabilité de tous les pays.
31:10Au début de la crise grecque,
31:12on dit aux Grecs qu'on va vous aider,
31:14mais à une condition, c'est que vous garantissiez
31:17que tous les contrats d'armement restent.
31:20On est vraiment... C'est l'hypocrisie totale.
31:23Le deuxième moment décisif,
31:26c'est le moment où la France et l'Allemagne
31:30n'ont pas appliqué les règles du pacte de stabilité
31:33dans les années 2003-2005
31:35et où les instances européennes
31:37n'ont pas sanctionné ni la France ni l'Allemagne.
31:40C'était, en fait, le signal pour tous les autres
31:44des petites économies comme, par exemple, le Portugal
31:47où la Grèce n'a pas appliqué les règles non plus.
31:54Les banques vont jouer un rôle dans l'endettement de la Grèce,
31:57mais aussi de l'Espagne, du Portugal ou de l'Irlande.
32:00La liberté de circulation des capitaux
32:02permet aux établissements bancaires
32:04de prêter de l'argent sans limite.
32:06Un prêt qui alimente les bulles de crédit,
32:08notamment immobilières.
32:10Les excès de consommation et d'investissement de ces pays
32:13sont une source de profit considérable.
32:15...
32:33Il est certainement vrai que les banques allemandes,
32:36pour prendre l'Allemagne comme exemple,
32:39ont profité de la volonté grecque, par exemple, de s'endetter.
32:43C'est vrai, les banques allemandes ont exporté du capital vers le sud
32:48dans une période dans laquelle
32:53elles ont eu la chance
32:56de réaliser un rendement plus élevé en Grèce
33:01qu'en Allemagne.
33:03...
33:11En 2010, la Grèce n'est plus un cas isolé.
33:14L'Irlande, le modèle de réussite de la zone euro,
33:17forte de son secteur financier en pleine croissance,
33:20est touchée de plein fouet par la crise économique.
33:23L'Irlande aura dépensé 80 milliards d'euros pour sauver ses banques.
33:27Sa dette passe de 20 à 90 % du PIB.
33:29Le pays doit demander l'aide du FMI.
33:32Après la Grèce, l'Irlande est officiellement
33:35le 2e pays contraint d'accepter la main tendue de l'Europe et du FMI
33:39pour échapper au naufrage.
33:41L'accord a été finalisé la nuit dernière.
33:44L'aide sera de 80 à 90 milliards d'euros.
33:47Un sauvetage vécu sur place comme une humiliation.
33:50Honte au gouvernement, démission du Premier ministre.
33:53Ce plan synonyme d'austérité, les Irlandais n'en veulent pas.
33:57Cet après-midi, c'est la colère qui l'a emporté.
34:00Signe de la tension ambiante,
34:02des responsables politiques nationalistes se sont mêlés
34:05aux manifestants et ont pénétré à l'intérieur de l'enceinte
34:08de l'accès au bâtiment du Premier ministre.
34:10En 2011, c'est au tour du Portugal et de l'Espagne
34:13d'appeler au secours de l'UE.
34:15La bulle immobilière espagnole vient d'éclater.
34:18L'Etat doit trouver 100 milliards d'euros pour recapitaliser ses banques.
34:22Sur les marchés, les investisseurs ne veulent plus lui prêter d'argent.
34:26Les taux d'intérêt explosent.
34:28Il y a ceux qui viennent d'arriver
34:30et ceux qui ne savent plus comment partir.
34:33En plein boom immobilier, de nombreux propriétaires
34:36ont décidé à Sessénia pour investir et non y habiter.
34:39Mais avec le retournement du marché, impossible de revendre.
34:42Depuis une dizaine d'années,
34:44l'urbanisme est à la merci des promoteurs.
34:46Les citoyens n'ont pas eu voix au chapitre.
34:48Les politiques ont laissé faire
34:50pour faire entrer de l'argent dans les caisses
34:53via les ventes de terrain et les permis de construire.
34:56Les excès du crédit fait aux particuliers,
34:59les bulles immobilières qui se sont développées
35:02font que le secteur bancaire lui-même est fragilisé.
35:05Et il y a un lien entre la fragilité des Etats
35:08et la fragilité du secteur bancaire,
35:10parce que l'un est censé aider l'autre,
35:12et en aidant l'autre, il s'affaiblit lui-même.
35:14On est dans un système
35:16où les Etats, dans une très large mesure,
35:18sont financés par des banques,
35:20et les banques dépendent des Etats pour les sauver
35:23quand elles auront fait faillite
35:25du fait qu'elles détiennent une dette d'Etat
35:27qui perd de sa valeur.
35:29C'est une boucle.
35:31Dans le domaine des ordinateurs,
35:33on appelle ça une référence circulaire.
35:35Une référence circulaire, ça ne peut pas marcher.
35:37Je vous donne de l'argent pour que vous m'en donniez
35:40le jour où je n'aurai plus d'argent
35:42parce que je vous ai donné de l'argent.
35:44Ca ne marche pas, ça.
35:46Tout le système de financement des Etats aujourd'hui en Europe
35:49repose là-dessus. Ca ne peut pas marcher.
35:51Donc, tant qu'on n'aura pas pris...
35:53C'est pas le seul problème,
35:55mais tant qu'on n'aura pas pris ce problème à la racine,
35:58le problème de la dette souveraine ne sera pas résolu.
36:01Au fil des mois, l'Europe s'enfonce dans la crise.
36:04Les taux d'intérêt sur les dettes souveraines ne cessent d'augmenter.
36:08Les marges de manœuvre des pays européens se réduisent.
36:11Ce cercle vicieux met tour à tour les Etats au pied du mur.
36:20On en revient au début des années 80, au moment où on a laissé,
36:23on a fait le choix aux Etats-Unis et dans le reste des pays du monde
36:26de permettre aux non résidents, aux investisseurs étrangers,
36:29d'acheter les marchés.
36:30C'est des compagnies d'assurance et des fonds de pension
36:33qui viennent acheter les titres de la dette publique des grands pays.
36:36À partir du moment où, dans les années 80,
36:38on laisse les non résidents, les étrangers,
36:41venir acheter les titres de la dette publique,
36:43on se met sous le joug de leur bonne ou de leur mauvaise humeur.
36:46Si c'est une bonne humeur, ils viennent nous financer.
36:48Le jour où ils sont de mauvaise humeur, ils n'ont plus confiance,
36:50ils retirent l'argent.
36:51Et donc, à ce moment-là, on se retrouve le bec dans l'eau
36:53puisqu'il y a moins de gens qui veulent acheter les titres de dette publique.
36:56On est obligés de faire monter les taux d'intérêt
36:58pour les attirer et donc ça coûte de plus en plus cher.
37:01Si vous êtes dans un univers où la dette devient un produit de marché,
37:05la dette de l'État devient un produit de marché,
37:07alors en effet, c'est ça l'énorme erreur.
37:10À partir du moment où vous en faites un produit de marché,
37:13vous la mettez au même niveau que les dettes privées,
37:15avec les mêmes procédures d'évaluation, etc.
37:18Et en effet, il se passe ce qu'on a vu,
37:21c'est-à-dire que les États sont à la remorque des marchés financiers.
37:25Ce n'est pas les banques et ce n'est pas les institutions financières
37:30qui prêtent de l'argent aux États, ce sont les investisseurs
37:33qui prêtent de l'argent aujourd'hui au pays
37:36quand ils émettent des OAT ou des bons du trésor.
37:40Ce n'est pas la BNP ou la Société Générale,
37:42ce sont les investisseurs russes, chinois, arabes.
37:46Et si les Grecs, les Portugais et les Espagnols
37:49n'arrivent plus à se financer aujourd'hui,
37:51c'est parce que les investisseurs n'ont plus confiance
37:53dans ces pays et dans la capacité de la zone euro
37:55à régler ses propres problèmes.
37:57Donc on ne peut pas dire que les marchés financiers sont devenus puissants.
38:00Ce qu'il faut dire, c'est simplement une chose très bête,
38:03c'est que quand vous êtes très endetté,
38:05vous dépendez de votre créancier.
38:08Depuis 2009, l'Europe est aussi victime des spéculateurs
38:11qui parient sur l'explosion de la zone euro.
38:14Ils utilisent un outil financier appelé le crédit default swap.
38:17Lorsqu'un investisseur prête de l'argent à un État,
38:20il peut s'assurer contre le défaut de paiement de cet État
38:23en achetant une assurance, un crédit default swap ou CDS.
38:27Le prix de cette assurance dépend directement
38:30du risque de non-paiement de la dette.
38:32Lorsque les agences de notation dégradent la note d'un pays,
38:35les intérêts des prêts augmentent et avec eux les prix des assurances.
38:39Avec l'aggravation de la crise, les rendements des CDS
38:42sont devenus si importants qu'ils ont attiré les spéculateurs.
38:45Les CDS sont alors devenus une industrie déconnectée
38:48de la réalité du marché.
38:50Les prix y sont dopés artificiellement.
38:52Or, les CDS sont un indicateur de confiance des marchés.
38:56Plus leurs prix augmentent, plus les opérateurs estiment
38:59que le pays est proche de la faillite.
39:01Ceci entraîne une dégradation de la note du pays
39:04et une augmentation du prix des CDS.
39:06Le cercle vicieux est enclenché.
39:09Une première fois dans l'histoire,
39:11les États sont directement attaqués par un certain nombre de personnes
39:15qui peuvent manipuler le marché,
39:17ce qui va bien au-delà de la simple spéculation
39:20et encore au-delà du jeu normal du marché.
39:23Même si vous êtes persuadés que l'Italie va rembourser,
39:26si vous croyez qu'il y a des acteurs qui vont parier sur l'échec de l'Italie,
39:30il faut aussi parier sur l'échec de l'Italie.
39:32Même si vous êtes persuadés que l'Italie peut rembourser,
39:35la seule stratégie pour gagner de l'argent, c'est de vendre avec eux.
39:39On est dans un fonctionnement psychologique des marchés financiers
39:43qui font que quand un petit événement commence,
39:46quand les marchés vont dans un sens,
39:48très rapidement, tout est magnifié.
39:51La baisse devient grosse baisse et la hausse devient grosse hausse.
39:54Et c'est ça dont les États sont aujourd'hui victimes.
40:00Au début de l'année 2012, la crise s'intensifie.
40:03La Grèce, l'Irlande, le Portugal, l'Espagne et l'Italie
40:06subissent la loi des marchés.
40:08De leur côté, l'Union européenne et le FMI
40:11imposent des mesures d'austérité.
40:13Coupes budgétaires dans la santé, l'éducation,
40:16réduction des indemnités de chômage et de vieillesse.
40:19Les classes populaires et les classes moyennes
40:21subissent de plein fouet les conséquences de la rigueur.
40:24Pendant ce temps, les très riches se mettent à l'abri.
40:26La crise européenne a mis un projecteur
40:28sur des acteurs connus de longue date
40:30mais qui jusqu'alors profitaient de l'indifférence de tous,
40:33les paradis fiscaux.
40:37Où sont les déclarations de la Commission ?
40:39Où est la pression de la Commission pour aider la Grèce
40:42à essayer de récupérer les 100 à 200 milliards d'euros
40:45qui sont en Suisse,
40:47selon les estimations du gouvernement grec ?
40:49Je sais que ce n'est pas forcément la priorité de la Grèce.
40:52La Grèce est la première responsable
40:54de cette incapacité à lever réellement l'impôt.
40:57Mais où sont vraiment les actes de la Commission
41:00pour faire pression sur la Suisse
41:02pour que l'argent puisse être taxé et revienne ensuite en Grèce ?
41:09Les responsables européens ne sont pas capables de s'entendre
41:12lorsqu'il est question de fiscalité.
41:14Et pour cause.
41:15L'Europe est la partie du monde
41:17qui concentre le plus grand nombre de centres offshore.
41:20Sur les 17 pays que compte la zone euro,
41:227 sont considérés comme des paradis fiscaux.
41:25Le Luxembourg, la Belgique, les Pays-Bas, l'Irlande,
41:28Malte, Chypre, l'Autriche.
41:30Une liste à laquelle on peut ajouter
41:32les autres pays non membres de la zone euro
41:34où le secret bancaire et l'opacité financière
41:37sont férocement protégés.
41:38Le Liechtenstein, Monaco, Andorre,
41:40l'Île-de-Manne, Guernesey, Jersey, l'Angleterre
41:43et bien entendu la Suisse.
41:48Le rôle des paradis fiscaux comme paradis réglementaire,
41:51comme lieu où on peut prendre des risques de manière opaque,
41:54a été sous-estimé au cours de cette crise.
41:56Il ne faut pas dire que les paradis fiscaux ont causé cette crise,
41:59mais ils ont été l'un des éléments facilitateurs de cette crise.
42:03Prenez par exemple la banque britannique Northern Rock.
42:07C'est la première banque qui, dès l'automne 2007,
42:09commence à avoir des difficultés.
42:11Vous regardez les comptes de Northern Rock à Londres,
42:14vous ne voyez rien.
42:15Il faut aller dans les comptes de Granite,
42:18qui est la filiale de Northern Rock,
42:21qui est enregistrée à Jersey,
42:22comme association caritative,
42:24pour s'apercevoir que cette banque
42:26fait beaucoup de prêts à moyen-long terme,
42:28mais qu'elle se refinance de plus en plus à très très court terme
42:31et qu'elle a fait exploser son endettement à court terme.
42:33Son endettement à court terme,
42:34vous ne le voyez pas dans les comptes à long,
42:36il est caché dans la filiale Granite,
42:38qui est établie à Jersey.
42:39Vous prenez les scandales Madoff, Allen Stanford,
42:42qui est une sorte de petit Madoff aux États-Unis.
42:45À chaque fois, vous trouvez la Suisse,
42:47le Luxembourg, les îles Vierges britanniques,
42:49qui sont extrêmement présentes comme rabatteurs,
42:52comme lieu où il y a des investisseurs
42:54qui vont rabattre l'argent vers Madoff.
42:56D'après une étude de l'économiste français Patrick Artus,
42:59les trois premiers gros investisseurs
43:01qui achètent la dette publique française
43:04se situent au Royaume-Uni, au Luxembourg et aux îles Caïmans.
43:07Et donc, c'est sûrement vrai aussi pour les autres pays européens,
43:10ce qui fait que les investisseurs situés dans ces paradis fiscaux
43:13sont aussi sûrement présents dans les crises spéculatives
43:16autour de la dette publique en Europe.
43:19Outre l'opacité financière,
43:21la fiscalité de ces pays est particulièrement arrangeante
43:24pour les multinationales ou les riches contribuables
43:27qui voudraient payer beaucoup moins d'impôts, voire pas du tout.
43:30En période de crise, ce sont des milliards d'euros
43:33qui fuient les pays en difficulté
43:35et des dizaines de milliards de recettes fiscales en moins.
44:01Avant même la fameuse échéance de 1992,
44:04la circulation des capitaux devrait être totalement libre en Europe.
44:08Cela veut dire que les Français, par exemple,
44:10pourront en toute légalité faire gérer leur portefeuille au Luxembourg
44:14en exonération totale d'imposition.
44:16C'est ce que cherche bien sûr à éviter Jacques Delors,
44:19le président de la commission de Bruxelles,
44:21qui propose la suppression des paradis fiscaux européens,
44:24Luxembourg notamment, et l'île anglo-normande de Jersey.
44:28Les paradis fiscaux résisteront à la pression de la Commission européenne.
44:32En 1992, le Luxembourg et le Royaume-Uni
44:35obtiendront du couple franco-allemand
44:37un ajournement de la question de l'harmonisation fiscale.
44:40En 1999, le sujet est une nouvelle fois abordé, puis rejeté.
44:45Aujourd'hui encore, l'Europe n'est pas prête à s'accorder.
44:49La Suisse négocie séparément avec chaque Etat européen
44:52le maintien de son secret bancaire, divisé pour mieux durer.
44:56Le manque de coopération politique au sein de la zone euro est total.
45:04Les responsables politiques européens sont les grands absents de cette crise.
45:08À mesure que la situation se détériore,
45:10leurs marges de manœuvre sont de plus en plus limitées.
45:13Ils sont incapables de parler d'une même voie.
45:16Deux grands points de vue s'opposent.
45:18D'un côté, les pays du Sud et la France
45:20veulent mettre en commun les dettes des pays européens
45:23et offrent à la BCE le pouvoir de créer de l'argent.
45:26De l'autre, les pays du Nord, l'Allemagne en tête,
45:29favorables à l'austérité pour réduire les déficits publics.
45:33Cette divergence n'est pas le fruit du hasard.
45:36Pour l'Allemagne, cette rigueur économique est le résultat de son histoire.
45:42Au cours des années 1920, l'Allemagne traverse la pire crise de son histoire.
45:46L'hyperinflation détruit son économie
45:48et conduit à la montée du nazisme dans les années 1930.
45:51Au sortir de la Seconde Guerre mondiale,
45:53il n'est plus question de reproduire les mêmes erreurs.
45:56La rigueur et la stabilité
45:58deviennent les caractéristiques de l'économie allemande.
46:03L'Allemagne a eu des crises majeures,
46:06des crises énormes, la guerre, l'Holocauste.
46:10Et par rapport à ça, il y a eu, je pense, un examen de conscience en Allemagne.
46:15En même temps, la philosophie politique allemande,
46:18c'est l'ordolibéralisme, toujours.
46:20C'est-à-dire libéralisme et ordre, règles.
46:34Tout au long de la construction européenne,
46:36l'Allemagne a tenté d'imposer sa politique économique et monétaire.
46:40Elle y parviendra avec les règles de stabilité du traité de Maastricht.
46:44Pourquoi vous ne leur avez pas tapé sur les doigts pour dire que ça ne va pas ?
46:49Nous ne sommes pas encore dans l'union économique et monétaire
46:52qui figure dans le nouveau traité,
46:54chez lequel les Français auront à se prononcer dimanche.
46:57Dans le nouveau traité, le Conseil des ministres
47:00pourra publiquement délivrer un carton jaune à l'avance
47:03à un pays qui fait des bêtises.
47:05En réalité, la Commission européenne ne sanctionnera pas
47:08les pays qui ne respectent pas le pacte de stabilité.
47:11La France et l'Allemagne en tête.
47:13Les critères de Maastricht ont un autre défaut.
47:16Ils ne s'intéressent qu'à la dette publique des Etats
47:19et non aux dettes privées des entreprises.
47:22Or, ce sont les dettes privées qui vont exploser
47:25dans l'ensemble de la zone euro, à l'image de l'Espagne et de l'Irlande.
47:29C'était des indicateurs insuffisants.
47:32Et c'est vrai qu'on n'a pas...
47:34Parce qu'avec la financiarisation, on en revient au début,
47:37on n'a pas compris l'évolution de nos économies.
47:40Maastricht, en fait, au moment où ça a été décidé,
47:43n'avait pas encore cette économie financière en tête.
47:46C'est pour ça qu'aujourd'hui, il faut une autre régulation
47:49et une autre gouvernance économique,
47:51parce que l'économie a évolué.
47:53Ces 20 dernières années, comme les Etats-Unis,
47:56l'Europe cède à la facilité de l'endettement
47:59pour dynamiser son activité économique.
48:01Mais les marchés font moins confiance à l'Europe qu'aux Etats-Unis.
48:05Quelle est la différence entre l'Europe,
48:08les Etats-Unis et le Japon ?
48:10Au Japon, on a un Etat central
48:13très convaincant, puissant,
48:15et personne ne doute de sa capacité pour payer les dettes.
48:20La même chose aux Etats-Unis.
48:22Là, on a un Etat fédéral
48:24qui représente 23 % du PIB américain.
48:29Et chez nous, en Europe,
48:31on a encore une toute petite Union européenne
48:34qui a 1 % de moyens,
48:37et dont le poids, dont le pouvoir,
48:40est encore divisé et dispersé
48:43auprès de 17 gouvernements,
48:4517 marchés obligataires,
48:4717 ministres des Finances, etc.
48:52L'Europe politique est victime de sa construction économique.
48:56Les statuts de la BCE lui interdisent d'intervenir
48:59pour aider les Etats en difficulté,
49:01comme le fait régulièrement la Réserve fédérale américaine
49:04ou la Banque d'Angleterre.
49:06Cette règle très contraignante a été imposée par l'Allemagne,
49:09qui ne voulait pas permettre aux pays européens les moins rigoureux
49:12de s'endetter.
49:13Mais en pleine crise, cette incapacité d'action de la BCE
49:16est ressentie comme une grande faiblesse
49:18par les marchés financiers.
49:25Si vous êtes considéré comme stable et fort,
49:28vous ne serez pas attaqué.
49:30Si vous avez une banque centrale
49:32qui, en toute hypothèse, vous suivra ou vous escortera,
49:35vous ne serez pas attaqué.
49:36La Banque centrale européenne ne fonctionne pas
49:39à l'instar de la Banque centrale américaine.
49:43Et les investisseurs internationaux le savent.
49:47Dans cette situation-là, ils regardent
49:49s'il n'y a pas, dans le processus,
49:52des points faibles, des maillons faibles.
49:54Et à ce moment-là, ils attaquent.
50:00On a, à l'heure actuelle, tous les dispositifs voulus
50:03en termes techniques pour faire en sorte
50:05qu'il y ait une coordination suffisante
50:07des politiques économiques et s'assurer
50:09que la politique que conduira la Belgique
50:11ne sera pas incompatible avec la politique
50:13que conduira la France et que chacun,
50:15tout en gardant la totale autonomie
50:17sur ses décisions budgétaires,
50:19tout le monde ira dans le même sens.
50:21En donnant la liberté à chaque pays
50:23d'agir différemment en fonction de ses propres intérêts,
50:26la Commission européenne a commis une faute.
50:29Les écarts entre les pays ne vont cesser de se creuser.
50:32L'hypothèse des dirigeants européens,
50:34c'était qu'avec un marché unique et une monnaie unique,
50:37les économies européennes allaient converger
50:40les unes vers les autres,
50:42qu'elles allaient progressivement se déspécialiser.
50:45C'est exactement le contraire qui s'est passé.
50:48Les économistes auraient pu l'expliquer aux hommes politiques
50:51si ils avaient voulu les écouter.
50:53Quand vous faites une union monétaire et un marché unique,
50:57vous n'avez pas une convergence des économies.
51:00Vous avez une divergence des économies.
51:02Vous avez une sur-spécialisation.
51:04Les pays industriels deviennent de plus en plus industriels
51:07et les pays de service deviennent de plus en plus des pays de service.
51:10Il n'y avait pas de coordination des politiques économiques.
51:13Il n'y a eu personne pour discuter
51:15de cet optimisme Béat qui a pris l'Espagne
51:18et qui lui a fait faire en sorte la même chose
51:21que les Etats-Unis en matière immobilière.
51:24Je trouve aberrant que le gouverneur de la Banque d'Espagne,
51:28qui est membre du conseil d'administration
51:30de la Banque centrale européenne,
51:32n'ait jamais indiqué ses inquiétudes, s'il en avait,
51:35sur l'évolution du marché immobilier
51:37et des banques espagnoles.
51:39On savait que ça aurait lieu en Espagne.
51:42On voyait bien que les prix étaient insupportables.
51:45On voyait bien que ça aurait lieu, mais on disait demain, maître.
51:48Mais le banquier central espagnol s'est trompé
51:51ou a été poussé
51:53ou n'a pas été suffisamment puissant pour résister aux pressions.
51:57Quand vous êtes un banquier central,
51:59vous devez être indépendant, c'est-à-dire courageux.
52:03Il n'y a aucun régulateur au niveau national
52:07qui a averti qu'il y aurait des problèmes avec les banques.
52:12Donc on peut quand même dire, on peut quand même conclure
52:16que la supervision, la régulation au niveau national
52:20n'a pas fonctionné.
52:22Le problème, c'est comment vous organisez ce marché unique.
52:26On a cru que la dimension politique, la dimension sociale
52:31allait suivre mécaniquement.
52:35Et ça, ça s'est avéré une erreur.
52:41Il y a un enchaînement de faits.
52:43Si l'on prend par exemple la construction européenne,
52:46il est vrai que le mouvement,
52:49de libération des échanges,
52:52a aidé à la construction européenne.
52:55Puis à un moment, il l'a plutôt desservie.
52:58Donc tout ça est tout à fait complexe.
53:01Chacun a mené ses batailles.
53:03Moi, j'en ai mené, j'en ai perdu.
53:06Et tout le monde est ainsi.
53:08Je ne m'attends pas à une marche vers le soleil.
53:12Je m'attends simplement à ce qu'on sauve l'Europe
53:15et qu'on sauve en même temps les intérêts de tout le monde.
53:18En même temps, les intérêts de tous les Européens et de la France.
53:22Je n'attends pas de miracle.
53:28Le problème, c'est que pour réaliser
53:31cette union économique et fiscale dont on a besoin,
53:34il faut transférer du pouvoir, de la souveraineté
53:38des États-nations vers le niveau européen.
53:41Et c'est ça qui pose problème.
53:43Donc le problème, c'est un problème politique.
53:46Il n'y a pas un État fédéral, une autorité fédérale
53:49derrière la monnaie unique.
53:51C'est par la construction d'une autorité politique
53:54que nous vaincrons les difficultés techniques.
53:57En ce sens, qu'il n'y aura d'irréversibilité en Europe
54:01que si elle constituait une autorité politique.
54:05C'est l'autorité politique qui fera en sorte
54:08que les Européens des différentes nations intéressées
54:11aient la sensation qu'ils font partie d'un même tout
54:14et qu'ils ont un destin commun définitif.
54:21L'Europe s'est construite sur une succession de crises.
54:24Seconde guerre mondiale, choc pétrolier,
54:26chute du mur de Berlin.
54:28C'est dans la difficulté que la communauté européenne
54:31s'est constituée et a évoluée.
54:33Pour certains, cette crise n'est qu'une occasion supplémentaire
54:37de franchir un nouveau cap.
54:39Alors qu'ils sont dos au mur,
54:41les décideurs politiques doivent agir
54:43pour sauver le projet européen.

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