Que pensez-vous de la fessée «éducative» ?

  • le mois dernier

Mickaël Dorian revient pendant deux heures, sans concession, sur tous les sujets qui font l'actualité. Aujourd’hui, il reçoit le professeur et fondateur de l'Observatoire des violences éducatives ordinaires pour revenir sur la fessée. Châtiment physique interdit depuis 2019 en France et pourtant toujours revendiqué par de nombreux parents. Qu'en pensez-vous ?

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00:00Europe 1 et vous, 11h13h, Michael Dorian. 11h33 et dans ce quart d'heure vous recevez Michael Dorian,
00:06le professeur Olivier Morel, fondateur de l'Observatoire de la violence éducative
00:10ordinaire, pour parler de ce sujet de la fessée, punition corporelle interdite en France depuis 2019.
00:17Et pourtant certains parents continuent de revendiquer ce droit de correction car pour
00:22eux la fessée a un intérêt éducatif. Alors cinq ans après cette loi anti-fessée est-elle
00:27réellement appliquée ? Bonjour M. Morel, merci d'être avec nous en direct dans Europe 1 et vous.
00:33On apprend qu'en 2024, 81% des parents ont eu recours à une forme de violence sur leur enfant
00:40et 24% ont donné une fessée. Est-ce que ces chiffres vous font réagir ? Oui, ils sont plutôt
00:49désolants en un sens. Mais enfin quand on les regarde de plus près, on s'aperçoit que les
00:55formes de violence éducative qui ont été utilisées surtout par des parents sont des formes qui en fait
01:04ne sont pas directement physiques. Pour ce qui est de la violence vraiment physique, des fessées et
01:12les gifles, il n'y a que 24% des parents qui reconnaissent en avoir utilisé. Mais bien sûr ça
01:20peut être vu de façon pessimiste disons. Le reste ce sont quoi ? Ce sont surtout des violences
01:27verbales ? Oui, des violences verbales, essentiellement violences psychologiques, des gens à chantage,
01:35envoient dans la chambre, être privé de quelque chose. Envoyer son enfant dans sa chambre c'est
01:44considéré comme une violence verbale ? Le fait d'être mis au coin et puni, oui, c'est une forme
01:52de violence. Il suffit d'imaginer ce que ça nous ferait d'être exclu, ce que ça ferait à un adulte
02:02d'être exclu, surtout par quelqu'un qu'il aime, qui est en relation directe avec lui et affective,
02:09et bien oui c'est quelque chose qui fait souffrir. Donc c'est une forme de violence.
02:18Donc est-ce qu'on peut encore parler même de punition aujourd'hui dans l'éducation d'un
02:24enfant ? On peut parler, on parle plutôt de sanctions, de punition, on joue un peu sur les mots
02:33Monsieur Blanrel. Mais la mesure si vous voulez de ce qui est violence, c'est le fait de savoir ce que
02:47cela nous ferait à nous finalement. Si quelque chose est pour nous douloureux et pour nous une
02:56souffrance, et bien c'est une souffrance plutôt pire pour les enfants qui sont particulièrement
03:01vulnérables. Alors il y a souffrance et souffrance évidemment, mais le principe d'une sanction c'est
03:05que ça doit pas non plus être quelque chose d'agréable. Oui bien sûr, mais on peut élever
03:13les enfants. Je précise que j'ai eu cinq enfants. Oui bien sûr, mais c'est intéressant d'avoir
03:18cette discussion avec vous. Donc on peut je crois, nous n'avons pas réussi à élever nos enfants
03:26tout à fait, surtout nos premiers enfants, mais pour les derniers où on avait pas mal évolué,
03:32puis on avait compris beaucoup de choses, on a réussi je crois à les élever pratiquement sans
03:38violence, à établir une relation qui tient beaucoup dans des petites choses, les relations
03:44de la vie quotidienne, de manière que finalement les enfants ont des réactions. Ce sont des êtres
03:54très doués finalement pour la relation, les enfants. Pour qu'on comprenne. Ils sont traités
04:02avec respect, et bien même s'il y a des petits accrochages bien sûr, mais s'ils sont traités
04:09avec respect, on n'a pratiquement pas besoin de les punir. Évidemment, mais alors pour qu'on
04:16comprenne, monsieur Morel, donc quand votre enfant, vous nous dites que vous avez cinq enfants,
04:21quand votre enfant dépassait les limites, parce que c'est un petit peu ça, les enfants s'attestent
04:26systématiquement, lorsqu'un enfant fait quelque chose qu'il ne devrait pas faire, je sais pas,
04:31si un enfant ne fait pas ses devoirs, quelle est la sanction finalement adéquate selon vous ?
04:39Je crois que c'est de lui rappeler qu'il doit les faire. Oui mais bon, est-ce que ça suffit des fois ?
04:45Je ne suis pas sûr. Oui, oui, oui. Mais la première chose c'est ça, c'est avoir une relation normale
04:51avec un être humain, disons. Et après ça, essayer de lui montrer que c'est sa responsabilité à lui,
05:01et que ça peut avoir des conséquences par la suite, mais c'est sa responsabilité à lui. En général,
05:10un enfant qui est justement élevé de façon positive réagit positivement aussi.
05:19Vous dites vous-même en général, ça veut dire qu'il y a peut-être des enfants qui ne réagissent
05:23pas forcément tous de la même façon ? Oui, dans ces cas-là, je crois qu'on les laisse dans leur
05:30responsabilité, sans les punir. Sans les punir, donc c'est-à-dire qu'on laisse les enfants... Vous
05:41dites en gros que si un enfant n'obéit pas à une règle fixée par un parent, on le laisse finalement
05:48de lui-même comprendre son erreur ? Les règles, autant que possible, elles doivent être fixées
05:56pas seulement par les parents. Les règles, elles sont à fixer à la fois par les parents et par les
06:02enfants. Non, non, mais c'est intéressant, on va en parler. Alors, on essaie de joindre Fathéa, je pensais
06:08qu'elle était avec nous. Lou me confirme qu'elle n'est pas là, c'est ça ? Non, elle n'est pas
06:12encore avec nous. Pas encore. Voilà. En tous les cas, si vous souhaitez réagir, parce que c'est intéressant
06:15ce que nous dit Olivier Morel sur cette discussion concernant justement, évidemment, la fessée,
06:23mais également toute forme de punition concernant les enfants, est-elle ? Oui, vous pouvez témoigner
06:27au niveau du standard au 01 80 20 39 21. N'hésitez pas à venir en parler avec nous, puisque c'est un
06:33appel non surtaxé, je répète le numéro 01 80 20 39 21. Alors, pour revenir à cette loi anti-fessée,
06:39pourquoi cette loi de 2019 n'est pas correctement appliquée, Olivier Morel ? Alors, je crois que ça
06:45tient beaucoup au fait que le gouvernement n'a pas fait ce qu'il aurait fallu pour qu'elle soit
06:52vraiment respectée. Je cite l'exemple de la Suède, vous savez qu'en 79 a été le premier pays à faire
07:01passer une loi de ce genre, mais ils n'ont plus des mesures pour que vraiment elle soit portée à la
07:06connaissance dans la vie quotidienne des gens. Alors en Suède, on a imprimé la loi sur les packs de
07:12lait, par exemple. On a diffusé des flyers, des tracts dans toutes les langues d'immigration pour
07:20qu'elle soit vraiment connue de tous. On en parlait aux parents dans l'équivalent de ce que sont chez
07:27nous les PMI, la protection maternelle et infantile. Il y avait vraiment une action, un suivi qui a fait
07:34que cette loi, alors bien sûr au début elle a sorti aux habitudes, au fait que les parents étaient
07:43habitués à pratiquer la violence éducative, mais au bout de quelques années, le nombre de parents
07:49partisans de la loi est devenu supérieur au nombre de parents opposés. Et aujourd'hui, en Suède, il
07:56faut voir les réactions des parents et des enfants suédois quand ils voient la manière dont les
08:03enfants sont traités en France. C'est absolument horrifié, scandalisé, vraiment.
08:09Mais cette loi, selon vous, elle était réellement nécessaire dans le sens où, quand on est parent,
08:21on est censé savoir qu'évidemment c'est pas bien de frapper son enfant et que les punitions par la
08:29violence ne sont pas une solution. Est-ce que dans ce cas de figure, la loi était réellement
08:34nécessaire quand on voit les résultats de cette loi ? Quand on voit que finalement, les chiffres nous
08:39l'attestent, et bien ça n'a pas changé grand-chose. Oui, attention, les parents, au moment où la loi
08:47est passée en France, étaient loin d'être persuadés qu'il ne fallait pas frapper les enfants. C'est
08:55une coutume tellement racinée dans les esprits depuis des millénaires. La plupart des parents
09:04ont subi eux-mêmes la violence éducative. Et quand on a subi la violence éducative, on la porte
09:11littéralement en soi, inscrite dans son corps et dans son psychisme. Ce qui fait qu'on a beaucoup
09:18de difficultés à ne pas frapper. Quand on dit « la main me démange », ce n'est pas pour rien,
09:23c'est qu'on est très mimétique, on est très imitateur, et ce qu'on a subi, on a tendance
09:31à le reproduire, si on n'a pas rencontré de gens qui nous aient permis de comprendre,
09:38quand nous étions enfants, que ce comportement n'était pas acceptable à l'égard d'un être
09:44humain. Et donc, il faut vraiment une action longue. Moi, j'ai toujours été persuadé que
09:51ce serait long, le changement. Cela, en un sens, ne m'étonne pas qu'aujourd'hui, il y ait des
09:57difficultés. J'ai été interrogé par des médecins qui sont encore plus en rapport que moi avec les
10:04parents, directement, et deux médecins qui ont été très impliqués dans la lutte contre la violence
10:10éducative. Une, qui est une femme, elle est assez consternée, et elle attribue une partie de ce qui
10:17se passe à l'influence de Caroline Goldman, vous savez, qui, pendant un an, a promu des punitions
10:25sur les enfants. Le débat, on ne va pas le refaire, mais c'est vrai que nos parents ne se posaient pas
10:34ce genre de questions. Est-ce qu'on peut dire que, pour autant, on a reçu, vous, moi, une mauvaise
10:41éducation ? Je le crois. Je le crois, souvent. Pas toujours. Moi, en ce qui me concerne, j'ai très peu
10:51subi de violences éducatives. Moi non plus. Mais on peut dire, en tous les cas, nos parents ne se
10:56posaient pas ce genre de questions. Et ce n'est pas pour autant, effectivement... Il y en avait
11:01qui commençaient, quand même. Mais c'est vrai qu'en général, c'était quelque chose d'acquis,
11:07c'était quelque chose de normal. La fessée, c'était pédagogique. Et aujourd'hui encore, pas mal de gens
11:13le pensent. Merci beaucoup, Olivier Morel, d'avoir été avec nous. Professeur agrégé de lettres et
11:17fondateur de l'Observatoire de la violence éducative ordinaire.

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