• il y a 6 mois
Avocate en droit social, Élise Fabing a décidé de dédier sa carrière à la lutte contre les discriminations et le harcèlement contre les femmes au travail. Elle raconte son combat dans “Ça commence avec la boule au ventre”. C’est le Livre SMART JOB.

Category

🗞
News
Transcription
00:00Générique
00:12Le livre de Smart Job avec une émission, vous l'aurez compris, consacrée à la place des femmes en entreprise,
00:18tant sur l'étude indigne que sur ce travail de lanceuse ou de lanceur d'alerte,
00:22et ce livre d'Elise Fabing. Bonjour Elise.
00:24Bonjour Rando.
00:25Je suis très heureux de vous accueillir.
00:27Édition Les Arènes qui est un bel éditeur, ça commence avec la boule au ventre,
00:30une avocate lève le tabou de la souffrance des femmes au travail,
00:34et je précise que vous êtes celle qui défendez beaucoup, beaucoup de femmes
00:38au sein de start-up, d'entreprises de com, d'agences de com,
00:41et vous les accompagnez parce qu'elles souffrent.
00:44Ce livre c'est quoi ? C'est un livre coup de gueule, c'est un livre coup de poing, c'est quoi ?
00:49C'est un livre coup de gueule, coup de poing, et un peu thérapeutique aussi,
00:53parce qu'en fait la majorité des histoires de ce livre
00:57n'auraient jamais dû sortir sur la place publique,
01:00parce que la majorité de mes clientes ont signé des clauses de confidentialité,
01:04des transactions, leurs silences ont été achetés,
01:07et ce livre je l'écris pour leur rendre la parole.
01:10En anonymisant bien sûr.
01:12Évidemment.
01:13Pour ne pas les mettre en difficulté.
01:14Évidemment.
01:15Donc l'idée c'est de sensibiliser l'opinion publique sur ce qui se passe réellement en entreprise,
01:20parce qu'en réalité je suis la seule à pouvoir en parler.
01:23Vous évoquez des choses absolument graves,
01:26et au-delà de ce livre vous menez des combats,
01:29vous dénoncez des agissements,
01:31mais dans ce livre vous évoquez notamment une start-up dont le nom se ratue,
01:3530 collaborateurs, avec du porno, on regarde du porno ensemble,
01:41mais ça sort d'où ? Mais qu'est-ce qui se passe dans la tête des dirigeants ?
01:44J'ai quand même dû commencer ma plaidoirie en expliquant que le porno n'avait pas sa place en entreprise.
01:49Si on m'avait dit qu'un jour mon métier m'amènerait à prononcer cette phrase-là, je n'y aurais pas cru.
01:54Mais oui, et puis des propositions indécentes, des demandes de photos, d'underboots,
02:01je ne savais pas ce que c'était, mais voilà.
02:04Ça veut dire qu'il y a une forme d'embrigadement quand on est capable,
02:08quand on est dirigeant, je pense que c'est quelques dirigeants qui embrigadent,
02:11et qui arrivent par la force de la persuasion à embarquer une équipe entière.
02:15Comment on emmène les gens à faire ça ?
02:17C'est un libre-arbitre, on peut dire j'y vais pas, t'es totalement bête, je rentre chez moi.
02:21Comment on fait là ?
02:22C'est quelqu'un qui était assez connu, un peu gourou, très reconnu, type prodige dans son domaine,
02:31en réalité ce n'est pas dans une start-up parce que j'ai transformé,
02:35et qui recrutait principalement des très jeunes, des débutants,
02:41et qui devaient adhérer pour être cool et plaire à leur gourou.
02:46Et les jeunes femmes étaient présentées quand elles arrivaient dans l'entreprise,
02:52au sein d'un montage photo porno.
02:55Ah oui ?
02:56Bien sûr, envoyé à toute l'équipe, voilà.
02:59Il y avait des gages avec des mimes de fellation sur des nerfs en plastique,
03:05ce genre de choses, des photos porno partout.
03:09Il y avait une obsession chez le dirigeant.
03:11Bien sûr, une obsession, et il ne s'en cachait pas, c'était quelque chose de connu et d'assumé.
03:16On entend que vous avez plaidé, on entend que vous avez donc défendu ces femmes
03:20qui réclamaient leur dignité, le retour à leur dignité.
03:24Ils ont été condamnés ?
03:25Oui.
03:26D'accord.
03:27Oui, on a gagné.
03:29En appel ?
03:30Non, il va y avoir l'appel pour bientôt.
03:32Ah, donc il y a un appel quand même.
03:33Donc il y a un appel des dirigeants, ou de l'avocat du dirigeant,
03:36qui dit que vous avez peut-être mal compris.
03:39La difficulté dans ces dossiers-là, c'est la jurisprudence sur l'attitude ambigüe.
03:44C'est-à-dire que, effectivement, ma cliente, en l'occurrence,
03:48elle a participé pour être intégrée, pour se faire sa place, pour garder son job.
03:54Et de fait, on considère qu'elle l'a fait de son plein gré.
03:57Voilà, alors que cette jurisprudence-là, elle est totalement dépassée, selon moi,
04:01et patriarcale, parce que c'est totalement nier le lien de subordination économique
04:06qui est inhérent à tout contrat de travail.
04:08La place des femmes, parce que vous vous intéressez à ces entreprises,
04:12certaines sont très connues, certaines sont très people, certaines sont très en vue,
04:16il y a beaucoup de souffrance, ça se réduit ?
04:19Vous avez l'impression que, quoi qu'on fasse, malgré les lois, malgré les textes,
04:23malgré cette espèce de pression médiatique, la souffrance est là ?
04:27Alors, moi j'ai un prisme particulier, parce que personne ne vient me voir quand tout va bien.
04:33Donc j'ai évidemment les pires dossiers, et je tiens à préciser que j'ai majoritairement des clients hommes, néanmoins,
04:40parce que l'accès à l'avocat pour les femmes est plus compliqué.
04:43En général, un homme va venir me voir parce qu'il a une mauvaise évaluation annuelle.
04:48Une femme, quand elle passe la porte de mon cabinet, c'est qu'elle est au bout du rouleau,
04:53c'est que son corps commence à lâcher.
04:55Avec des tentatives de suicide, avec des gens qui vous disent « moi je vais mettre fin à mes jours ».
04:59Oui, et puis des hospitalisations psychiatriques, ça arrive aux hommes également.
05:03Mais les femmes sont beaucoup plus vulnérables sur le marché du travail, dans le monde du travail,
05:10parce qu'elles ont des épreuves personnelles aussi qui font qu'elles sont particulièrement exposées aux discriminations sexistes.
05:17Mais j'entends, et Indite d'ailleurs le confirmait dans l'étude qu'il nous proposait,
05:21les 18-24 considèrent qu'il y a toujours beaucoup beaucoup de sexisme en entreprise,
05:25il y a beaucoup d'isolement et beaucoup de souffrance.
05:28Elles sont seules ces femmes finalement ?
05:31Elles sont très seules parce qu'il y a énormément de clauses de confidentialité,
05:35et d'ailleurs quand mes clientes signent un accord de confidentialité,
05:38elles culpabilisent parce que souvent le sale con reste en place.
05:42Le sale con est là, moi il y a des entreprises contre lesquelles j'ai plusieurs dossiers de harcèlement sexuel,
05:48j'ai toujours un chèque, et le mec est toujours là, il se pavane sur LinkedIn.
05:53Ça me met en colère quand je vois ça le matin en faisant mon LinkedIn.
05:57Et pourquoi on n'y touche pas ? Parce qu'il a le pouvoir ?
05:59Parce qu'il a le pouvoir, parce qu'il est rentable, et parce qu'on estime qu'on va laisser en place un mec rentable.
06:05Et puis je pense que c'est encore dans les mœurs.
06:09Dans un dossier, je discutais avec une DRH en direct, ce qui m'arrive assez rarement,
06:14en général j'ai une consœur ou un confrère qui fait le filtre,
06:18et la DRH, c'était un dossier dans lequel ma cliente avait été mise enceinte par son supérieur hiérarchique,
06:24et après il l'avait contrainte à avorter, et puis elle s'était rendue compte qu'elle était plusieurs dans ce même cas,
06:30avec le même manager évidemment.
06:33Et donc la DRH m'expliquait que c'était un fait de vie privée, qu'elle ne voyait pas ce qu'elle avait à faire dans ce dossier.
06:38Et moi je lui dis mais il y a quand même un problème de culture d'entreprise.
06:43Donc j'ai l'impression que le manager un peu flamboyant qui cote un peu avec ses subordonnés,
06:51c'est encore un truc qui a la dent dure.
06:55Des témoignages très forts, et en tout cas vous êtes au contact de ces femmes qui souffrent,
07:01et qui vont parfois très très loin dans cette souffrance.
07:03Lisez ce livre, ça commence avec la boule au ventre, en collaboration avec Jules Thomas, je ne l'ai pas précisé,
07:08l'édition Les Arènes, c'est écrit par l'avocate Élise Fabine, qui nous a fait le plaisir de venir sur notre plateau.
07:13Merci pour votre combat, et je vous dis à très bientôt, évidemment.
07:16L'émission est terminée, merci à vous, merci à toute l'équipe technique,
07:19évidemment Thibaut Ausson et Romain à la réalisation,
07:22et puis évidemment Nicolas Juchat qui m'accompagne.
07:24Je vous dis à très bientôt, bye bye.

Recommandations