Punchline - Marseille : une médecin agressée dans son cabinet

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Aujourd'hui dans "Punchline", Mickaël Dos Santos et ses invités débattent de l'agression d'une médecin à Marseille dans son cabinet.
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Transcript
00:00On commence cette émission avec cette agression et cet médecin des quartiers nord de Marseille,
00:06violemment agressé, ce lundi, par deux de ses patientes. La jeune femme a été frappée,
00:11griffée et mordue après avoir refusé de livrer une ordonnance à l'une des connaissances,
00:17de leur connaissance, à ces deux femmes qui n'avaient pas consulté d'ailleurs cette médecin,
00:21un médecin qui a décidé de porter plainte car elle était tout simplement traumatisée.
00:26On va écouter l'un de ses collègues, le docteur Saïd Ouichou.
00:29En fin de journée, il y avait deux personnes qui ont demandé au médecin d'être reçue.
00:36Elle a bien voulu le recevoir puisque déjà c'était la fin de la journée. Pendant cette
00:41consultation, elles ont demandé une ordonnance pour une personne qui était chez elle,
00:44qui ne veut pas se déplacer. Elle a essayé de leur expliquer que ce n'était pas possible,
00:48qu'il fallait quand même qu'elle examine la patiente, qu'elle prenne connaissance de son
00:54état de santé. Ils ont insisté et là-dessus, quand elle a vraiment été catégorique,
01:00ils se sont acharnés sur elle. Elle a frappé, griffé, mordue. Bref, ça a été un énorme calvaire
01:06pour ma collègue. Aujourd'hui, elle est complètement traumatisée par cet événement. Quand on est
01:13médecin, on ne s'attend pas à ce qu'on se fasse frapper dans son cabinet pendant son exercice par
01:18des patients qu'on reçoit pour les soigner. Donc, on est là pour apporter des soins et non pas pour
01:23se battre. Elle est complètement traumatisée. Aujourd'hui, elle ne sait pas encore s'il va
01:28reprendre son travail. Elle a suspendu son activité toute la semaine. Elle n'est même pas sûre de
01:33reprendre son activité au sein du centre médical. Jacques Morel, je vais profiter de votre présence.
01:38Vous venez d'arriver. On a déjà écouté nos invités tout à l'heure sur ce thème. On continuera
01:43bien sûr à vous interroger. Jacques, comment éviter ce genre d'agression, on le disait tout
01:47à l'heure, vis-à-vis des médecins, des agressions qui touchent les médecins ? On peut parler aussi
01:51des policiers. On en parlait d'ailleurs hier. Les pompiers également. Aujourd'hui, on s'attaque
01:55finalement à des personnes qui sont là pour assister, pour aider, pour soigner.
01:59Vous savez, les attaques de médecins, ce n'est quand même pas un phénomène très nouveau. Ils
02:05refusaient même à un moment de faire un certain nombre de visites à domicile dans des quartiers
02:10difficiles. On les attaquait pour leur voler leurs médicaments. On les attaquait pour leur
02:15voler les produits du tableau B. Il y a eu toute une série d'agressions comme ça.
02:21À tel point qu'ils demandaient d'ailleurs être accompagnés par les forces de police pour aller
02:27chez un certain nombre de patients en fonction des quartiers. Maintenant, toutes les professions
02:33sont exposées. Maintenant, vous refusez à quelqu'un de lui vendre un vêtement ou lui donner
02:40ce qu'il veut, il vous agresse. On se retrouve dans cette configuration de la violence qui est
02:46maintenant une espèce de monnaie d'échange. Tu ne veux pas me donner ça, je te casse la tête.
02:51Donc malheureusement, ils ne sont pas à l'abri. On ne peut pas transformer les cabinets médicaux
02:57en commissariat avec des gardiens ou des vigiles. C'est malheureux, mais je pense qu'ils ne doivent
03:06pas être les seuls à être agressés ou au moins à subir des pressions parce que là,
03:11ils en sont venus aux mains. Mais je pense que... On rappelle le motif qui est quand même futile,
03:16c'est-à-dire un refus d'ordonnance pour une personne qui n'a jamais consulté ce médecin,
03:20qui était une proche de ces deux femmes qui l'ont agressé.
03:24Oui, c'est de pire en pire.
03:26Et parfois, effectivement, ça peut être tout simplement une attente trop longue. Les motifs
03:31sont nombreux malheureusement aujourd'hui pour agresser les médecins. On parle bien sûr des
03:36médecins qui sont dans ces cabinets. On peut parler aussi...
03:38Des urgences.
03:39Exactement.
03:40Des urgences.
03:41Effectivement, les médecins qui se déplacent aussi dans ces quartiers. Des médecins qui sont
03:46amenés à assister des gens qui ne peuvent parfois même pas accéder à ces immeubles par la simple
03:52et bonne raison qu'on leur interdit l'accès. Donc effectivement, c'est très compliqué pour
03:55ces médecins d'assurer leur tâche. Vous allez voir, on l'a écouté d'ailleurs tout à l'heure,
04:01à l'instant Saïd Ouichou, les deux jeunes femmes qui ont agressé cette médecin sont âgées de 14
04:07et 25 ans. Elles habitent dans ce quartier nord et le collègue de travail de la victime connaît
04:12même l'une d'entre elles depuis toute petite, le docteur Saïd Ouichou, qui lui aussi a été
04:17victime d'une agression par le passé. Je vous propose de l'écouter.
04:20Ça m'est arrivé, mais personnellement, il y a deux ans, ça a été violent, où j'ai décidé de
04:27quitter le cabinet où j'exerçais depuis une quinzaine d'années. Et donc, c'est de plus en
04:32plus fréquent. Le passage à l'acte devient une banalité et les agresseurs n'ont pas de scrupules
04:40à frapper, à passer à l'acte. Et ça devient de plus en plus fréquent et de plus en plus violent.
04:45Et ça touche des métiers qui, jusque-là, étaient respectés. La violence existe dans notre société,
04:50elle est de plus en plus fréquente, mais ça touche vraiment toutes les professions,
04:53y compris les soignants. Une précédente agression qui l'avait poussé à fermer son cabinet par le
04:59passé, il s'est réinstallé dans ce nouveau cabinet. Cette fois-ci, ce n'est pas lui qui est
05:04touché, mais c'est sa collègue, Arnaud Clarsfeld. Juste une remarque de quelques secondes pour
05:07reprendre ce que monsieur disait. Vous disiez, c'est de pire en pire. On peut dire que c'est
05:11aussi un retour en arrière, parce qu'avant, on disait les coupes-gorges ou la bourse ou la vie,
05:16on en revient. C'est plutôt un retour en arrière qu'une fuite en avant, non ?
05:22Tout à fait, oui.
05:23Est-ce que vous êtes chargé de la délinquance itinérante ? Avant, sur les chemins grand fin,
05:29on disait la bourse ou la vie.
05:31C'est ça, tout à fait.
05:32Effectivement, c'est assez inquiétant. C'est un retour en arrière, on peut le dire. Malheureusement,
05:36on n'avance pas. Comment expliquer cette violence envers les médecins ? Aujourd'hui aussi,
05:42il faut peut-être penser à priver ces patients de soins gratuits. Elle est peut-être là,
05:48la sanction, Sabrina Medjaber ?
05:50Non, parce que justement, comme disait monsieur Morel et tout à l'heure Joseph Touvnel,
05:55il y a une intolérance à la frustration qui amène le passage à l'acte. Si vous les obligez
06:01à payer la consultation alors qu'elle est censée être gratuite, évidemment, vous risquez des
06:06représailles. Si ce n'est pas la personne, parfois, il menace d'amener les amis et la famille pour
06:12tabasser la personne ou le médecin ou peu importe l'incarnation de la fonction. En question,
06:18ce qui est assez, en réalité, malheureusement intéressant dans cette agression, c'est l'âge
06:23de ces deux agresseuses. L'une a 14 ans, l'autre a 25 ans.
06:27Et si je peux me permettre, petite précision, Sabrina. Effectivement,
06:30celle qui commence à agresser cette médecin est celle qui a 25 ans et qui incite celle qui a 14
06:37ans à venir lui porter des coups. Oui, bien sûr. Alors ça, c'est la violence
06:41entre guillemets symboliquement tribale, c'est-à-dire clanique. Tu fais partie de mon clan,
06:48donc tu es dans le long du groupe, donc tu dois respecter mes règles. Mais ça,
06:51c'est encore une considération anthropologique différente. Mais ce qui est sûr, c'est que c'est
06:56très symptomatique de la société française qui est devenue une société complètement adulescente,
07:00finalement, où les adultes sont infantilisés et les enfants sont complètement adultifiés.
07:07La violence est de plus en plus protéiforme et on assiste depuis la fin des années 60 à une
07:14régression vers ce qu'on appelle l'enfant roi, qui est resté l'enfant roi sans transition
07:20narcissique. C'est ce que le docteur Nahouri appelle l'infantolatrie, c'est-à-dire qu'il dit
07:26pour être démocrate en tant qu'adulte, soyez fasciste avec votre enfant. Si vous êtes fasciste
07:33avec votre enfant, il sera donc forcément démocrate. Donc il a une lecture assez
07:42intéressante parce qu'il explique finalement que lorsqu'un parent éduque son enfant avec
07:46des moyens que l'enfant n'a pas la possibilité de métaboliser, il sera programmé pour être un
07:52adulte hyper-narcissique. Et c'est donc à partir de là qu'il est impossible finalement de réfréner
07:57les pulsions négatives et les pulsions parfois même criminelles de ces personnes. Donc c'est
08:02assez symptomatique de cette politique de l'enfant roi qui devient un adulte tirant. Et ce qu'on a
08:10vu là par rapport à ce médecin est tout à fait caractéristique de cette société adulescente
08:15que Tony Anatrella, un psychiatre social, explique très bien dans son ouvrage.
08:18Mais concrètement, qu'est-ce qu'on peut faire aujourd'hui pour éviter ces agressions de
08:23médecins ? Je disais tout à l'heure, effectivement, peut-être sanctionner, taper au portefeuille. Il y
08:27a peut-être d'autres solutions. Jacques Morel, tout à l'heure, vous nous disiez qu'on ne peut
08:30pas mettre un policier devant chaque cabinet. Effectivement, ça paraît très compliqué,
08:35mais il y a peut-être d'autres solutions, Joseph Touvenel. Je sais que vous avez souvent des
08:39solutions à tous les problèmes. J'arrive à avoir des propositions qui, me semble-t-il,
08:46tiennent la route. Et j'en doute pas une seconde. D'ailleurs, quand je regarde,
08:49quand elles sont mises en place, ça fonctionne. Ça fonctionne. Alors je m'étonne qu'on n'ait pas
08:53le courage de les mettre en place chez nous. Mais dans ce cas de figure, dans les agressions
08:57de médecins, on n'arrivera pas à les régler du jour au lendemain. C'est des problèmes. C'est
09:02un peu comme ces gros superpétroliers qui se lancent à pleine vitesse. Vous ne les arrêtez
09:06pas d'un coup. Alors, vous voulez couler, d'accord, mais ce n'est pas le but. Donc,
09:10ça mettra systématiquement du temps. Il faut reprendre ses territoires. Il faut reformer.
09:16L'éducation est essentielle. L'éducation au nom. Alors, le nom, ça ne doit pas être un nom
09:21brutal. Ça ne doit pas être un refus haineux. Mais c'est le nom, notamment le nom parental,
09:28le refus parental, doit être aussi accompagné d'amour. Et l'enfant le sent, ça. Il sent quand
09:35on l'aime. Il sent si on lui refuse quelque chose, pas pour lui faire du mal, mais il le comprend,
09:40même si sur le coup, il ne va pas l'accepter. Mais ça, ça joue sur des générations. Et donc,
09:46on ne va pas régler le problème en six mois. Ça, c'est parfaitement. Malheureusement,
09:51on ne peut pas empêcher le contact entre le patient et un médecin. Malheureusement,
09:53on ne peut pas arriver. La première réponse la plus simple, c'est que quand les gens ont franchi
09:57les limites, comme dans ce cas-là, la réponse pénale doit tomber forte et vite. Et je rappelle
10:03qu'il y a un rassemblement, d'ailleurs, en ce moment même, devant le cabinet de cette médecin
10:08agressée dans les quartiers nord de Marseille pour soutenir, bien sûr, cette médecin qui vit
10:13une épreuve difficile. Elle le dit elle-même avoir été traumatisée par la violence de cette agression.

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