Réveil chez les fous _ Pierre Bellemare

  • le mois dernier
Réveil chez les fous _ Pierre Bellemare
Transcript
00:00:00Toutes nos histoires sont tirées de faits réels,
00:00:03et pour préserver l'anonymat des protagonistes,
00:00:05des comédiens interprètent leur rôle.
00:00:25L'histoire que je vais vous raconter maintenant défie l'imagination.
00:00:30Je vous demande néanmoins de la croire, car, aussi étrange soit-elle,
00:00:34elle est bien sûr parfaitement authentique.
00:00:38Nous sommes en Normandie.
00:00:40Félix Chartier exploite une petite ferme avec Antoine, son neveu.
00:00:44Une entreprise modeste, quelques vaches, des poules, des lapins, un grand verger,
00:00:48juste de quoi permettre aux deux hommes de subsister.
00:00:52Félix n'a pas bonne réputation,
00:00:54et le jeune Antoine qui l'a recueilli après le décès accidentel de ses parents
00:00:58ne vaut guère mieux.
00:01:00En effet, tous deux s'adonnent assidûment à la boisson,
00:01:04et leurs sautes d'humeur sont légendaires.
00:01:08Ne pouvant faire face aux travaux ménagers,
00:01:10ils prennent à leur service Émilie, 18 ans,
00:01:13qui a grandi dans le village voisin.
00:01:16Tout se passerait sans doute bien,
00:01:19si la beauté innocente de la jeune fille
00:01:22ne tardait pas à mettre le feu aux poudres.
00:01:26C'est ma ferme, là.
00:01:28Enfin, c'est celle de l'oncle Félix, quoi.
00:01:30C'est lui qui m'a élevé.
00:01:32C'est là que j'ai grandi.
00:01:34Maintenant, c'est moi qui m'en occupe, pas tout seul.
00:01:39Je sais pas si j'ai envie de parler de tout ça.
00:01:42Émilie, elle est arrivée ici, c'était au mois de janvier,
00:01:45c'était juste après Noël.
00:01:47Elle avait 18 ans, moi j'en avais 30.
00:01:49Ça s'est passé au mois de juin.
00:01:52Elle était chaude, elle était jolie.
00:01:55Son chemisier était un peu ouvert.
00:01:58Moi, j'avais bien un peu bu, mais bon.
00:02:00Je voulais qu'elle m'enlève une tâche de vin
00:02:02que je m'étais fait sur la chemise.
00:02:04Après, ça s'est approché,
00:02:06puis je me rappelle plus de rien.
00:02:08Le gendarme Ferrand a suivi cette affaire.
00:02:12Les Chartiers, ils sont connus dans la région.
00:02:15Félix, il avait plus de 60 ans,
00:02:17il avait déjà un casier judiciaire sérieux.
00:02:20Il a été accusé d'avoir tué un homme
00:02:22un soir de bagarre dans un café, 40 ans plus tôt.
00:02:26Il a fait 10 ans de prison.
00:02:28Malgré tout, après sa sortie, c'est lui qui a élevé Antoine.
00:02:32Ses parents sont morts quand il était tout mou.
00:02:36Félix, je l'ai toujours connu renfrogné et pas très bavard.
00:02:40Je pense qu'il n'avait déjà plus toute sa tête.
00:02:43Il a toujours eu un faible pour la bouteille.
00:02:45Antoine, c'est pareil.
00:02:47Il a dû l'habituer tout jeune.
00:02:51Après l'affaire de la disparition d'Emilie,
00:02:53tout le village ne parlait que d'eux.
00:02:55Tout ce que je sais, c'est qu'elle était partie.
00:02:57Félix, il n'était pas cousin.
00:02:59Le soir, je suis allé me coucher.
00:03:01Le lendemain, les choses ont repris comme d'habitude.
00:03:03J'avais des pommiers à traiter.
00:03:06Je n'ai pas osé en parler à Félix.
00:03:09Je savais bien que quand j'avais bu, je risquais de faire des conneries.
00:03:12Les jours d'après, il ne m'en a pas parlé non plus.
00:03:16C'est la patronne du café, madame Simone,
00:03:18qui a appris qu'Emilie avait disparu.
00:03:20Alors elle nous a appelés, mais ça faisait déjà plusieurs jours
00:03:23qu'elle était soi-disant partie.
00:03:25Je suis allé à la ferme des Chartiers,
00:03:27et Antoine, il nous a dit qu'il y avait eu une dispute
00:03:30et qu'elle n'était plus à leur service.
00:03:32Je demande à visiter.
00:03:34Mes soupçons ont vite été confirmés.
00:03:36Ses affaires étaient encore dans sa chambre,
00:03:38comme si elle allait revenir d'une minute à l'autre.
00:03:40Quand on s'en va, on prend au moins quelques vêtements en général.
00:03:43Le contenu des poubelles n'a fait que réaffirmer ce que nous savions.
00:03:46Félix et Antoine avaient beaucoup bu, comme à leur habitude.
00:03:50Jeanne Ventelon est une psychologue spécialisée
00:03:53dans les comportements alcooliques.
00:03:55Elle a étudié le cas des Chartiers.
00:03:58Un alcoolique ne se définit pas seulement
00:04:01en fonction de la quantité d'alcool absorbée.
00:04:03En fait, l'alcoolisme se définit par le lien de dépendance
00:04:08qui unit l'individu à l'alcool.
00:04:11Pour la personne dépendante,
00:04:13l'alcool est un auxiliaire de vie indispensable.
00:04:18Elle ne parvient pas à s'arrêter de boire.
00:04:20Cela lui crée des problèmes au sein de son foyer.
00:04:23Dans sa vie active, elle a des pertes de mémoire.
00:04:27Le cas de Félix et d'Antoine Chartier est typique.
00:04:30Non seulement ils boivent beaucoup,
00:04:33mais de manière très régulière,
00:04:35ils ne peuvent pas s'en passer.
00:04:37Néanmoins, ses effets personnels n'ont pas quitté sa chambre.
00:04:41Il y a là, dans un tiroir, son porte-monnaie,
00:04:44son agenda ouvert à la date du jour de sa disparition.
00:04:48Le gendarme Ferrand décide d'ouvrir une enquête
00:04:51et de placer Félix et Antoine Chartier en garde à vue
00:04:54pour les interroger.
00:04:56Nous n'avions pas à proprement parler de preuves.
00:04:59Nous n'avons pas parlé de preuves.
00:05:01Nous n'avons pas parlé de preuves.
00:05:03Nous n'avons pas parlé de preuves.
00:05:05Le gendarme a proprement parlé de preuves,
00:05:08mais de fortes présomptions.
00:05:10Nous sommes allés les chercher pour les placer en garde à vue.
00:05:13Pour eux, c'était une catastrophe
00:05:15de laisser les poules, les vaches et les lapins.
00:05:17Il était question d'un homicide.
00:05:19Pour nous, pas de discussion.
00:05:21Bon, Antoine...
00:05:23Antoine continue à nier,
00:05:25tandis que Félix était...
00:05:27Il était dans un état de grande agitation.
00:05:30Il a très mal supporté des transcellules.
00:05:32Peut-être que ça lui rappelait de mauvais souvenirs.
00:05:34On a trouvé un taux de près de 3,5 g d'alcool
00:05:37dans l'analyse de sang
00:05:39faite à Félix Chartier
00:05:41à l'arrivée de sa garde à vue.
00:05:43Il avait une très grande habitude de boire,
00:05:45car il est très rare
00:05:47de pouvoir supporter
00:05:49un tel taux sans sombrer dans le coma.
00:05:52Compte tenu de son âge
00:05:54et de l'ancienneté de sa dépendance alcoolique,
00:05:56il est probable qu'il ait eu
00:05:58aussi une atteinte neurologique,
00:06:00ce qui est malheureusement fréquent
00:06:02dans ce genre d'alcoolisme très grave.
00:06:05Et Félix est pris
00:06:07d'un de ces délires aigus d'alcoolisme.
00:06:10On a été obligés
00:06:12d'appeler l'ambulance.
00:06:14Félix a été conduit
00:06:16en hôpital psychiatrique
00:06:18où le diagnostic de démence a été confirmé.
00:06:20Le vieil homme a été interné
00:06:22et rapidement dépossédé de ses droits.
00:06:24Félix hospitalisé,
00:06:26c'est au tour d'Antoine
00:06:28d'avoir des visions.
00:06:30C'était terrible de voir
00:06:32comme il était devenu, donc, Félix.
00:06:34Il était bien un peu bourru,
00:06:36mais enfin bon, il n'était pas fou, quoi.
00:06:38On aurait dit qu'il était devenu quelqu'un d'autre.
00:06:40On ne le reconnaissait plus.
00:06:42On ne parlait, on ne comprenait rien.
00:06:48Quand les infirmiers sont arrivés,
00:06:50là, ça m'a fait comme un déclic.
00:06:52Et tout à coup, ça m'est revenu, là.
00:06:54Ça m'est revenu comme un film dans la tête.
00:06:56J'étais dans la cuisine.
00:06:58J'avais un peu bu.
00:07:00Emilie, elle était là avec son chemisier
00:07:02qui me provoquait.
00:07:04J'ai essayé de l'attraper.
00:07:06Elle s'est débattue.
00:07:08Je lui ai mis un coup de poing dans le ventre
00:07:10et elle est tombée par terre.
00:07:12Là, Félix est descendu
00:07:14et c'est lui qui l'a étranglé.
00:07:16Je l'ai aidé à porter le corps
00:07:18et on l'a mis dans une mare devant la ferme.
00:07:20Je ne comprenais pas très bien
00:07:22pourquoi Félix aurait tenté de l'étrangler
00:07:24quand c'est Antoine qui cherchait à l'attraper.
00:07:26Il faut dire qu'ils ne s'entendaient pas bien, tous les deux.
00:07:28Félix, il l'a trouvée provoquante.
00:07:30Il n'avait pas tort.
00:07:32Un jour, ils se sont disputés. Je ne sais plus pourquoi.
00:07:34Il l'a traité d'enfant de l'adas.
00:07:36Alors elle, elle lui a dit
00:07:38qu'elle préférait sortir de l'adas
00:07:40que de sortir de tôle.
00:07:42Et ça, Félix, il n'aimait pas trop.
00:07:44Alors quand il l'a vue par terre,
00:07:46qu'il ne bougeait pas...
00:07:48Oui, nous avons enregistré
00:07:50sa déposition.
00:07:52Puis nous avons fait appel à une brigade spécialisée
00:07:54pour aller chercher la pièce d'eau.
00:07:56D'accord.
00:07:58Alors, la brigade a sondé toute la mare
00:08:00sans rien trouver.
00:08:02Donc, je leur ai demandé d'assécher la pièce d'eau.
00:08:04Le cadavre y était forcément.
00:08:06Après plusieurs jours de travail,
00:08:08les hommes sont revenus à nouveau bredouilles.
00:08:10On était assez surpris.
00:08:12Et on est allé chercher Antoine Chartier
00:08:14pour reprendre l'interrogatoire.
00:08:16Puis les gendarmes, ils sont revenus me voir.
00:08:18Je ne leur avais pas tout dit. Je ne sais pas pourquoi.
00:08:20Félix, il m'avait dit
00:08:22qu'il n'avait pas de place.
00:08:24Il ne voulait pas que je sache où il avait mis.
00:08:26Il voulait me protéger, quoi.
00:08:28Il ne voulait pas que j'aille en prison.
00:08:30Nous avons mis
00:08:32toute une équipe sur le coup.
00:08:34Il fallait retrouver ce corps.
00:08:36Nous avons d'abord pensé
00:08:38qu'il l'avait brûlé
00:08:40parce qu'il restait un tas de cendres
00:08:42d'un feu assez important à l'arrière de la ferme.
00:08:44Mais l'analyse des cendres n'a rien donné.
00:08:46Alors nous avons fait une battue
00:08:48dans tout le village et les bois environnants.
00:08:50Nous avons cherché avec des chiens
00:08:52auxquels nous avons fait sentir les vêtements d'Amélie.
00:08:54Sans succès.
00:08:56En dépit des efforts déployés,
00:08:58le corps de la jeune femme reste introuvable.
00:09:00Le juge décide néanmoins
00:09:02de clore l'enquête.
00:09:04S'appuyant sur les aveux complets d'Antoine Chartier,
00:09:06il l'inculpe de complicité d'homicide.
00:09:08Son oncle,
00:09:10interné dans un service psychiatrique,
00:09:12échappe au jugement.
00:09:14Quelques mois plus tard,
00:09:16alors qu'Antoine est en détention préventive,
00:09:18un événement extraordinaire
00:09:20bouleverse
00:09:22la vie paisible du village.
00:09:24Quand je suis sorti
00:09:26de la gendarmerie,
00:09:28moi aussi je suis resté sans voix.
00:09:30Je me suis pincé
00:09:32pour être sûr que je rêvais pas.
00:09:36Pour être sûr
00:09:38que c'était bien Émilie Janvier
00:09:40et pas sa soeur ou un sosie,
00:09:42je lui ai demandé ses papiers.
00:09:44Et aussi incroyable que cela puisse paraître,
00:09:46bien vivante,
00:09:48elle a accepté de témoigner.
00:09:50Moi, c'est simple, j'étais partie.
00:09:52J'avais eu trop peur avec ces deux fous.
00:09:54Un gars qui montait sur Bayeux
00:09:56m'a proposé de me conduire.
00:09:58J'ai mis
00:10:002-3 jours à trouver du boulot.
00:10:02Puis j'ai été embauchée ici.
00:10:06Au départ,
00:10:08j'avais peur d'y retourner.
00:10:10Puis j'en ai parlé à la patronne
00:10:12qui m'a dit d'aller réclamer mon mois.
00:10:14Qu'il ne m'avait pas payée
00:10:16et d'en profiter pour récupérer mes affaires.
00:10:18Un homme risquait la prison à perpétuité
00:10:20pour avoir été complice dans son assassinat.
00:10:22Elle nous regardait comme si on exagérait.
00:10:24Alors, je lui demandais
00:10:26de nous raconter dans le détail
00:10:28ce qui s'est passé dans la ferme des Chartiers
00:10:30ce soir de juin 1998.
00:10:32Il faisait une chaleur à crever, je me souviens.
00:10:34J'avais la chemise qui me collait à la peau.
00:10:38Surtout qu'on ne chômait pas chez les Chartiers.
00:10:40Je faisais la vaisselle,
00:10:42la lessive à la main,
00:10:48la cuisine,
00:10:50je nettoyais leurs immondices.
00:10:52Tous les soirs, ils buvaient.
00:10:54Moi j'en profitais pour filer
00:10:56dans ma chambre avant qu'ils arrivent
00:11:00pour éviter les ennuis.
00:11:02Mais là,
00:11:04ils avaient dû être fatigués
00:11:06par la chaleur.
00:11:08Ils étaient rentrés plus tôt.
00:11:12Le vieux...
00:11:14Le vieux Félix était monté.
00:11:16Il restait qu'Antoine en bas.
00:11:20Il m'appelle, avec son air aviné.
00:11:24Il voulait que je lui nettoie la tâche de vin
00:11:26qu'il avait sur sa chemise.
00:11:28« Tu parles ! »
00:11:30Je n'ai pas répondu.
00:11:32Mais il a insisté.
00:11:34Puis c'est retourné.
00:11:36J'ai essayé de me pousser,
00:11:38mais j'étais coincée par la table.
00:11:40Alors il m'a attrapée.
00:11:42Il a essayé de me soulever la jupe
00:11:44avec ses grosses mains.
00:11:48Je peux vous dire que j'ai eu peur.
00:11:50J'ai hurlé.
00:11:52Mais là-bas, c'est loin de tout.
00:11:58Alors...
00:12:00Je me suis débattue.
00:12:02J'avais pas l'intention de me laisser faire,
00:12:04mais je sais pas ce qu'il s'est passé.
00:12:06Il a dû me donner un coup de poing dans le plexus.
00:12:08Tout a tourné,
00:12:10et je suis tombée à terre.
00:12:12Quand j'ai repris connaissance,
00:12:14j'ai vu Antoine qui farfouillait
00:12:16dans le tiroir où il y avait les couteaux.
00:12:18J'ai entendu Félix descendre.
00:12:20J'ai pas demandé mon reste,
00:12:22je suis partie ventre à terre.
00:12:24Tout ça était pour le moins curieux.
00:12:26Je lui ai demandé si Félix avait tenté de l'étrangler.
00:12:28Mais elle était catégorique.
00:12:30Il voulait absolument me faire dire
00:12:32que Félix avait cherché à m'étrangler.
00:12:34Mais c'est pas comme ça que ça s'est passé.
00:12:36Félix descendait de sa chambre,
00:12:38mais il était encore dans l'escalier
00:12:40quand je suis partie.
00:12:42Mais je pouvais pas raconter
00:12:44quelque chose qui s'était pas passé.
00:12:46Mais ça a été long.
00:12:48Ils m'ont emmenée chez le juge.
00:12:50Il a fallu encore que je répète
00:12:52la même histoire.
00:12:54Intrigué,
00:12:56le magistrat convoque Émilie à son tour
00:12:58pour l'interroger plus en détail.
00:13:00La jeune fille réitère son témoignage
00:13:02qui est en complète contradiction
00:13:04avec les aveux d'Antoine.
00:13:06Qui dit la vérité ?
00:13:08Si la jeune fille dit vrai,
00:13:10Chartier est innocent.
00:13:12Alors pourquoi s'accuse-t-il ?
00:13:14Son attitude est parfaitement incompréhensible.
00:13:18Des faux témoignages, ça existe,
00:13:20mais rarement dans ce sens-là.
00:13:22Alors on est retournés voir Antoine dans sa cellule.
00:13:24Ils sont venus me dire qu'Émilie était vivante.
00:13:26J'ai cru qu'ils voulaient que je devienne fou à mon tour.
00:13:32Et alors quand je l'ai vue,
00:13:34j'ai cru que j'allais tomber.
00:13:38J'ai eu envie de boire un verre.
00:13:40Ils m'ont emmenée chez le psychologue.
00:13:42Le cas d'Antoine Chartier est assez rare
00:13:44mais très intéressant.
00:13:46Il a été établi qu'Antoine Chartier
00:13:48avait commencé à boire très jeune.
00:13:50Il était déjà à un stade de dépendance
00:13:52important au moment de l'adolescence.
00:13:54Cela faisait donc plus de 15 ans
00:13:56que cet homme vivait
00:13:58avec une quantité très excessive
00:14:00d'alcool dans l'organisme.
00:14:02Au-delà des conséquences
00:14:04sur sa santé physique
00:14:06et son comportement,
00:14:08il avait développé une psychose,
00:14:10maladie qui le faisait sortir
00:14:12par moment de la réalité.
00:14:14C'est assez fréquent que l'alcoolisme
00:14:16s'accompagne d'un désordre mental.
00:14:18Il avait ce qu'on appelle des hallucinations,
00:14:20c'est-à-dire qu'il avait
00:14:22une perception faussée du monde réel.
00:14:24Il a très sincèrement cru
00:14:26qu'il avait vu
00:14:28ce qu'il a raconté.
00:14:30Mais les faits n'ont pourtant existé
00:14:32que dans son imagination.
00:14:34Condamné à une peine de 6 mois de prison
00:14:36avec sursis et à payer 2000 francs d'amende
00:14:38pour coups et blessures
00:14:40et faux témoignages,
00:14:42Antoine est asteint à suivre
00:14:44une cure de désintoxication alcoolique
00:14:46dans un centre spécialisé.
00:14:48Une fois guéri,
00:14:50il reprend l'exploitation agricole de son oncle
00:14:52et reste abstinent.
00:14:54Dans cette étrange affaire,
00:14:56une question reste en suspens.
00:14:58Si Émilie Janvier
00:15:00n'était pas réapparue dans le village,
00:15:02que serait-il
00:15:04advenu de lui ?
00:15:06Antoine aurait-il passé
00:15:08le plus clair de sa vie derrière les barreaux
00:15:10en s'accusant d'être le complice
00:15:12d'un crime
00:15:14qu'il n'avait pas commis ?
00:15:20Un beau jour,
00:15:22un homme disparaît.
00:15:24Ses proches s'inquiètent.
00:15:26La police enquête.
00:15:28Sans succès.
00:15:30L'homme reste introuvable.
00:15:32Il s'est volatilisé.
00:15:34Il est comme effacé
00:15:36de la surface de la planète
00:15:38avant de réapparaître
00:15:406 ans plus tard.
00:15:42Cette histoire extraordinaire
00:15:44n'a pas provoqué le déferlement médiatique
00:15:46à l'époque où elle s'est déroulée.
00:15:48Peu de journaux en ont parlé.
00:15:50Elle est pourtant exemplaire
00:15:52et scandaleuse.
00:15:54C'est pourquoi je l'ai sélectionnée
00:15:56dans mes archives
00:15:58pour vous la livrer
00:16:00dans toute son authenticité.
00:16:02L'homme qui a mystérieusement
00:16:04disparu pendant 6 ans,
00:16:06le voici.
00:16:08Il s'appelle Claude Lenoir-André
00:16:10et il s'est réveillé un jour
00:16:12à l'hôpital.
00:16:14Je me suis réveillé sans avoir la moindre idée
00:16:17Un médecin m'a demandé mon nom.
00:16:19Je lui ai dit Lenoir.
00:16:21J'avais la bouche pâteuse.
00:16:23Puis il a continué
00:16:25à parler de moi à des infirmiers
00:16:27comme si je n'étais pas là.
00:16:29Il s'est dirigé vers la porte
00:16:31alors je voulais lui demander des explications.
00:16:33Et c'est seulement à ce moment-là
00:16:35que je me suis rendu compte que j'étais attaché.
00:16:37Attaché à un lit.
00:16:39J'ai essayé
00:16:41de parler, de hurler.
00:16:43Il n'y avait qu'un grognement
00:16:45qui sortait de ma bouche.
00:16:47Le médecin a dit aux infirmiers
00:16:49d'augmenter ma dose
00:16:51jusqu'à 6 ans.
00:16:55Alors j'ai fermé les yeux
00:16:57pour rassembler mes esprits.
00:16:59Je me suis souvenu
00:17:01d'une lumière éclatante.
00:17:05Une lumière d'été, la montagne.
00:17:07Il y avait la foule,
00:17:09des gens qui criaient.
00:17:11C'était le Tour de France.
00:17:13J'y étais allé seul.
00:17:15La tête de cours s'est arrivée.
00:17:17Une bousculade a suivi.
00:17:19J'ai ressenti une douleur
00:17:21atroce au ventre.
00:17:23Je me suis écroulé.
00:17:25L'infirmier à qui a soigné
00:17:27Claude Lenoir-André
00:17:29se rappelle de ce jour particulier.
00:17:31Ce jour-là, il y avait un monde fou
00:17:33dans la salle d'attente.
00:17:35On avait des cas d'insulation,
00:17:37de déshydratation, des entorses diverses.
00:17:39On était totalement débordés par les bobologies.
00:17:41Les policiers et les gendarmes ont déposé cet homme aux urgences.
00:17:43Il était comateux.
00:17:45Mon collègue m'a tendu sa fiche.
00:17:47Lenoir-André, 31 ans.
00:17:49Je tenais un coup de tampon
00:17:51pour valider son admission.
00:17:53J'ai envoyé directement au service de neurologie.
00:17:55Comme sa fiche le réclamait.
00:17:57Après la première injection, tout est devenu flou et brumeux.
00:17:59Une femme m'a demandé mon nom.
00:18:01Elle l'a aussitôt noté sur un carnet
00:18:03et m'a dit qu'un médecin allait s'occuper de moi.
00:18:05Bien sûr, si j'avais pu deviner
00:18:07ce qui allait se passer, je me serais enfui en courant.
00:18:09Mais dans l'état où j'étais,
00:18:11est-ce que j'en avais la force ?
00:18:13À l'époque, le docteur Landlois
00:18:15était interne en psychiatrie.
00:18:17Je vous rappelle, je suis en rendez-vous.
00:18:19Le cas de Claude Lenoir-André est un mauvais souvenir.
00:18:21Je me souviens, vu l'état de désorientation
00:18:23de M. Lenoir,
00:18:25nous avons décidé de le placer sous perfusion
00:18:27et de lui administrer des soins
00:18:29à base de noréliptiques.
00:18:31Son état était peu évolutif.
00:18:33Trois semaines après son admission,
00:18:35il me semble,
00:18:37je l'ai interrogé.
00:18:39Il n'était tout juste capable de bredouiller des mots
00:18:41que je n'ai pas compris.
00:18:43En écoutant les conversations autour de moi,
00:18:45j'avais compris que j'étais dans un hôpital psychiatrique.
00:18:47Mais j'étais incapable de me faire comprendre
00:18:49à cause des médicaments qu'on me donnait.
00:18:51J'arrivais à penser,
00:18:53mais j'étais incapable de parler.
00:18:5518 jours.
00:18:57Cela fait maintenant
00:18:5918 jours que Claude Lenoir-André
00:19:01est cloué sur Aïd Hôpital.
00:19:03Mais
00:19:05qui était-il
00:19:07quelques instants avant qu'il soit percuté
00:19:09par un coureur cycliste ?
00:19:11Un célibataire sans histoire
00:19:13pour son boulanger,
00:19:15un brillant mathématicien
00:19:17pour ses confrères,
00:19:19un passionné du Tour de France pour ses amis.
00:19:21Désormais,
00:19:23pour le personnel médical,
00:19:25il est devenu un malade
00:19:27atteint de schizophrénie.
00:19:29Comment
00:19:31un tel cataclysme a-t-il pu se produire ?
00:19:33Peut-être faut-il
00:19:35chercher la réponse
00:19:37au moment de l'admission du blessé
00:19:39à l'hôpital.
00:19:41Bien sûr qu'on vérifie
00:19:43les dossiers médicaux. Qu'est-ce que vous croyez ?
00:19:45On accueille des centaines de patients chaque année dans ce service.
00:19:47On n'avait jamais eu ce problème auparavant.
00:19:49M. Lenoir était victime
00:19:51d'un incroyable concours de circonstances.
00:19:53Le dossier de M. Lenoir
00:19:55justifiait une hospitalisation d'urgence
00:19:57en service de psychiatrie.
00:19:59Pris d'une crise de démence,
00:20:01il s'est exposé nu comme un vert
00:20:03à sa fenêtre. Il a vu des gestes obscènes
00:20:05envers les passants et puis
00:20:07il s'est enfermé chez lui avec sa carabine
00:20:09à l'arrivée de la police.
00:20:11J'imagine que le préfet a signé son
00:20:13internement sans aucune hésitation.
00:20:15Maintenant, si vous le voulez bien,
00:20:17reprenons les éléments
00:20:19de cet incroyable quiproquo.
00:20:21D'un côté,
00:20:23nous avons Claude,
00:20:25Lenoir André,
00:20:2731 ans,
00:20:29mathématicien.
00:20:31De l'autre, André,
00:20:33Lenoir,
00:20:3535 ans, agriculteur.
00:20:37Bien évidemment, les deux hommes n'ont
00:20:39rien en commun si ce n'est une assez
00:20:41vague homonymie.
00:20:43Mais pour autant,
00:20:45dans la confusion qui a prévalu
00:20:47à son admission, Claude a été
00:20:49interné en service psychiatrique
00:20:51à la place d'André.
00:20:53De nos jours,
00:20:55une telle erreur serait inimaginable.
00:20:57À l'époque,
00:20:59j'étais une toute jeune biochimiste.
00:21:01J'effectuais un stage à l'hôpital.
00:21:03Je travaillais pour un gros laboratoire pharmaceutique.
00:21:05J'accompagnais le docteur Langlois
00:21:07dans ses visites.
00:21:09Et c'est là que j'ai vu Claude pour la première fois.
00:21:13Il était comateux.
00:21:15Mais je n'oublierai jamais son regard
00:21:17étrangement doux.
00:21:19J'étais complètement abruti par les médicaments.
00:21:21Ils me laissaient peu de répit.
00:21:23Quelques heures de lucidité par jour.
00:21:25J'avais quand même remarqué
00:21:27que les médecins décisionnaires
00:21:29passaient à mon chevet tous les mardis-matins.
00:21:31Alors j'ai eu l'idée d'un plan.
00:21:33Il fallait absolument
00:21:35que je révèle mon identité,
00:21:37que j'arrive à démontrer
00:21:39que j'étais victime d'une erreur médicale,
00:21:41que je n'avais rien à faire dans un service psychiatrique.
00:21:43Alors,
00:21:45comme j'étais un patient calme,
00:21:47les infirmiers étaient
00:21:49moins vigilants.
00:21:51J'ai donc pu dissimuler mes médicaments.
00:21:53Je faisais semblant de les prendre,
00:21:55je les cachais sous ma langue,
00:21:57et puis j'ai recraché discrètement.
00:21:59Et le mardi suivant,
00:22:01mes lèvres avaient retrouvé
00:22:03leur mobilité.
00:22:05Alors j'ai à nouveau demandé aux médecins
00:22:07la raison de mon internement.
00:22:11Il s'est contenté de me tapoter l'épaule.
00:22:15Et j'avais repéré aussi
00:22:17une infirmière.
00:22:19Elle était plus douce que les autres,
00:22:21plus compréhensive.
00:22:23J'avais remarqué qu'elle avait toujours
00:22:25un stylo feutre dans la poche de sa blouse.
00:22:27Alors je ne sais pas ce qui m'a pris.
00:22:29Je lui ai sauté dessus
00:22:31et j'ai pris le stylo.
00:22:33Quand Claude s'est jeté sur moi pour s'emparer de mon stylo,
00:22:35j'ai bien cru qu'il allait m'agresser.
00:22:37Alors j'ai failli hurler,
00:22:39bien sûr.
00:22:41D'ailleurs le médecin aussi a été étonné.
00:22:43Il lui a demandé pourquoi il faisait ça.
00:22:45Et Claude, vous savez ce qu'il a répondu ?
00:22:47Je suis un très grand mathématicien,
00:22:49donc je n'ai rien compris sur le champ.
00:22:51Monsieur Lenoir a écrit sur le mur de sa chambre
00:22:53une formule mathématique très compliquée.
00:22:55J'ai redouté que mon patient
00:22:57entre dans une crise aiguë.
00:22:59Alors j'ai fait appel à deux aides-soignants
00:23:01pour m'aider à le maîtriser.
00:23:03Ils se sont mis à trois
00:23:05pour que j'arrête.
00:23:07Je criais, je me débattais,
00:23:09je leur montrais la formule sur le mur
00:23:11en leur disant
00:23:13« Mais vous voyez bien que je ne suis pas celui que vous croyez. »
00:23:15Et puis,
00:23:17ils m'ont fait une piqûre de calmant et
00:23:19je me suis endormi.
00:23:21J'étais sidérée
00:23:23quand j'ai vu que Claude écrivait sans erreur
00:23:25l'équation de Vizhnevski.
00:23:27C'est une équation à trois variables.
00:23:29Je le sais, j'ai fait des études de mathématiques
00:23:31en parallèle de mes études de biochimie.
00:23:33J'ai même une licence.
00:23:35J'ai dit à Nicole Calder que certains malades
00:23:37pouvaient avoir parfois
00:23:39des comportements absolument surprenants.
00:23:41Elle a plaidé en faveur du malade.
00:23:43Elle m'a dit que cette formule,
00:23:45comment l'appelle-t-on,
00:23:47Vizhnevski, je crois, ne pouvait être connue
00:23:49que d'authentiques mathématiciens.
00:23:51Elle a tellement insisté
00:23:53que j'ai demandé à l'administration
00:23:55d'ouvrir une enquête sur le passé professionnel
00:23:57de M. Lenoir.
00:23:59Quand j'ai repris connaissance,
00:24:01la première chose que j'ai vue, c'était Nicole,
00:24:03la jeune infirmière.
00:24:05Elle me souriait.
00:24:07Et j'ai compris à son regard que quelque chose, enfin,
00:24:09avait changé.
00:24:11J'ai éclaté en sanglots.
00:24:13Je pensais que mon cauchemar
00:24:15allait enfin se terminer.
00:24:17Et j'ai enfin pu parler au médecin
00:24:19qui m'a dit que j'étais interné
00:24:21depuis un an.
00:24:23Un an. Un an.
00:24:25Vous vous rendez compte ?
00:24:27J'arrivais pas à le croire.
00:24:29Je me suis demandé
00:24:31comment cet homme prétendu fou
00:24:33pouvait-il avoir des connaissances
00:24:35aussi pointues en matière de mathématiques ?
00:24:37Alors là, je me suis dit,
00:24:39il y a quelque chose qui va pas.
00:24:41Et si depuis des mois,
00:24:43il disait vrai que son internement
00:24:45avait été qu'une grande erreur depuis le début ?
00:24:47S'il était pas fou en fin de compte ?
00:24:49Malheureusement,
00:24:51l'heure de la délivrance n'a pas encore sonné.
00:24:53Car Claude est interné
00:24:55depuis un an,
00:24:57et le traitement neurologique qu'il a subi
00:24:59a gravement perturbé
00:25:01son métabolisme.
00:25:03Deux malades sains,
00:25:05et hospitalisé arbitrairement,
00:25:07il est devenu un patient véritable.
00:25:09Et son état complique
00:25:11les procédures.
00:25:13Comment lui accorder la liberté
00:25:15alors qu'il présente aujourd'hui des troubles du comportement ?
00:25:17D'autant que l'administration,
00:25:19bien sûr,
00:25:21rechigne à reconnaître son erreur.
00:25:23Et pendant six mois,
00:25:27j'ai dû me soumettre
00:25:29à une série d'expertises et de contre-expertises.
00:25:31J'étais devenu
00:25:33le jouet des médecins.
00:25:35C'était épuisant,
00:25:37totalement angoissant.
00:25:39Vous savez,
00:25:41c'est très difficile de prouver qu'on n'est pas faux.
00:25:43Mais heureusement,
00:25:45Nicole restait toujours
00:25:47à mes côtés.
00:25:49Si elle avait pas été là,
00:25:51j'aurais jamais supporté une épreuve comme ça, moi.
00:25:53Ça avait été vraiment long et pénible
00:25:55de faire reconnaître par le préfet et par les médecins
00:25:57que Claude avait été interné
00:25:59par erreur.
00:26:01Pourquoi ? Parce que ça remettait en cause
00:26:03tout le système médical, avec ses mandarins.
00:26:05La psychiatrie, l'hôpital, ses méthodes.
00:26:07Peu à peu,
00:26:09j'ai retrouvé le goût de vivre.
00:26:11Quand les médecins ont commencé
00:26:13à diminuer et à supprimer
00:26:15les neuroleptiques, j'ai retrouvé toute mon énergie
00:26:17et mes facultés mentales.
00:26:19Mais pour autant, on ne m'a pas libéré.
00:26:21On m'a seulement permis
00:26:23de quitter ma chambre pour enseigner
00:26:25les mathématiques à des adultes,
00:26:27à l'intérieur de l'hôpital.
00:26:29Au début, je l'avoue, je me sentais responsable
00:26:31de Claude.
00:26:33Après tout, c'est moi qui l'avais sorti
00:26:35de son cauchemar. C'est moi qui avais vu
00:26:37la première qu'il n'était pas fou.
00:26:39Je lui ai donné
00:26:41des nouvelles du monde extérieur.
00:26:43Je l'ai poussé à reprendre contact
00:26:45avec ses amis, avec sa famille
00:26:47qui le croyaient disparu.
00:26:51J'ignore quand Nicole et Claude sont vraiment tombés amoureux
00:26:53l'un de l'autre. C'est vrai que dans le service,
00:26:55on avait remarqué qu'ils passaient beaucoup de temps ensemble.
00:26:57Mais quand c'est devenu sérieux
00:26:59et que le mot mariage a commencé à circuler,
00:27:01M. Lenoir est venu me trouver
00:27:03et il m'a dit, j'épouserai Nicole
00:27:05en homme libre. Vous m'avez pris en otage.
00:27:07Rendez-moi ma liberté.
00:27:11J'ai intenté un procès
00:27:13avec
00:27:15Nicole et quelques amis qui m'ont aidé
00:27:17à faire pression sur le ministère de la Santé
00:27:19en alertant les journaux.
00:27:21Mais j'ai dû attendre encore six mois avant que ma plainte
00:27:23soit jugée reçoable.
00:27:25Mon avocat avait demandé
00:27:27deux millions de francs de dommages
00:27:29et intérêts pour internement abusif.
00:27:31Et finalement, je n'ai eu que cent mille francs.
00:27:33Parce qu'un expert
00:27:35avait conclu son rapport
00:27:37en arguant que ma santé mentale
00:27:39avait nécessité un an
00:27:41d'hospitalisation.
00:27:43J'ai même pas fait appel.
00:27:45J'étais épuisé.
00:27:47Et puis déçu par le jugement.
00:27:49Et puis surtout, j'étais libre.
00:27:51Et ça, à ce moment-là, c'était vraiment la seule chose
00:27:53que je pouvais compter.
00:27:55Pourquoi accorde-t-on seulement à Claude
00:27:57un an de dommages et intérêts ?
00:27:59Cruauté du sort,
00:28:01parce que l'administration estime
00:28:03que le faux malade n'a pas
00:28:05signalé plus tôt le quiproquo,
00:28:07parce qu'il a tardé à se manifester
00:28:09et à faire état de sa véritable
00:28:11identité.
00:28:13Ensuite,
00:28:15en ce qui concerne les cinq années suivantes
00:28:17d'internement abusif,
00:28:19le malade, présentant des troubles réels
00:28:21du comportement,
00:28:23il était de la responsabilité des médecins
00:28:25de le garder sous surveillance.
00:28:27Quant au vrai André Lenoir,
00:28:29personne ne sait ce qu'il est devenu.
00:28:31Claude enseigne
00:28:33aujourd'hui la physique dans un lycée privé,
00:28:35car au vu de son passé psychiatrique,
00:28:37l'Éducation nationale a refusé
00:28:39de lui accorder un poste.
00:28:41Seule consolation
00:28:43à cette tragique mésaventure,
00:28:45Claude file maintenant
00:28:47des jours heureux, enfin,
00:28:49avec la femme de sa vie.
00:28:59L'histoire qui nous intéresse maintenant
00:29:01est particulièrement atroce,
00:29:03et je dois dire que j'ai même hésité
00:29:05à la sélectionner au nombre
00:29:07d'effets divers de cette série.
00:29:09Elle pose en fait deux questions majeures
00:29:11qui alimentent régulièrement
00:29:13les chroniques judiciaires.
00:29:15Les conséquences d'une passion
00:29:17pour l'inculpable ?
00:29:19Seconde interrogation, dans quelles mesures
00:29:21police et justice peuvent-elles parvenir
00:29:23à mettre à jour la vérité
00:29:25quand l'inculpé est un diabolique simulateur ?
00:29:27Mon père venait de mourir,
00:29:29ma mère était abattue.
00:29:31Elle s'était mariée à 18 ans
00:29:33et en avait 50.
00:29:35Vous pouvez imaginer le choc.
00:29:37Dès les premières semaines,
00:29:39elle est tombée dans une dépression terrible.
00:29:41Elle refusait de sortir, de voir ses amis.
00:29:43J'étais son seul contact avec le monde extérieur.
00:29:45J'étais son seul appui.
00:29:49Et moi, je voulais à tout prix
00:29:51qu'elle refasse sa vie.
00:29:53Donc c'est moi qui ai pris l'initiative
00:29:55d'acheter un journal de rencontres
00:29:57avec des annonces matrimoniales.
00:29:59J'avais demandé conseil à Marie,
00:30:01la mère d'un ami qui venait de rencontrer
00:30:03un homme grâce à ce journal.
00:30:05Et Marie est d'accord pour faire profiter
00:30:07Michel de son expérience.
00:30:09J'ai trouvé que l'idée de Michel
00:30:11était très bonne.
00:30:13C'est pour ça que j'ai connu mon homme.
00:30:15Mais je l'avais prévenu.
00:30:17Il fallait pas que sa mère s'emballe
00:30:19et accepte trop vite les rendez-vous.
00:30:21J'ai fait part à ma mère du conseil de Marie.
00:30:23Mais bon, le jour où elle est venue me voir
00:30:25en me disant qu'elle partait quelques jours
00:30:27à la campagne rencontrer un homme
00:30:29qui avait passé une annonce,
00:30:31j'ai pas réussi à l'en dissuader.
00:30:33Elle avait l'air tellement heureuse.
00:30:35J'allais pas tout gâcher.
00:30:37Mais bon, j'en ai quand même parlé à Marie.
00:30:39Quand Michel m'a raconté ça,
00:30:41ça m'a fait penser à une annonce
00:30:43à laquelle j'avais répondu quelques mois auparavant
00:30:45et qui m'avait semblé louche.
00:30:47J'avais correspondu de trois lettres
00:30:49avec un homme
00:30:51qui assistait pour me faire venir chez lui.
00:30:53J'avais proposé un rendez-vous
00:30:55dans un café.
00:30:57Mais il avait refusé.
00:30:59Il me proposait toujours de venir dans sa ferme.
00:31:01J'ai préféré tout arrêter.
00:31:03Et donc je ne l'ai jamais vu.
00:31:05Mais bien sûr, je ne voulais pas
00:31:07non plus inquiéter Michel.
00:31:09Quand j'y repense,
00:31:11ça me laisse au sang.
00:31:13Ma mère était métamorphosée.
00:31:15L'homme de l'annonce,
00:31:17Anatole Baudry, puisque c'est son nom,
00:31:19lui avait donné rendez-vous
00:31:21dans sa maison de campagne tout près d'Aix-en-Provence.
00:31:23Elle avait l'air tellement heureuse.
00:31:25Elle était allée chez le coiffeur.
00:31:27On plaisantait en...
00:31:29en faisant ses bagages, ses valises.
00:31:31Et puis surtout, elle m'avait demandé conseil
00:31:33sur un petit tailleur
00:31:35qu'elle voulait porter.
00:31:37Quand je l'ai embrassé sur le quai de la gare,
00:31:39j'imaginais tout, sauf ça.
00:31:41Deux cinquante, s'il vous plaît.
00:31:43Merci.
00:31:45J'ai téléphoné le soir même à Michel
00:31:47pour lui demander s'il connaissait le nom de la personne
00:31:49que sa mère allait rencontrer.
00:31:51Quand il m'a dit
00:31:53Anatole Baudry, j'ai tout de suite fait la connexion.
00:31:55C'était le même homme.
00:31:57Je lui ai dit de faire très attention.
00:31:59Mais il m'a répondu
00:32:01que sa mère lui avait promis
00:32:03de lui passer des coups de fil tous les soirs.
00:32:05Bien.
00:32:07Merci. Au revoir.
00:32:09Dès le premier jour, ma mère m'a appelé pour me raconter son arrivée à la ferme
00:32:11et son étonnement,
00:32:13et encore, le mot est faible,
00:32:15quand elle a vu que c'était une femme
00:32:17qui avait ouvert la porte.
00:32:19Mais très vite, lui, il est arrivé,
00:32:21il lui expliquait qu'il était en instance de divorce
00:32:23et que sa femme, dont il était déjà séparé,
00:32:25était juste venu récupérer quelques affaires.
00:32:27Mais bon, ma mère était quand même
00:32:29très mal à l'aise.
00:32:31Surtout que
00:32:33l'ex-femme ne semblait pas vraiment pressée de repartir.
00:32:35En dépit
00:32:37de cette présence embarrassante,
00:32:39Raymond de Lussac séjourne
00:32:41trois jours dans la ferme de son nouveau compagnon.
00:32:43Trois jours de bonheur
00:32:45terminés néanmoins par la présence obstinée
00:32:47de sa soi-disant ex-épouse
00:32:49qui saisit le moindre prétexte
00:32:51pour retarder son départ annoncé.
00:32:53Léonard Vieil,
00:32:55qui tient un bistrot non loin de la ferme,
00:32:57se souvient de l'étrange trio
00:32:59que formaient Raymond
00:33:01et le couple Baudry.
00:33:03Ça fait 20 ans que je suis installé là.
00:33:05Et depuis quelque temps,
00:33:07j'ai été intrigué par ces femmes
00:33:09seules quand ils se présentaient
00:33:11à l'entrée de la ferme.
00:33:13C'est pas grand-chose par ici, alors...
00:33:15On observe le passage.
00:33:19Alors bien sûr, à l'apéro, ça faisait chasser.
00:33:21On en riait même.
00:33:23On se disait que
00:33:25le couple Baudry
00:33:27organisait des rencontres érotiques.
00:33:29Si on avait su...
00:33:31Ça faisait 4 jours
00:33:33que ma mère était partie.
00:33:35C'était un matin,
00:33:37elle a téléphoné, et là, j'ai vraiment commencé à m'inquiéter.
00:33:41Elle disait qu'elle voulait rentrer à la maison,
00:33:43elle n'en pouvait plus de cette situation ambiguë.
00:33:47Elle était tellement anxieuse
00:33:49comme si elle avait eu un pressentiment.
00:33:51Mais moi, je sais pas pourquoi.
00:33:55Je lui ai demandé de rester
00:33:57un jour de plus, de donner une autre chance
00:33:59à cette histoire.
00:34:01Surtout de demander des explications
00:34:03à cette anatole.
00:34:07Finalement, c'est moi qui l'ai convaincu
00:34:09de rester.
00:34:11Elle avait une petite voix
00:34:13quand j'ai raccroché.
00:34:19Ce qui nous a le plus étonné,
00:34:21c'est les volets qui restaient fermés de la maison.
00:34:23Et que personne ne sortait de la ferme.
00:34:25Trois jours plus tard,
00:34:27on a vu arriver un jeune homme.
00:34:29Il s'est présenté à l'entrée de la ferme,
00:34:31il a sonné, mais personne ne lui a répondu.
00:34:33Alors il est venu au bistrot,
00:34:35et il nous a expliqué qu'il cherchait sa mère,
00:34:37qu'il essayait de la joindre par téléphone toute la journée,
00:34:39mais personne ne répondait.
00:34:41Et c'est là qu'il nous a expliqué l'histoire des petites annonces.
00:34:45On n'en revenait pas.
00:34:49Quand ils m'ont dit que le couple Baudry
00:34:51était toujours marié,
00:34:53et qu'ils vivaient ensemble,
00:34:59là je me suis vraiment,
00:35:01je me suis vraiment vraiment inquiété.
00:35:03Et c'est à ce moment-là que
00:35:05le patron du bistrot m'a amené chez les gendarmes.
00:35:07Je me souviens parfaitement du fils.
00:35:09Il m'a expliqué toute l'histoire,
00:35:11les petites annonces,
00:35:13le séjour à la ferme.
00:35:15Au début, je voyais pas très bien
00:35:17ce qu'on pouvait faire.
00:35:19Après tout, sa mère était majeure et vaccinée,
00:35:21si vous voyez ce que je veux dire.
00:35:23Mais quand Léonard, le patron du bistrot,
00:35:25m'a dit que ça faisait
00:35:27plusieurs mois que des femmes seules
00:35:29venaient à la ferme, chez les Baudry,
00:35:31là je me suis dit que ça méritait
00:35:33qu'on aille faire un tour.
00:35:35Et malheureusement,
00:35:37la suite l'a prouvé,
00:35:39ça valait le déplacement.
00:35:41Les gendarmes se rendent
00:35:43avec Michel Lussac chez les époux Baudry.
00:35:47Une fois sur place,
00:35:49on entend les gendarmes qui ont été frappés à la porte.
00:35:51Personne répondait.
00:35:53Alors c'est le lieutenant qui a ouvert la porte.
00:35:55Et là, on est tombé sur le couple Baudry,
00:35:57gentiment installé dans la télévision.
00:36:01Tout de suite, moi je leur ai demandé,
00:36:03mais où est ma mère ? Qu'est-ce que vous avez fait d'elle ?
00:36:07Et là, ils m'ont même pas répondu.
00:36:11Ils ont juste détourné le regard.
00:36:15On a fouillé toute la maison,
00:36:17aucune trace de la mère.
00:36:19Et puis un collègue est revenu de la grange,
00:36:21il était blanc comme un linge,
00:36:23il trouvait plus ses mots.
00:36:27Il nous a fait signe de passer les menottes au couple Baudry
00:36:29et 5 minutes après,
00:36:31on a découvert l'horreur.
00:36:33Et dans la grange des Baudry,
00:36:35les gendarmes et Michel Lussac
00:36:37vont faire une découverte macabre.
00:36:41Là, ils ont soulevé des bâches de terre
00:36:43et on est tombé
00:36:47sur des cadavres.
00:36:51Il y en avait qui devaient être là
00:36:53depuis déjà pas mal de temps
00:36:55parce que c'était impossible
00:36:57de pouvoir les identifier.
00:37:01Et puis surtout, il y avait le cadavre de ma mère.
00:37:03Je la reconnais immédiatement,
00:37:05elle avait le petit tailleur
00:37:07qu'on avait essayé ensemble.
00:37:09Moi, je voulais les tuer ces salopards.
00:37:11Je me suis précipité sur eux,
00:37:13j'ai hurlé.
00:37:15Mais c'est les gendarmes qui m'ont retenu.
00:37:19Ils avaient tué maman.
00:37:21Les époux Baudry sont arrêtés
00:37:23et conduits à la gendarmerie
00:37:25pour y être interrogés.
00:37:27Tandis que madame Baudry
00:37:29se mure dans le silence,
00:37:31son mari passe à des aveux complets.
00:37:35Lui, il a tout de suite craqué.
00:37:39Remarquez, c'est ce qu'il avait de mieux à faire.
00:37:43Mais c'est le pourquoi de ses actes
00:37:45le plus étonnant.
00:37:47Il nous a expliqué que c'était par amour
00:37:49pour sa femme qu'il avait accepté
00:37:51de passer les annonces matrimoniales
00:37:53et qu'à l'arrivée,
00:37:55c'est elle qui les tuait.
00:37:57Elle,
00:37:59le monstre qui refusait
00:38:01de répondre à toutes nos questions,
00:38:03qui ne décrochait pas un mot.
00:38:05Encore aujourd'hui,
00:38:07quand vous revenez de son gars,
00:38:09il vous est froid dans le dos.
00:38:13Quand les gendarmes m'ont raconté les aveux du mari,
00:38:15je ne revenais pas.
00:38:17D'après Anatole Baudry,
00:38:19sa femme aurait sombré dans la folie meurtrière
00:38:21le jour où elle l'aurait découvert au lit avec une autre femme.
00:38:23Elle serait rentrée dans la chambre
00:38:25et là, elle les aurait découvert.
00:38:27Là, elle aurait abattu sa première victime
00:38:29d'un coup de carabine.
00:38:31Et c'est depuis ce jour-là
00:38:33que cette folle a fait ce qu'elle a voulu de son mari.
00:38:35En fait, la machination était absolument sordide.
00:38:39Le mari avait signé un véritable pacte
00:38:41avec le diable,
00:38:43si vous voyez ce que je veux dire.
00:38:45En quelque sorte, il faisait son marché
00:38:47pour sa femme.
00:38:49Oh, il avait le droit de la tromper.
00:38:51Mais en échange,
00:38:53il devait ramener ses maîtresses à la maison.
00:38:55Et là,
00:38:57c'est elle qui s'en occupait.
00:38:59J'étais horrifié.
00:39:01Entre l'autre qui décrochait pas un mot
00:39:03et le mari qui prétendait
00:39:05qu'il avait pas eu le choix
00:39:07et que sa femme l'avait menacé de se tuer ou de le tuer.
00:39:11C'était ça, son explication.
00:39:13Il aurait fait tout ça par amour.
00:39:19Est-ce qu'il y trouvait pas aussi son compte, ce salopard ?
00:39:23Est-ce que lui aussi, il aimait pas aller voir
00:39:25ses pauvres femmes traquées jusqu'à la mort ?
00:39:29Moi, je vous le dis,
00:39:31c'est deux monstres.
00:39:35Tandis qu'Anatole Baudry poursuit ses révélations
00:39:37sur les circonstances du carnage,
00:39:39son épouse refuse
00:39:41de desserrer les dents.
00:39:43Après six mois
00:39:45d'instruction, face au silence
00:39:47obstiné de la prévenue,
00:39:49le juge décide de la confier
00:39:51à des psychiatres pour déterminer
00:39:53la gravité de son autisme.
00:39:57Elle était muette comme une tombe.
00:39:59On a tout essayé.
00:40:03La psychologie,
00:40:05l'intimidation,
00:40:07rien à faire.
00:40:11Quant à son regard,
00:40:13il était noir,
00:40:15vraiment noir,
00:40:17comme son âme.
00:40:19Pour moi, c'est clair.
00:40:21Elle simulait la folie pour échapper à la prison.
00:40:23Mais j'en veux surtout aux médecins qui l'ont examinée.
00:40:25Ils l'ont gardée deux ans avant de se prononcer
00:40:27sur sa soi-disant folie.
00:40:29Pour ça,
00:40:31elle était forte.
00:40:33Elle a bien joué son rôle.
00:40:35Pas prononcer un mot pendant deux ans.
00:40:37À qui c'est le genre de brouillé ?
00:40:39Le monsieur,
00:40:41et la demoiselle, c'est là.
00:40:43C'est dans la presse
00:40:45que j'ai lu
00:40:47que la bonne femme, la cinglée,
00:40:49elle ne parlait pas.
00:40:51Ça ne m'a pas étonné.
00:40:53Déjà au village, on ne la voyait pas trop.
00:40:55Il faut quand même être une vraie sorcière
00:40:57pour rester enfermée toute la journée,
00:40:59toute sa vie, sans sortir.
00:41:03C'était une folle,
00:41:05le cinglé, cette bonne femme.
00:41:07Quand les psychiatres ont rendu leur rapport,
00:41:09j'étais fou de rage.
00:41:11Mais de toute façon,
00:41:13ça ne m'a même pas étonné.
00:41:15Ils ont conclu que
00:41:17ces meurtres avaient été commis
00:41:19par une femme démente et que du coup,
00:41:21elle ne pouvait être ni jugée,
00:41:23ni emprisonnée.
00:41:27Même si son mari a pris 30 ans,
00:41:29ça n'a pas calmé ma douleur.
00:41:33C'était elle,
00:41:35la véritable meurtrière.
00:41:37La suite des événements confirme
00:41:39malheureusement les soupçons de Michel Lussac.
00:41:43Une fois le verdict rendu,
00:41:45la déclarant inapte à être jugée,
00:41:47Mme Baudry murmure
00:41:49au gardien qui la raccompagne
00:41:51à l'hôpital psychiatrique.
00:41:53Un temps magnifique
00:41:55pour prendre un peu de repos, n'est-ce pas ?
00:41:57Le policier tombe dénu
00:41:59et signale le fait au juge
00:42:01qu'il ne peut plus revenir sans sa décision.
00:42:03Pour échapper à la prison,
00:42:05la meurtrière multirécidiviste
00:42:07avait simulé la folie
00:42:09pendant plus de deux ans.
00:42:21Je me souviens que cette histoire,
00:42:23qui a défrayé la chronique il y a quelques années,
00:42:25m'avait semblé exemplaire à bien des égards.
00:42:27Et je vous la raconte
00:42:29telle qu'elle fut relatée à l'époque par la presse.
00:42:31Francis Barbier a 19 ans.
00:42:33Il n'est pas un mauvais bougre,
00:42:35mais la vie ne l'a pas ménagée.
00:42:37Abandonné par son père, élevé par sa mère
00:42:39qui s'épuise à la tâche,
00:42:41sans travail,
00:42:43il chapparde et vivote de petits larcins.
00:42:45Puis il s'aguerrit
00:42:47et cambriole des appartements.
00:42:49Voici la mère de Francis Barbier.
00:42:51Son fils est accusé de meurtre,
00:42:53mais elle sait
00:42:55qu'il est innocent.
00:42:57J'étais prête à faire n'importe quoi,
00:42:59mais il fallait bien que je sorte Francis de là.
00:43:01C'est bien simple,
00:43:03mon fils, c'est toute ma vie.
00:43:05Il n'a pas eu la vie facile, vous savez.
00:43:07La mère de Francis
00:43:09s'adresse à un détective privé
00:43:11et réussit à le convaincre
00:43:13de l'aider à prouver l'innocence de son fils.
00:43:15Un détective ne travaille jamais gratuitement.
00:43:17On a une entreprise à faire tourner,
00:43:19des charges à payer.
00:43:21C'est vrai, moi aussi je viens du bas de l'échelle.
00:43:23Alors je ne sais pas,
00:43:25il y a un truc qui a dû éveiller en moi
00:43:27une sorte d'instinct paternel,
00:43:29une sorte de fibre bien cachée
00:43:31que je ne soupçonnais pas.
00:43:33En fait,
00:43:35je dois être un grand sensible.
00:43:37Je me revois encore dans le bureau des flics.
00:43:39Totalement en panique.
00:43:41De quoi on parle ? Un meurtre ? Quel meurtre ?
00:43:43Je n'ai tué personne, moi.
00:43:45Mais cette fois-ci, ce n'est pas comme d'habitude.
00:43:47Je sens que c'est vraiment chaud pour moi.
00:43:49Les mecs en face,
00:43:51ils ne m'écoutent pas.
00:43:53Ils ont déjà tout décidé.
00:43:55Je connais un peu le principe.
00:43:57Disons que les flics,
00:43:59je les ai déjà fréquentés
00:44:01avant cette histoire.
00:44:03Et oui, Francis a déjà eu affaire à la police pour vol.
00:44:05Mais c'est la première fois qu'on l'accuse de meurtre.
00:44:07Je ne sais plus combien ils étaient
00:44:09quand ils sont venus chercher Francis à la maison.
00:44:11C'est vraiment un choc, vous savez.
00:44:13Il est sauvage, il vous empêche de bouger.
00:44:15Et là, vous voyez votre fils les mains dans le dos avec les menottes ?
00:44:17Oh, je sais bien que ce n'est pas un ange.
00:44:19Mais ça fait drôle.
00:44:21Le type à qui j'ai fourgué les bijoux,
00:44:23c'est lui qui a lâché le morceau.
00:44:25En fait, il a flippé lui aussi quand on lui a parlé du meurtre.
00:44:27C'est là qu'il a dit mon nom.
00:44:29C'est quand même délirant.
00:44:31Parce que ce plan, il s'annonçait vraiment super simple.
00:44:33Je savais qu'ils allaient de la thune, les Marshalls.
00:44:35J'avais un peu repéré l'endroit.
00:44:37Attends, je ne suis pas dingue.
00:44:39Quand je suis rentré, je pensais vraiment que l'appart était vide.
00:44:43Franchement, c'est habile.
00:44:45On est certain de ne pas se déplacer pour rien.
00:44:47Bon, il ne fallait pas être un spécialiste
00:44:49pour crocher la serrure.
00:44:51Alors, je ne me suis pas éternisé.
00:44:53J'ai filé direct vers la chambre.
00:44:55Et là, dans le lit, je vois quelqu'un qui dort.
00:44:59J'aurais dû m'écouter sur le coup.
00:45:01Je vous jure que j'hésitais.
00:45:03Et puis, je me suis dit que c'est trop con
00:45:05de faire marcher une arrière alors qu'il y avait la boîte à bijoux
00:45:07là sur la table.
00:45:09Il suffisait de faire gaffe.
00:45:11J'ai été super discret.
00:45:13La femme, elle ne s'est pas réveillée.
00:45:15C'est quand j'ai voulu repartir que ça a déconné.
00:45:17La police a retrouvé la femme,
00:45:19reine morte,
00:45:21étouffée avec son oreiller,
00:45:23deux heures plus tard.
00:45:25« Ne nie pas », qu'il disait.
00:45:27Le mari t'a vu.
00:45:29Mais moi, je n'ai rien du tout.
00:45:31J'aurais tout déballé dans les moindres détails au flic.
00:45:33Le vol des bijoux,
00:45:35le type dans l'entrée,
00:45:37la porte d'entrée qui claque.
00:45:39Je vous jure, j'étais sûr à 100% qu'il n'avait pas vu ma tronche.
00:45:43Ma tronche, non, mais mes cheveux, bah oui.
00:45:45Ouais, ouais, c'est lui.
00:45:47C'est bien lui, je reconnais ses cheveux roux.
00:45:49Quel enfoiré.
00:45:53Trois jours d'enquête, c'est rapide, certes.
00:45:55Mais ça n'a rien d'exceptionnel pour la police
00:45:57quand tous les faits sont là
00:45:59et qu'en plus, on a un témoin oculaire.
00:46:03Pour la police, l'affaire est limpide.
00:46:05Francis Barbier,
00:46:07voleur à la petite semaine,
00:46:09bien connu des services de police, cambriole à l'appartement.
00:46:11Surpris en flagrant délit,
00:46:13il supprime sa victime sans hésiter.
00:46:15Quand Nicolas Marchal rentre chez lui,
00:46:17qu'il découvre sa femme sans vie,
00:46:19il se souvient avoir croisé un jeune homme roux
00:46:21qui prenait la fuite.
00:46:23Dans son esprit, comme dans celui des policiers,
00:46:25le fuyard ne peut être que le coupable du meurtre
00:46:27et du cambriolage.
00:46:29Pourquoi chercher plus loin ?
00:46:31Même l'avocat chargé de la défense
00:46:33ne s'aventure pas à plaider l'innocence de son client.
00:46:35Il s'est fait attaquer des circonstances atténuantes,
00:46:37chercher à émouvoir le jury
00:46:39pour obtenir une réduction de peine.
00:46:41Et à l'issue du procès,
00:46:43Barbier est reconnu coupable des faits
00:46:45et condamné à 15 ans
00:46:47de réclusion criminelle.
00:46:49Francis était debout dans son box.
00:46:51Il pleurait.
00:46:53« Je suis innocent, maman !
00:46:55Je n'ai pas tué Mme Marchal ! »
00:46:57« Oh, mon Dieu ! C'est terrible !
00:46:59On emmène votre garçon
00:47:01et vous ne pouvez rien faire ! »
00:47:03Francis, même pour les pires bêtises,
00:47:05il n'a jamais menti.
00:47:07Je crois tout simplement qu'il ne sait pas.
00:47:09Il n'a pas eu une enfance heureuse,
00:47:11vous savez.
00:47:13Oh, je sais, je sais,
00:47:15ça n'excuse pas tout, mais enfin !
00:47:17J'ai fait ce que j'ai pu
00:47:19pour faire bouillir la marmite,
00:47:21mais il y a des jours où c'est juste plus compliqué de la remplir.
00:47:23Et Francis, il voyait bien tout ça.
00:47:25Et alors ? Ouais, c'était un voleur,
00:47:27mais pas un assassin, certainement pas.
00:47:29Fallait l'avoir.
00:47:31Elle était déterminée.
00:47:33Elle me tendait ses billets en tremblant.
00:47:35Il devait y avoir pas loin de 1000 euros.
00:47:37« Je vous en supplie, monsieur le détective,
00:47:39trouvez le coupable, sortez mon fils de là ! »
00:47:41Quand 90% de vos affaires
00:47:43se résument à l'adultère,
00:47:45une affaire comme celle-ci,
00:47:47c'est une vraie bouffée d'oxygène.
00:47:49J'ai raclé le fond du tiroir.
00:47:51J'ai vendu la broche en rubis de ma mère.
00:47:53Georges n'a pas voulu mon argent.
00:47:55Il a dit qu'il réussirait à innocenter Francis.
00:47:57Non seulement j'ai frappé
00:47:59à la porte d'un mec bien,
00:48:01mais en plus, il est compétent.
00:48:03Il m'a dit que notre histoire
00:48:05lui ferait tellement de pubs
00:48:07que son bureau ne désemplirait plus.
00:48:09J'étais pas dupe, hein.
00:48:11J'ai bien vu qu'il était touché.
00:48:13Au bout d'une heure, il m'a dit de pas m'inquiéter,
00:48:15qu'il réussirait à innocenter Francis.
00:48:17Comme beaucoup de détectives,
00:48:19je suis un ancien flic.
00:48:21L'avantage que je peux avoir par rapport à d'autres collègues,
00:48:23c'est que ça me donne une sorte de sésame
00:48:25qui me permet de forcer certaines portes.
00:48:27Pour peu qu'un pote soit encore en service
00:48:29ou qu'une réputation vous ait précédée.
00:48:31En plus, si vous tapez
00:48:33là où il y a une négligence,
00:48:35la femme est tuée,
00:48:37mais jamais en enquête sur le mari.
00:48:39Je peux vous dire que le jour
00:48:41où j'ai ramené les résultats
00:48:43de ma première semaine de filature
00:48:45à l'inspecteur de police,
00:48:47il a pas mis longtemps à accepter la coopération.
00:48:49En surveillant le mari,
00:48:51le détective a eu la bonne intuition.
00:48:53Il ne tarde pas à découvrir
00:48:55l'existence d'une maîtresse.
00:48:57J'avais 25 ans quand j'ai rencontré Nicolas.
00:49:01Il cherchait une secrétaire.
00:49:05La première fois que je suis entrée dans son bureau,
00:49:07je sais pas comment vous dire,
00:49:09j'ai tout de suite été impressionnée.
00:49:13C'était un homme marié,
00:49:15plus âgé que moi,
00:49:17je voulais pas non plus tomber dans le cliché
00:49:19de la secrétaire qui séduit son patron.
00:49:23Et c'est lui qui a fait le premier pas.
00:49:27Mais bon, on avait mis au moins
00:49:296 mois à se tourner autour.
00:49:31C'était plus
00:49:33qu'une simple aventure,
00:49:35il était vraiment amoureux de moi.
00:49:37Pour moi c'était clair,
00:49:39le mobile du mari tenait autant la route
00:49:41sinon plus que celui de Francis.
00:49:43Vous avez beau essayer de vous convaincre
00:49:45que c'est différent, qu'il va tout quitter
00:49:47pour vous,
00:49:49quand vous enchaînez les 5 à 7
00:49:51les nuits que vous passez ensemble sont toujours
00:49:53foutues en l'air parce qu'il est rentré se coucher
00:49:55avec sa femme,
00:49:57vous vous rendez à l'évidence,
00:49:59vous êtes une maîtresse, point.
00:50:01Nicolas avait beau me dire
00:50:03qu'il m'aimait moins,
00:50:05qu'il n'aimait plus elle,
00:50:07qu'il s'ennuyait avec elle,
00:50:09non,
00:50:11j'y croyais plus.
00:50:13C'était évident qu'il la quitterait jamais.
00:50:15C'est elle qui possédait tout,
00:50:17lui il avait rien,
00:50:19il était coincé.
00:50:21Pour moi il suffisait de se mettre dans la tête du mari,
00:50:23votre maîtresse menace de vous quitter,
00:50:25vous vous heurtez à un cambrioleur maladroit
00:50:27en rentrant chez vous
00:50:29et cette femme, la vôtre,
00:50:31celle que vous ne supportez plus qui dort à points fermés
00:50:33dans son lit, je vous laisse imaginer la suite.
00:50:35Vous avez là une occasion unique
00:50:37de changer le cours des choses à moindre frais.
00:50:39Un crime
00:50:41qui ne se refuse pas,
00:50:43c'est la théorie
00:50:45qui échafaude le détective.
00:50:47Lui, Nicolas Marchal,
00:50:49aurait profité de l'occasion du cambriolage
00:50:51pour faire endosser à son auteur
00:50:53l'assassinat de sa femme, car en réalité,
00:50:55il aurait lui-même
00:50:57commis l'homicide pour vivre en toute impunité
00:50:59sa passion amoureuse.
00:51:01Le scénario est certes séduisant,
00:51:03encore faut-il l'étayer de preuves irréfutables
00:51:05pour en faire part à la police.
00:51:07Or, Georges
00:51:09ne dispose d'aucun indice sérieux,
00:51:11à moins
00:51:13qu'il ne mette en application un plan
00:51:15dont l'issue est pour le moins douteuse.
00:51:17Ce sont les visites de maman
00:51:19et de Georges le détective qui me permettaient de tenir.
00:51:21En même temps, moi, je commençais vraiment
00:51:23à y croire. Même les flics
00:51:25commençaient à douter de ma culpabilité, c'est dire.
00:51:27Alors, Georges m'a parlé
00:51:29de son plan.
00:51:31Sur le coup, je me suis dit qu'il était dingue.
00:51:33Il a tenté de me rassurer.
00:51:35Les flics marchaient avec lui.
00:51:37Mais quand même, je dois avouer
00:51:39qu'il m'a fait l'effet d'un grand malade.
00:51:41L'a joué mon bateau, et celui de Francis par la même occasion.
00:51:43J'ai pas voulu
00:51:45penser à tout ça quand j'ai pris le combiné.
00:51:47Il fallait que je me concentre.
00:51:49Il a décroché tout de suite.
00:51:51M. Marshall, je vous appelle à propos d'une certaine Olivia,
00:51:53ou plus précisément de son journal intime.
00:51:55Il y a eu un grand silence au bout du fil.
00:51:57Alors j'ai continué.
00:51:59On y apprend des choses très intéressantes.
00:52:01Elle y parle de votre femme,
00:52:03ou plutôt de son meurtre, pour être exact.
00:52:05Pour toute réponse,
00:52:07il m'a dit
00:52:09combien.
00:52:11Pour moi, il venait d'avouer.
00:52:13Mais Georges, il décablait complètement.
00:52:15Se faire passer pour un voleur qui trouve le journal
00:52:17on sait pas comment, passe encore.
00:52:19Mais là, il est pas idiot non plus, le Marshall.
00:52:21La première chose qu'il va faire,
00:52:23c'est appeler sa nana.
00:52:25Elle lui dira bien, elle, que le journal, il est bidon.
00:52:27Comment j'ai pu
00:52:29tomber amoureuse d'un homme
00:52:31capable d'aller jusque là,
00:52:33de tuer quelqu'un de sang-froid ?
00:52:35Je revois
00:52:37Nicolas qui me fixe et qui me dit
00:52:39ça y est,
00:52:41c'est fait, on est tranquille.
00:52:45Au début, j'ai pas voulu y croire.
00:52:49Mais bon, quand j'ai su que c'était vrai,
00:52:51je pouvais plus me regarder en face.
00:52:53Je pouvais pas m'empêcher
00:52:55de penser que tout ça, c'était de ma faute.
00:52:57Parce que, évidemment, je voulais la voir
00:52:59sortir de ma vie, sa femme.
00:53:01Mais...
00:53:03On l'a tuée.
00:53:05Enfin, il fallait que je
00:53:07laisse tout tomber, que je m'éloigne de lui.
00:53:09J'ai pris un billet pour Tunis.
00:53:11Je suis restée deux semaines toute seule,
00:53:13sans téléphone, sans dire à personne où j'étais.
00:53:15Coup de chance, la maîtresse
00:53:17en voyage n'est pas joignable.
00:53:19Le plan peut marcher.
00:53:21Faire chanter le mec.
00:53:23Jouer le bluff le plus total.
00:53:25Alors Georges a fixé un rendez-vous pour une remise de rançon.
00:53:29Moi, j'étais certain que Marshall,
00:53:31il se pointerait pas.
00:53:33Fallait voir l'endroit qu'il avait choisi, en plus.
00:53:35Bah, un cimetière.
00:53:37Il est arrivé pile à l'heure,
00:53:39avec son sac chargé de billets.
00:53:41Quand les flics lui sont tombés dessus,
00:53:43il a commencé par monter sur ses grands chevaux.
00:53:45Citez-moi une loi qui interdit à quiconque de se promener
00:53:47dans un cimetière avec de l'argent.
00:53:49Il a raison, y a aucune loi contre ça.
00:53:51Mais il était tellement tendu
00:53:53qu'en le titillant un petit peu,
00:53:55on arrive à lui faire cracher le morceau pour sa maîtresse.
00:53:57Mais seulement pour sa maîtresse.
00:53:59Alors là, je comprends qu'on a affaire à un malin
00:54:01parce qu'il se rend compte qu'on a aucune preuve contre lui.
00:54:03La stratégie de Georges ne tient qu'à un fil,
00:54:05car nous le savons.
00:54:07Le journal dans lequel Olivia rendrait compte
00:54:09du meurtre de son amant est une pure invention.
00:54:11Néanmoins,
00:54:13cette théorie intéresse les enquêteurs.
00:54:15Ne disposant d'aucun élément
00:54:17pour appréhender le nouveau suspect,
00:54:19ils se contentent de l'interroger dans l'espoir
00:54:21qu'ils commettent une erreur.
00:54:23Mais le banquier est trop malin pour se laisser impressionner.
00:54:25Il n'en va peut-être pas de même
00:54:27de sa jeune maîtresse.
00:54:29Quand j'ai aperçu le comité d'accueil à Roissy,
00:54:31j'ai tout de suite compris.
00:54:33Ils ne m'ont même pas laissé le temps
00:54:35de repasser par chez moi.
00:54:37Ils m'ont menée directement au commissariat.
00:54:41Ça faisait deux semaines
00:54:43que je ressassais tout ça dans ma tête.
00:54:45Et là,
00:54:47j'étais suspectée de complicité de meurtre.
00:54:51J'étais trop fragile
00:54:53pour le résister longtemps.
00:54:57Je ne sais plus combien de temps
00:54:59ils m'ont interrogée,
00:55:01mais quand j'ai vu que Nicolas était là aussi,
00:55:07j'ai craqué.
00:55:09La panique, l'instinct de survie,
00:55:11je ne sais pas.
00:55:13La plante Marshall était sidérant.
00:55:15Il nous narguait pour tout dire.
00:55:17Et puis il y a eu la confrontation.
00:55:19Elle, elle se débattait. Elle hurlait.
00:55:21Je ne suis pas sa complice, je vous jure.
00:55:23Lui, il est devenu blême.
00:55:25Lui qui depuis des heures ne desserrait pas les dents,
00:55:27il a enfin commis l'erreur.
00:55:29Quand j'ai vu ses yeux,
00:55:31j'ai cru qu'il allait la tuer.
00:55:33Quel idiot d'être allé tenir un journal intime.
00:55:35Cette simple phrase,
00:55:37c'est tout ce dont la police avait besoin.
00:55:39Quel journal ?
00:55:41De ma vie entière,
00:55:43je n'ai jamais tenu de journal.
00:55:45Tout ça pour ça.
00:55:51La panique.
00:55:53Une seconde où Marshall perd son sang-froid
00:55:55et c'est terminé.
00:56:03Merci.
00:56:07Moi, je n'ai pas tout de suite cru.
00:56:09Et pourtant,
00:56:11à la sortie de la prison,
00:56:13Georges m'attendait à côté de ma mère.
00:56:15Liberté conditionnelle.
00:56:17De quoi calmer Francis pour un sacré moment.
00:56:19Tout compte fait,
00:56:21cette histoire aura moins eu le mérite de réussir là où j'ai raté.
00:56:23Depuis ce jour,
00:56:25jamais plus la police n'est venue frapper à la porte.
00:56:29Ainsi, grâce à l'opiniatreté
00:56:31et au désintéressement d'un détective,
00:56:33une terrible erreur judiciaire
00:56:35a pu être évitée de justesse.
00:56:37Olivia a été disculpée
00:56:39et acquittée.
00:56:41Quant à Nicolas Marshall,
00:56:43il purge une peine de prison
00:56:45à perpétuité.
00:56:47Cependant,
00:56:49un mystère demeure.
00:56:51Qu'est-ce qui a poussé Georges
00:56:53à prendre autant de risques
00:56:55pour assurer la défense d'un petit cambrioleur de 19 ans ?
00:56:59Sans doute est inestimé,
00:57:01dès le début de son enquête,
00:57:03que non seulement Francis
00:57:05était l'enjeu d'un piège machiavélique,
00:57:07mais qu'il possédait aussi
00:57:09un potentiel et un avenir.
00:57:11Et la preuve,
00:57:13Francis,
00:57:15il est aujourd'hui le fidèle assistant
00:57:17du détective au grand cœur.
00:57:21La réalité rejoint parfois
00:57:23le destin aventureux
00:57:25des héros de bandes dessinées.
00:57:27Je suis pour ma part
00:57:29un lecteur passionné
00:57:31de récits historiques.
00:57:33Et entre la fiction
00:57:35et l'aventure authentique,
00:57:37la différence est parfois ténue.
00:57:39En 1975,
00:57:41Philippe Leroy,
00:57:43jeune docteur en ethnologie,
00:57:45accompagné d'un guide indigène
00:57:47et de Thomaso Napoli,
00:57:49un chercheur italien,
00:57:51décide d'explorer le cœur
00:57:53de la Papouasie-Nouvelle-Guinée.
00:57:55Il est à la recherche
00:57:57des mystérieux Mambas,
00:57:59les derniers cannibales de la planète.
00:58:03Dans les expéditions tropicales,
00:58:05on peut risquer sa vie.
00:58:07Philippe et Tomaso sont les deux
00:58:09anthropologues qui ont vécu cette
00:58:11tragique aventure.
00:58:13Quand Philippe m'a proposé
00:58:15cette expédition,
00:58:17j'ai rencontré des cannibales
00:58:19et le rêve de nombreux anthropologues.
00:58:21Nous avions fixé
00:58:23notre camp de base
00:58:25dans un petit village
00:58:27situé à quelques dizaines de kilomètres
00:58:29de la tribu des Mambas.
00:58:31Et nous sommes partis
00:58:33avec notre guide dans la forêt,
00:58:35avec pour toute arme,
00:58:37dans le sac à dos,
00:58:39une radio
00:58:41et un appareil photo.
00:58:43Nous avons retrouvé
00:58:45Bénédicte Martin,
00:58:47qui était infirmière
00:58:49au camp de base
00:58:51à l'époque des événements.
00:58:53Oui, j'étais étudiante.
00:58:55J'avais déjà accompagné
00:58:57plusieurs expéditions en tant qu'infirmière.
00:58:59Philippe et Tomaso
00:59:01étaient jeunes,
00:59:03inconscients,
00:59:05curieux de comprendre ces sociétés
00:59:07qui vivaient encore à l'âge de la préhistoire.
00:59:09Pour eux, cette quête,
00:59:11c'était l'occasion d'une rencontre
00:59:13miraculeuse entre deux mondes,
00:59:15deux civilisations.
00:59:17La rencontre a bien eu lieu.
00:59:21Mais leurs rêves ont été anéantis.
00:59:23À jamais.
00:59:25Nos deux jeunes anthropologues
00:59:27partent au cœur de la forêt
00:59:29avec leur guide.
00:59:31Mais au bout de deux jours,
00:59:33ils entendent des cris terrifiants.
00:59:35Ils décident de se cacher
00:59:37et ils ont raison.
00:59:39Le danger est réel.
00:59:41Nous nous sommes retrouvés, Philippe et moi,
00:59:43tapis sous une énorme fougère géante.
00:59:45Notre guide a tout de suite compris.
00:59:47Il s'est mis à gémir,
00:59:49à trembler,
00:59:51à nous supplier de prendre la fuite.
00:59:53Et puis,
00:59:55en quelques secondes,
00:59:57une dizaine de papous armés de lancers de flèches
00:59:59nous sont tombés dessus.
01:00:03Ils nous ont entravés
01:00:05et ils nous ont emmenés
01:00:07des bêtes jusqu'au village.
01:00:09Toute la tribu des Mambas est en effervescence.
01:00:11On se bat pour toucher les trois hommes,
01:00:13pour sous-peser leurs membres,
01:00:15pour se délecter à l'avance
01:00:17d'un festin mémorable.
01:00:19Les prisonniers terrifiés
01:00:21voient s'avancer vers eux un guerrier
01:00:23couvert d'étranges dessins.
01:00:25Ils tracent des signes sur le sol
01:00:27et puis ils dialoguent longuement avec le guide.
01:00:31Et le guide va bientôt leur expliquer
01:00:33le terrible piège dans lequel ils sont tombés.
01:00:35Et puis on a fini par réaliser.
01:00:37Il s'agissait d'une chasse à l'homme
01:00:39et c'était nous les proies.
01:00:41Nous devions nous enfuir dans la forêt
01:00:43où nous allions être traqués pendant 24 heures.
01:00:45Si nous parvenions à survivre
01:00:47au-delà de ce délai,
01:00:49nous aurions les vies sauves.
01:00:51C'était la tradition.
01:00:53Mais si, par contre, nous étions capturés,
01:00:55nous serions dévorés vivants.
01:00:57C'est aussi une des traditions Mambas.
01:00:59Ils maintiennent leur gibier humain
01:01:01en vie le plus longtemps possible.
01:01:03Ces coutumes obéissent
01:01:05à de très anciens rituels religieux.
01:01:07C'est une sorte d'hommage
01:01:09que l'on rend ainsi à l'ennemi
01:01:11en s'appropriant son influx vital.
01:01:13Auparavant, ces rituels
01:01:15ne m'auraient pas sonné
01:01:17en tant que chercheur,
01:01:19mais dans le cas précis,
01:01:21c'était nous le gibier.
01:01:23Et la terrifiante chasse à l'homme
01:01:25commence.
01:01:27À peine libérés,
01:01:29les prisonniers s'enfoncent dans la forêt.
01:01:31Des valles dépentent.
01:01:33Les échos des montagnes environnantes
01:01:35renvoient les hurlements des guerriers Mambas
01:01:37lancés à leur poursuite.
01:01:39Et puis, peu après,
01:01:41leur guide disparaît.
01:01:43Sans doute a-t-il décidé de les abandonner
01:01:45pour augmenter ses chances de survie.
01:01:47Petit à petit,
01:01:49on a mis au point une stratégie de survie.
01:01:51Échanger le moins de paroles possible.
01:01:53Utiliser des passages
01:01:55qui avaient été tracés par des animaux.
01:01:57Et on se relayait
01:01:59pour ouvrir la voie.
01:02:01Nous savions que nous étions perdus.
01:02:03Mais ce que nous ressentions,
01:02:05ce n'était pas de la peur.
01:02:07C'était comme si notre terreur s'était changée en énergie.
01:02:09Il ne nous restait plus que l'instinct de survie.
01:02:11Sauver notre peau.
01:02:13Au camp de base,
01:02:15on était très, très inquiets.
01:02:17On n'avait absolument aucune nouvelle d'eux.
01:02:19On connaissait les dangers qu'ils couraient
01:02:21dans ce milieu hostile.
01:02:23On avait pensé qu'il y avait eu des problèmes avec la radio
01:02:25ou bien qu'ils s'étaient blessés.
01:02:27À aucun moment, on n'aurait pu imaginer l'enfer
01:02:29qu'ils étaient en train de vivre.
01:02:31Tout à coup, je me suis retrouvé à terre,
01:02:33une douleur atroce à la cheville.
01:02:35Tu m'as aidé à me relever.
01:02:37Et c'est à ce moment-là que j'ai vu cette flèche brisée
01:02:39dans le tronc d'un arbre.
01:02:41J'ai pas compris ce que tu voulais en faire.
01:02:43Ce contre-lameutre de nos poursuivants,
01:02:45ça paraissait bien dérisoire.
01:02:47Mais tu te souviens, je t'ai pas posé de questions.
01:02:49On est restés quelques instants à l'arrêt,
01:02:51comme des animaux ont prêté l'oreille
01:02:53pour essayer de repérer notre ennemi.
01:02:55Mais il restait invisible.
01:02:57C'est ça qui le rendait le plus terrifiant.
01:02:59Et puis nous sommes repartis, je boitais,
01:03:01mais je serrais cette flèche dans mon poing.
01:03:03C'était mon seul espoir d'échapper
01:03:05à une mort atroce.
01:03:07Les ethnologues harassés
01:03:09progressent toujours dans la forêt.
01:03:11Lorsqu'ils arrivent aux abords
01:03:13d'un immense fleuve boueux,
01:03:15huit heures se sont écoulées
01:03:17depuis le début de leur fuite.
01:03:19Philippe le Roi imagine
01:03:21qu'en le franchissant à la nage
01:03:23avec son compagnon,
01:03:25ils vont brouiller leurs traces
01:03:27et compliquer l'attache de leurs poursuivants.
01:03:29Mais le fleuve bouillonnant charrie
01:03:31des troncs d'arbres menaçants.
01:03:33Perdus pour perdus,
01:03:35Philippe hésite, puis il se jette à l'eau.
01:03:37Napolé terrorisé,
01:03:39renonce à le suivre.
01:03:41Après une heure de rage,
01:03:43je n'avais toujours pas réussi à atteindre la rive opposée.
01:03:45J'étais épuisé, je ne parvenais plus
01:03:47à maintenir ma tête hors de l'eau.
01:03:49Je me voyais déjà perdu.
01:03:51Et puis dans les eaux bouilleuses,
01:03:53j'ai aperçu un petit îlot de terre.
01:03:55J'ai réussi à agripper une racine
01:03:57et je me suis laissé déporter sur le rivage.
01:04:01Je me suis
01:04:03échoué sur la rive
01:04:05et je suis resté quelques instants sans réaction.
01:04:09Mais peu à peu, la rage m'est de nouveau saisi
01:04:11et je me suis mis à couvert
01:04:13dans la végétation.
01:04:15Et alors là, le miracle !
01:04:17Dans le renfoncement d'une souche,
01:04:19il y avait un terrier, une sorte de cavité
01:04:21qui s'enfonçait dans le terrain sablonneux.
01:04:23Je m'y suis littéralement effondré
01:04:25et j'ai perdu conscience.
01:04:27Philippe m'a raconté ses moments effroyables.
01:04:29Lorsqu'il a repris connaissance,
01:04:31caché sur son îlot,
01:04:33la nuit était déjà tombée.
01:04:35Mais il a senti la terreur le glacer
01:04:37quand il a aperçu
01:04:39une dizaine de mambas sur des pirogues
01:04:41qui s'étaient installées le long de la rive,
01:04:43de l'autre côté du fleuve.
01:04:45Il devait se reposer avant l'aube.
01:04:47Philippe a passé toute sa nuit
01:04:49à les épier.
01:04:51Il était conscient que si l'un d'entre eux
01:04:53décidait de traverser le fleuve avec sa pirogue,
01:04:55il allait être immédiatement découvert.
01:04:59Le jour se lève enfin.
01:05:01Philippe le roi,
01:05:03terré comme un animal dans son trou de sable,
01:05:05assiste au départ des mambas.
01:05:07Il lui reste encore
01:05:09cinq heures à tenir.
01:05:11Mais à bout de force,
01:05:13il sombre à nouveau dans un profond coma.
01:05:17Lorsqu'il reprend connaissance,
01:05:19il n'en croit pas ses yeux.
01:05:23J'étais dans une petite case joliment décorée.
01:05:25J'ai immédiatement reconnu
01:05:27l'habitat des mambas.
01:05:29Ils m'avaient à nouveau capturé.
01:05:31Devant moi, il y avait une écuelle de lait
01:05:33et un plateau rempli de fruits.
01:05:35Je n'ai pas réfléchi.
01:05:37Je me suis jeté sur cette nourriture
01:05:39providentielle.
01:05:41Je suis sorti de la case.
01:05:43Je me suis retrouvé en face
01:05:45de la tribu des mambas au grand complet.
01:05:47En me voyant, ils se sont prosternés devant moi.
01:05:49C'est alors que je t'ai aperçu,
01:05:51toujours en vie.
01:05:53En longeant le rivage,
01:05:55j'étais tombé dans une crevasse
01:05:57et les débris qui m'avaient recouvert
01:05:59m'avaient dissimulé jusqu'à la fin
01:06:01de la chasse à l'homme.
01:06:03J'en étais ressorti plus mort que vif
01:06:05et j'avais marché à ta recherche.
01:06:07Et...
01:06:09les mambas
01:06:11m'avaient retrouvé
01:06:13et au lieu de me tuer,
01:06:15ils m'avaient porté en triomphe
01:06:17sur leurs épaules.
01:06:19C'est là que j'ai retrouvé
01:06:21notre guide.
01:06:23Il m'a expliqué
01:06:25que désormais j'étais transformé
01:06:27en un dieu vivant,
01:06:29une divinité bienfaisante
01:06:31parce que j'avais
01:06:33survécu à cette épreuve
01:06:35comme toi
01:06:37pendant
01:06:3924 heures.
01:06:41Nous étions à présent
01:06:43des dieux vivants.
01:06:45Malheureusement,
01:06:47il n'en fut pas
01:06:49de même pour notre guide.
01:06:51Non, ils n'ont rien pu faire
01:06:53pour le sauver.
01:06:55Ils n'avaient pas réussi l'épreuve
01:06:57de la chasse à l'homme.
01:06:59Ça a été un spectacle épouvantable,
01:07:01inhumain.
01:07:03Ils m'ont raconté
01:07:05qu'à la lueur des torches,
01:07:07ils ont assisté au supplice.
01:07:09Oui, plus rien n'était réel.
01:07:11Rien, sauf bien sûr
01:07:13les hurlements d'épouvante
01:07:15du pauvre guide.
01:07:17Il est mort en trois jours.
01:07:19Son corps a été progressivement
01:07:21démembré.
01:07:23Je ne me rappelle pas des semaines
01:07:25qui ont passé. On nous donnait
01:07:27des herbes en décoction qui nous plongeaient
01:07:29dans un état second.
01:07:31Nous avions perdu toute sensation
01:07:33de la réalité.
01:07:35Il y avait une image
01:07:37qui nous fascinait.
01:07:39C'était le visage
01:07:41de notre guide quand on l'avait emmené.
01:07:45Et ce cri
01:07:47qui n'allait jamais s'arrêter.
01:07:55Au fil des mois, il nous est venue
01:07:57une idée. Nous avions pris
01:07:59un peu d'assurance.
01:08:01Nous avons demandé à partir en forêt, seul,
01:08:03pour y rencontrer d'autres dieux tutélaires,
01:08:05des dieux protecteurs.
01:08:07Les Mambas
01:08:09nous ont laissé partir, pensant que
01:08:11nous allions revenir à l'aube.
01:08:13Nous avons marché pendant trois jours
01:08:15et trois nuits,
01:08:17sans provision, sans équipement.
01:08:19Et enfin,
01:08:21on a retrouvé notre camp.
01:08:23C'était...
01:08:25On n'arrivait pas à en croire nos yeux.
01:08:27C'était comme si nous avions voyagé
01:08:29dans le temps. Nous venions d'une autre époque,
01:08:31tellement reculés.
01:08:33On a eu du mal
01:08:35à les reconnaître.
01:08:37Ils étaient amaigris. Ils avaient vieilli
01:08:39dix ans.
01:08:41Ils portaient des vêtements étranges,
01:08:43couverts de symboles.
01:08:45Ils ont été tellement marqués par leur expérience
01:08:47qu'ils sont restés prostrés
01:08:49pendant plusieurs jours,
01:08:51sans dire un seul mot.
01:08:53Il a fallu
01:08:55beaucoup de temps pour que nous
01:08:57apprenions de leur bouche le sort du guide.
01:08:59Et même quand on s'est retrouvés
01:09:01à l'aéroport, entourés de médecins,
01:09:03ils avaient toujours cet air terrifié.
01:09:05Ils se croyaient encore menacés.
01:09:07Ils guettaient le moindre bruit.
01:09:11Il a fallu beaucoup de temps
01:09:13pour que nous puissions reparler
01:09:15de cette terrible aventure.
01:09:17Puis ils m'ont confié que c'est
01:09:19beaucoup plus tard qu'ils ont pu
01:09:21évoquer la mort de leur compagnon
01:09:23et le pleurer,
01:09:25enfin.
01:09:27L'aventure extrême
01:09:29des deux ethnologues
01:09:31miraculeusement rescapés de cette chasse à l'homme
01:09:33a permis à la science de lever
01:09:35une partie du mystère qui entourait le peuple Mamba
01:09:37et confirmer
01:09:39leurs étranges coutumes.
01:09:41Aujourd'hui, 30 ans après les faits,
01:09:43Philippe Leroy enseigne
01:09:45les sciences humaines dans l'Université de Bretagne
01:09:47et Tommaso Napoli dirige
01:09:49un musée à Milan.
01:09:51Après leur exploit,
01:09:53une importante chaîne de télévision américaine
01:09:55leur avait offert une fortune
01:09:57pour retourner en Papouasie
01:09:59et reprendre contact avec la tribu.
01:10:01Les jeunes gens
01:10:03avaient poliment décliné l'invitation
01:10:05estimant sans doute que pour être pleinement appréciés,
01:10:07certaines expériences
01:10:09devaient rester
01:10:11uniques.
01:10:21La vie n'a pas toujours été tendre
01:10:23pour Raoul Leroux. Professionnellement,
01:10:25tout s'est à peu près bien passé.
01:10:27Après avoir obtenu son CAP
01:10:29juste à la fin de la guerre,
01:10:31il entre en 1945 comme mécanicien
01:10:33à la régie Renault qui vient d'être nationalisée.
01:10:35Certes, le métier est dur, mais
01:10:37il gagne suffisamment pour acheter
01:10:39sous par sous un petit pavillon de banlieue
01:10:41pas très loin de son lieu de travail.
01:10:43Oh, bien sûr, c'est pas le luxe, hein.
01:10:45Mais le logement est coquet, sympathique,
01:10:47et sa femme Denise l'arrange du mieux qu'elle peut.
01:10:49Des fleurs dans le jardin et un petit potager
01:10:51pour améliorer leur dîner.
01:10:53C'est le fils de Denise, Antoine.
01:10:55Celui-ci a deux ans
01:10:57quand le drame éclate.
01:10:59La santé de Denise s'altère brusquement.
01:11:01Une maladie mentale
01:11:03ne tarde pas à être diagnostiquée
01:11:05et l'internement est décidé.
01:11:07À l'hôpital, hélas,
01:11:09les choses se passent mal.
01:11:11La malheureuse se suicide
01:11:13et Raoul se retrouve seul
01:11:15pour élever son enfant.
01:11:17Il fait face courageusement,
01:11:19réussissant à mener de front l'éducation de son fils
01:11:21et son travail à l'usine.
01:11:23Et c'est un succès.
01:11:25Antoine Leroux fait des études honorables
01:11:27et après son service militaire,
01:11:29il fait un mariage heureux avec Josiane.
01:11:31Le couple habite chez Raoul
01:11:33et tout va bien jusqu'en 1984.
01:11:35C'est cette année-là
01:11:37qu'a lieu le grand licenciement chez Renault.
01:11:39Des milliers d'emplois supprimés
01:11:41et Raoul Leroux est du nom.
01:11:43Le voilà en pré-retraite
01:11:45au bout de presque 40 ans d'activité.
01:11:47Mais après tout, la situation n'est pas dramatique.
01:11:49Pour se faire quelques rentrées
01:11:51d'argent supplémentaires,
01:11:53Raoul loue une partie de son pavillon
01:11:55à Assine, un jeune étudiant.
01:11:57Et la vie s'organise
01:11:59entre son fils, sa belle-fille et lui.
01:12:01Non, la situation n'est pas dramatique.
01:12:03Mais elle va le devenir
01:12:05d'un seul coup
01:12:07et d'une manière
01:12:09qui dépasse l'imagination.
01:12:11Thomas, mon enquêteur,
01:12:13a remonté le fil de cette histoire
01:12:15et je vous propose de le suivre.
01:12:19Raoul, Raoul !
01:12:31Il est 21h
01:12:33lorsqu'Assine, l'étudiant locataire du studio,
01:12:35découvre un spectacle terrifiant.
01:12:37Papa !
01:12:39Heureusement, Antoine réalise que son père respire encore.
01:12:41Raoul tente de prononcer quelques mots.
01:12:43Dans un murmure, Raoul affirme
01:12:45que quelqu'un a essayé de le tuer
01:12:47avant de sombrer dans l'inconscience
01:12:49sans avoir été plus explicite.
01:12:51Commissaire,
01:12:53à l'époque, cette affaire vous a posé
01:12:55quelques difficultés ?
01:12:57Oui. En fait, elle s'est avérée
01:12:59assez compliquée.
01:13:01Alertée par la famille,
01:13:03la commissaire Catherine Michaud
01:13:05se rend à l'hôpital pour interroger Raoul.
01:13:07Son état est grave
01:13:09mais le vieil homme va s'en sortir.
01:13:11Pour l'heure, il est dans l'incapacité
01:13:13de s'exprimer.
01:13:17Pour moi,
01:13:19ça ne pouvait pas être un suicide.
01:13:21Raoul était physiquement beaucoup trop faible.
01:13:23Comment aurait-il pu trouver la force
01:13:25de se hisser jusqu'à la poutre ?
01:13:27D'accrocher lui-même la corde ?
01:13:29S'agit-il
01:13:31d'une tentative de suicide maquillée en meurtre
01:13:33ou bien d'une tentative de meurtre
01:13:35maquillée en suicide ?
01:13:37La commissaire Michaud penche
01:13:39pour la deuxième hypothèse.
01:13:43Commissaire Michaud.
01:13:47Commissaire Michaud.
01:13:53La commissaire annonce à la famille
01:13:55qu'elle va ouvrir une enquête
01:13:57pour tentative de meurtre.
01:14:05Sur cette image d'un bonheur révolu,
01:14:07Raoul a 28 ans.
01:14:09Il est en présence de la jolie Denise, 25 ans,
01:14:11celle qui va devenir sa femme
01:14:13et qui donnera bientôt le jour à Antoine.
01:14:17L'enquête avance.
01:14:19La porte d'entrée du pavillon et du garage
01:14:21ne comportent aucune trace d'effraction.
01:14:23Le soir du drame, Josiane, Antoine et Assine
01:14:25affirment n'avoir rien entendu, rien vu.
01:14:27La tentative de meurtre a donc été perpétrée
01:14:29par une personne agissant de l'intérieur de la maison.
01:14:35Donc, si je comprends bien, votre beau-père
01:14:37habitait au premier ?
01:14:39Oui, nous, on habitait là, à côté.
01:14:41Et vous, Assine ?
01:14:43Assine a loué à mon beau-père
01:14:45C'est Antoine, mon mari, qui a transformé
01:14:47la pièce en studio.
01:14:49Il travaillait sur des chantiers à l'époque.
01:14:51Et vous, vous avez cru à une tentative de suicide ?
01:14:53Vu ce qu'il picolait, ça ne m'aurait pas vraiment surpris.
01:14:59Raoul a-t-il des raisons
01:15:01de se suicider à son âge ?
01:15:03C'est vrai qu'il ne s'est jamais remis
01:15:05de la mort de sa femme et qu'il se console
01:15:07de bien tristes manières.
01:15:11Raoul le roue à la vieillesse dépressive
01:15:13et sa belle-fille s'inquiète de le voir boire autant.
01:15:15Il est dans un état d'ébriété quasi permanent
01:15:17ce qui est parfois difficilement
01:15:19supportable pour ceux qui vivent sous son toit.
01:15:21Se pourrait-il que quelqu'un ait cherché
01:15:23à tirer parti de sa faiblesse pour s'en débarrasser ?
01:15:25La commissaire en est là
01:15:27de ses réflexions lorsqu'Antoine lui révèle
01:15:29qu'Assine et son père se sont
01:15:31violemment disputés la veille du drame.
01:15:33Se pourrait-il qu'Assine, l'étudiant en droit,
01:15:35soit moins irréprochable qu'il n'y paraisse ?
01:15:39On a parlé d'une violente altercation entre Assine et Raoul le roue.
01:15:41Vous savez de quoi il s'agissait ?
01:15:43J'étais pas là ce jour-là.
01:15:45Mais ça m'a vraiment étonnée d'Assine qui est la naturelle, calme et polie.
01:15:49Dans l'après-midi du 8 octobre,
01:15:51Raoul accuse brusquement Assine
01:15:53de lui avoir volé une bouteille de vin.
01:15:57Cette fois-ci c'en est trop.
01:15:59Excédé par les mauvaises manières de Raoul,
01:16:01Assine, qui ne boit jamais, perd son sang-froid
01:16:03et la dispute éclate.
01:16:05Le vieux ça m'a tellement dégoûté quand il m'a traité de bougnoule.
01:16:07Du coup je l'ai traité de raciste.
01:16:09Enfin si j'avais su les conséquences, j'aurais mieux fait de me taire ce jour-là.
01:16:13Le piège se referme sur l'étudiant studieux et sans histoire.
01:16:15Assine Aoud devient le suspect numéro un
01:16:17de la commissaire
01:16:19qui le met en garde à vue.
01:16:25J'ai été libéré qu'à la toute fin de ma garde à vue,
01:16:27quand monsieur le roue s'est enfin réveillé
01:16:29et a pu parler.
01:16:35Assine est en garde à vue depuis une dizaine d'heures
01:16:37lorsque, coup de théâtre, Raoul se réveille.
01:16:39Le docteur Rémy est aussitôt appelé à son chevet.
01:16:41Les premières paroles du vieillard sont explosives.
01:16:43Raoul accuse
01:16:45et révèle au médecin
01:16:47le nom de son agresseur.
01:16:53Josiane, la belle fille parfaite.
01:16:55C'est un sacré retournement, non ?
01:16:57Plutôt oui. Alors on a relâché Assine
01:16:59et interrogé à nouveau Antoine et sa femme.
01:17:01Et pourtant, ils avaient un allié
01:17:03parfaitement sérieux le soir de l'accident.
01:17:05Mais comme Raoul venait d'accuser Josiane
01:17:07de maltraitance lorsqu'il était seul avec elle...
01:17:23Quel serait le mobile de cette tentative de meurtre ?
01:17:25Josiane voudrait-elle une haine tenace
01:17:27envers son beau-père au point de
01:17:29vouloir l'assassiner ?
01:17:31Antoine a-t-il menti
01:17:33pour fournir un alibi à son épouse ?
01:17:35Pour l'heure, Raoul se confie
01:17:37à son médecin et lui fournit
01:17:39quelques détails.
01:17:41Mais que vous disiez, monsieur Leroux,
01:17:43à vous, médecin ?
01:17:45Ah ben, lui...
01:17:47Il ne cessait de dire que sa brue
01:17:49n'avait qu'une idée en tête.
01:17:51C'était se débarrasser de lui
01:17:53pour qu'elle puisse récupérer la maison poil toute seule.
01:17:55La commissaire découvre
01:17:57qu'Antoine et Josiane habitent avec Raoul
01:17:59par manque d'argent
01:18:01autant que par piété filiale.
01:18:03La façade tranquille du petit pavillon
01:18:05masquerait-elle une situation
01:18:07plus trouble qu'il n'y paraît ?
01:18:09C'était horrible et tellement injuste.
01:18:11Vous savez, j'ai perdu
01:18:13mon père très jeune.
01:18:15Alors je faisais de mon mieux pour qu'il m'accepte.
01:18:17Je me mettais en quatre pour lui faire plaisir.
01:18:19Mais il n'y a rien eu à faire.
01:18:21Docteur Rémy, quel a été votre sentiment
01:18:23après l'examen médical de Raoul Leroux ?
01:18:25Aucun signe physique
01:18:27n'était susceptible de nous faire croire
01:18:29aux allégations de M. Leroux
01:18:31selon lesquelles sa belle-fille lui faisait subir
01:18:33des sévices corporels.
01:18:35Mais
01:18:37on pouvait avoir affaire
01:18:39à du harcèlement moral.
01:18:41La commissaire évalue
01:18:43diverses hypothèses. Josiane
01:18:45aurait-elle eu assez de force pour pendre
01:18:47son beau-père au plafond du garage ?
01:18:49A-t-elle bénéficié d'un complice pour perpétrer
01:18:51son forfait ? Et Antoine,
01:18:53qui a tout du fils dévoué, a-t-il organisé
01:18:55le meurtre de son père avec son épouse ?
01:18:57Ou peut-être, Josiane a-t-elle
01:18:59agi seule, poussant jour après jour son beau-père
01:19:01au suicide ? Une chose est certaine,
01:19:03M. Leroux a l'air cohérent et lucide.
01:19:05Et son accusation est formelle.
01:19:07Et qu'est-ce qui s'est passé après les terribles révélations
01:19:09de Raoul ? Ça a été horrible
01:19:11à vivre. J'ai été mise sous
01:19:13surveillance par la police. Mais en fait,
01:19:15tout le monde m'épiait, tout le monde me surveillait.
01:19:17Les voisins, les commerçants.
01:19:19Et même Antoine commençait à me regarder bizarrement.
01:19:21Josiane cherche en vain
01:19:23un soutien dans le regard de son compagnon.
01:19:25Et là, celui-ci est de plus en plus distant.
01:19:27Antoine n'a jamais été très
01:19:29expansif. Mais depuis que son père a proféré
01:19:31ces terribles accusations contre sa femme,
01:19:33il garde une réserve de plus
01:19:35en plus suspicieuse.
01:19:37Et pourtant, c'était lui qui m'avait fait
01:19:39arrêter le travail pour m'occuper de son père.
01:19:41Votre couple a commencé alors à aller mal.
01:19:43J'aimais mon mari. Mais c'est
01:19:45quand Raoul est revenu de l'hôpital que ça a commencé
01:19:47à être vraiment dur. Ma vie
01:19:49est devenue un enfer.
01:19:51Josiane est sans travail. Elle est donc
01:19:53dépendante financièrement de son époux.
01:19:55Elle est obligée de déployer des trésors de patience
01:19:57et d'abnégation pour s'occuper de Raoul
01:19:59de retour de l'hôpital.
01:20:03Pourtant, Antoine ne lui est guère reconnaissant.
01:20:05Bien sûr, le couple bénéficie du logement
01:20:07gratuit en échange de ses soins quotidiens.
01:20:09Mais est-ce une raison pour accepter
01:20:11tous les caprices de Raoul ?
01:20:13Est-ce que finalement, ce n'est pas Josiane qui est
01:20:15harcelée par ce vieillard irascible ?
01:20:17Ce qui lui donne une bonne raison
01:20:19de vouloir s'en débarrasser.
01:20:39Les jours passent et la situation
01:20:41s'envenime. Raoul fait tout pour rendre
01:20:43la vie de Josiane impossible.
01:20:45Mais en présence de son fils,
01:20:47le vieillard se comporte normalement.
01:20:49Le couple est au bord de la crise.
01:20:51Il ne se parle plus
01:20:53et Josiane vit un enfer
01:20:55au quotidien.
01:20:57J'étais quand même pas la bonne niche à la fin.
01:20:59Il aurait pu appeler tout de même.
01:21:01Et en plus,
01:21:03il mentait. Il soutenait devant mon mari
01:21:05qu'il avait appelé et que j'étais encore partie.
01:21:07Et au fil des semaines, les relations familiales
01:21:09se sont envenimées. C'est qu'il fallait l'endurer,
01:21:11le Raoul.
01:21:13Du matin au soir, 24h sur 24,
01:21:15répondre à tous ses caprices.
01:21:17Mon mari travaillait sur les chantiers
01:21:19de nuit. Il voyait rien de tout ça.
01:21:21Antoine ne voit rien
01:21:23ou bien ne veut-il rien voir ?
01:21:25Josiane s'interroge. Dans quelle mesure
01:21:27Antoine est-il inconsciemment complice
01:21:29du comportement de son père ?
01:21:33Nous sommes le 20 novembre,
01:21:35un jeudi. Antoine travaille
01:21:37de nuit sur un chantier. Assine
01:21:39séjourne à Marseille. Josiane
01:21:41se retrouve donc seule avec Raoul.
01:21:45Soudain,
01:21:47une odeur de brûlé
01:21:49attire son attention.
01:21:51Josiane réalise que le feu a pris
01:21:53dans la cuisine. Inconsciente
01:21:55du danger, elle ouvre la porte
01:21:57et découvre le corps inanimé
01:21:59de Raoul.
01:22:05Qui donc
01:22:07a allumé le feu à l'origine de l'incendie ?
01:22:09Est-ce Raoul lui-même ?
01:22:11Est-ce Josiane qui se trouvait seule
01:22:13avec lui ? Raoul a été
01:22:15intoxiqué par la fumée et souffre d'un
01:22:17oedème pulmonaire. Mais
01:22:19une fois encore, il en réchappe de
01:22:21justesse. Et une fois encore, il
01:22:23accuse sa belle-fille d'avoir tenté
01:22:25de l'assassiner.
01:22:27Assine était chez ses parents
01:22:29à Marseille, donc ce n'était pas lui.
01:22:31Antoine était au travail, de nombreux témoins
01:22:33l'ont confirmé. Et ce soir-là
01:22:35comme les autres soirs, Josiane
01:22:37était toute seule avec son beau-père.
01:22:39Ce qui en fait la suspecte numéro un,
01:22:41bien sûr.
01:22:43Cette fois, c'en est trop.
01:22:45Le commissaire fait arrêter Josiane
01:22:47qui est aussitôt conduite en garde à vue.
01:22:55Et qu'est-ce que vous avez ressenti à ce
01:22:57moment-là ? Le monde s'est
01:22:59écroulé. On m'a arrêtée
01:23:01devant tout le monde comme si j'étais une criminelle.
01:23:11Vous avez revu Raoul Leroux
01:23:13lors de sa deuxième hospitalisation.
01:23:15Il était dans un sale état, c'est à peine
01:23:17s'il arrivait à balbutier ses accusations.
01:23:19Est-ce que votre opinion envers M. Leroux a changé
01:23:21à ce moment ? Oui, je me suis dit
01:23:23qu'on n'avait peut-être pas pris ses appels
01:23:25suffisamment au sérieux. Je me suis
01:23:27senti quelque part un peu responsable
01:23:29de ce qui lui était arrivé.
01:23:31Pendant sa garde à vue,
01:23:33la commissaire transporte Josiane
01:23:35dans le pavillon pour tenter de la faire craquer.
01:23:37Josiane était faite,
01:23:39mais elle tient bon.
01:23:41Non, elle n'a pas tenté
01:23:43d'assassiner son beau-père.
01:23:49Vous avez été relâchée rapidement ?
01:23:51Ils ont bien été obligés, il n'y avait pas de preuves.
01:23:53Et comment votre mari a-t-il réagi ?
01:23:55Antoine
01:23:57est complètement déboussolé
01:23:59par les événements. En lui couvre
01:24:01une colère sourde qui doit se décharger
01:24:03sur un bouc émissaire. Et c'est Assine
01:24:05qui est sommée de quitter les lieux
01:24:07alors que Raoul vient de rentrer de l'hôpital.
01:24:17Antoine était devenu de plus en plus distant.
01:24:19Ça faisait belle durée de qu'on se touchait plus.
01:24:21Comme si je le dégoûtais.
01:24:23Et ?
01:24:25Et impossible de louer le studio.
01:24:27Remarquez, après mon
01:24:29arrestation,
01:24:31j'étais la pestiférée, si vous voyez ce que je veux dire.
01:24:33Le paradoxe
01:24:35de la situation est que malgré les accusations
01:24:37terribles portées contre elle et Antoine
01:24:39refusant de placer son père,
01:24:41le couple étant dans l'incapacité de
01:24:43payer une garde malade, Josiane
01:24:45se retrouve à nouveau seule
01:24:47en tête à tête avec Raoul.
01:24:49J'aurais bien voulu embaucher quelqu'un pour s'occuper de lui mais il n'y avait pas d'argent.
01:24:55Je sais que c'est absurde vu son état
01:24:57mais Raoul commençait à me faire peur.
01:25:01Dès lors, comment s'étonner
01:25:03que la situation dégénère.
01:25:07Ça va pas non ?
01:25:11En dehors d'Antoine,
01:25:13Josiane n'a pas de famille.
01:25:15Elle n'a pas de travail donc pas d'argent.
01:25:17Racine, son seul soutien,
01:25:19a été obligée de quitter la maison.
01:25:21Si Josiane quitte le pavillon de Clamart,
01:25:23pour elle, c'est la rue. Raoul le sait.
01:25:27Pour Josiane,
01:25:29la confrontation avec son beau-père est un défi permanent.
01:25:31Qui
01:25:33va craquer
01:25:35le premier ?
01:25:43Alors vous avez eu cet incroyable coup de fil ?
01:25:45Oui.
01:25:47Raoul Leroux nous a appelé pour nous supplier
01:25:49de le sauver des griffes de sa belle-fille.
01:25:51Il disait qu'elle l'avait battu,
01:25:53qu'il allait mourir.
01:25:55Arrivé sur place,
01:25:57on l'a trouvé tendu sur le carrelage de la salle de bain,
01:25:59baignant dans son sein.
01:26:01Il portait
01:26:03de multiples blessures à la tête.
01:26:05En arrivant sur les lieux, la commissaire découvre
01:26:07un spectacle qu'elle n'est pas prête d'oublier.
01:26:09Les murs de la salle de bain sont
01:26:11couverts de sang. Le vieil homme est
01:26:13transporté aux urgences dans un état critique.
01:26:15A ce moment-là, pas de doute, malgré ses
01:26:17protestations, Josiane
01:26:19était bien la coupable.
01:26:21Josiane se défend bec et ongle. Raoul ment
01:26:23depuis le début et s'est infligé lui-même
01:26:25ces terribles blessures. Quant aux accusations,
01:26:27elle ne comprend pas pourquoi son beau-père
01:26:29lui voue une telle haine.
01:26:31La commissaire est incrédule. Comment
01:26:33un individu même paranoïaque peut-il
01:26:35s'infliger un traitement aussi inhumain
01:26:37et prendre autant de risques dans le but
01:26:39d'accuser quelqu'un de tentative d'homicide ?
01:26:41Vous n'avez rien su. Je suis sûre de cette histoire.
01:26:43Vous l'avez... Je peux pas faire un truc
01:26:45pareil. Je ne peux pas faire un truc
01:26:47pareil. Désespérée, Josiane appelle
01:26:49Antoine à l'aide. Il faut qu'il ouvre les yeux.
01:26:51Son père est fou. C'est un vicieux, un pervers,
01:26:53un malade mental. Antoine, j'ai quelque chose...
01:26:55T'es une salopardeuse !
01:26:57Arrêtez !
01:26:59Arrêtez, calmez-vous !
01:27:01Calmez-vous ! C'est moi qui interroge, ok ?
01:27:03Calmez-vous, sinon je fais appeler.
01:27:07Josiane assistait pourtant pour dire que Raoul
01:27:09avait essayé de l'abuser, qu'il l'a terrorisé.
01:27:11Bien sûr, mais c'était toujours
01:27:13sa parole contre celle de M. Leroux,
01:27:15dont le seul tort était d'être un vieillard impotent
01:27:17et une victime gravement blessée
01:27:19à plusieurs reprises.
01:27:21Heureusement pour Mme Leroux,
01:27:23M. Hassine Aoude est venu apporter son témoignage.
01:27:25Avec tous les ennuis que vous avez eus,
01:27:27ça a dû vous coûter, non, d'aller vous présenter
01:27:29à la police ?
01:27:31J'avais de l'estime pour Mme Leroux. Je pouvais tout de même pas
01:27:33la laisser se faire accuser comme ça sans rien dire.
01:27:35Ce jour-là,
01:27:37elle est arrivée toute tremblante.
01:27:39Au moment de la troisième agression de Raoul,
01:27:41Josiane se trouvait chez Hassine
01:27:43où elle était venue chercher du réconfort.
01:27:45Non, rien de ce que vous croyez.
01:27:47Elle avait peur de rentrer chez elle.
01:27:49Le vieux dégoûtant avait essayé de se faire toucher.
01:27:51C'était pour la première fois d'ailleurs.
01:27:53Avec le témoignage d'Hassine,
01:27:55Josiane avait un alibi.
01:27:57Oui, parce qu'Hassine était en famine
01:27:59quand Josiane est venue le trouver.
01:28:01Tous ont pu témoigner qu'à l'heure à laquelle Raoul a été agressé,
01:28:03Josiane était en leur compagnie.
01:28:05La commissaire se perd en conjecture.
01:28:07Se pourrait-il que Raoul
01:28:09ait berné les médecins
01:28:11et qu'il se soit infligé lui-même
01:28:13ces blessures effroyables ?
01:28:15Se pourrait-il qu'il ait pris le risque
01:28:17de mourir de plombaison ou de brûler vif
01:28:19pour le seul but de faire incarcérer
01:28:21sa belle-fille ?
01:28:25Le témoignage d'Hassine a innocenté Josiane.
01:28:27Mais il a rendu Antoine
01:28:29fou de jalousie.
01:28:31Il a jeté sa femme dehors.
01:28:33Josiane est à la rue.
01:28:35Aussitôt, Hassine vole à son secours.
01:28:37Une chambre meublée chez un ami absent
01:28:39lui fournira
01:28:41un logement provisoire.
01:28:49Si ce n'était pas Josiane,
01:28:51de toute évidence,
01:28:53ce n'était pas non plus un accident.
01:28:55Non. Ce n'était pas en glissant
01:28:57dans la baignoire que Raoul Leroux
01:28:59aurait pu s'affliger ces blessures au crâne.
01:29:01Alors qui d'autre ?
01:29:03Nul autre que lui-même.
01:29:05Mais pourquoi ?
01:29:07Aussi incroyable que cela puisse paraître,
01:29:09il se serait auto-mutilé.
01:29:11Vous avez alors conseillé la séparation de Raoul
01:29:13d'avec sa famille ?
01:29:15J'ai expliqué à son fils que son père
01:29:17je lui ai même conseillé de le placer.
01:29:19Mais Antoine Leroux
01:29:21a refusé catégoriquement d'en entendre parler.
01:29:29Je peux vous parler s'il vous plaît ?
01:29:31Il faut absolument placer
01:29:33votre père.
01:29:35Non. Non. Non.
01:29:37Non. Non. Non. Non. Non. Non.
01:29:39Ça c'est hors de question. D'accord ?
01:29:41C'est ma famille, je peux très bien m'en charger.
01:29:43Alors vous vous mêlez de vos affaires !
01:29:45Au cours d'une visite au domicile
01:29:47de son patient, le docteur Rémy
01:29:49va faire une découverte
01:29:51qui s'avérera cruciale
01:29:53pour la suite de l'affaire.
01:29:55Le regard du médecin est attiré par une pile
01:29:57de documents éparts en partie brûlés.
01:29:59Sur ces papiers, quelques mots
01:30:01lui sautent aux yeux.
01:30:03Denise Leroux, hôpital psychiatrique
01:30:05de Charenton.
01:30:09Et c'est comme ça que vous avez eu l'idée
01:30:11de consulter le dossier de la mère ?
01:30:13Les archives de l'hôpital psychiatrique sont conservées au sous-sol.
01:30:15De là, j'ai appris
01:30:17que Denise Leroux avait été
01:30:19internée peu de temps après la naissance
01:30:21de son fils, suite
01:30:23aux différentes plaintes de son mari.
01:30:25Denise Leroux a été diagnostiquée
01:30:27schizophrène ?
01:30:29Oui. Diagnostique probablement
01:30:31erronée à la lumière des faits.
01:30:35L'aveuglement d'Antoine
01:30:37vis-à-vis de son père a une explication.
01:30:39Sa mère, Denise, a été
01:30:41internée quand il était tout petit.
01:30:43Elle est morte à l'hôpital psychiatrique.
01:30:45Alors, malgré tout ce qu'a fait
01:30:47subir son père à sa femme et à son couple,
01:30:49l'idée qu'il parte lui aussi
01:30:51à l'asile lui est insupportable.
01:30:57De mon côté, j'ai consulté les archives de la police
01:30:59et j'ai découvert, preuve à l'appui,
01:31:01que Raoul accusait à l'époque sa femme
01:31:03d'avoir essayé de le tuer à différentes reprises.
01:31:05Et ce sont ses propres archives que Raoul
01:31:07essayait de brûler ? Oui.
01:31:09Il avait conservé tous les procès-verbaux de l'époque.
01:31:11Et c'est lui qui avait demandé
01:31:13et signé l'internement de Denise.
01:31:19Les dossiers d'internement de Denise,
01:31:21les mains courantes et tous les documents relatifs
01:31:23aux différentes plaintes qu'il avait déposées
01:31:25contre elle pendant des années,
01:31:27voilà donc ce que Raoul avait tenté
01:31:29de faire disparaître au risque
01:31:31d'incendier la maison.
01:31:33Derrière,
01:31:35la façade du vieillard fragile,
01:31:37la victime ayant échappé plusieurs fois à la mort,
01:31:39se cache-t-il un autre visage ?
01:31:41Celui d'un homme dangereux ?
01:31:43Raoul harcèle-t-il Josiane
01:31:45comme il a harcelé Denise, sa propre épouse,
01:31:47pendant des années ?
01:31:49Et Antoine, barricadé dans le souvenir douloureux
01:31:51d'un petit garçon séparé trop tôt de sa mère,
01:31:53laissera-t-il son père
01:31:55détruire sa vie sans réagir ?
01:31:57Pendant combien de temps encore, Antoine,
01:31:59sera-t-il prisonnier de la folie de son père ?
01:32:01Josiane partie sans aide à domicile,
01:32:03Antoine n'a d'autre choix que de s'occuper
01:32:05lui-même de son père.
01:32:07Et la vie s'organise tant bien que mal
01:32:09entre le ménage, les courses
01:32:11et les soins quotidiens de Raoul.
01:32:23Pour faire interner sa femme,
01:32:25Raoul a mis en avant la sécurité de son fils.
01:32:27Dans cette histoire, c'est ça le plus horrible.
01:32:29Cette pauvre femme a été internée par erreur.
01:32:31Et elle en est morte.
01:32:33Qu'est-ce qui s'est passé ?
01:32:35Elle a fini par se suicider.
01:32:37Antoine n'avait même pas deux ans.
01:32:39Le pauvre,
01:32:41il a vraiment pas eu de chance.
01:32:49Antoine n'avait pas prêté attention
01:32:51aux vieux papiers brûlés
01:32:53qui traînaient dans un coin.
01:32:55Mais alors qu'il fait le ménage,
01:32:57il tombe sur des papiers
01:32:59qui l'intriguent.
01:33:01Soudain,
01:33:03la lumière se fait jour dans son esprit.
01:33:05Antoine est sous le choc de la révélation.
01:33:17Antoine demande des explications à son père.
01:33:19Et tout à coup, c'est le drame.
01:33:21Démasqué, Raoul s'empare du couteau
01:33:23et se poignarde de lui-même le ventre.
01:33:25Stupéfait, Antoine tente de le désarmer.
01:33:27C'est alors que Raoul retourne le couteau
01:33:29contre son propre fils.
01:33:31Antoine s'écroule,
01:33:33mortellement touché à l'abdomen.
01:33:41Vous êtes sûr que vous voulez toujours nous raconter la suite ?
01:33:49Quelques heures plus tard,
01:33:51il fait déjà nuit lorsque Josiane
01:33:53rentre au pavillon pour récupérer quelques vêtements.
01:33:55Elle a peur d'une réaction violente d'Antoine
01:33:57ou même de Raoul.
01:33:59C'est pourquoi elle est accompagnée d'Assine
01:34:01qui l'attend au dehors.
01:34:03Heureusement, le pavillon semble vide.
01:34:05Josiane domine son angoisse
01:34:07et elle va rassembler ses affaires.
01:34:11C'est probablement la dernière fois
01:34:13qu'elle met les pieds dans cette maison
01:34:15où elle a passé deux ans de sa vie.
01:34:17Même si elle a eu tort d'accepter l'inacceptable,
01:34:19Josiane n'y a pas connu que de mauvais moments,
01:34:21du moins au début.
01:34:23Elle parcourt une dernière fois les pièces,
01:34:25une à une, au fil de ses souvenirs.
01:34:27Mais il est temps pour elle
01:34:29de tourner la page auprès d'Assine.
01:34:31Elle connaît enfin un bonheur
01:34:33qu'elle croyait défendu.
01:34:35Quand soudain,
01:34:37Josiane aperçoit un ray de lumière
01:34:39sous la porte de la cuisine.
01:34:41Antoine gît dans une flaque de sang.
01:34:43Et Raoul, où est-il ?
01:34:45Soudain,
01:34:47un rat à l'affreux attire leur attention.
01:34:49Assine se précipite à l'étage.
01:34:51Raoul, ça va ?
01:34:57Raoul est à l'agonie
01:34:59mais il trouve encore la force
01:35:01de pointer sur Josiane,
01:35:03un doigt accroché à sa tête.
01:35:05Josiane s'éloigne.
01:35:07Raoul est à l'agonie
01:35:09mais il trouve encore la force
01:35:11de pointer sur Josiane,
01:35:13un doigt accusateur,
01:35:15avant de rendre son dernier souffle.
01:35:21Assine appelle la commissaire Michaud
01:35:23qui arrive sur les lieux.
01:35:25La commissaire ne peut que constater
01:35:27que pour Antoine aussi,
01:35:29il est trop tard.
01:35:39Un malade, oui,
01:35:41mais qui plus d'une fois
01:35:43avait crié au loup
01:35:45et se retrouvait finalement
01:35:47à sa place.
01:35:49Un malade, oui,
01:35:51mais qui plus d'une fois
01:35:53avait crié au loup
01:35:55et se retrouvait finalement mort.
01:35:57J'ai eu le sentiment
01:35:59très désagréable de m'être trompée
01:36:01de A à Z.
01:36:05Dans un sens,
01:36:07je lui dois beaucoup, Raoul.
01:36:09C'est tout de même
01:36:11un peu de ma faute.
01:36:13Après tout ce temps,
01:36:15j'arrive toujours pas à me convaincre
01:36:17de l'avoir échappé belle.
01:36:19Malgré toutes ses épreuves,
01:36:21la vie lui a réservé une belle rencontre.
01:36:23Assine a depuis brillamment passé sa thèse de droit.
01:36:25Il est devenu enseignant.
01:36:27Josiane a trouvé un travail de vendeuse dans une parfumerie.
01:36:29Mais pourquoi Raoul a-t-il tant Josiane
01:36:31et sa femme
01:36:33au point de faire accuser la première et interner la seconde ?
01:36:35Pur délire de persécution.
01:36:39Comme Denise à l'époque commençait à se méfier
01:36:41de l'état mental de son mari,
01:36:43Raoul avait fait plusieurs dépositions contre elle.
01:36:45Les soi-disant tentatives de meurtre
01:36:47de Denise Leroux.
01:36:49Et Josiane, elle, qui s'inquiétait de son alcoolisme
01:36:51et cherchait à le faire placer,
01:36:53lui a rappelé sa femme.
01:36:55Alors,
01:36:57comme il l'avait fait pour Denise,
01:36:59Raoul a tout simplement voulu punir
01:37:01Josiane.
01:37:03Mais qu'il ait pu dissimuler pendant toutes ces années
01:37:05la vérité, abuser les médecins et son fils,
01:37:07tout ça reste
01:37:09un mystère.
01:37:11Ce qu'on peut retenir,
01:37:13par-delà les explications médicales plus ou moins compliquées,
01:37:15c'est l'incroyable
01:37:17pouvoir de la maladie mentale.
01:37:19Elle peut conduire les hommes à accomplir
01:37:21des actes extraordinaires,
01:37:23se blesser, se mutiler, risquer la mort
01:37:25dans le seul but d'accomplir
01:37:27ce que leur dicte leur esprit égaré.
01:37:29Et bien entendu, de tels comportements
01:37:31sont de nature à tromper tout le monde,
01:37:33car comment imaginer spontanément
01:37:35une telle réalité ?
01:37:37C'est ce qui a été à deux doigts de se produire
01:37:39au cours de l'enquête.
01:37:41Après cette terrible aventure,
01:37:43Josiane et Hassine
01:37:45sont partis faire leur vie ailleurs.
01:37:47Josiane a vendu le pavillon,
01:37:49mais elle a appris récemment
01:37:51qu'il avait été démoli avec d'autres
01:37:53en vue de la construction d'un ensemble résidentiel.
01:37:55Aujourd'hui donc,
01:37:57il n'en reste plus rien des lieux du drame,
01:37:59à part, bien sûr, dans la mémoire de Josiane.
01:38:01Pour que ses souvenirs
01:38:03douloureux disparaissent,
01:38:05il faudra encore du temps.
01:38:07Beaucoup de temps.

Recommandée