SMART BOURSE - CAC 40 : une morosité qui s'installe ?

  • il y a 2 mois
Jeudi 27 juin 2024, SMART BOURSE reçoit Pierre Bismuth (Directeur Général et Responsable des Gestions, Myria AM) , Adrien Dumas (Directeur des investissements, Mandarine Gestion) et Vincent Juvyns (Stratégiste, JP Morgan Asset Management)

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00:00Nous enchaînons à présent avec Planète Marché, une quarantaine de minutes ensemble pour décrypter l'actualité financière, économique et parfois politique également dans Smart Bourse.
00:20Ce soir, pour décrypter les aléas de la Planète Marché, nous avons le plaisir de recevoir trois experts en plateau.
00:27Nous sommes tout d'abord accompagnés par Vincent Juvins.
00:29Bonsoir Vincent Juvins.
00:30Bonsoir.
00:31Bienvenue sur le plateau de Smart Bourse.
00:32Vous êtes stratégiste chez JP Morgan Asset Management.
00:34A vos côtés, nous avons le plaisir d'accueillir également Pierre Bismuth.
00:37Bonsoir Pierre Bismuth.
00:38Bonsoir Nicolas.
00:39Directeur général et responsable des gestions chez Myria AM.
00:41Et enfin, Adrien Dumas nous accompagne également.
00:43Bonsoir Adrien Dumas.
00:44Bonsoir Nicolas.
00:45Vous êtes directeur des investissements de Mandarine Gestion.
00:48Je vous propose de commencer avec vous, Vincent Juvins.
00:52On commence par l'Europe.
00:54C'est le sujet qui anime de toute façon la Planète Marché tous les jours depuis 15 jours en ce moment.
00:59Peut-être commencer par cette dette française.
01:02Alors, on a vu effectivement cet écartement des spreads depuis l'annonce de la dissolution de l'Assemblée Nationale.
01:07On avait pris une sorte de rythme de croisière depuis une quinzaine de jours à 70 points de base.
01:12On voit une légère tension supplémentaire.
01:14On arrive à 80 points de base aujourd'hui.
01:16Qu'est-ce qui se joue ?
01:17Là, c'est le scrutin qui se rapproche.
01:18Tout simplement, il ne faut pas aller chercher plus loin.
01:20On sent un petit peu de nervosité à l'approche du premier tour.
01:22Évidemment, il y a eu des commentaires des différents candidats qui sont venus alimenter les spéculations des marchés.
01:27On avait finalement fort peu d'éléments tangibles que pour établir des scénarios économiques budgétaires,
01:33que pour déterminer le coût juste de la dette française.
01:37Aujourd'hui, les marchés ont des précisions sur les programmes respectifs.
01:41On voit que ça se reflète avec une certaine nervosité.
01:43On a passé un cap aujourd'hui.
01:44On est au-dessus des 80 points de base.
01:46Quelque part, je m'attends à ce que ces tensions perdurent et à ce que le spread, potentiellement, monte encore.
01:52Plus on a d'infos sur les programmes économiques, plus le spread se tend, si je comprends bien.
01:57Le peu qu'on en a eu pour l'instant, et quel que soit le parti ou la coalition en question,
02:04on a quand même, a priori, des dépenses supplémentaires.
02:07À l'heure où l'Europe l'a exprimé la semaine dernière, on attend plutôt de la consolidation budgétaire.
02:13À l'heure où on avait déjà cet espoir d'une certaine consolidation budgétaire.
02:16Et attention, je ne suis pas un excité de l'orthodoxie budgétaire,
02:20mais on a quand même une situation budgétaire en France qui le demande.
02:23Il faut retourner dans les clous, en tout cas budgétaires de Bruxelles, de la Commission européenne.
02:27Tout ce qui s'en écarte, évidemment, alimentera la nervosité des marchés financiers.
02:31Donc il faudra, là, qu'on puisse les convaincre qu'on aura, pour l'an prochain, 20-30 milliards d'économies qui seront réalisées pour le budget 2025.
02:40Est-ce qu'il faut s'attendre à un retour à la normale, post-élection, sur le marché obligataire et sur la dette française ?
02:47Ou est-ce qu'il faut, justement, accepter cette idée que la France empruntera un petit peu plus cher dans les prochains mois, voire les prochaines années ?
02:54Alors, tout est possible. Évidemment, il faut évoquer ce sujet avec beaucoup d'humilité.
02:57À la fois, je pense qu'on a tous une certaine anxiété, je veux dire, dans cette perspective des élections qui arrivent,
03:02et des risques potentiels d'avoir, finalement, des coalitions qui aient justement une approche budgétaire
03:07pas en phase avec ce qu'attend la Commission européenne, pas en phase avec ce qu'espèrent les marchés.
03:12Cela étant, on a des précédents qui sont plutôt là pour nous rassurer.
03:15On évoque beaucoup le cas de l'Italie, de Giorgia Meloni, qui avait fait beaucoup peur aux marchés financiers lors de son arrivée.
03:21Le spread de l'Italie était remonté jusqu'à 250 points base lorsqu'elle était arrivée.
03:25On a vu ce spread retomber jusqu'à 130 en début d'année. On est remonté légèrement.
03:29Et donc, là, les marchés avaient été rassurés. En France, on a des précédents également.
03:33Rappelons-nous 2012, arrivée de François Hollande, les marchés avaient également, à l'époque, été particulièrement inquiets
03:38d'un programme budgétaire qui pourrait, là aussi, être trop laxiste de leur point de vue.
03:42Le spread de la France était monté à 150 points de base à l'époque, dans un contexte de crise de la dette plus général.
03:48Quelque part, moi, si je devais regarder un petit peu des seuils potentiels de stress,
03:52ce serait potentiellement retrouver ces 150 points base qu'on avait eus à l'époque.
03:56Ce serait peut-être retrouver un peu des 250 sur l'Italie, puisque, derrière aussi la France, ne l'oublions pas,
04:02il y a quand même un contexte européen qui est difficile, notamment dans des pays comme l'Italie, comme la Belgique,
04:08où on a quand même des situations budgétaires qui ne sont pas idéales, dans un contexte où la croissance est positive.
04:12Donc, là, c'est vraiment le moment où il faut délivrer cette consolidation budgétaire
04:16pour se préparer à des années peut-être un peu plus difficiles.
04:19Et ce n'est pas le message envoyé aujourd'hui, si je comprends bien.
04:21Et ce n'est pas le message. Alors, j'entends bien, évidemment, que c'est plus facile pour un économiste de l'évoquer
04:25que pour un homme politique. Ce n'est pas très bon.
04:27Bien sûr.
04:29Enfin, c'est en tout cas ce que les marchés regarderont dans les jours et les semaines à venir.
04:33Pierre Bismuth, on va continuer avec vous. Je vais vous poser la question un peu différemment.
04:37On a tendance, effectivement, à comparer cette séquence en France avec l'arrivée de Mélanie, effectivement, en Italie,
04:42l'élection de Trump aux Etats-Unis, qui avait fait peur, et finalement, les marchés s'en étaient accommodés.
04:47Je mettrais peut-être un tout petit... Je rajouterais peut-être une toute petite information là-dedans.
04:51On a l'impression, quand même, que, contrairement à Trump ou à Mélanie, qui s'attendaient potentiellement à être élus,
04:56le Rassemblement national, on n'est pas là pour faire de la politique, mais pour faire du financier, j'y arrive,
05:01semble un petit peu surpris, d'un coup d'un seul, de cet élan, au point qu'il en est à détailler son programme politique,
05:07ou en tout cas économique, dans les derniers jours. Est-ce que c'est vraiment la même séquence qui se joue que ce qu'on a pu voir en Italie ou ailleurs ?
05:12Non, je ne pense pas du tout. Alors, en fait, on va essayer de ne pas faire de politique, mais c'est vrai qu'on a tous vu un débat mardi
05:20où on a des forces en présence qui manifestement expliquent le classement PISA de la France
05:25puisqu'on a l'impression que plus personne ne sait compter. Et je comprends que les marchés stressent.
05:30Et moi, je trouve que c'est un problème, cette dette française dont le spread s'écarte.
05:36C'est que, effectivement, je suis assez d'accord avec vous, on a deux blocs qui ne s'attendent pas du tout à gouverner
05:42et donc qui ont des propositions qui, malheureusement, mathématiquement, déjà économiquement, mais mathématiquement,
05:50ne tiennent absolument pas la route. Et c'est bien pour ça que les marchés financiers stressent un peu sur ce qui peut advenir après les élections.
05:59Et c'est vrai que ce n'est pas un signal formidable d'envoyer. On a vu des flottements sur la réforme des retraites.
06:05On a vu, qui est quand même une réforme symptomatique, et je dis bien symptomatique, du deuxième quinquennat d'Emmanuel Macron.
06:14Mais pour essayer de créer des conditions économiques qui favorisent, finalement, le retour à l'emploi de plus grand nombre de personnes,
06:21c'est vrai que quand on voit le flottement qu'il y a eu pendant le débat, il n'est pas étonnant que la dette française crispe.
06:29Parce qu'on l'a connu en Europe, cette opposition farouche, justement, à l'Union européenne, et cette surprise presque de ceux qui défendaient cette idée de sortir de l'Europe.
06:40C'était le Brexit. On a vu d'ailleurs que les pourfendeurs de l'Europe n'ont pas forcément géré la suite pour la plupart,
06:46parce qu'ils étaient eux-mêmes surpris d'avoir gagné quelque part. Est-ce que c'est plus une séquence comme ça qui est en train de se jouer en France aujourd'hui ?
06:53Ou il faut quand même remettre ça dans un contexte français ?
06:57Moi, je crois que plus globalement, en fait, ce qui est en train de se jouer, c'est une nouvelle fois une déception à venir.
07:04Et en fait, c'est ça. C'est qu'à force d'avoir des programmes qui ne sont pas soutenables, et on voit bien, même dans le camp présidentiel,
07:11annoncer de nouvelles dépenses alors qu'on était plutôt sur une réduction des détentes publiques, c'est pas forcément une très belle information à envoyer à nos partenaires européens.
07:23Mais la déception ne peut qu'arriver, parce qu'avec une dette publique telle qu'on a, c'est vrai qu'on n'a pas les marges de manœuvre qu'on pourrait avoir si on était même du temps de François Mitterrand.
07:36Et donc, je pense que c'est là aussi, si on essaie d'aller à plus long terme, on est sûr et certain que des déceptions vont advenir.
07:46Et ces déceptions, on a vu que la population en France pouvait avoir des réactions épidermiques.
07:52Je pense que c'est ça qui inquiète aussi beaucoup, c'est comment ces déceptions vont être gérées dans le futur.
07:57Déception vis-à-vis de promesses de campagne qui, de toute façon, ne pourront pas être tenues demain.
08:02Ah oui, absolument, oui.
08:03Donc, avec cette idée, caricature peut-être...
08:06Désolé d'être aussi franc, mais malheureusement, si on fait des maths, ça ne boucle pas.
08:12Mais en même temps, on voit un spread franco-allemand qui s'écarte.
08:16Donc, ça veut dire qu'il y a quand même une marge de manœuvre pour le futur gouvernement en place pour mettre en place des dispositifs qui ne plairaient pas forcément au marché.
08:26Il y a quand même cette inquiétude aujourd'hui sur les marchés.
08:28Il y a cette inquiétude, mais en fait, on a vu ce qui s'est passé dans des programmes très laxistes.
08:33Alors, moi, je pense à 81, où finalement, on a eu la rigueur en 83.
08:36Et à chaque fois, c'est un peu la même chose.
08:39C'est qu'on promet énormément de dépenses.
08:41Ces dépenses peuvent être faites et ne pas délivrer ce qui a été promis.
08:46On peut avoir beaucoup de dépenses.
08:48D'ailleurs, on l'a vu avec la crise du Covid.
08:50On a eu une explosion de la dette publique française et pourtant, on a plutôt des Français qui sont malheureux dans leur globalité.
08:57Puisqu'on voit que le bloc de gauche est à 29%, le bloc droite dure extrême est à 36%.
09:05Donc, on voit bien que malgré des dépenses publiques somptuaires, on a plutôt les deux tiers des Français, en tout cas ceux qui pensent à les voter, qui sont plutôt mécontents de la situation.
09:17Donc, ce n'est pas parce qu'on annonce des dépenses absolument hallucinantes que déjà, on va contenter les gens.
09:24Il faut diviser par 66 millions de personnes.
09:27C'est idiot, mais c'est vrai que quand on annonce plein de milliards, au final, il y a moins pour chacun.
09:34Ce ne sont plus des milliards.
09:35Et à quoi ça va servir ?
09:37Est-ce que c'est de l'investissement ou est-ce que finalement, c'est des dépenses courantes qui ne vont pas du tout préparer l'avenir ?
09:43Et là, je pense que quand on a un environnement politique aussi incertain,
09:47eh oui, on est dans une économie européenne et on voit que le CAC 40 affiche 8% de retard sur les principaux indices boursiers européens.
09:57On a un spread qui s'écarte.
09:59On a des dynamiques qui ne sont vraiment pas favorables à la France.
10:03Et malheureusement, je pense qu'à la différence de Vincent, je pense qu'on a probablement créé un nouveau flore sur le spread.
10:15C'est que 2024, c'est une chose, mais que va-t-il arriver en 2026 et les régionales et les municipales ?
10:23En 2027, on est de retour en élection présidentielle.
10:27Et en fait, si ce n'est pas ce coup-ci, qu'est-ce qui va se passer en 2027 ?
10:32Donc, je pense vraiment qu'on a constitué un flore.
10:34C'est que là, les promesses sont belles, mais ça va être difficile de délivrer.
10:41Adrien Dumas, que dire par rapport à tout ce qui a été dit sur la situation actuelle ?
10:45C'est vrai qu'on lit quand même beaucoup de deux avis assez tranchés.
10:50Il y a ceux qui disent que le marché n'a pas encore pricé le pire, ça peut être bien pire.
10:54Et ceux qui disent que globalement, de toute façon, les programmes ne pourront pas être appliqués.
10:59Donc, c'est pour ça qu'on reste dans une analyse assez modérée, finalement, aujourd'hui, financièrement.
11:03Oui, c'est sûr. Après, je trouve qu'on est dans une période un peu charnière.
11:07On a des indicateurs économiques en France qui n'étaient quand même déjà pas très bons,
11:10qui ont commencé un peu à se retourner.
11:12Les PMI étaient un peu décevants ces derniers mois.
11:15On rajoute à ça, effectivement, au-delà du sujet de la rigueur, ou en tout cas du côté dépensier,
11:21des enjeux à court terme de dépense et d'équilibre qui sont importants.
11:26On a par-dessus ça, effectivement, un sujet toujours de maîtrise de l'inflation,
11:32où la grande vague dépensière, surtout quand on regarde dans les programmes,
11:36pour lutter toujours encore contre le sujet de l'inflation et pour des sujets de pouvoir d'achat,
11:40en fait, on ne fait que retraiter le sujet de l'inflation,
11:45qui pour l'instant reste un sujet de préoccupation prioritaire.
11:48Donc, le scénario du pire, il peut être, à mon avis, bien plus pire.
11:51C'est-à-dire que la dégradation du sentiment économique en France peut être importante.
11:54On peut avoir, pendant 3-4 mois, des hésitations sur l'orientation politique et économique
11:58qui va ralentir économiquement la France.
12:01Et un sujet d'inflation qui, pour l'instant, est peut-être un peu sous contrôle.
12:06La trajectoire de désinflation est toujours bonne, mais l'euro résiste bien pour l'instant,
12:09ce qui limite un peu le risque d'inflation importée, mais il faudra surveiller ça aussi.
12:13Mais pour bien comprendre, ça veut dire que le nuage a tendance à augmenter et à s'accumuler.
12:17Un résultat électoral dans 10 jours d'un extrême ou d'un autre
12:25pourrait avoir, dans la deuxième économie de la zone euro,
12:28un impact sur une stratégie de désinflation en Europe, voire sur l'économie européenne.
12:33Ça reste quand même un risque très franco-français.
12:35C'est un risque de propagation, sans doute.
12:37Le poids de l'Europe dans l'économie européenne est quand même important.
12:39Ce qui est sûr, c'est que le sentiment économique...
12:41Aujourd'hui, vous êtes une entreprise, vous hésitez à faire un investissement.
12:44Vu le peu de visibilité que vous avez sur le cadre fiscal, le cadre d'investissement,
12:48les priorités stratégiques ou ce qui va être mis en place dans les 4 à 6 prochains mois,
12:52vous préférez attendre.
12:53Ça, ça va forcément, à terme, à court terme, avoir un impact sur la dynamique économique.
12:57Donc, si on rentre dans ce scénario d'un dynamisme économique,
13:00alors qu'on était tous dans un momentum de surprises économiques
13:03depuis quasiment 8 mois, très positif en France, et particulièrement en Europe,
13:06et que ça s'essouffle, l'objet de la rigueur devient d'autant plus important
13:10et le risque de stagflation peut revenir assez rapidement.
13:13Donc oui, le scénario peut être assez compliqué.
13:17Un pays comme le Portugal, qui emprunte à des conditions presque plus avantageuses que la France,
13:22aujourd'hui, ça s'observe, ça inquiète ?
13:27C'est les réalités de pays qui ont, j'allais dire, peut-être réfléchi plus en amont,
13:32et sous pression, post-2011, à la rigueur et à réformer un peu plus en profondeur leur économie.
13:38Donc oui, les divergences sont très très fortes.
13:40Quand on repense à la constitution des pays périphériques de 2011
13:44et les situations ont quand même été grandement inversées.
13:47La France est le pays dont la dette sur PIB a le plus évolué depuis le Covid.
13:50C'est l'endroit où, effectivement, la géographie en a mis le plus d'argent sur la table pour faire face au Covid.
13:54Aujourd'hui, on a effectivement rattrapé, en termes de dette sur PIB,
13:58beaucoup de pays dépassés et donc des sujets sur la dette qui sont tout à fait légitimes.
14:02Il y a un risque ? Est-ce que la France rentre dans cette catégorisation de pays périphériques comme on a pu le...
14:07Elle l'est ! Elle l'est !
14:09En tout cas, aujourd'hui, le spread a tendance à le montrer, oui.
14:13Vincent Juvins, la France fait partie des pays périphériques aujourd'hui.
14:16Deuxième économie de la zone euro, quand même ?
14:19J'irai pas encore jusque-là.
14:20Évidemment, on regarde encore un peu à l'extérieur sur ce qui s'y passe et c'est légitime.
14:24On est toujours un tout petit peu plus critique par rapport à la situation de son propre pays et c'est normal.
14:28Je souscris tout à fait à ce qui vient d'être évoqué.
14:31La situation n'est quand même pas très encourageante.
14:34Néanmoins, je mettrais quand même en exergue que la France, ces dernières années,
14:37avait quand même réussi à bien se repositionner en Europe,
14:39avait quand même montré de très bons chiffres de croissance.
14:41C'était une terre d'investissement.
14:43La banque, que je représente modestement sur ce plateau, en est l'exemple.
14:46Beaucoup d'institutions bancaires, beaucoup d'entreprises sont venues investir en France,
14:49sont venues créer de l'emploi, certainement dans un contexte post-Brexit.
14:52La stabilité politique qu'on a eue ces dernières années en France
14:55a été vraiment particulièrement favorable pour cet investissement.
14:58On a une France qui reste relativement dynamique sur le plan démographique.
15:02On a une France qui reste relativement dynamique en termes de productivité.
15:05Alors bon, tout ça s'effrite et on parle toujours du passé qui était évidemment meilleur.
15:08Mais enfin, comparé aux Anglais, comparé aux Allemands,
15:11on a quand même toujours géré une bonne histoire sur ce point de vue-là.
15:14Donc on a un potentiel.
15:16Nous, chaque année, on réalise des perspectives à 10-15 ans
15:18en termes de croissance économique pour la plupart des pays de la zone euro.
15:21La France continue à relativement bien se défendre
15:24du fait de cette démographie relativement dynamique
15:27et de cette productivité relativement dynamique.
15:29Donc elle a heureusement, je dirais, cette inertie dont elle peut bénéficier aujourd'hui.
15:33Il ne faudrait pas casser la machine.
15:35Derrière, il y a des inquiétudes par rapport à une politique budgétaire
15:38qui sortirait la France des dérailles budgétaires
15:41telles que proposées par Bruxelles.
15:43Il y a aussi le fait que la France soit tout d'un coup moins attractive pour y investir.
15:47Ça, c'est un autre sujet.
15:49Il ne faudrait pas que ce mouvement qu'on a eu récemment
15:51change à un moment où beaucoup de pays dans le monde
15:54essaient justement d'attirer ces capitaux, ces investissements,
15:57notamment pour se réindustrialiser et ainsi de suite.
15:59On a vu quand même que ça a bien fonctionné ces dernières années.
16:02Et ça, ça ne passe pas.
16:03Et c'est ce qui est heureux.
16:04D'ailleurs, on a un taux de chômage qui est aujourd'hui partout en Europe
16:06et ça en compris en France, qui est faible.
16:08Donc on aborde potentiellement cette crise un petit peu existentielle
16:11sur le plan politique, dans une situation relativement solide économiquement.
16:16C'est ce qui me fait être relativement serein.
16:19Maintenant, oui, on ne va pas vers un mieux.
16:22Maintenant, on peut toujours en invoquer le cas de Giorgia Melloni.
16:26Ce qui fait qu'aujourd'hui, l'Italie est relativement bien perçue
16:28par les marchés financiers.
16:30C'est que, et je cite ma collègue qui fait le même job que moi en Italie,
16:33c'est que Giorgia Melloni est parvenue à créer cette stabilité politique
16:37qui avait fait à défaut en Italie pendant tant de temps.
16:40Le problème, évidemment, quand on se dirige vers un contexte de cohabitation,
16:45c'est la période d'instabilité, comme tu l'évoquais vraisemblablement encore jusqu'en 2027.
16:49Et que là, on n'aura pas cet état de grâce que Giorgia Melloni a.
16:53Oui, alors que l'Italie est sortie d'un état d'instabilité, justement,
16:56contrairement à la France, qui était plus ou moins dans une situation stable.
16:59Le parallèle avec l'Italie a, je dirais, ses limites.
17:01Puisque là, on sait que potentiellement, on est au moins dans les difficultés
17:04ou l'incertitude jusqu'en 2027.
17:06Ça, c'est une certitude.
17:07Et à plus court terme, il y a une échéance qu'il faut absolument rappeler.
17:10C'est qu'on a une procédure de déficit excessif qui vient d'être ouverte
17:13à l'encontre de la France, comme de l'Italie, comme de la Belgique notamment.
17:16Que d'ici l'automne, il faut que le nouveau gouvernement
17:20propose évidemment des mesures correctives.
17:23Les marchés seront particulièrement attentifs.
17:25Est-ce que ça peut venir jouer un rôle de garde-fous
17:28vis-à-vis d'un nouveau gouvernement, cette procédure ?
17:30On parle en jargon financier des bonnes vigilantes.
17:33C'est vraiment les marchés obligataires qui veillent au rein.
17:36Je pense qu'à un moment, on l'a vu par le passé.
17:39Dès lors, si le spread devait être à 150-200 points basse,
17:42je pense que ça ramènera évidemment beaucoup de gens à la raison.
17:45Puisque ce qu'on ferait d'une part sur le plan budgétaire
17:49partirait en fumée d'autre part en coûts de financement plus élevés.
17:53Et on dépense déjà en Europe tellement d'argent en charge d'intérêt.
17:582% du PIB en moyenne, c'est un gâchis.
18:02Je dis souvent, sans faire de politique,
18:05aujourd'hui à ceux qui veulent défendre le modèle social français,
18:08à ceux qui veulent défendre la souveraineté française,
18:11il y a la même réponse dans les deux cas.
18:13Finalement, c'est de rester dans les clous budgétaires européens.
18:16C'est la meilleure manière de défendre ces deux aspects, paradoxalement.
18:20Il y a la France dans les marchés financiers,
18:24mais il n'y a pas que la France, Pierre Bismuth.
18:26Il y a l'Europe déjà, et il y a une stratégie menée par une banque centrale,
18:31la Banque Centrale Européenne.
18:32Première baisse de taux, la première à avoir dégainé vis-à-vis de la FED.
18:35Bien sûr, les deux principales qu'on regarde en Europe.
18:38Et il y a cette idée que potentiellement,
18:40une deuxième baisse de taux pourrait intervenir d'ici la fin de l'année,
18:43au-delà du risque politique français.
18:45Ou peut-être que le risque politique français peut avoir une incidence sur le sujet.
18:48Votre scénario à l'heure actuelle sur l'économie européenne ?
18:51Alors moi, je suis très dubitatif.
18:53Vraiment très dubitatif, notamment sur cette baisse de taux d'intérêt de la BCE qui...
18:59Déjà actée ? Enfin, déjà réalisée ?
19:01Déjà réalisée, parce qu'en fait, ce qui me posait problème dans cette baisse,
19:05c'était la stratégie ultérieure.
19:07Et effectivement, j'ai trouvé que la stratégie ultérieure était bien mince.
19:10Et c'est pour ça que ça n'a pas fait grand-chose,
19:14notamment eu égard à ce qui s'est passé aux élections européennes.
19:19Puisqu'en fait, le séisme provoqué par les élections européennes en France
19:23a provoqué vraiment une chute, mais alors dramatique, des small-cap françaises.
19:29Puis on a perdu, par rapport au 7 juin, 13%.
19:33D'accord.
19:34Qu'on avait gagné enfin en mai.
19:36Il y avait eu un ouf de soulagement.
19:38Et en fait, ça s'est vraiment effondré, bien plus que le CAC 40.
19:40Donc là, on voit que les dommages de la politique française,
19:44c'est vraiment sur les small-cap, bien plus que sur les groupes internationaux
19:47qui finalement ont peu à faire de l'économie française.
19:51Donc c'est sur celles qui font leur chiffre d'affaires en France.
19:53Exactement. Donc les small-cap, vraiment, ont tremblé.
19:55Et on a vu que la baisse des taux de la BCE n'avait pas du tout vivifié le marché.
20:00Au contraire, ça n'a eu strictement aucun impact.
20:03Et le vrai sujet, c'est qu'on aurait aimé que Christine Lagarde dise
20:08« Voilà ma stratégie, parce que l'inflation va rentrer dans les clous,
20:13donc je prévois X baisse de taux d'ici à juin 2025. »
20:17Mais on voit bien que tirer la première alors que la Fed est finalement on hold,
20:23désolé pour l'anglais, c'est un peu un coup d'épée dans l'eau.
20:27Donc ça n'a pas du tout marché.
20:29Je ne suis pas sûr que ça ait fait quoi que ce soit sur les taux.
20:32Il y avait quand même deux contextes différents,
20:34une nécessité quand même de la BCE d'intervenir un petit peu plus vite
20:36pour relancer quand même une économie plus fragile.
20:40Oui, mais on va voir si ça va marcher, mais je ne suis pas sûr que 0,25...
20:45En fait, disons que 0,25 de baisse, c'est un signal.
20:48Mais un signal pour ne rien dire, ça ne veut rien dire.
20:51Et malheureusement, je trouve vraiment que la stratégie de la BCE n'était pas à la hauteur.
20:57C'est qu'on a fait une baisse et puis on n'a pas du tout de plan ultérieur.
21:02On s'est dit « On va voir les chiffres, puis on va voir ce que fait la Fed, etc. »
21:05Et donc, je trouve que ça a quand même nuit à la crédibilité de l'euro
21:13puisque le dollar a monté dans la séquence.
21:16Bien sûr, il y a les élections européennes, mais ça nuit finalement à la crédibilité de l'euro.
21:22Je ne vois pas du tout la stratégie.
21:24J'attends qu'elle délivre mieux, mais on s'attend à une baisse en septembre,
21:28peut-être en juillet, mais quel va être l'impact ? Je ne sais pas.
21:33Adrien Dumas, finalement la BCE est partie trop tôt ?
21:36Elle l'avait beaucoup promis, donc c'était dur de faire sans.
21:40Déjà dès le mois de mars, on avait de nombreux banquiers centraux européens
21:43qui étaient assez affirmatifs sur « ça sera juin, ça sera juin, ça sera juin ».
21:46Donc finalement, les marchés l'anticipant, je trouve que c'était un peu difficile de faire marche arrière.
21:49Mais je partage effectivement la question de « Est-ce que c'était le bon moment ? »
21:52« Quel était l'intérêt de dégainer avant la BCE ? »
21:55et « Quelle est la situation aujourd'hui ? »
21:57En sachant que, oui, en fonction des différentes composantes,
22:01à la fois la trajectoire de désinflation, la situation spécifique de la France,
22:04on va dire que les intérêts encore vont être très difficiles à aligner au sein de l'Europe
22:07par rapport à l'impact que pourrait avoir une baisse de taux.
22:10Ce qui est sûr, c'est qu'aujourd'hui, je ne le vois pas comme un moteur de performance
22:13pour les actifs risqués à court et moyen terme, effectivement.
22:16N'oublions pas que d'ailleurs, cette baisse de taux a eu peu d'impact sur les taux longs,
22:19donc quasiment pas bougé.
22:21C'est quand même sur ces sujets-là que les entreprises se financent.
22:23Donc oui, pour l'instant, l'impact est minimal.
22:26Et qu'est-ce qu'on peut en attendre ? Effectivement, je ne pense pas grand-chose dans le courant de l'été.
22:30Côté américain, c'est pareil, qu'est-ce qu'on aura comme message avant Jackson Hole ?
22:34Peut-être pas grand-chose, parce que même Jackson Hole permettra d'y voir un peu plus clair.
22:37Je ne suis pas sûr que la Banque centrale américaine fasse grand-chose dans cette séquence d'élections non plus.
22:41Donc la pause, elle est un peu généralisée.
22:44Avant de parler États-Unis, là, c'était la première baisse de taux de la BCE.
22:48Peut-être qu'une deuxième ou une troisième permettrait d'y voir des effets plus conséquents ?
22:54Je ne sais pas. J'ai du mal à imaginer, effectivement, que les taux longs en bénéficient fortement,
23:00que c'est un impact direct sur les taux de financement de l'économie à court et moyen terme.
23:05Le dommage collateral pourrait être presque plus l'euro, qui se deviendrait encore moins attractif,
23:11dans un moment où on se pose déjà la question de la trajectoire des inflations et de l'impact que ça pourrait avoir
23:15dans un moment où l'économie européenne, qui pour l'instant se portait bien, pourrait un petit peu ralentir
23:19ou subir les effets de ce qui se passe côté français.
23:22J'ai du mal à le voir, mais on n'aura pas de réponse à court terme, je pense.
23:26Aux Etats-Unis, demain on attend l'inflation suivie de près par la réserve fédérale américaine.
23:34Est-ce que là aussi, globalement, ce n'est plus tellement l'indicateur à suivre jusqu'à septembre,
23:39puisque rien ne se passera ?
23:42Je ne sais pas. Ce qui est sûr, c'est qu'on a quand même pas mal de secteurs et pas mal d'industries
23:45où on commence à avoir des petits signaux d'affaiblissement ou de déception.
23:48C'était vrai en Europe. On a eu quand même 5 ou 6 sociétés qui ont fait des warnings sur les 10 derniers jours.
23:53Je rappelle quand même que le scénario qui était présenté par les entreprises
23:56pendant la période de publication des résultats annuels et des premiers trimestres,
23:59c'était le premier trimestre à un peu un point bas.
24:02Il y a beaucoup de chaînes dans lesquelles on voit une amélioration,
24:05avec progressivement, T2, puis fin d'année, une séquence d'amélioration.
24:09Visiblement, il y a quelques industries où ce n'est pas encore visible,
24:12voire même le T2, le deuxième trimestre est peut-être moins bon que le premier trimestre.
24:16Et aux Etats-Unis, on a eu un peu aussi ces messages-là dans l'immobilier commercial, l'immobilier résidentiel.
24:22Pour moi, les signaux les plus avancés, c'est finalement plutôt ceux-là que le chômage
24:27ou que la trajectoire de désinflation qui, pour l'instant, est à peu près en ligne avec la trajectoire qui était anticipée.
24:32Est-ce que ce sera suffisant pour permettre à la FED de changer ou d'infléchir sa trajectoire ? Je ne pense pas.
24:39Pour moi, demain, le sujet du débat me semble plus important que les statistiques économiques
24:44parce que c'est là où je pense qu'on va voir enfin un petit peu plus
24:47qu'est-ce qu'a mis Trump dans, enfin, quel quartier-là et sur quel type de sujet il a envie de s'opposer
24:54et où est-ce qu'il va être disruptif parce que c'est quand même souvent là qu'on l'attend et qu'il nous surprend.
24:59Pour moi, c'est un peu ça le gros sujet de demain.
25:01On parlait du risque politique en France. Finalement, la question, c'est y a-t-il un risque politique aux Etats-Unis, si je comprends bien ?
25:06Un risque politique, je ne pense pas. Dans le fond, les deux positions...
25:10Oui, on connaît, on est déjà passé par là.
25:12La relocalisation, America First, je pense que ça reste fondamentalement le cœur des propositions et des programmes.
25:20Après, il y a la position diplomatique, il y a le sud de l'Ukraine.
25:24Il n'y a tout ou pas défaire ou détricoter une partie du budget, du plan Inflation Reduction Act,
25:31de tout ce qui est autour de la relocalisation.
25:34Ça, c'est pareil. Il y a beaucoup de débats.
25:36C'est quand même des subventions d'investissement qui ont été beaucoup portées dans des Etats républicains.
25:40Est-ce que Donald Trump ira contre l'avis de la Chambre de représentants et des congrès républicains qui sont plutôt favorables à ce plan ?
25:48Il y a beaucoup de questions sur la table.
25:50Ça va être intéressant de voir, effectivement, qu'est-ce qui va sortir de sa manche pour être un peu disruptif.
25:54Vincent Juvin, je vous pose la question un peu différemment.
25:56Donald Trump, on a connu le Donald Trump candidat, le Donald Trump président, le Donald Trump poursuivi par la justice,
26:04le Donald Trump dont on pensait, effectivement, que jamais il ne pourrait revenir en politique.
26:07Demain, il y a le Donald Trump qui débat avec Joe Biden pour la prochaine élection présidentielle.
26:11Il n'y a pas de risque politique ?
26:14Oui. Vous me demandez de parler de politique.
26:19Non.
26:20Faire de politique.
26:21Exactement. Je vous demande de parler financièrement, bien sûr. Réaction des marchés financiers.
26:24En tout cas, la précédente présidence de Donald Trump, qu'on l'aime ou pas, a été moins disruptif que craint, à nombre d'égards.
26:33Ça, c'est déjà un premier élément.
26:35Si on se concentre sur les aspects économiques et financiers, objectivement, entre les deux candidats, il n'y a pas...
26:43Sur les grands sujets, il n'y a pas de différence fondamentale.
26:46En tout cas, grands sujets. On a beaucoup parlé de politique budgétaire.
26:49C'est à peu près le maintien de ce qui se fait maintenant.
26:51D'ailleurs, Joe Biden a maintenu les tax cuts de Donald Trump et beaucoup du débat. Est-ce qu'on les maintient après ou pas ?
26:56Il faut dire que les États-Unis sont quand même dans une situation vis-à-vis de leur budget où, effectivement, il faudrait éviter d'arriver à trop dépenser, quand même.
27:02Oui, on peut y revenir. Mais donc, sur cet aspect-là, sur le budget, il n'y a personne qui...
27:07C'est comme en France, comme en Europe, on n'utilise pas le vilain mot d'austérité ou de consolidation budgétaire.
27:12Ce n'est pas le sujet.
27:13Alors, sur les autres grands sujets, finalement, Joe Biden a continué à construire le mur de Donald Trump.
27:18Le faut-il, le faut-il pas ?
27:20Je pense que les deux auront une politique migratoire sélective, mais on ne va pas fermer les frontières.
27:26Beaucoup des États qui votent Donald Trump sont bien conscients qu'ils ont besoin de cette main-d'œuvre.
27:31Je ne vois pas quelque chose de disruptif là non plus.
27:33Sur la position vis-à-vis de la Chine, les deux partagent globalement à peu de choses près le même positionnement.
27:39Et puis, surtout de nous, ce qui nous importe au-delà de tout ça, et c'est horrible peut-être de faire abstraction de plein de sujets de société qui sont importants,
27:46mais sur les marchés financiers, on voit que ce qui drive les marchés financiers depuis un an et demi, voire un petit peu davantage,
27:51c'est cette technologie américaine, ce mouvement vers l'intelligence artificielle.
27:56Et là, finalement, ni l'un ni l'autre n'ont envisage de faire une politique à la chinoise, à la Xi Jinping, de tuer les champions nationaux.
28:03Donc, je dirais que ce moteur de performance dans les portefeuilles devrait a priori rester.
28:08Les Américains entendent garder un certain leadership.
28:11Je suis même parfois surpris de voir que Wall Street, comme la Silicon Valley, voit d'ailleurs en Donald Trump quelqu'un qui pourrait plutôt les aider aussi à la matière.
28:18Voilà. Tout ça pour dire que, l'un comme l'autre, pour les sujets qui nous intéressent sur ce plateau, bassement économiques et financiers, ça a l'air relativement similaire.
28:26C'est vrai que le budget, c'est quelque chose qu'il faut absolument tenir à l'œil.
28:30Alors, c'est peut-être parce que c'est loin de chez nous, mais je trouve qu'il m'inquiète toujours relativement moins qu'en Europe.
28:36Les États-Unis ont un potentiel de croissance nominal qui est quand même largement supérieur, donc ça les aide à payer cette dette.
28:42Ils ont une productivité qui est, malheureusement, il faut l'admettre, supérieure à la nôtre, donc ça aide aussi.
28:49Le dollar, on veut le déboulonner depuis des années et autres. On annonce sa fin. Chaque année, il est toujours là et toujours bien présent.
28:57Il y a un excès de... Enfin, les Américains ont un effet richesse il y a des années. Alors l'excès d'épargne pendant le Covid, c'est parti.
29:03Mais il y a encore un excédent d'épargne, notamment chez les Américains les plus fortunés, qui est immense.
29:09La capacité de ceux-ci à absorber la dette américaine est toujours là et bien là. Ils ont plutôt d'ailleurs tendance à être plus présents sur les marchés financiers.
29:19Tout ça pour dire qu'en l'état, je ne vois pas quelque chose de disruptif sur le plan économique et financier et je suis plutôt moins inquiet sur l'aspect dette aux États-Unis qu'en Europe.
29:28Et je voudrais peut-être aussi, puisqu'on fait de la politique, je fais des réponses politiques.
29:33Mais peut-être, pour apporter un point de vue légèrement différent sur la politique monétaire en zone euro, et là où peut-être des baisses supplémentaires,
29:41ou même une baisse supplémentaire pourrait être utile, il y a actuellement en Europe 9000 milliards d'euros qui sont sur des comptes à terme et assimilés.
29:48Et dans le débat européen pour l'instant, il y a toujours cette question, comment est-ce qu'on peut utiliser cette épargne des Européens pour l'utiliser au financement de l'économie européenne ?
29:57Alors la France a son livret A qui est une bonne approche. Les fonds assurance et hausse sont des bonnes manières aussi.
30:03Mais là, il y a certainement un travail à réaliser.
30:05C'est d'ailleurs un sujet des Européennes, l'Union des marchés de capitaux.
30:08Voilà, tout à fait. Le rendement du cash baissant, ça force aussi quand même pas mal d'investisseurs à revenir se reporter sur d'autres choses.
30:15Donc c'est déjà une manière non encadrée de le faire.
30:18Alors la France ne l'a pas fait, mais par exemple l'Italie, la Bienfait et la Belgique aussi, font appel à l'épargne publique pour financer les émissions obligataires.
30:25Alors ça ne solutionne pas l'ensemble du problème.
30:27Mais en tout cas, ça donne déjà un signal dans des économies dont l'essentiel de la dette est souvent détenu par l'étranger.
30:33L'Italie a lancé quelques obligations.
30:35C'est BTP Valor qui ont eu un succès important.
30:38La Belgique a fait de même avec un des bons d'État qui ont d'ailleurs, ça a fait grincer les dents dans le secteur bancaire.
30:43Je te dis, ça a évidemment drainé pas mal d'épargne hors des comptes d'épargne vers ce type d'élément.
30:49C'est peut-être au moment où l'étau baisse, en tout cas des structures à préparer.
30:54C'est-à-dire accompagner cette sortie du cash vers des éléments qui financent l'économie européenne.
30:59Et là, la BCE peut donner l'impulsion sur cet aspect-là.
31:02Pierre Bismuth, si je reviens sur les États-Unis, que vous suivez de près en tant qu'investisseur,
31:09quand on veut investir aux États-Unis, qu'est-ce qu'on regarde ?
31:11On regarde le débat Donald Trump-Joe Biden ?
31:14On regarde la situation économique aux États-Unis ?
31:17Ou on regarde les résultats d'NVIDIA ?
31:19Je pense qu'on ne regarde pas le débat.
31:22Je pense qu'on ne regarde pas du tout le débat.
31:24En fait, quand on est européen, oui, effectivement, le sujet géopolitique
31:32et le fait que l'Europe soit un enfant des États-Unis au travers de l'OTAN,
31:38oui, on peut trembler sur nos fondamentaux.
31:40Effectivement, c'est pour ça qu'on regarde la différence entre Biden et Trump,
31:46mais alors certainement pas sur les sujets économiques
31:48où, vraiment, on relance la machine tout le temps, tout le temps, tout le temps,
31:52en investissant à fond dans l'économie, dans l'intelligence, dans les nouvelles technologies,
31:57dans les connaissances, dans la recherche et le développement.
32:00Et on ferait vraiment bien mieux de s'inspirer en Europe plutôt que de réglementer, à mon avis.
32:07On a une super réglementation.
32:09Là, maintenant, il faudrait peut-être y aller et mettre du carburant dans le moteur.
32:14Moi, c'est pour ça que je suis absolument fasciné par l'économie américaine.
32:18C'est que cette manière de découverte des prix où, en fait, il y a une volatilité très importante
32:24sur certaines valeurs qui finissent par être des superstars boursières,
32:30mais c'est surtout, avant tout, des superstars d'intelligence.
32:33Et franchement, quand on voit ou Microsoft ou Nvidia ou Apple,
32:38c'est quand même une prime à l'intelligence humaine qui est absolument fabuleuse.
32:44Et là, la séquence des derniers jours sur Nvidia.
32:46Alors, effectivement, on a beaucoup parlé de ces 430 milliards de dollars perdus en trois jours.
32:51Il y a d'ailleurs une question, est-ce que c'est une pause ou une respiration dans une progression ?
32:57Est-ce que ça nous dit quelque chose de la tendance intelligence artificielle à court terme ou pas du tout, selon vous ?
33:01Je pense que pas du tout.
33:03En fait, c'est vraiment un micro-événement dans une lame de fond.
33:08Et franchement, on aurait adoré inventer ça, en tout cas, plutôt financer ça en Europe.
33:16Non, vraiment, ça c'est vraiment un épiphénomène qui n'a strictement aucun intérêt.
33:20Non, vraiment, c'est une respiration, je peux pas appeler ça comme vous voulez, mais...
33:27Parce qu'il y a quand même des questionnements sur le sujet de l'intelligence artificielle
33:30de dire qu'effectivement, la rentabilité au sein des entreprises n'est pas encore prouvée,
33:36ou autre, et qu'effectivement, beaucoup d'investissements, beaucoup d'achats,
33:39mais peut-être un peu moins de visibilité sur l'usage économique à long terme.
33:45Eh bien, moi aussi, j'ai fait une réponse...
33:47De politicienne !
33:50C'est que, en fait, la rentabilité des investissements aux Etats-Unis,
33:57déjà, est-ce qu'on arrive à les percevoir réellement sur très longue période ?
34:05Parce que, franchement, on se parlerait en 2003.
34:09On se dirait, franchement, Internet ça sert à rien, personne n'ira faire ses courses sur Amazon, etc.
34:14Puis, finalement, la rentabilité, c'est que tout le monde utilise Amazon,
34:19parce que, curieusement, c'est vachement plus pratique de faire ses courses sur téléphone.
34:23Et d'ailleurs, même le téléphone portable !
34:24Franchement, combien de gens se sont dit au départ, qu'est-ce que c'est que ce dingue ?
34:28Notamment en Italie...
34:29Oui, mais boursièrement, c'est les gagnants d'hier et ce ne sont pas les gagnants d'aujourd'hui.
34:32Mais oui, mais sauf qu'en fait, tout ça pour dire que, finalement, en dynamique,
34:36on s'en fiche un peu parce qu'il y aura toujours des gagnants.
34:39Et en fait, que ce soit une finalité ou un moyen pour arriver à autre chose,
34:44en fait, on a besoin de ces technologies pour progresser.
34:46Que ce soit pour l'apprentissage...
34:49Enfin, en tout cas, si on regarde au niveau...
34:52Peut-être pas, je ne vais encore pas vous répondre,
34:54mais imaginons qu'on ne soit pas sur des résultats économiques, mais sur des résultats sociaux.
35:00Franchement, l'intelligence artificielle,
35:02ce n'est pas un outil absolument magistral de décloisonnement de l'information et de l'éducation ?
35:08Posez une question, vous avez exactement la réponse et c'est une réponse qui est plutôt correcte.
35:13Enfin, c'est absolument prodigieux quand on y pense.
35:15Et cet état de décloisonnement de l'information et de l'éducation,
35:19sur une planète à 8 milliards d'êtres humains et avec autant de disparités sociales,
35:27franchement, c'est plein d'espoir, non ?
35:29Mais boursièrement.
35:30Mais boursièrement, mais boursièrement.
35:32Actuellement, à l'heure actuelle.
35:33Boursièrement, à l'heure actuelle.
35:34Boursièrement à l'heure actuelle, si vous regardez le cours de Microsoft et le cours d'Apple,
35:39en tout cas pour l'instant, le marché y croit et pense que ça va être un avantage compétitif très important.
35:45Adrien Dumas, quand on lit qu'il peut y avoir un petit peu d'attente trop élevée
35:49ou de spéculation sur le titre NVIDIA, vous partagez l'avis de Pierre Bismuth
35:53ou vous êtes un peu plus modéré sur le titre ?
35:57Pour l'instant, à court terme, on a toujours une demande qui est supérieure à l'offre.
36:00Ils ont une contrainte sur leur nouvelle puce, le HB200,
36:03qui leur donne pas mal de visibilité pour la fin d'année.
36:05Quand on regarde froidement les publications des trois derniers trimestres,
36:08le niveau de la surprise a été à peu près le même.
36:10C'est-à-dire qu'on a vraiment un sujet entre l'offre et la demande.
36:14La deuxième chose, c'est quand même qu'en pourcentage du chiffre d'affaires,
36:16les quatre grands donneurs d'ordre, donc Apple, Meta, Google et Amazon,
36:21qui représentaient quasiment 90% des commandes il y a 6-8 mois, sont descendus à 60%.
36:26Donc il y a des nouveaux acheteurs, des nouveaux consommateurs de ces puces
36:29qui réfléchissent à comment utiliser cette puissance de calcul,
36:31que ce soit dans des industries.
36:33On a vu aussi des États acheter des puces pour réfléchir à l'intérêt de tout ça.
36:39Donc oui, on sent une extension du marché adressable de l'utilisation de ces puissances de calcul.
36:46À court terme, je ne vois pas de raison de s'inquiéter.
36:50L'arrivée d'un grand concurrent ?
36:52Un des cas, c'était effectivement la montée de la concurrence.
36:54Pour l'instant, il n'y a pas de débat.
36:57Le rythme d'innovation d'NVIDIA est bien supérieur à tous ses concurrents.
37:00Ils font 80% de marge brute quand même, je rappelle.
37:02Donc ils ont les moyens d'investir pour continuer à garder cet avantage technologique.
37:06Et puis, ce qu'on a peut-être un peu loupé, c'est qu'il y a trois mois à peu près,
37:10ils ont fait une journée investisseur pour expliquer le mouvement vers la plateforme.
37:14L'objectif, c'est à terme de donner à des développeurs,
37:17des fabricants de logiciels, des grands industriels,
37:19accès à cette puissance de calcul et à l'innovation.
37:22Là, on parle de Blackwell.
37:23Exactement. Et donc, le passage d'un modèle de hardware
37:26à un modèle un peu plus software ou plateforme,
37:29ça, ça peut être extrêmement créateur de valeur pour NVIDIA.
37:31Donc moi, je pense qu'il y a encore plein de ressorts de surprises potentielles sur ce titre.
37:35La valorisation est à peu près en ligne avec ce qu'elle était depuis trois ans.
37:38On doit être à 26 ou 27 fois le PE.
37:41La volatilité à court terme, elle est liée à...
37:43On est en fin de trimestre et à des débouclements d'options.
37:45C'est un titre sur lequel il y a énormément d'options qui sont échangées.
37:48Il y a eu des chiffres de Micron qui sont sortis aujourd'hui
37:50et qui n'étaient quand même plutôt pas mauvais,
37:51avec 80% de croissance dans la partie intelligence artificielle.
37:54Donc pour l'instant, ça nous semble être un cœur de portefeuille assez résilient.
38:00Vincent Juvins, on va finir avec vous sur l'intelligence artificielle.
38:04Tout simplement, votre vision sur la thématique.
38:07Alors, en tant qu'économiste, j'arrive assez rapidement
38:10à ma capacité d'analyse de cette thématique.
38:13Néanmoins, par rapport à l'importance qu'elle peut prendre,
38:16notamment, on évoquait le passage du hardware plutôt sur la plateforme,
38:19mais sur l'activité économique que ça peut générer.
38:22Alors, nous, on l'aborde de deux manières.
38:25Beaucoup se demandent, est-ce que ça va créer un choc de productivité ?
38:28Et ça, on a du mal à le mesurer.
38:30De même que, comme Pierre l'évoquait,
38:32est-ce que le téléphone a créé ce choc de productivité ?
38:35Est-ce que l'Internet a créé ce choc de productivité ?
38:37Il y a cette vieille expression qui dit, finalement,
38:39la technologie est partout, sauf dans les chiffres de productivité.
38:41Donc là, on ne sait pas.
38:42Par contre, et surtout aux États-Unis,
38:44aujourd'hui, l'intelligence artificielle suppose une capacité de calcul importante.
38:48Donc, on a investi des dizaines et des dizaines de milliards de dollars
38:51dans des mainframes pour réaliser ces calculs.
38:56Donc, ça, c'est déjà des gros investissements qui sont réalisés
38:59et qui contribuent, en cela, au PIB.
39:02Donc, c'est la raison pour laquelle, par exemple,
39:04on a des estimations plus hautes de potentiel de croissance aux États-Unis qu'en Europe.
39:07Les investissements sont surtout réalisés là-bas.
39:09Alors, il faudra voir avec la législation sur les données européennes
39:11s'il ne faut pas que, finalement, ce soit, quelque part,
39:13basé en Europe pour les données européennes.
39:15Au-delà de ça, si vous avez récemment acheté un hardware pour vous-même,
39:19vous noterez qu'il faut des nouveaux laptops pour pouvoir étudier chez Microsoft
39:25ou chez Apple ou chez les autres, pour avoir l'intelligence artificielle.
39:28Sur les téléphones aussi.
39:29Ce n'est que la dernière génération, vous pouvez l'avoir.
39:31Donc, il y a tout ce mouvement de nouveaux hardware qui va être nécessaire
39:34pour que nous, en tant que consommateurs de cette technologie,
39:37on y ait à proprement accès,
39:39si tant est que les règles européennes aussi nous donnent accès à ceci.
39:41Mon fils, qui a 15 ans, était triste.
39:44Il me disait hier soir à la maison,
39:46« Ce n'est pas pour cette année qu'on l'aura sur nos téléphones. »
39:48C'était plus important au public pour moi.
39:51Mais, voilà, il y a quand même, en termes de vente de hardware,
39:53on voit qu'il y a pas mal de nouveaux hardware qui arrivent sur le marché
39:55et qui créent cette activité.
39:56Donc, sur l'IA et sur la thématique technologie de manière plus large,
40:00chez nous, c'est un sujet d'investissement qu'on conserve,
40:02une surexposition dans les portefeuilles.
40:05Au risque de ne pas me faire d'amis sur ce plateau,
40:09je vous pose la question,
40:10puisque j'ai entendu sur ce plateau cette question.
40:14Est-ce qu'il y a un risque métaverse avec l'intelligence artificielle
40:16ou un risque blockchain, grande thématique,
40:18jouée sur les marchés et oubliée un an après ?
40:20Je ne suis pas sûr qu'on peut tout à fait enterrer le métaverse.
40:23Je pense que ce qui se passe maintenant
40:27pourrait nous faire revenir un jour ce métaverse au galop.
40:30D'accord.
40:31Il manquait, à mon avis, un certain nombre d'éléments
40:34pour faire du métaverse quelque chose qui fonctionne.
40:36Intelligence artificielle, les nouveaux casques de réalité virtuelle
40:39pourraient bien faire de ce métaverse
40:41quelque chose qui, tout d'un coup, pourrait fonctionner.
40:43Je pense que, voilà, l'idée des phares était bonne.
40:46Elle était peut-être un peu en avance sur son temps,
40:49mais je pense que cette technologie pourrait,
40:51heureusement ou malheureusement, nous y amener un jour.
40:54C'est une bonne manière de répondre,
40:55une manière un peu politique, peut-être, de répondre à la question posée.
40:58Merci beaucoup, Vincent Juvin,
40:59à ce stratégie chez JPMorgan Asset Management.
41:01Merci, Pierre Bismuth, directeur général et responsable des gestions chez Myriam.
41:04Merci, Adrien Dumas, directeur des investissements de Mandarine Gestion.
41:07Quant à nous, on se retrouve tout de suite dans Marché Athèmes.

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