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Excerpt from "Story of My Life" by Giacomo Casanova (1725-1798)
with LIA and LIONEL BAILLEMONT
Images by Claudia Zeischka
Adaptation of the text and creation: Lionel Baillemont
©2024 OpheliaFilm
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Transcription
00:00Je voulais te raconter une histoire qui m'est arrivée à Paris, où j'avais fait récemment
00:26la connaissance d'un jeune Vénitien avec qui je devenais ami, et j'ai pris spécialement
00:33des notes afin d'être le plus précis possible dans ma narration.
00:36Un soir, nous nous rendîmes tous les deux à une soirée organisée chez Madame Lambertini.
00:42La nièce du Pape était aussi présente, et dès que cette folle a nouvi, elle sauta
00:51au coup de mon ami en l'appelant mon cher Comte Sifoie.
00:56Que lui vaut ce beau titre, Madame, ne puis-je m'empêcher de lui demander ? Ses exploits
01:06érotiques, Monsieur, me répondit-elle sans aucune gêne.
01:10J'ai passé sa réponse sous silence, n'étant pas certain de ce que je venais d'entendre.
01:18Plus tard dans la soirée, la prétendue nièce du Pape suggéra à l'Assemblée une partie
01:25de carte.
01:26Elle me proposa d'en être, je refusais, elle n'insista pas, me proposant plutôt
01:34de tenir compagnie à une jeune femme qui, me dit-elle, était sortie du couvent depuis
01:42à peine un mois.
01:45Une innocente, en quelque sorte.
01:47J'étais depuis quelques minutes auprès de cette jeune personne, occupée du seul plaisir
01:52de l'admirer, lorsqu'elle me demanda qui était ce beau monsieur qui parlait si étrangement
02:00le français.
02:01C'est mon ami vénitien qui a quitté il y a peu l'Italie à cause d'une affaire
02:05d'honneur, me répondis-je, et je suis fâché de constater qu'en moins de 24 heures, on
02:11me l'a gâté.
02:12Gâté comment ? me demanda-t-elle en retour.
02:17Je n'ose vous l'avouer, mademoiselle.
02:22Est-ce là un si grand secret que vous ne puissiez me le révéler ? insista-t-elle.
02:26Non, mademoiselle, loin de là, et puisque vous le désirez, je ne vous en ferai pas
02:31mystère.
02:32Je lui confie alors que Mme Lambertini, ayant trouvé mon ami à son goût, elle avait passé
02:39la nuit avec lui, et pour marquer la satisfaction qu'il lui avait donnée, elle l'avait affublée
02:44du surnom ridicule de Comte Sifflois.
02:48J'ajoutais que j'étais d'autant plus fâché que mon ami vénitien n'était pas
02:55un libertin.
02:56Après cette révélation, je vis la jolie figure de ma belle interlocutrice se couvrir
03:01de l'incarnat de la pudeur.
03:05Mais deux minutes après, juge de ma surprise, lorsque je l'entendis me demander, « Mais
03:15monsieur, qu'y a-t-il de commun entre coucher avec madame et le nom de Sifflois ? »
03:23Mademoiselle, la chose est toute simple, mon ami a rempli en une seule nuit un devoir qu'un
03:29mari met souvent six semaines à remplir avec sa femme.
03:32La belle, inconnue, rougit, mais je suis encore plus fâché d'une autre chose, ajoutais-je.
03:46Sachez que ce soir, de suite après le dîner, et en ma présence, il a...
03:56Seriez-vous donc jaloux, me dit-elle ? Moi, ça m'en faut, mademoiselle, lui confiais
04:05j'en suis.
04:06Mais je vous dirais que j'ai été humilié de ce que madame Lambertini m'a forcé de
04:10m'assurer, par moi-même, que mon ami était plus grand que moi de deux pouces, à quoi
04:23elle me répondit, « Pour le coup, on s'est moqué de vous, car vous êtes plus grand
04:29que votre ami ». Etouffant un début de rire, je lui répartis, « Ce n'est pas de cette
04:39grandeur qu'il s'agit, mademoiselle, mais bien d'une autre que vous pouvez imaginer,
04:46et dans laquelle mon ami est vraiment monstrueux ».
04:49« Monstrueux ? Mais que me contez-vous là, monsieur ? C'est horrible ».
04:55Pour autant, sur cet article, certaines femmes, qui ne vous ressemblent pas, aiment la monstruosité,
05:05alors, chérie, je les crois folles, même si je n'ai pas une idée bien nette de la
05:13chose pour me figurer la grandeur qui peut être appelée « monstrueuse ». Et je trouve
05:20singulier que cela ait pu vous humilier, car vous avez l'air fort bien proportionné.
05:25Au reste, si vous pensez ne pas l'être, je vous plains.
05:33J'osais alors lui répartir, « Je serais humilié de vous laisser dans le doute, mademoiselle.
05:40Ne voulez-vous pas en juger par vous-même ? »
05:44Ah, monsieur de Casanova, à une jeune femme qui sort à peine du couvent.
05:49Elle me répondit, « Je devrais vous en vouloir, mais je reconnais que c'est ma faute.
05:55Et je vous prie seulement d'être discrète. »
05:58Je pris alors sa jolie main, qu'elle m'abandonna bien volontiers.
06:05Puis elle la retira, toute étonnée d'avoir besoin de son mouchoir.
06:12« Qu'est-ce que cela ? » s'étonna-t-elle nerveusement.
06:16C'était donc une véritable ingénue.
06:20C'est ce qu'il y a de plus précieux dans les deux sexes.
06:24C'est ce qui renouvait le monde, lui susurrais-je à l'oreille, en toute discrétion.
06:54Sous-titrage Société Radio-Canada