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Extrait de Satire III (1665) de Nicolas Boileau (1636/1711)
Adaptation du texte & rôle de l'homme : Lionel Baillemont
Rôle de la femme : Alexandra Noisier
Costumes : Nathalie Hamel
Supervision des costumes : Claudia Zeischka
Musique : Jean-Philippe Rameau
Montage & Réalisation : Lionel Baillemont
https://opheliafilm.com/biographie-lionel-baillemont-2024/
Tourné en Camargue au mois de juin 2024
Remerciements à Monsieur Grossi-Méric
© Ophelia Film
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Transcription
00:00Je ne peux résister, mamie, à vous conter l'aventure auquel je viens d'échapper.
00:26Je sors de chez un sceau, qui pour m'empoisonner, je pense, exprès chez lui m'a forcé de dîner.
00:35Je l'avais vu venir. Depuis près d'une année, j'ai lu dès tous les jours sa poursuite obstinée.
00:41Mais hier, il m'aborde et me serre en la main. Ah, monsieur, m'a-t-il dit, je vous attends demain,
00:47n'y manquez pas au moins. J'ai quatorze bouteilles d'un vin vieux, personne n'en a de pareil.
00:54Molière, avec Tartuffe, il doit y jouer son rôle. Et Lully, le musicien, m'a donné sa parole.
01:01Ce matin donc, séduit par ses vaines promesses, j'y cours, midi sonnant, au sortir de la messe.
01:15À peine étais-je entré, que, ravi de me voir, mon homme, en m'embrassant, m'est venu recevoir.
01:22Et montrant à mes yeux une allégresse extrême, nous n'avons, m'a-t-il dit,
01:29ni Lully, ni Molière. Mais, puisque je vous vois, je me tiens trop content.
01:38Vous êtes un brave homme. Entrez, on vous attend.
01:43À ses mots, mais trop tard, reconnaissant ma faute, je le suis, en tremblant dans une pièce haute.
01:51Où, malgré les volets, le soleil irrité formait un poil ardent au milieu de l'été.
02:02Le couvert était mis dans ce lieu de plaisance, où j'ai d'abord trouvé, pour toute connaissance,
02:08deux nobles campagnards, grands liseurs de romans, qui m'ont dit tout montagne dans leur long compliment.
02:14Oh, montagne ! J'en rageais. Cependant, on apporte un potage.
02:23Un coq paraissait en pompeux équipage, qui, changeant sur ce plat et d'état et de nom,
02:29par tous les convits, fut renommé Chapon. Deux assiettes suivèrent, dont l'une était tornée
02:37d'une langue en ragoût de persil couronné, l'autre de boulettes, toutes brûlées par dehors,
02:44dont un beurre gluant inondait tous les bords. On s'assied. Mais d'abord, notre troupe serrée
02:51tenait à peine autour d'une table carrée, où chacun, malgré soi, l'un sur l'autre porté,
02:56faisait un tour à droite et mangeait de côté, jugé dans cet état si je pouvais me plaire,
03:01moi qui n'encourage ni le vin ni la chair. Comme je vous plains, mon pauvre ami.
03:08Notre hôte, cependant, s'adressant à la troupe, « Que vous semble, dit-il, du goût de cette soupe ? »
03:15J'approuvais prudemment de la mine et du geste, pensant qu'au moins le vin dut réparer le reste.
03:22Pour m'en éclaircir donc, j'en demande. Et d'abord, un laquet m'amène un verre,
03:30rempli à bord. Mais à peine ai-je senti cette liqueur très tresse, que de ces vins mêlés,
03:37j'en reconnus la dresse. Toutefois, avec l'eau que j'y mets à foison,
03:46j'espérais adoucir la force du poison. Mais qui l'aurait pensé ? Pour comble de disgrâce,
03:52par le chaud qu'il faisait, nous n'avions point de glace.
03:58Comme je vous comprends.
04:02Point de glace, mon dieu, dans le fort de l'été, au mois de juin.
04:09Êtes-vous sûr que vous ne grossissez pas un peu trop le trait ?
04:12Pour moi, j'étais si transporté qu'en voyant de fureur tout le festin au diable,
04:17je me suis vu vingt fois prêt à quitter la table. Et du temps me traiter de fantasque et bourru,
04:25j'allais sortir quand enfin le rôti parut.
04:30Tous ces seaux à l'instant changeant de contenance, ont loué du festin la superbe ordonnance.
04:38Quand notre autre, charmé, m'avisant sur ce point.
04:42Qu'avez-vous donc, dit-il, que vous ne mangez point ?
04:47Je vous trouve aujourd'hui l'âme toute inquiète, et les morceaux entiers restent sur votre assiette.
04:53Alors, sans un seul mot, j'avalais au hasard quelques ailes de poulet dont j'arrachais le lard.
05:01Un si galant exploit réveillant tout le monde, on a porté partout, oui, partout, des verres à la ronde.
05:10Et tandis que tous les convives transpirent, je gagne doucement la porte, sans rien dire,
05:17en songeant fermement que si pour l'avenir, en pareille collue, on me voit revenir,
05:24je sois maudit à jamais par Dieu et par diable, de ne plus jamais consentir le pareille table.
05:47Sous-titres réalisés para la communauté d'Amara.org