Nos fonctionnaires sont-ils suffisamment en sécurité en France ?

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Dans Europe midi, Mickael Dorian et ses invités débattent de dernières informations.
Retrouvez "Europe 1 13h" sur : http://www.europe1.fr/emissions/europe-1-midi3
Transcript
00:00Et on continue à décrypter l'actualité, Mickaël Dorian avec vos deux invités,
00:05le chroniqueur politique Jean-Michel Salvatore et l'écrivain et philosophe Nathan Devers,
00:09le débat qui se poursuit avec cette question, nos fonctionnaires sont-ils suffisamment en sécurité
00:14dans notre pays ? Ces derniers jours, les incendies successifs survenus à Nîmes et Angoulême
00:19interrogent. Nîmes, c'est un poste de police qui aurait été visé dans le quartier Pissevin alors
00:24qu'à Angoulême, un homme a tenté, lui, de mettre le feu hier à la mairie. Alors les policiers,
00:29les agents de mairie, les enseignants aussi, parfois, représentent d'une certaine façon l'État.
00:33Ça veut dire que lorsqu'ils sont visés, c'est d'une certaine façon l'État et ceux qui nous
00:38gouvernent qui sont visés, Jean-Michel Salvatore. Oui, c'est vrai. Et c'est vrai que sur Angoulême,
00:43on peut se féliciter du fait que les policiers municipaux étaient armés, ce qui n'est pas le
00:49cas de la plupart des policiers municipaux en France. Et c'est vrai que c'est ce qui leur a
00:55permis, finalement, de réagir et de maîtriser ce forcené. Sur Nîmes, c'est autre chose. Moi,
01:03ce qui me frappe beaucoup, si vous voulez, c'est que finalement, les policiers, les forces de
01:09l'ordre, l'État français, se retrouvent face à des adversaires, à des trafiquants de drogue qui
01:16ont des moyens comparables à ceux de l'État et qui sont capables, finalement, d'aller chercher et de
01:23provoquer l'État, l'État de droit, pour imposer leurs vues et pour maintenir leurs petits commerces.
01:28Et pour faire reculer, d'une certaine façon, l'État. Bien sûr, bien sûr. Et c'est vrai que Bruno
01:35Le Maire disait, je ne sais pas si vous vous souvenez, mais au mois de mars, Bruno Le Maire avait
01:40été entendu au Sénat par une commission, justement, sur les narcoufres trafiquants et il disait des
01:47choses qui étaient, finalement, extrêmement inquiétantes. Il disait que les narcoufres
01:52trafiquants étaient aujourd'hui aussi bien équipés et aussi puissants qu'un État. Et il donnait
01:59des exemples. Il disait, par exemple, que les narcoufres trafiquants utilisent des sous-marins
02:05pour transporter leurs marchandises. Il expliquait également que les narcoufres trafiquants avaient
02:10des systèmes de communication sécurisés, qu'ils utilisaient également des satellites pour surveiller
02:18leurs marchandises, etc. Donc, on est face à des organisations extrêmement puissantes qui ont,
02:23évidemment, beaucoup d'argent et qui n'ont peur de rien. Nathan Devers. Je pense qu'une des
02:28difficultés avec l'actualité, c'est que quand on prend deux faits qui se ressemblent, mais qui ont
02:34pour point commun d'avoir eu lieu la même journée ou la même semaine, on a la tentation, bien sûr,
02:38de créer parfois un lien entre les deux pour établir, après, avec une inférence, un diagnostic
02:43général. Et on n'en fait pas parce qu'on a très peu d'éléments et nos démons sont sur nos cadenimes.
02:46Mais c'est ce que j'allais dire. Il me semble que là, le dénominateur commun, c'est que dans les
02:49deux cas, l'État est attaqué ou les représentants de l'État. Mais qu'il y a une différence, c'est
02:53que ça pose manifestement deux questions qui méritent d'être traitées séparément. La
02:58première question concernant notamment Nîmes et le quartier du Pissevins, c'est la question
03:03de l'augmentation du trafic de drogue. C'est-à-dire la question, pour la formuler autrement, de
03:09l'implantation de certaines mafias dans certains endroits du territoire français. Parce que,
03:16qu'est-ce qu'un gang de trafiquants qui est aussi puissant ou qui a certaines prérogatives que
03:20normalement seul un État peut avoir ? Ce n'est rien d'autre qu'une mafia, au sens décrit par
03:24Saviano dans un autre contexte qui est le contexte italien. Ça pose aussi la question, bien sûr,
03:29comme chaque fois qu'il y a des actes criminels qui sont commis par des trafiquants de drogue,
03:32de se dire que ce qui finance ces actes-là, indirectement, c'est toujours l'argent des
03:37consommateurs dans le cadre d'une relation souvent de dépendance à la drogue. Donc ça pose une
03:41question sécuritaire et de santé publique. Dans le cadre d'Angoulême, j'ai l'impression qu'on n'a
03:45pas encore toutes les informations. Manifestement, la piste terroriste aurait été écartée. Mais
03:50attendons de voir quand même ce qu'il en ressort, s'il n'y avait pas certaines motivations
03:54idéologiques derrière. Et ça pose la question de manière plus large de la violence contre les
04:00élus. Il y a eu une augmentation entre l'année dernière et il y a deux ans de 32% de la violence
04:03contre les élus. Ça touche tout le monde. Ça touche en particulier les élus qui sont le plus
04:09au contact de la population, les maires de petites villes. Angoulême n'est pas une petite ville,
04:12mais en tout cas les maires, les gens qui travaillent, les conseillers municipaux, les gens
04:15qui travaillent dans des mairies. Et donc ça, à mon avis, c'est évidemment un sujet. Et derrière ça,
04:19il y a, me semble-t-il, aussi le risque d'une forme d'évaluation de la politique, d'une désertion de
04:25la politique par les gens qui seraient tentés d'en faire aujourd'hui. Aux prochaines municipales,
04:28il y aura beaucoup moins de candidats qui ne se représenteront pas ou qui ont exprimé l'intention
04:33de ne pas se représenter. Beaucoup de maires actuels qui ont exprimé l'intention de ne pas
04:37se représenter. Et ça veut dire aussi, encore une fois, que lorsqu'il y a une colère à
04:42exprimer dans la vie de notre pays, on s'en prend de plus en plus à ceux qui sont, pardonnez-moi du
04:49terme, à portée de baffe, Jean-Michel Salvatore. Oui, mais moi, je suis assez d'accord avec Nathan.
04:53Les sujets sont vraiment très différents. À Nîmes, évidemment, on n'a aucune preuve. On n'a
04:59aucune preuve pour l'instant. Cet incendie dans la boulangerie qui jouxte le commissariat de police,
05:03comme par hasard, il a lieu le jour où le commissariat rouvre. Ce sont deux sujets différents,
05:09mais que ce soit les policiers ou les agents municipaux, ils représentent, d'une certaine
05:12façon, l'État et l'autorité. Oui, c'est vrai. Mais là, je pense que c'est une lutte pour le
05:17territoire. Les narcotrafiquants luttent pour préserver leur territoire. Il faut bien voir
05:22qu'en France, aujourd'hui, le commerce de la drogue est un marché absolument colossal. C'est
05:29trois milliards et demi. Ça fait vivre 200 000 personnes et ça fait 500 morts par an, en gros.
05:34Donc, évidemment que la violence qui est derrière est finalement à l'image de cet enjeu. Et ce qui
05:42est très frappant, si vous voulez, dans l'histoire des narcotrafiquants, c'est qu'il y a une
05:45déconnexion complète entre les trafiquants et la violence qu'il y a derrière, et puis les
05:55consommateurs. Parce que les consommateurs, ils sont extrêmement nombreux en France et les
05:59consommateurs sont dans le déni total. Vous avez, en gros, deux millions de Français qui fument
06:04du cannabis, qui prennent du cannabis tous les jours. Vous avez cinq millions qui en prennent
06:08assez régulièrement. Tous ces gens-là n'ont pas conscience du fait qu'ils alimentent un système
06:15mafieux, un système extrêmement violent et un système qui défie l'État. Et en fait, c'est
06:20cette déconnexion-là dont on voit les résultats aujourd'hui.

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