Nomination d’un Premier ministre : Emmanuel Macron au pied du mur
Avec Guillaume Bernard, politologue, auteur du livre “Le mouvement dextrogyre” aux éditions Desclée de Brouwer et Benjamin Morel, Politologue et maître de conférences en droit public à l'Université Paris II
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##LES_GRANDS_DEBATS_DU_MATIN-2024-08-27##
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00:00Le Grand Matin Sud Radio, 7h-10h, Jean-Marie Bordry.
00:04Il est 9h09 sur Sud Radio, toujours pas de fumée blanche qui sort de l'Elysée en direction de Matignon,
00:09toujours pas de nouveau gouvernement.
00:11Emmanuel Macron qui claque la porte à l'idée même d'un gouvernement du Nouveau Front Populaire
00:15qui serait, dit-il, immédiatement censuré par une bonne majorité des députés.
00:19Est-ce qu'Emmanuel Macron est dans son rôle en refusant un gouvernement NFP ?
00:24Laurie Leclerc, on en parle avec vous.
00:26Et oui, dans ce communiqué de l'Elysée, Emmanuel Macron explique vouloir garantir la stabilité institutionnelle
00:32en rejetant l'option de ce gouvernement issu du Nouveau Front Populaire
00:35qu'un tel choix ferait immédiatement face à la censure de plus de 350 députés.
00:40Évidemment, un refus dénoncé par l'ensemble de la gauche.
00:42Par exemple, le leader communiste, Fabien Roussel, demande une réponse populaire dans la rue.
00:46Le peuple doit écarter Emmanuel Macron, le forcené de l'Elysée.
00:49Ce sont les mots de François Ruffin, un coup de force antidémocratique pour l'insoumis.
00:54Manuel Bompard, La France Insoumise, qui va présenter une motion de destitution contre le président de la République.
00:59C'est l'annonce, la confirmation ce matin, de Jean-Luc Mélenchon.
01:02Alors, que va faire désormais Emmanuel Macron ? C'est quoi la suite des événements ?
01:06Un nouveau cycle de consultations qui s'ouvre dès aujourd'hui pour le président de la République
01:09avec les responsables des partis mais également des personnalités ayant mis leur expérience au service de l'Etat et de la République.
01:15Emmanuel Macron qui écarte La France Insoumise, le Rassemblement National et Éric Ciotti.
01:20De leur côté, le PLS et les écologistes boycottent ces nouvelles consultations.
01:25Ensuite, calendrier serré pour le chef de l'Etat avec demain la cérémonie d'ouverture des Jeux Paralympiques
01:30et puis un déplacement en Serbie jeudi et vendredi.
01:32En d'autres termes, c'est soit aujourd'hui, soit dans une petite semaine.
01:36Soit après les Paralympiques qui finissent le 8 septembre.
01:38Et pourtant, rappelez-vous, Emmanuel Macron avait promis que le choix du nouveau gouvernement serait rapide.
01:43Au terme des consultations, pour l'instant, on n'y est pas.
01:46Alors, qu'est-ce que vous en pensez, vous ? 0, 826, 300, 300.
01:49Vous êtes peut-être contre le Nouveau Front Populaire.
01:51Auquel cas, peut-être, serez-vous d'accord avec Emmanuel Macron qui refuse de nommer un gouvernement NFP ?
01:57Est-ce qu'au contraire, vous pensez qu'il aurait dû le faire ?
01:59Dans tous les cas, vous prenez la parole sur Sud Radio.
02:02Tout comme nos invités que nous accueillons avec plaisir.
02:05Guillaume Bernard, bonjour !
02:07Eh bien, bonjour !
02:09Sur Sud Radio, vous êtes politologue et auteur notamment de ce livre.
02:12Le mouvement d'extraugir s'est publié chez Desclés de Brouwer.
02:16Une thèse selon laquelle la droite est en train de se diriger vers la droite.
02:20En tout cas, ce n'est pas le gouvernement qui se tourne vers la droite pour l'instant.
02:23On est aussi avec notre autre invité, Benjamin Morel.
02:26Bonjour !
02:27Bonjour !
02:28Politologue également, maître de conférence en droit public à l'Université Paris 2.
02:31Benjamin Morel, ma première question, si vous le permettez, elle sera pour vous.
02:35D'abord, est-ce qu'Emmanuel Macron est dans son rôle en refusant de lui-même de nommer un gouvernement
02:42qui, dit-il, serait de toute façon censuré ?
02:45Constitutionnellement, le Président nomme un Premier ministre.
02:49L'objectif, ensuite, c'est que ce Premier ministre ne soit pas censuré.
02:52Il peut nommer qui il veut, mais à condition, ensuite, qu'il y ait 289 députés qui ne renversent pas.
02:58Il faut voir qu'on rentre dans une zone de turbulence.
03:00Il y est déjà, oui.
03:02Oui, mais le budget doit être déposé au Conseil pour les finances publiques le 15 septembre
03:06et ensuite au Parlement pour le 1er mardi du mois d'octobre.
03:09Donc, si jamais on commence à avoir des gouvernements qui sont renversés tous les 15 jours à partir d'octobre,
03:15ça devient très, très, très problématique.
03:17Donc là, en effet, il faut prendre des décisions.
03:19Mais le problème, si vous voulez, c'est qu'il n'y a pas de configuration majoritaire à l'Assemblée.
03:23Est-ce qu'il est dans son rôle ?
03:24Qu'aurait fait un Président allemand ? Qu'aurait fait un Président italien ?
03:27D'abord, il s'y serait pris plus tôt.
03:29Il aurait nommé un coordinateur, fut-il même du Nouveau Front Populaire.
03:33D'abord, peut-être, d'ailleurs, aurait-il été du Nouveau Front Populaire
03:35pour non pas être nommé directement à Matignon,
03:38mais trouver 289 députés, autrement dit, une majorité qui ne l'aurait pas renversée.
03:43À la place de ça, Emmanuel Macron définit les cas de la majorité
03:46qu'il peut lui-même envisager au regard aux consultations qu'il a directement faites
03:51alors qu'il est jugé parti, restreignant d'autant plus la capacité à construire une majorité.
03:56Parce qu'actuellement, il y a deux possibilités.
03:59Soit une majorité auquel tout ou partie du Nouveau Front Populaire se répare,
04:04mais les écolos et les socialistes ne se rendront pas plus au rend-compte qu'aux insoumis.
04:08Soit un gouvernement des centres, implicitement, si ce n'est soutenu, en tout cas pas renversé par le RN.
04:13Si vous expirez des négociations et le RN et le NFP,
04:17vous n'avez plus que la droite et le centre, ça fait 210 députés et ça tient 48 heures.
04:22Oui, ça tient 48 heures. On est parti, en gros, vers une période de nomination de gouvernement,
04:27de censure, de démission, de nomination de nouveau gouvernement.
04:30Ça peut durer longtemps comme ça, Guillaume Bernard ?
04:34Non, ça ne peut pas durer longtemps, dans la mesure où la Ve République est quand même marquée
04:40par l'idée que le chef de l'État nomme un gouvernement qui est au moins, je dirais,
04:48compatible avec lui et doit assurer une certaine stabilité à la continuité de l'État.
04:54Donc, qu'Emmanuel Macron refuse un gouvernement exclusivement NFP,
05:00ça ne me paraît pas être, pour le coup, purement politicien,
05:04dans la mesure où le NFP, contrairement à ce que disent ses membres, n'est absolument pas majoritaire.
05:10Il n'y a pas de majorité à l'Assemblée nationale. C'est quand même cela dont il faut parler.
05:17Il n'y a de possibilité, semble-t-il, de constituer un gouvernement qui ne soit pas trop loin,
05:25je dirais, de la majorité, qu'à la condition que le NFP implose et laisse de côté LFI.
05:33C'est à la fois l'intérêt d'Emmanuel Macron, évidemment, mais c'est aussi l'intérêt de Jean-Luc Mélenchon.
05:39C'est ce qu'on devrait peut-être voir dans les prochains jours.
05:46Maintenant, les choses étaient claires dès le mois de juillet.
05:51Alors, on va vous retrouver par téléphone, Guillaume Bernard, si vous le voulez bien, puisqu'on a un problème de liaison.
05:57On va vous rappeler par téléphone, ce sera plus simple, Guillaume Bernard.
06:00On a un problème de liaison, on a du mal à vous entendre.
06:02Mais justement, tiens, Benjamin Morel, vous êtes toujours avec nous, je le rappelle, politologue également.
06:07Pour l'instant, le Nouveau Front Populaire ne craque pas, ça finira peut-être par arriver,
06:12mais c'est le pari qu'a fait Emmanuel Macron avant le premier tour des législatives,
06:15c'est le pari qu'il a fait entre les deux tours, c'est le pari qu'il a fait après le second tour
06:19et c'est le pari qu'il fait toujours.
06:20Pour l'instant, les socialistes et les écologistes tiennent bon.
06:23C'est un pari qui montre que là-dessus, il comprend assez mal ce qui tient au Nouveau Front Populaire,
06:28parce que c'est un pari qui est fondamentalement perdant.
06:30Pourquoi ? Le pari, avant la dissolution, c'est de dire que la gauche va partir diviser.
06:34Regardez, elle a été très divisée lors des européennes.
06:36Certes, mais prenez les scrutins précédents.
06:39En 2022, la gauche fait moins de voix qu'en 2017.
06:42Elle a quatre fois plus de députés. Pourquoi ?
06:45Parce que quand vous partez dans le mode de scrutin majoritaire à deux tours,
06:49vous passez les premiers tours et donc vous gagnez des seconds.
06:52Quand vous partez diviser, vous êtes morts.
06:55Les socialistes et les écolos le savent.
06:57Il y a deux facteurs aujourd'hui qui tiennent le NSP et qui n'ont rien à voir avec les bise-bise stratégiques,
07:02parce que oui, ils ne sont pas d'accord sur le Front, mais ce n'est pas l'objet.
07:05Le premier élément, c'est que Jean-Luc Mélenchon dit le 7 juillet au soir qu'on a gagné.
07:09On a gagné, c'est tout programme, rien que le programme.
07:12Ça veut dire quoi à l'adresse de l'électorat de gauche, qui est très unitaire ?
07:15Il y a peut-être deux gauches irréconciliables dans les quatre, mais pas parmi les électeurs.
07:19Ça veut dire qu'on va arriver au pouvoir, et s'ils n'y arriveront pas,
07:23c'est parce que certains auront trahi.
07:25Il y aura des sociotraites, il y aura des écolotraites,
07:27qui auront été à la gamelle chez la majorité,
07:30et donc à partir de là, et je suis absolument d'accord avec ce qu'il a dit tout à l'heure,
07:33Jean-Luc Mélenchon apparaîtrait comme étant la seule figure de la gauche pour 2027,
07:37et c'est ce qu'il cherche.
07:39On est aussi en train de constater la perte d'attractivité de la majorité présidentielle.
07:45C'est-à-dire qu'il y a sept ans, c'était facile de débaucher des membres des Républicains et du PS,
07:51puisqu'on avait le vent en poupe.
07:53Ce n'est plus le cas aujourd'hui, et personne ne rejoint un bateau qui prend l'eau, en fait.
07:57Mais ce n'est pas que, c'est-à-dire qu'il faut prendre le deuxième facteur,
08:01parce qu'il est extrêmement important.
08:03Si jamais vous êtes député socialiste ou écolo,
08:06et que demain vous vous présentez, et qu'il n'y a plus de NSP,
08:08ça veut dire que vous avez un insoumis face à vous.
08:10Et cet insoumis, eh bien, il vous fait perdre le premier tour.
08:13Donc vous êtes sur un siège éjectable.
08:15Donc les socialistes et les écolos qui feraient ça, se feraient hara-kiri politiquement,
08:19et en effet, le centre est moins attractif.
08:21Tout bêtement, pas seulement parce qu'il a moins d'électeurs,
08:23mais parce que ces électeurs ne votent pas à gauche au second tour,
08:26ou en tout cas, beaucoup moins.
08:28Quand vous regardez l'électorat LR, et là c'est caricatural,
08:31l'électorat LR, en tout cas de second tour socialiste RN,
08:35préfère voter pour le RN,
08:37s'abstenir, que voter pour le socialiste.
08:39Donc une alliance au centre pour les socialistes et les écolos,
08:42c'est l'assurance, en fait, de se faire hara-kiri.
08:45Et donc vous pouvez ensuite développer tous les discours que vous voulez sur...
08:49Non, mais en fait, il y a des différences entre Luxembourg et Mélenchon.
08:51Non, mais en réalité, on peut vous faire des concessions sur tel ou tel point
08:55quand vous venez de la majorité présidentielle.
08:57La force d'inertie de nos fronts populaires,
08:59qui les fait tenir ensemble,
09:01qui en fait est une question de survie,
09:03c'est qu'il y a très peu de chance que ça explose.
09:05Personne ne veut prendre la responsabilité de la division à gauche, en tout cas,
09:09et surtout personne ne veut suicider avant la présidentielle
09:12qui devrait finir par arriver, Guillaume Bernard.
09:15Oui, bien sûr.
09:17Il est certain que la seule raison qui pourrait pousser
09:21une partie du NFP à quitter l'alliance avec Mélenchon,
09:25ce serait l'assurance que le prochain mode de scrutin
09:28pour les législatives, ce serait la proportionnelle.
09:31Parce que comme cela vient d'être dit,
09:33électoralement parlant, c'est le seul moyen pour eux
09:36de conserver leur siège et de continuer à exister,
09:39puisque c'est par la collusion avec le NFP,
09:43c'est par la cohésion effectivement avec l'ensemble des forces de gauche
09:46que ceux-ci ont obtenu un certain nombre de sièges.
09:50Donc si vous voulez, on se retrouve dans une situation
09:53où Macron est obligé d'essayer d'obtenir un gouvernement
09:58qui soit le moins de cohabitation possible pour lui,
10:02et de l'autre côté, effectivement, l'intérêt des autres forces politiques
10:06est d'essayer de montrer que Macron est minoritaire
10:10et qu'il est obligé de supporter un gouvernement de cohabitation.
10:14Il me semble quand même que les enjeux sont liés
10:20notamment à des questions à la fois de finances publiques
10:23et de renégociation des traités européens,
10:26et que dans les deux cas, de toute façon,
10:29les forces politiques aujourd'hui en présence,
10:31pas plus à gauche qu'à droite,
10:33n'ont véritablement une très grande marge de manœuvre.
10:35Alors où est-ce qu'on va rester avec nous ?
10:37On va en parler avec vous tous.
10:38La gauche crie, je cite ce matin,
10:41au déni de démocratie dans le refus d'Emmanuel Macron
10:44de l'envoyer à Matignon.
10:46Qu'est-ce que vous en pensez, vous 0826-300-300 ?
10:49Prenez la parole, parlons vrai sur Sud Radio.
10:51On se retrouve dans un instant avec nos invités.
10:53A tout de suite.
10:54Le Grand Matin Sud Radio, 7h-10h, Jean-Marie Bordry.
10:58Emmanuel Macron a-t-il raison de claquer la porte
11:00à l'éventualité d'un gouvernement nouveau front populaire ?
11:03Vous nous appelez 0826-300-300.
11:05On sera notamment dans un instant avec Jean-Pierre,
11:08qui nous appelle depuis Marseille.
11:09Bonjour Jean-Pierre.
11:10Oui, bonjour.
11:11On va vous donner la parole dans un instant.
11:12On est toujours avec nos deux invités.
11:14Benjamin Morel, d'une part,
11:16Guillaume Bernard, d'autre part.
11:19Chers amis, je le disais ce matin,
11:21la gauche crie au déni de démocratie.
11:23Elle a plus de députés que les autres.
11:24Elle estime donc que c'est à elle d'occuper Matignon
11:27et que donc Emmanuel Macron commette un déni de démocratie
11:30en lui refusant cette possibilité.
11:33J'aimerais vous faire écouter cet archive,
11:35qui date de 1986.
11:38A l'époque, le Président de la République était de gauche.
11:41Les élections législatives se jouaient à la proportionnelle.
11:44Il était bien parti pour les pertes, ces législatives,
11:47et il en parlait avec le journaliste Yves Morosy.
11:50Il devra tenir compte aussi, le Président de la République,
11:52des conditions de certains pour éventuellement être à vos côtés.
11:55Non, non, non.
11:57On ne pose pas de conditions au Président de la République.
11:59On ne pose pas de conditions au Président de la République,
12:02disait en s'étouffant d'un rire goguenard François Mitterrand.
12:05Qu'est-ce qui a changé ?
12:07Tiens, depuis cette époque, vous nous le direz,
12:09Guillaume Bernard, dans un instant.
12:10Mais Jean-Pierre, qu'est-ce qui a changé pour vous ?
12:13Ben écoutez, rien.
12:15On ne pose pas de conditions au Président de la République.
12:18Ce groupe de gauche,
12:21n'a pas la majorité absolue à l'Assemblée nationale.
12:24Contrairement au groupe RPR en 1986,
12:27qui aurait dû avoir une majorité super écrasante,
12:30qui a été rabotée par la proportionnelle.
12:33Donc, il n'y avait pas le choix pour François Mitterrand.
12:36Il y a le choix pour Emmanuel Macron,
12:39parce qu'un gouvernement avec des LSI, ça ne tiendrait pas une semaine.
12:42Donc, on assisterait au marathon des dominations,
12:46et puis derrière, à une démission du gouvernement,
12:48mis en minorité à l'Assemblée.
12:50Donc, ça n'aurait aucun sens.
12:51Pour une fois, je donne raison à ce Président.
12:54Et il a eu entièrement raison.
12:56Personne n'a envie d'un gouvernement composé d'extrémistes, de gauches et d'antisémites.
13:02En tout cas, personne dans ceux qui n'ont pas voté pour le Nouveau Front Populaire.
13:05Si je comprends bien votre point de vue.
13:07Qu'est-ce qu'il doit faire ?
13:08C'est la question que je vous pose, Jean-Pierre, d'ailleurs.
13:10Dans ce cas-là, si on écarte l'hypothèse...
13:13Il faudrait se rappeler dans quelles conditions
13:15des gens ont voté pour le Nouveau Front Populaire.
13:17Avec ces systèmes de désistement au second tour.
13:19Cette espèce de tripatouillage.
13:21Excusez-moi, il y en a qui ont voté Front Populaire,
13:24malgré qu'ils ont voté PS.
13:26Ils n'ont pas vraiment voté LSF de temps en temps.
13:29Donc, il ne faut pas l'oublier.
13:30Alors, que doit faire Emmanuel Macron pour vous, Jean-Pierre ?
13:32Il n'aura pas le choix.
13:34Pour une fois, il va vraiment devoir faire du en même temps.
13:37Avant, il faisait du en même temps avec son propre camp.
13:39C'est-à-dire qu'il menait sa majorité à la baguette.
13:43Aujourd'hui, il va devoir faire du vrai en même temps.
13:46C'est-à-dire avec des gens qui ne sont pas forcément d'accord avec lui,
13:50qui ne doivent pas forcément grand-chose dans leur élection.
13:53Et composer, parce qu'il n'aura pas le choix,
13:56un gouvernement, entre guillemets, d'union parlementaire.
13:59Voilà, sur quelques mesures.
14:01Le temps d'attendre, soit une nouvelle dissolution, soit pire.
14:05Ou mieux, selon les points de vue.
14:07Moi, j'électionne, j'ouvre le champagne.
14:10Bon, écoutez, en tout cas, on vous le laisse le mettre au frais.
14:13On verra bien ce qui se passera, mon cher Jean-Pierre.
14:15Merci de nous avoir appelé depuis Marseille, au 0826 300 300.
14:20Et oui, si on était dans une situation de blocage
14:23qui s'éterniserait avec des gouvernements qui tomberaient
14:25comme des dominos les uns après les autres.
14:27Censure après censure.
14:28Est-ce qu'Emmanuel Macron serait poussé ? Pourquoi pas.
14:30Tiens, elle a démission, on verra ça avec vous.
14:32Guillaume Bernard, d'abord.
14:34Je vous voyais sourire en entendant François Mitterrand.
14:36Ça y est, est-ce qu'on est vraiment rentré dans une époque
14:38où on peut se permettre de dicter des conditions au président de la République ?
14:43Non, je ne le crois pas.
14:45Je ne le crois pas parce que les institutions
14:47sont généralement quand même plus fortes que les personnes.
14:50Simplement, il y a une chose qui a changé,
14:52c'est qu'évidemment, on n'est plus dans un paysage politique,
14:56un spectre politique bipolaire
14:59où les jeux d'alliance étaient relativement simples
15:04et où le président de la République,
15:06eh bien, Galerie Giscard d'Estaing en 78,
15:09avait déjà envisagé la cohabitation
15:11et François Mitterrand a dû la subir,
15:13l'accepter en 1986.
15:16Là, on est quand même avec un spectre politique tripolaire
15:19où il y a des continuums idéologiques
15:22quand même entre la gauche et le centre
15:26plus fort qu'entre la droite,
15:28en particulier RN et le centre,
15:31mais où effectivement, il n'y a aucune majorité
15:34qui s'est véritablement dégagée.
15:36Donc, dans ces conditions, il me semble que,
15:38contrairement à ce que laisse dire ou laisse penser
15:42le Nouveau Front Populaire,
15:44c'est le président de la République qui, finalement,
15:46est maître du jeu.
15:48Ils ne se sentirent pas si mal que ça,
15:50à moins qu'il n'apparaisse une très grande lassitude
15:53dans l'opinion publique
15:55qui, au bout d'un moment, en aurait assez
15:57de, je dirais, du jeu politicien.
16:00En tout cas, on se dirige quand même
16:04vers une situation où
16:07une nouvelle dissolution
16:09paraîtrait assez logique
16:14pour essayer de rebattre les quatre.
16:17Oui, alors, Benjamin Morel,
16:19justement, vous êtes toujours avec nous sur Sud Radio.
16:21Imaginons qu'Emmanuel Macron
16:24compte absolument trouver un gouvernement
16:27dont il serait sûr qu'il ne serait pas censuré a priori.
16:29Est-ce qu'il peut se permettre de maintenir longtemps,
16:32constitutionnellement parlant,
16:34un gouvernement démissionnaire, celui de Gabriel Attal ?
16:36Alors, ce qu'il y a de magique avec la Vème République,
16:40c'est qu'elle n'assure pas forcément la stabilité politique.
16:43Regardez en 1968, sous les gilets jaunes,
16:45on a une stabilité institutionnelle totale,
16:47mais on a une stabilité politique profonde.
16:49Néanmoins, elle est là pour assurer la stabilité institutionnelle.
16:52Donc, il y a trois façons
16:54de mettre un président en porte-à-foule
16:57et potentiellement de le faire
17:00et de faire qu'il quitte sa fonction.
17:02Soit vous avez l'article 68 dont on a beaucoup parlé,
17:04qui est impraticable,
17:06parce que les majorités sont folles
17:08et qu'en fait, il est plus facile
17:10de supprimer la fonction du président de la République
17:12que de forcer un président de la République à la démission.
17:14Soit vous avez le rejet de tous les budgets.
17:17On y reviendra peut-être,
17:19mais même si ça paniquerait les marchés,
17:21on a quand même des instruments pour, bon an, mal an,
17:23arriver à exécuter un budget
17:25et donc refuser tous les budgets
17:27en espérant que le président l'admissionne.
17:29Ça ne marche que très difficilement.
17:31Ou bien il y a en effet le rejet de tous les gouvernements.
17:33Mais ce que nous apprend la séquence
17:35jusqu'à présent tout de même,
17:37c'est qu'un gouvernement démissionnaire
17:39a beaucoup de pouvoirs.
17:41Et eu égard à ce qu'on appelle la théorie des affaires courantes,
17:43on peut avoir un gouvernement démissionnaire
17:45dont les pouvoirs s'accroissent avec le temps.
17:48Plus votre gouvernement démissionnaire tient longtemps,
17:50plus il voit au nom de l'urgence
17:53des choses tomber dans son escarcelle
17:55qui a priori n'en relevaient pas,
17:57même potentiellement, pour être prudent,
17:59parce qu'on n'a pas de jurisprudence,
18:01mais même potentiellement le fait de proposer un budget,
18:03de le poser au Parlement,
18:05et de le faire voter et ensuite de l'exécuter.
18:07Entre un conseil constitutionnel
18:09qui devrait annuler un tel budget
18:11parce que le gouvernement démissionnaire
18:13serait considéré comme un compétent
18:15et un vrai shutdown à la française,
18:17il est assez probable que le conseil constitutionnel
18:19préférerait le moindre mal,
18:21c'est-à-dire valider la chose
18:23plutôt que de mettre le pays à terre.
18:25Donc, pour cette raison-là,
18:27juridiquement, ça peut tenir très longtemps.
18:29Politiquement, évidemment, c'est plus compliqué
18:31parce que vous comprenez bien que si on fait tout ça,
18:33on met le couvercle de
18:35la stabilité institutionnelle
18:37sur la cocotte minute de l'instabilité politique,
18:40et un jour ou l'autre,
18:42la pression fait que ça explose.
18:44Sauf qu'Emmanuel Macron, on en a vu d'autres,
18:46il a traversé la crise des Gilets jaunes,
18:48il a traversé le Covid,
18:50il semble bien, Guillaume Bernard, qu'on soit coincé avec lui
18:52jusqu'à ce qu'il daigne changer d'avis.
18:55En tout cas, jusqu'à ce que son mandat se termine
18:57parce qu'il est clair que ce qui affaiblit
18:59aujourd'hui Emmanuel Macron,
19:01c'est peut-être moins la situation
19:03politique que le fait qu'il
19:05ne peut pas se représenter.
19:07Et ça lui donne,
19:09d'un autre côté, effectivement,
19:11une certaine marge de manœuvre, parce que
19:13ne pouvant pas, a priori, être de nouveau
19:15candidat à la présidentielle de 2027,
19:17eh bien, il peut
19:19finalement avoir les mains
19:21plus libres. Il est à la fois
19:23moins, je dirais, engagé dans la vie
19:25politique parce qu'il n'a pas
19:27continué pour obtenir un troisième mandat,
19:29mais en même temps, justement, après-mois
19:31le déluge, peut-il se dire.
19:33Oui, après-mois le déluge. Malgré tout, rappelez-vous cette image.
19:35C'était quelques jours après la
19:37réélection d'Emmanuel Macron
19:39à la présidence de la République.
19:41Il venait à nouveau
19:43d'être intronisé et
19:45il embrassait Marisol Touraine, l'ancienne ministre.
19:47Elle lui disait à l'oreille, maintenant, ça y est,
19:49tu peux faire tout ce que tu veux.
19:51C'était le début de son second mandat, c'était avant
19:53les législatives 2022.
19:55C'est quand même tout le contraire qui se sera passé,
19:57Benjamin Morel.
19:59Ah oui, c'est-à-dire qu'on a un président qui, aujourd'hui,
20:01malgré tous les contraintes, c'est-à-dire que
20:03le président de la Ve République,
20:05en droit, il a des pouvoirs d'exception.
20:07L'article 16, l'article 12, des choses
20:09dont il ne se sert a priori pas tous les quatre matins.
20:11En revanche, sinon, c'est un président
20:13d'un vrai régime parlementaire. Autrement dit,
20:15sans un gouvernement qu'il tient
20:17et sans une majorité parlementaire à sa vote,
20:19il a très peu de pouvoir.
20:21La Ve République avait quand même été pensée
20:23pour gérer des gouvernements minoritaires.
20:25Il ne faut jamais oublier que, dans ce pays,
20:27il n'y a pas de majorité absolue avant 1962.
20:29Les instructions de la Ve République
20:31sont construites pour gérer
20:33la situation politique
20:35qui était celle de 2022 à 2024.
20:37Ça, 49, Amina 3, etc.
20:39Michel Debray avait pensé à tout.
20:41En revanche, l'absence totale de majorité
20:43s'agresse fondamentalement
20:45la capacité d'action du président de la République
20:47parce qu'il n'a pas un gouvernement à sa vote
20:49qui peut déposer des projets de loi, etc.
20:51Ce faisant, on a un président
20:53qui aujourd'hui, pour les raisons
20:55qui ont été évoquées, ne peut pas se représenter.
20:57Il ne tient même pas sa propre majorité.
20:59De l'autre côté, parce qu'il ne détient
21:01pas cette majorité à l'Assemblée
21:03qui aurait la capacité de contrôler
21:05un gouvernement et donc
21:07de lui donner quasiment l'ensemble des pouvoirs,
21:09c'est qu'on a un président
21:11aujourd'hui qui peut
21:13en effet profiter de ce rôle d'arbitre
21:15un petit peu parce qu'il y a
21:17un désordre de la vie politique, mais il n'a plus
21:19la capacité d'agir
21:21comme Jupiter.
21:23Ce n'est plus la présidence impériale qu'on a connue
21:25de 2017 à 2022.
21:27Oui, ça c'était avant, ça c'est très clair.
21:29Écoutez, en tout cas, on suivra la suite
21:31de la situation. Je le rappelle,
21:33les consultations à l'Élysée reprennent.
21:35Tous les partis politiques
21:37sauf le Rassemblement National,
21:39ses alliés, et la France Insoumise,
21:41sauf aussi les écologistes et le Parti
21:43Socialiste qui boycottent
21:45ces consultations. Emmanuel Macron
21:47qui rencontrera par ailleurs des personnes
21:49qui ont déjà démontré leur service,
21:51leur sens du service de l'État.
21:53Je n'en dis pas plus. On verra si c'est un indice
21:55sur l'identité du prochain ou de la prochaine
21:57Première Ministre. Merci à tous les deux
21:59d'avoir pris la parole sur Sud Radio.
22:01Benjamin Morel, professeur de droit public et
22:03politologue, et Guillaume Bernard, politologue
22:05également, auteur de ce livre,
22:07Le Mouvement d'Extraordinaire. C'est publié
22:09chez Desclés de Brouwer. Il est 9h34
22:11sur Sud Radio. Après la politique,
22:13place au crime, justement.
22:15Les grandes histoires criminelles françaises.
22:17C'est avec Julie Rigoulet, du Nouveau Détective,
22:19et c'est dans un instant.