Entretien entre Lydie Salvayre, lauréate du Prix Marguerite Yourcenar 2024 et Ivan Jablonka

  • il y a 3 mois
Le jury de la Scam a souhaité récompenser l’une des voix les plus singulières et les plus attachantes de la littérature contemporaine française : Lydie Salvayre.

Depuis La Déclaration (1990), elle parcourt le XXe siècle à la recherche de son histoire, celle des républicains espagnols. Elle suit la grande famille des spectres à travers la guerre, l’exil, la dépossession et jusqu’à l’enracinement, cette étrangeté sans cesse recommencée. La gravité de ce questionnement va de pair avec un éloge de l’amour sous toutes ses formes – attachement aux siens, passion pour un homme, traité d’éducation lubrique, ode à l’existence –, décliné avec une liberté de ton qui suscite le rire et aiguillonne l’autodérision.

Du roman au scénario en passant par le récit, l’essai, le théâtre et le CD audio, Lydie Salvayre a pratiqué de nombreuses formes d’écriture, offertes à des maisons d’édition grandes et petites, en son nom propre ou au sein de collectifs. Loin de tout esprit de sérieux, elle montre à quel point la littérature engage des choses sérieuses, en secouant nos certitudes en même temps que nos désirs.

C’est donc pour mieux approcher un écrivain, appréhender son univers, (re)découvrir son talent que le Prix Marguerite Yourcenar de la Scam met en lumière un auteur ou une autrice pour l’ensemble de son œuvre.
Transcription
00:00Bonjour, je suis très heureux de faire ce dialogue avec vous, chère Lydie, recevez
00:09toutes nos félicitations émues, merci à vous tous d'être là aussi aujourd'hui.
00:14Alors quand on a préparé cet entretien, Lydie, vous m'avez dit que vous étiez timide
00:22et que vous n'osiez pas trop parler en public, mais vous vous moquiez de moi, c'est pas vrai
00:26en fait.
00:27Oui c'est vrai, si si c'est vrai, mais je sais l'expliquer, je vais vous l'expliquer.
00:31Oui c'est le moment.
00:33Donc comme je l'ai dit dans quelques livres, je suis née de parents espagnols, réfugiés
00:39politiques en France en 39 et qui ont eu le mauvais goût de parler un très très très
00:44mauvais français quand ils étaient en France, cette langue que j'ai appelée avec beaucoup
00:49de tendresse évidemment des années après le fragnol et il se trouvait qu'à l'école
00:57il m'arrivait de répéter ces incorrections de ma mère, si bien que petit à petit j'ai
01:07eu de plus en plus de peine à prendre la parole et à lever le doigt, mais vraiment vraiment,
01:12et il s'en est, il est arrivé deux choses, c'est que je me suis jetée dans la lecture
01:22pour apprendre le français, le beau français, le bien dire, d'où ce goût que j'ai des
01:27mots rares, on en parlera peut-être, et puis aussi une des conséquences sans doute encore
01:37plus heureuse, c'est que cette difficulté à parler, je l'ai convertie en écriture
01:42puisqu'il fallait que les choses se disent, voilà pourquoi, mais c'est vrai que de la
01:47honte à mal parler, j'en ai encore gardé les traces, il m'arrive d'avoir une appréhension
01:53vraiment à dire certaines choses par peur de mal dire, encore aujourd'hui, et je racontais
02:02hier à Isabelle, il m'était arrivé en classe de dire au lieu de dire omelette de dire moulette
02:09comme disait ma mère, et la remontrance de l'institut Trisky s'en est suivie, j'en
02:17ai encore aujourd'hui 70 ans après le souvenir, voilà, et je crois que je ne suis pas la
02:24seule dans ce cas bien sûr.
02:25Vous préférez écrire plutôt que parler si je comprends bien.
02:291000 fois.
02:30Bon alors on va vous faire sentir quand même en confiance assez pour que vous acceptiez
02:34de nous parler cet après-midi.
02:37Alors je voulais vous, puisqu'on ne vous a pas vraiment présenté et que je ne compte
02:40pas le faire non plus, je voulais vous poser des questions qui relèvent de votre parcours,
02:46de votre enfance, comme ça vous allez d'une certaine manière vous présenter vous-même.
02:50La première question que je voulais vous poser c'est quel est votre plus ancien souvenir,
02:56si vous remontez le plus loin dans votre moi reptilien, c'est quoi votre plus ancien souvenir?
03:03Peut-être le souvenir en tout cas qui m'a le plus marquée, qui est inoubliable, c'est
03:14cette fois où je suis atteinte de la maladie des oreillons, pour ne rien vous cacher, j'ai
03:21de la fièvre, je suis couchée, je me souviens exactement de la chambre dans laquelle je
03:26suis, il se trouve que m'est arrivé un livre qui s'appelle sans famille, alors je ne sais
03:36pas si c'est Marie ma soeur qui me le donne ou si c'est mon instituteur, je n'en sais
03:43rien et l'effet de ce livre est monstrueux sur moi, j'en garde au point que je me mets
03:52à déraisonner et que le docteur, le docteur Couret, tu t'en souviens Marie, vient à mon
03:59chevet en disant il faut lui mettre des compresses d'eau froide, ce livre m'avait enthousiasmée
04:09pour peut-être des raisons que je n'arriverai à comprendre que des années après, c'est
04:14que, donc vous connaissez l'histoire, c'est le petit Rémy qui découvre la vie sans famille
04:21et sans doute que pour moi c'était c'était comme une espèce d'horizon délicieux de vivre
04:28sans famille. Mais vous aviez la fièvre aussi si je comprends bien. Bien sûr. En tout cas on a fait
04:35venir le médecin pour ce drôle de délire. Pour les oreillons, pour les oreillons d'abord. Alors
04:40je crois aussi que dans une vie il y a des moments de bifurcation et je voudrais vous
04:45interroger sur les moments où vous avez senti que votre vie bifurquait. Est-ce que parmi ces
04:52moments de bifurcation le fait d'avoir été publié pour la première fois ça a joué un rôle de
04:57tournant définitif ? Oui mais je crois qu'avant cette rencontre avec l'édition il y avait eu la
05:05rencontre avec la folie puisque j'ai fait des études de lettres puis de médecine puis de
05:13psychiatrie et j'ai travaillé comme médecin résident je crois que je te l'ai dit Yvan plusieurs
05:20années dans une clinique psychiatrique et je dis encore aujourd'hui et ça n'est pas ça n'est pas
05:27comment le dire coquetterie que ce sont peut-être les plus belles années de ma vie parce que les
05:33psychotiques et les hospitalisés en général n'en ont rien à faire de votre statut social de votre
05:43paraître de vos discours d'hôtes d'octes de votre culture et tout ça ça n'est pas ça qui compte
05:48ce qui comptait quand j'étais médecin résident à bouc-bel-air pour être plus précise c'était
05:54d'échanger une cigarette avec les malades c'était de regarder une émission de télévision ensemble
06:00c'était de faire des jeux au moment de dans une cafétéria après le déjeuner je déjeunais avec
06:09eux je passais mes soirées avec eux j'étais médecin résident et ça m'a fait je pense
06:16complètement changer ça a complètement changé mon regard sur les autres sur le monde sur la
06:23folie bien sûr je suis encore aujourd'hui indigné mais indigné au delà du possible lorsqu'on porte
06:30ce regard si péjoratif sur ce qu'on appelle le fou et qui sont souvent d'une humanité d'une
06:38sensibilité autrement plus grande et plus belle je ne les je ne les magnifie pas je sais combien il
06:46y a de douleur dans la folie et combien ça peut être un calvaire de la vivre mais en tout cas
06:53ils m'ont complètement fait je crois fait changer mon regard sur les choses c'est de l'ordre de la
07:03bifurcation vraiment oui ça sûrement en tout cas c'est une porte s'ouvre qui était resté fermé
07:11jusque là j'en suis sûr et le fait d'être publié ça vous a touché ça a été important pour vous
07:16ça a été dans la continuité de ce luxe d'écrire alors oui parce que tu as raison de parler de luxe
07:24puisque jusqu'à ce que j'ai un métier jusqu'à 40 ans pour moi écrire était un luxe de riche il
07:32fallait et c'est ce que ma famille attendait que j'ai un travail un métier un salaire et ce qui
07:40était important plus que tout pour pour s'émanciper et naître sous la coupe de personnes et donc j'ai
07:48attendu d'avoir plus de 40 ans pour m'autoriser à écrire je dis bien m'autoriser c'est une
07:54autorisation qu'on se donne je l'ai souvent dit et comme j'ai un esprit méchant je dis parfois que
08:00des gens se donnent cette autorisation sans vraiment avoir le talent et que d'autres dont
08:07je sens qu'il y a un nœud je ne sais quoi de talentueux n'arrivent pas à se donner cette
08:11autorisation et personne ne peut vous la donner que vous même tout cela pour dire que j'ai commencé
08:17à écrire à 40 ans et mais qui avait mes parents étaient vivants et ma mère me disait mais pourquoi
08:25tu t'embêtes à écrire alors que tu as un si beau métier du coup ça remet les choses à leur place
08:30vraiment vraiment hier on parlait de votre oeuvre et puis vous parliez on était quelques-uns à table
08:37et puis vous évoquiez vos livres et puis l'un des l'un d'entre nous vous a parlé d'un livre de
08:44vous qu'il avait qu'il admirait particulièrement et vous lui avez répondu à ce livre là je l'ai
08:50oublié un peu je sais plus très bien exactement de quoi il parle et je peux vous croire c'est vrai
08:56que après tout on oublie bien des choses dans la vie pourquoi ne pas oublier ses propres livres
09:00alors la question que je voudrais vous poser c'est quel est votre livre que vous avez le plus oublié
09:04tout homme est une nuit que je déteste mais je le déteste parce qu'il reste lié à cette période
09:15où j'étais sous chimio forte dose voilà et je faisais quelques séjours à l'hôpital et du coup
09:25je l'ai écrit sans doute pour pour m'accrocher à quelque chose et il reste indissolublement lié
09:31à cette période et du coup je le rejette d'ailleurs quand les gens veulent l'acheter que vous savez
09:38quand il y a cette table je dis non pas celui là alors que celui là vous voulez l'oublier il y en
09:44a que vous oubliez involontairement mais les livres nous quittent donc je les quitte je sais pas dans
09:52quel sens ça se passe les livres nous quittent celui qui l'inoubliable c'est celui qu'on vient
09:59de quitter à peine mais ce sont des histoires d'amour ça fonctionne comme l'amour et celui
10:06pour lequel on est absolument comment dire pas passionné c'est celui qui est en train de naître
10:13qui est à venir c'est celui là qu'on aime et là je me souviens je me souviens je me souviens
10:18presque parfaitement de lui dans plusieurs de vos livres notamment quand vous évoquez votre histoire
10:25familiale ou l'exil ou l'immigration et puis aussi dans plusieurs entretiens que vous avez
10:30donné vous évoquez l'importance que revêt à vos yeux la fin des années 30 et notamment l'année
10:391939 et je voudrais vous interroger sur cette année là qu'est ce que ça en quoi elle résonne
10:44dans votre histoire familiale dans votre psyché dans votre musée personnel c'est quoi 1939 alors
10:50peut-être quelques années avant en 37 donc ma mère quitte le village de patria en catalogne
11:01va faire différents séjours et en 39 avec le coup d'état frontiste elle va partir à pied et
11:16marcher pendant 45 jours je crois ou plus tu me diras marie si tu te souviens mieux que moi c'est
11:21mon interlocuteur préféré et elle va passer dans la frontière des pyrénées et elle va être
11:30enfermée dans le camp de concentration d'argelès sur mer en bord de plage et on a conservé une
11:38couverture qu'on lui avait donné à ce moment là c'est une couverture je ne sais pas si vous
11:44les avez très très très très très très fine que j'ai que j'ai encore que j'ai gardé aujourd'hui
11:50elle va connaître mon père pendant la rétirada ce qu'on appelait la rétirada elle va être
11:59ensuite transportée dans le camp d'internement de mosaïque et j'expliquais tout à l'heure
12:11pourquoi je détestais les voyages c'est que donc ma mère qui ne sait pas un mot de français qui ne
12:19sait rien la france qui ne sait rien de la culture française se trouve soudain dans un dans des dans
12:25un train sans savoir où elle va sans pouvoir rien demander et elle en avait conçu une phobie des
12:31des trains extraordinaires et quand elle venait me voir à toulouse en train elle me disait dix
12:38fois de suite tu m'attendras à tel endroit je serai tellement elle avait cette cette crainte de
12:45de l'inconnu du voyage et et qu'elle m'a refilé voilà et donc et donc je dis souvent que si je
12:53pouvais rester enfermée dans ma chambre tout le temps ce serait ce serait presque le paradis et
13:01dans votre famille comment se souvenir de l'exil de la guerre a-t-il cheminé vous en parliez et
13:08comment finalement en tant que fille d'oeuvre vous en avez vous êtes arrivé à en parler vous même
13:13bien sûr alors je crois que les premières années mes parents vont rejoindre ma mère souhaite rejoindre
13:23une amie d'elle de fata réia qui habite à haute rive dans la haute garonne et là va se créer et
13:30se former une espèce de communauté de réfugiés réfugiés politiques espagnols qui ont je crois
13:37en tête encore l'espoir de pouvoir retourner en espagne si franco tombe donc je pense que pendant
13:47des années ils vont croire que ça ne va pas durer et d'ailleurs il y avait peu de meubles
13:53chez moi sinon la radio très précieuse la radio pour mon père et puis petit à petit avec les
14:01enfants qui naissent et une certaine acceptation se fait et ils vont se résoudre à rester en
14:11france je dis se résoudre surtout pour mon père parce que je pense qu'il a été un exilé très très
14:17malheureux donc donc très parano du coup ma mère était plus joueuse avec l'exil me semble-t-il
14:25quand vous parlez de d'exil d'immigration et de vos parents vous avez vous mettez l'accent souvent
14:32il m'a semblé sur le rapport au corps les aspects corporels parce que parfois quand on quitte son
14:38pays on a froid on a faim on a peur et donc il ya quelque chose de corporel enfin il me semble dans
14:45votre approche est-ce que vous diriez que cette corporelité si présente dans la dans votre
14:50littérature c'est lié à l'expérience de l'exil du dénuement du dénuement ou aussi de vos études
14:57médicales parce qu'après tout des corps des corps nus des corps souffrants vous en avez vu aussi
15:01absolument absolument c'est vrai que c'est une c'est une discipline pour regarder un corps sans
15:08jugement ni moral ni esthétique ni politique bref c'est regarder le corps nu de l'autre tel
15:19qu'il est ça c'est un apprentissage qui de la médecine qui je pense m'a été été très positif
15:27pour pour moi et j'ai souvent apporté abordé les questions de la du corps en littérature et du
15:35corps sexuel aussi dans le petit traité d'éducation lubrique puisqu'on est très sérieux depuis le
15:40début je dis quand même que j'ai écrit un livre pas sérieux du tout alors vous me donnez une
15:45magnifique occasion de vous citer cher lydie car dans ce traité d'éducation lubrique vous donnez
15:52des conseils et vous allez me permettre de vous citer et vous allez voir je vais détendre
15:56l'atmosphère aussi alors je vous cite lydie salvert à propos de fellation vous donnez ce conseil
16:04je vous cite garer votre automobile dans un endroit dans un endroit peu fréquenté en effet un coup
16:12de klaxon et la jeune fille pourrait lâcher votre sexe sans autre préambule ou pire s'étrangler en
16:19avalant de travers il y a quelque chose dans votre littérature de jaculatoire alors je précise que
16:26jaculatoire ça veut dire exalter lyrique mais je crois qu'il ya quelque chose de profondément
16:31libéré vis-à-vis du corps et du sexe et donc voilà de cette je voudrais que vous nous parliez
16:36de cette exaltation du corps de l'autre mais cette fois pas le corps souffrant mais le corps
16:41exalté mais parce que je crois que je me construis dans cette nage entre deux rives dont j'ai parlé
16:51plusieurs fois c'est à dire je passe d'une maison où on parle le fragole à la rue où on parle le
16:57langage le plus populaire et je dis ça sans le moindre mépris loin de moi à l'école où c'est le
17:05bien dire le l'imparfait du subjonctif etc etc et je fais mon miel de ce passage entre la littérature
17:20la haute littérature voilà les les envolées lyriques etc et cette langue populaire que j'aime
17:27infiniment qu'on dit parfois vulgaire qu'on dit cru et je l'aime pour ça aussi mais en mettant les
17:34deux au même niveau sans hiérarchie en tout cas je m'y efforce parce que je elles s'embrassent elles
17:41sont l'une serre l'autre et l'autre l'une et je n'aime rien tant que ce cette hybridation entre
17:48entre la la dite haute culture et la dite basse culture vraiment d'où les doux les doux les
17:56horreurs quelquefois les injures et les et les saillies tous les sens du mot d'un très mauvais
18:06comme dans vos ouvrages je trouve qu'on on rit souvent j'allais dire on rigole m'enfin vous
18:16nous faites rire lydie vous nous faites sourire et je crois qu'il y a dans plusieurs de vos
18:21ouvrages une dimension parodique vous avez rendu hommage ici et là à swift ou à servantes bien
18:29sûr et je voulais vous interroger sur ces regards à la fois humoristique distancié critique que
18:38vous portez sur le monde et surtout sur vos semblables est ce que le mot de parodie ça
18:43vous évoque quelque chose et est ce que ça définit aussi le regard que vous portez je me
18:48suis prise d'amour il y a quelques années d'abord pour le parodique chez le quichotte et servantes
18:55parodie du roman chevalerec resque et pour la satire en général pour la satire et je crois
19:03que j'ai lu à peu près tout ce qui compte des écrivains satirique et parce que ils ne font pas
19:13du délayage parce que ils ne font pas d'entourloupe et ils vont droit au but ils disent en trois
19:22phrases que d'autres disent en sang au risque d'un manque de risque du simplisme parfois et de la
19:31mauvaise foi et je ne résiste pas au plaisir de vous citer quelques quelques satires d'un de
19:39mes écrivains satirique préféré c'est ambrose beers qui a écrit le dictionnaire du diable que
19:44je vous conjure d'acheter dès que vous serez sorti qui est en poche je donne juste quelques
19:50définitions satirique de ce monsieur bon écrivain de point écrivain concurrent
19:58applaudissement de point écho d'une platitude etc etc et puis et puis et puis cette définition de
20:10thomas bernard mais j'adore les satiristes l'autriche de point on écoute schubert au
20:16premier étage en torture à la cave en une phrase il dit son autriche et ses ombres nazi
20:28etc qui l'exécré et j'ai beaucoup beaucoup d'admiration pour les satiristes qui sont en
20:34train de disparaître me semble-t-il parce que l'humour noir il s'est réfugié chez les chez
20:41les humoristes mais c'est un comment dire qui provoque un rire qui résout la question le
20:48satiriste il laisse il laisse une plaie et à lire une satire on n'en sort pas indemne ça reste ça
20:58questionne on l'entend encore j'ai vraiment du goût du goût pour la satire alors la satire c'est
21:04une école de vie mais c'est aussi une école littéraire c'est à dire que la satire vous
21:08oblige à avoir avoir un une plume affûtée oui presque concise oui bien sûr à user du rire
21:16comme arme ça c'est l'arme préférée des satiristes un rire un peu grinçant mais mais un rire comme
21:24arme oui et d'être et d'être le plus concis le plus lapidaire le plus frontal possible dans vos
21:31livres il y a aussi beaucoup d'amour de la tendresse de la passion et je voudrais que vous nous en
21:36disiez un mot dans pas pleurer il y a la relation d'une femme avec une relation passionnée avec un
21:44jeune révolutionnaire donc la passion de la révolution et la passion amoureuse s'entremêlent
21:50et puis vous avez consacré un livre à bw dans lequel je crois deviner votre compagnon enfin
21:58le compagnon de votre vie qui a été qui a eu plusieurs vies en tant qu'éditeur en tant qu'athlète
22:04avec ses secrets que vous découvrez ou pas est-ce que dans quelle mesure vous êtes aussi
22:11une écrivaine de l'amour je le cache bien général j'ai du mal à me déclarer comme tendre bonne
22:29j'ai du mal et ça ça veut rien dire j'ai entendu un bourborygme qu'est ce que vous avez voulu dire
22:37par là qu'est ce que ça veut dire mais non mais je déteste les faux dévots je déteste les faux
22:44gentils qui nous font des déclarations sans cesse de leur belle âme et de leur grand coeur etc
22:50une chose qui me fait horreur et j'essaie dans la mesure du possible de ne pas y tomber j'ai
22:56je déteste ça plus plus que tout et alors les faux gauchistes qui avec le rapport à la et la
23:06façon dont ils se servent ont-ils se servent des démunis des exilés etc pour vendre leur
23:14calme ça me met en rage mais là vous êtes en train d'esquiver ma question chère lydie moi
23:20je vous parle pas de gauchisme d'une politique je vous parle de la place de l'amour dans votre
23:24vie et il me semble que quand on écrit un livre qui s'appelle bw consacré à l'homme de sa vie
23:30c'est aussi une manière de réfléchir sur l'amour je vais pas vous demander des secrets mais enfin
23:35vous avez consacré un livre à l'amour bien sûr je suis bien obligé de reconnaître oui
23:45non je suis pas aussi méchante qu'on le croit alors bw j'ai envie de dire que c'est peut-être
23:55un personnage de fiction peut-être que c'est un personnage que vous avez voulu inventer bw il
24:02veut me faire cracher le morceau non mais je raconte bw un peu je dis d'où c'est venu tu
24:12vois que c'est bien donc bw bw c'est bernard wallé qui n'a pas pu venir parce que pour une
24:19histoire de bref compliqué puisque vous avez du mal chère lydie à répondre à ma question je
24:24vais la formuler autrement selon moi écrire un livre qui s'appelle bw et qui reprend les initiales
24:32d'un homme qu'on aime et avec qui on vit c'est une manière d'exprimer une forme de fidélité donc
24:38je vais pas vous demander si la fidélité en amour est une bonne chose mais je vais vous dire est ce
24:43que vous êtes quelqu'un de fidèle dans la continuité de vos sentiments mais je suis d'une
24:49fidélité je dirais pathologique bien que ça n'est pas la fidélité c'est la fidélité pathologique
24:56et pourquoi mais je ne sais pas je ne sais pas mais je par exemple je suis fidèle au seuil parce
25:06qu'il m'a il m'a fait exister et malgré les propositions qui m'avaient été faites jusqu'à
25:13présent j'ai je ne sais pas je voilà je suis une malade de la fidélité il ya un amour aussi que
25:26vous exprimez c'est l'amour pour la musique et il me semble que la musique a une place importante
25:31dans votre oeuvre parce que d'abord certains de vos textes ont été mis en musique vous avez écrit
25:37un livre avec Serge Tissoguet qui comme chacun sait est le guitariste et cofondateur de Noir
25:43Désir et vous avez aussi consacré un livre hymne à la légende de Hendrix à la fin des années 60 et
25:51au début des années 70 quelle est la place de la musique non seulement dans votre vie mais encore
25:56dans votre écriture justement la musique celle des celles des orchestres celle des chansons etc
26:06c'est presque entièrement réfugié dans l'écriture je ne supporte que les textes musicaux je ne peux
26:16lire que les textes musicaux si je du coup je me suis presque je me passe presque de la musique
26:25musicienne je sais pas comment le dire et si je lis un livre où je n'entends rien de son rythme de
26:35son souffle de sa scantion je ne peux pas le lire je ne peux pas le lire quand vous avez travaillé
26:43avec Serge Tissoguet ou sur Hendrix c'était aussi le choix d'une musique particulière moi j'y suis
26:50sensible parce que ça renvoie à la pop culture et aux musiques populaires mais c'était le choix en
26:54l'occurrence du rock oui oui Serge Tissoguet qui lit un texte qui dit qui peut dire mode majeur
27:04mode mineur enfin il fait le même déchiffrage du texte que je... est-ce que je peux le renverser
27:15comme ça bref non j'arrive pas à terminer ma phrase vous avez oublié ma question je veux dire
27:26qu'il a le même rapport à la musique que j'ai au texte c'est à dire que toute la musique est
27:34dans le texte et lui il ne lit un texte que s'il est musique je sais pas si je me fais
27:41comprendre... Je vous comprends mais il y a quand même une différence que je voudrais
27:45souligner c'est que Hendrix lui n'avait pas peur de se jeter dans la foule de ses admirateurs et
27:53vous on sent qu'il y a quand même vous n'êtes pas encore prête à vous jeter dans la foule... Vous
27:58voulez que j'essaie ? Il était un grand timide par ailleurs immensément timide puisqu'il venait
28:08aussi d'un milieu plus que prolétaire qu'il n'avait jamais appris le solfège ça aussi ça
28:17m'a plu complètement et quand Mike Davis lui propose de faire un morceau de musique ensemble
28:27il n'ose pas lui dire qu'il ne sait pas déchiffrer un texte alors qu'il était un génie musical et
28:34qu'il a inventé la musique sauvagement intuitivement bien mieux que plein de choses
28:44et peut-être on pourrait enchaîner sur l'analphabétisme et l'esprit d'enfance et
28:50l'idiotie en littérature et la méfiance des... Je me jette là dedans ? Proust disait que quand
29:03on écrit l'intelligence ne sert à rien, qu'elle est d'un piètre secours, qu'elle nous fait juste
29:10comprendre que c'est l'instinct qui marche, que c'est l'émotion qui marche, quelque chose qu'on
29:16ne sait pas dire et pour avoir assisté à un colloque universitaire autour de mon travail les
29:23universitaires me disaient mais pourquoi là vous dites nous ? Je disais je n'en sais rien il y a
29:29une espèce de chose sauvage comme ça qu'on comprend peut-être après mais pas forcément
29:34pas forcément et si je parle de l'analphabétisme c'est qu'un philosophe espagnol qui s'appelle
29:42José Bergamín était compagnon de Bernanos qui a fui le franquisme lui aussi a écrit
29:50Décadence de l'analphabétisme où il célèbre ce soi-disant analphabétisme c'est-à-dire l'esprit
29:56d'enfance il dit retrouvons cet esprit d'enfance retrouvons ce plaisir du jeu de la pensée et
30:03non pas là cette pensée rigide universitaire installée etc c'est une lecture aussi qui a
30:10eu beaucoup de beaucoup d'influence je pense sur moi j'ai observé que dans votre oeuvre vous
30:19recouriez souvent à des formats très différents il y a par exemple ce que j'appellerais les grands
30:24romans comme puissance des mouches ou pas pleurer et puis vous avez aussi des textes très courts
30:30souvent caustiques comme quelques conseils utiles aux élèves huissiers et puis à d'autres moments
30:37vous faites appel à des formes plus étonnantes que dans le roman comme le monologue dans la compagnie
30:44des spectres est-ce que vous avez conscience de parcourir toute la gamme de ces formats ou
30:51c'est quelque chose dont on s'aperçoit après coup c'est pas une c'est pas une volonté de départ
30:58je me dis pas je vais je vais écrire un livre bref il se trouve que lorsque je l'écris il
31:07s'avère ne pas supporter la longueur ou inversement mais peut-être parler de ce dont aussi tu sais
31:17parler yvan c'est le ce qu'on appelait hier le transgenre dire j'adore de plus en plus ces
31:25récits qui mélangent les registres et les genres la fois la prose poétique et pourquoi pas la
31:32philosophie pourquoi pas la sociologie et pourquoi les séparer et pourquoi mettre des frontières
31:37étranges étanches et pourquoi faudrait-il qu'il y ait un genre strict alors que tout seul toutes
31:44les frontières se traversent donc je branche yvan là-dessus parce que je crois qu'il a
31:51travaillé sur ce continent là et que peut-être tu pourrais nous en dire quelque chose voyez
31:57comment je lui refile le bébé je n'en dirais rien je n'en dirais rien aussi en revanche mais si je
32:04voudrais vous citer encore une fois non yvan c'est pas bien mais oui c'est comme ça il se défile je
32:11me défile dans votre roman enquête hymne vous écrivez je vous cite à propos de jimmy hendrix
32:19je vous cite hendrix se contrefoutait souverainement des frontières en tout genre mieux il les abattait
32:26alors j'ai envie de vous répéter cette phrase en changeant le sujet de la phrase salvaire se
32:32contrefout souverainement des frontières en tout genre mieux elle les abat mais c'est vrai alors
32:38pour en revenir à hendrix c'est vrai qu'il il mêle le blues le rock le jazz bref l'incantation
32:49de sa grand-mère d'origine indienne tous et tout ça fait une musique infiniment singulière voyez
32:57à l'époque j'avais pas conçu cette idée qu'un livre en roman aussi pouvait l'être transgenre
33:02et je le découvre depuis peu et le bonheur de de pouvoir dire à quelqu'un c'est un roman c'est un
33:16essai c'est un récit mais je dis mais débrouillez vous c'est pourquoi pas l'un et l'autre et où les
33:23deux et plus ça va plus je j'aime ce cette traversée des frontières mais de toutes les
33:32frontières d'ailleurs vous reconnaissez que vous êtes une romancière tout de même oui
33:38il faut bien s'annoncer se présenter d'une manière ou d'une autre c'est comme ça si
33:42j'étais un crieur et que vous entrez dans une réception je crie lydie salvaire romancière
33:48bonjour je dirais oui pour aller vite mais au sein de ce genre romanesque qui est si riche
34:00vous aimez abattre les frontières comme un de vos héros et rix mais oui mais oui beaucoup beaucoup
34:06et mais mais plus ça va plus plus plus j'aime ça et plus j'aime le trouver chez chez les autres mais
34:15je parlais de cette frontière entre le la grande culture et la basse culture j'ai pas vraiment pas
34:25la seule avoir à l'avoir fait je suis heureuse aujourd'hui de rappeler évidemment rappeler qu'il
34:31y avait ça mieux mieux que quiconque à la fois l'érudition la plus étonnante et les choses
34:37plus terre à terre les plus délicieusement trivial et plus près de nous un écrivain
34:45italien qui s'appelle carlo emilio gada si vous connaissez la connaissance de la douleur
34:51où l'on trouve les mots les plus rares sûrement du vocabulaire italien de sa traduction et des
34:58expressions empruntées au dialecte milanais qui sont absolument délicieuses et se mélange comme
35:06ça sans sans frontières sans hiérarchie sans sans marque sans critères de valeur m'enchante et
35:15j'aimerais que que la vie soit faite comme ça je le dis aujourd'hui en attendant le résultat du
35:23semaine prochaine alors à propos de mots rares il y en a un que vous utilisez de plus en plus
35:30comme nous tous et nous toutes c'est celui de sororité la sororité c'est un quasi néologisme
35:37qui renvoie à la solidarité des femmes en tant que soeurs spirituelles ou politiques d'où le
35:43terme de sororité au lieu de fraternité au lieu de fraternité bien sûr qui figure dans la devise
35:49républicaine que nous connaissons évidemment et c'est une expression que j'ai vu sous votre plume
35:55dans certains entretiens vous parlez de sororité et vous ajoutez l'épithète littéraire la
36:01sororité littéraire c'est quoi la sororité littéraire c'est sans doute le lien que que
36:09j'ai que j'ai très fort avec chloé de l'eau notamment c'est elle d'ailleurs qui m'a invité
36:17à participer à son elle a fait un recueil autour de la sororité et l'invité des femmes à dire des
36:28choses sur ce cette communauté des soeurs ça me fait penser d'ailleurs que j'ai lu un article dans
36:36le monde récemment d'une femme d'ailleurs qui remarquait que dans le programme du nouveau
36:44front populaire on parlait des agents des chercheurs des policiers des machins au masculin
36:52donc il faudra dire à ceux qui ont rédigé le pour qui j'ai la plus vive sympathie ceux qui
37:01ont rédigé ce programme qu'il se décide à mettre au féminin certains métiers par exemple voilà le
37:09sens aussi de ce recueil sur la sororité c'est pour un peu ouvrir et la langue et la vie et le
37:22monde à l'univers féminin quand on regarde votre parcours et vos prises de position publique on n'a
37:31pas l'impression que vous soyez véritablement une militante et je crois pas que vous ayez été
37:35jamais encarté dans un parti ou dans un syndicat mais pour autant il y a à l'évidence dans votre
37:43travail dans votre oeuvre une dimension d'engagement alors évidemment faut faire la différence entre
37:48le militantisme et l'engagement mais je voudrais vous demander en quoi vous êtes une femme engagée
37:53mais je d'abord je crois que quand j'écris j'engage j'engage mon être je sais pas comment le dire
38:05simplement oui mais je l'entendais au sens davantage public et civique je pense qu'il
38:09y a quand même un engagement oui oui oui aussi bien sûr aussi et tu as raison de le distinguer
38:15du militantisme parce que nous avons eu un père communiste stalinien et je raconte quelquefois
38:23que la seule fois où je l'ai vu pleurer c'est à la mort de stalin et cette cette espèce de
38:29d'adhésion comme ça passionné sans recul nous a je crois à tout jamais gardé du fanatisme de
38:39la militance et pourtant et pourtant c'est utile je le sais mais mais je ne peux pas je ne peux pas
38:48je ne peux pas alors je je fais ce que je peux j'ai écrit alors évidemment ce je ne vais pas
38:58distribuer des tracts mais j'ai l'impression que dans mes livres j'essaie de parler de de justement
39:06de ce serment de main dont paul c'est l'an c'était la définition du poème selon paul c'est l'âne
39:12ils un poème c'est une poignée de main et j'aimerais tant que les livres soit cette poignée
39:20de main vraiment à défaut à défaut et je devrais pas dire à défaut mais de deux lettres de
39:29charnellement dans la vie c'est ce mot de sororité que j'évoquais tout à l'heure ça peut être aussi
39:36une forme d'engagement pour vous qui ne vous dites pas si facilement féministe c'est un autre
39:42engagement oui bien sûr oui oui tout à fait alors vous voulez pas dire que vous êtes féministe mais
39:50je n'aime pas les assignations et les étiquettes vraiment mais vraiment et même même pire que ça
39:58ça me fait horreur en tout cas d'être réduite à une seule dimension quand nous sommes tous je
40:05pense une multitude comme disait l'autre ça me fait vraiment vraiment suer quoi donc je suis sans
40:12doute féministe à mes heures sororale à mes autres heures infâme à d'autres colérique à d'autres je
40:21ne sais quoi je sais quoi et mille autres choses encore je crois que tout votre travail est un
40:27éloge vibrant à la liberté et cela dès vos premiers vos premiers livres et la liberté peut
40:36s'incarner dans un certain nombre d'actes d'actions de sentiments mais il ya bien s'il y a
40:44bien un jour où la liberté s'incarne et s'exalte c'est le dimanche et il se trouve que vous avez
40:51consacré votre dernier livre à ce jour de la semaine on est aussi dimanche alors j'ai envie
40:57de vous dire bon qu'est ce qu'on fait un dimanche on traîne on lit on vote tout ça à la fois je
41:06précise je précise juste donc le dernier livre depuis toujours nous aimons les dimanches est
41:13un éloge de la paresse mais un éloge de la paresse pour mieux interroger mieux questionner
41:20le travail qu'on nous vend depuis que la société depuis que nous sommes dans une société marchande
41:28et qui a sacralisé le travail comme valeur ça m'a permis de questionner après tant d'autres
41:36la paresse m'a permis de questionner cette fameuse valeur travail dont on nous bassine parce qu'elle
41:44profite à certains et vraiment pas au grand nombre vraiment pas au grand nombre ça veut dire
41:51que vous vous avez pas passé votre vie à travailler que ce soit pour d'autres ou pour vous même à
41:56travers vos livres le travail est pas votre névrose en tout cas quand je parle du travail
42:02dans ce livre c'est évidemment pas le mien ou le tien qui sont qui sont des luxes sont des travaux
42:10des activités qu'on a choisi qu'on fait librement on aime passionnément etc là le temps ne se
42:17mesure pas et évidemment je parle de ce travail salarié contraint on est obligé de faire pour
42:24bouffer et dans des conditions souvent très très difficile qui a été un peu mise en question au
42:31moment du confinement les gens se sont mis à reconsidérer leur vie et leurs conditions de
42:37travail requestionné avec la la réforme des retraites et les manifestations contre la réforme
42:48de retraite mais il semblerait que les classes dirigeantes soit soit sourde soit indifférente à
42:59tous ceux qui travaillent dans des conditions pénibles et fatigantes et mais c'est comme je le
43:08dis dans le livre et c'est d'ailleurs emprunté à niche il disait le travail est la meilleure des
43:13polices dans un pays le dit dans aurore dans un pays où tout le monde est attaché un poste qui lui
43:22assure la sécurité société est tranquille donc et puis et puis évidemment assigné un poste et
43:31soustrait à la pensée parce que c'est quand même pas commode de penser quand il y a la cadence à
43:38l'usine soustrait à la rêverie soustrait au désir etc c'est ce que dit niche dans aurore que plein
43:45d'autres ont repris alors on va maintenant écouter votre langue votre texte et puisqu'on
43:53parle justement de liberté de paresse et de dimanche on va écouter héloïse lièvre qui
44:00va nous lire des extraits de votre dernier livre après quoi il y aura un échange et vous répondrez
44:05aux questions du public qui vous seront adressés donc je cède la place à héloïse lièvre que je
44:11remercie merci infiniment merci infiniment ils vont merci beaucoup merci
44:17depuis toujours nous aimons les dimanches depuis toujours nous aimons nous réveiller sans l'horrible
44:32sonnerie du matin qui fait chuter nos rêves et les amputes à vif nous aimons rester longuement
44:38les yeux fermés dans la pénombre et enlisés dans la douceur des draps nous aimons nous déplier
44:45lentement lentement nous ouvrir ou déployer nous répandre nous aimons retrouver la douceur de la
44:54main qui dort sur notre épaule et sentir que notre corps est chaud sensuel qu'il bat qu'il
45:01est vivant encore ensommé mais vivant et parfaitement un productif nous aimons constater
45:11qu'une longue semaine de bonheurs et de volupté rudement refoulée à présent nous reviennent et
45:17rendent notre corps heureux plus vrai plus dense et plus abandonné nous aimons vérifier que ce
45:24corps renaissant n'est en rien empêché entravé sanglé dans ses costumes soumise aux gestes
45:31radotés qui chaque jour le jette au dehors dans le bruit dans le froid dans le jour criard dans
45:39la foule bousculée dans les mâchoires du métro à l'usine happée par la vitesse broyeuse des
45:45machines somnambule au bureau la tête emplie de chiffres et soumis aux logiques du profit à tout
45:51prix mise à disposition prenez le usé le harassé le et saurez le comme un torchon actionnel et pour
46:04ce nul besoin de menaces ni de flashball de 49 3 il suffit d'appuyer sur on depuis toujours nous
46:15aimons les dimanches matin ouvrir les yeux puis les fermer puis les ouvrir et les fermer et nous
46:23assoupir à nouveau nous aimons boire paisiblement notre café caresser le chat arthur qui s'étire ou
46:31la chienne nana qui s'ébrou écouter la maison qui s'éveille le parquet qui gémit au dessus de nos
46:38têtes les premières rumeurs qui annoncent la naissance du jour les chuchotements de nos jardins
46:43secrets nous aimons observer les fissures au plafond qui dessinent d'étranges figures par
46:50où la mélancolie quelquefois s'aventure elle le dessine ce matin un grand bateau à voile où l'on
46:58peut s'embarquer depuis toujours nous aimons demeurer longtemps plongé dans nos pensées et
47:05sur les passants pressés qui pense voir en nous de parfaits imbéciles nous posons un regard
47:11suprêmement idiot qui les fait s'éloigner en courant nous aimons vaquer dans la maison en
47:19chaussons et ventre et pyjama informe et ce total insouci du paraître nous est à lui seul une
47:27délectation désormais donc ayant saisi livré à la racine mis nos pieds dans les plats du 440
47:42balayés sous les tapis de vos énormes consortia lavé à grand dos les idées préconçues sur le
47:48travail et la paresse ainsi que sur les mensonges qui les fardaient et battu en brèche l'horreur
47:54productiviste coupable selon nous du crime de l'aise vie déclarons au risque d'être qualifié
48:01d'associaux l'extrémiste de fauteurs de désordre de prophètes à la noix d'ennemis de l'humanité
48:07ou pis encore de dangereux terroristes nous déclarons simplement que nous cherchons à
48:14tâton les yeux ouverts dans la pénombre à humaniser les vies que l'on nous fait et qui
48:20ne sont que de foutus saloperies de vie nous n'en sommes qu'à nos débuts mais d'ores et déjà nous
48:28pouvons avancer que désormais le travail ne nous définira plus hors de question à la demande
48:38banale que faites vous dans la vie sous-entendu quel est votre job histoire de vous situer
48:44infailliblement sur l'échelle sociale et de réagir en conséquence nous répondrons joyeusement
48:49mille choses dont certaines d'une inutilité totale et aucune qui nous tient en laisse désormais
49:00nous ne regarderons plus le travail comme constituant le seul espace où ce nous des
49:05liens sociaux désormais le travail ne favorisera ni n'abaissera personne fini fini fini désormais
49:16il ne constituera nullement notre unique centre d'intérêt ni une fin en soi ni une triste
49:22obligation ni une exténuante corvée ni un enfermement dans telle ou telle discipline
49:28rien de tout ça vous avez compris rien désormais nous ne le dissocierons pas de nos existences nous
49:38déciderons sans gps du sens à lui donner et nous l'organiserons librement ce que curieusement les
49:46tenants bornés de la libre entreprise ne peuvent concevoir incapable d'imaginer de liberté hors
49:52celle de s'enrichir désormais nous ne permettrons à personne de nous couper les ailes à personne
50:00et lorsque vous nous lancez en croyant nous apaiser vous pouvez vous le mettre ici salvaire va trop
50:08loin désormais nous ne laisserons pas nos forces s'abîmer pour des prunes ni nos visages sans les
50:17dire par le rictus de la fatigue désormais nous nous donnerons le droit de ne pas savoir ce que
50:23nous voulons désormais nous avancerons la tête haute que le chagrin avait courbé et le regard
50:30ardit que la fatigue avait terni dehors la tristesse qui sécréter la mer ressentiment
50:37désormais nous l'endemain ne chanterons plus comme des casseroles désormais nous resterons
50:44maîtres de nos horloges et de nos destinées et ce que l'on désignait jusqu'ici par l'expression
50:50art de vivre utilisé dans les dictionnaires de cuisine ou les catalogues ikea retrouvera
50:56enfin toute sa raison d'être désormais la rage et la révolte qui bouillait dans nos
51:03cœurs devant la violence et la mauvaiseté du monde nous les convertirons en elthière sérénité nous
51:10serons enfin ce que vous ne vouliez à aucun prix que nous fusions puisque désormais messieurs nous
51:19habiterons nos vies

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