Sans transition alimentaire, pas de transition écologique. Isabelle Aprile, directrice de l’innovation sociétale du groupe Sodexo, explique en quoi ce géant de la restauration occupe une position clé pour encourager une alimentation durable, notamment en favorisant des filières agricoles locales. Repas bas-carbone, santé par l’alimentation, égalité des chances et employabilité… SMART IMPACT aborde plusieurs actions de ce groupe membre de la communauté Les Entreprises s’engagent.
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00:00Générique
00:06L'invité de Smart Impact, c'est Isabelle April. Bonjour.
00:09Bonjour.
00:10Bienvenue. Vous êtes la directrice de l'innovation sociétale du groupe Sodexo, directrice des affaires publiques de Sodexo France.
00:16On parlera aussi de la passerelle Sodexo que vous présidez. Et puis, le groupe est membre de la communauté Les entreprises s'engagent,
00:24qui avait été créée en 2018 par le président de la République, pour rapprocher dans chaque département les entreprises et les services de l'État.
00:31Est-ce que ce sont deux mondes qui travaillaient en silo ? Et est-ce que vous voyez les choses changer depuis 5, 6 ans ?
00:37Alors oui, effectivement, l'action Les entreprises s'engagent a permis de concentrer les efforts des entreprises et de créer cette collaboration
00:47qui n'existait pas, en tout cas, dans cette forme-là, et donc de démultiplier les impacts qu'on peut avoir.
00:52Et ce qui est intéressant pour nous, c'est ce que vous disiez, c'est-à-dire le fait qu'ils sont vraiment ancrés dans les territoires.
00:57On a la conviction que c'est dans les territoires que les choses peuvent changer et dans le cadre d'alliances comme celle-là.
01:02Oui. Et ça correspond aussi au maillage d'un groupe comme le groupe Sodexo, qui est évidemment présent un peu partout en France.
01:10C'est 4 000 sites, environ 35 000 collaborateurs en France. Puis alors, si on élargit encore le spectre au niveau mondial, c'est 430 000 employés dans 45 pays.
01:20Je me suis posé la question... J'espère que vous avez la réponse. Est-ce que vous savez combien vous nourrissez de personnes chaque jour ou chaque mois en France ?
01:29Oui. Alors dans le monde, c'est 80 millions de personnes.
01:3280 millions par jour ?
01:33Oui. Et en France, c'est 2,5 millions.
01:372 millions. Donc c'est assez vertigineux et ça donne une idée de ce levier qui est entre vos mains.
01:44Et c'est là que ça devient vraiment passionnant parce que quand on veut accélérer la transition alimentaire, il y a évidemment des enjeux de décarbonation des aliments qu'on propose.
01:54Comment vous adressez ces enjeux aujourd'hui ?
01:56Alors oui, on est un acteur majeur de la transition écologique à deux titres.
02:00D'abord parce qu'on est en capacité de créer et d'organiser des filières, des filières locales.
02:06On peut parler des filières qu'on crée en France, mais on le fait dans tous les pays.
02:10Donc ça c'est un premier volet. Et le deuxième volet, vous l'évoquiez à l'instant, c'est la transition écologique passera par la transition alimentaire, c'est-à-dire la modification des modes de consommation finalement.
02:22Et le fait effectivement qu'on ait l'opportunité de toucher autant de personnes par jour, ça nous donne la capacité de travailler sur l'éducation alimentaire, nutritionnelle et l'impact de la nourriture à la fois sur la planète et sur la santé.
02:38Comment on fait baisser le bilan carbone d'un repas ?
02:40Alors en rééquilibrant les protéines végétales et animales.
02:45Moins de viande.
02:46Moins de viande.
02:47Tout simplement. C'est aussi simple que ça.
02:49Alors c'est un des éléments, mais c'est effectivement un élément assez majeur et encore une fois qui a un impact bénéfique sur la santé, mais aussi sur l'environnement et le bilan carbone.
03:02Vous avez été, je crois, le premier groupe mondial à vous associer à l'initiative Futures 50 Foods. C'est quoi Futures 50 Foods ? On est dans cette idée-là ?
03:11Tout à fait. On s'associe, encore une fois, on a une capacité de toucher énormément de personnes, mais on ne travaille jamais seul.
03:21Et donc l'idée, c'est vraiment de travailler à la nourriture demain et les adaptations nécessaires pour travailler à l'optimisation du bilan carbone.
03:31Et innover pour trouver des repas moins carbonés à l'avenir. Vous parliez des filières, cet autre levier. Comment vous l'activez, celui-là ?
03:41Alors en fait, on travaille vraiment localement. L'idée, c'est toujours dans cet objectif de rééquilibrer les protéines animales et végétales, c'est d'avoir la capacité de structurer de l'agriculture et de l'élevage local.
03:58Je vais vous donner un exemple pour illustrer ça. En Ile-de-France, par exemple, on a permis la réimplantation de lentilles. C'est une culture de lentilles qui n'existait plus.
04:11Et donc on a poussé en donnant des perspectives en termes de débouchés. Et c'est la démarche qu'on a dans chacun des territoires.
04:22On essaie d'accompagner l'amont parce qu'effectivement, sans agriculture, et on l'aveut local, c'est compliqué de travailler sur l'alimentation.
04:32Il y a évidemment aussi un enjeu majeur de logistique des milliers de camions sur les routes chaque jour. Est-ce que c'est sur vos partenaires que repose cette amélioration de votre bilan carbone ?
04:45Est-ce que vous leur mettez la pression d'une certaine façon ?
04:48Oui, avec nos partenaires amont, nos fournisseurs qui viennent nous amener sur l'ensemble de nos sites la production.
04:58Oui, on travaille de concert avec eux pour essayer d'assurer cette transition qui n'est pas facile à mettre en place.
05:05On a quelques véhicules électriques, mais la vraie difficulté...
05:09Sur un camion, un véhicule électrique, ce n'est pas forcément la meilleure solution.
05:14Tout à fait, et on a des besoins en termes de réfrigération qui sont complexes.
05:19C'est un travail au long cours et on le mène avec nos fournisseurs.
05:24On va prendre une illustration concrète, c'est cette passerelle Sodexo que vous présidez. Est-ce que c'est une sorte de laboratoire de vos innovations sociétales ?
05:34C'est à la fois un laboratoire, mais c'est aussi une illustration de la volonté du groupe.
05:39Juste deux mots sur ce groupe, c'est un groupe familial qui a été créé en 1966, il y a un peu plus de 50 ans,
05:47par un visionnaire qui, à cette époque-là, a défini la mission de l'entreprise.
05:54J'y reviens souvent parce que c'est important, c'est ce qui fonde toute la culture de l'entreprise et notamment ce qu'on a fait et décliné avec la passerelle.
06:03Il a dit que nous aurions deux missions. La première, c'est d'améliorer la qualité de vie de nos collaborateurs et de nos consommateurs.
06:11La deuxième, c'est de contribuer au développement économique, social et environnemental des territoires dans lesquels on opère.
06:21Il le dit dès 1966 ?
06:22Tout à fait. C'est cette mission-là qui énerve toute la culture de l'entreprise et ce qui nous amène à la passerelle,
06:30qui est un modèle économique à impact, une innovation qui date d'il y a cinq années maintenant.
06:37L'idée, c'était d'aller un cran plus loin et d'illustrer la façon dont Sodexo peut avoir un impact dans un territoire choisi, dans trois domaines.
06:46C'est quoi la passerelle ? On ne l'a pas dit, c'est un lieu ?
06:49La passerelle, c'est à la fois un lieu, on dit aujourd'hui un tiers-lieu. En tout cas, c'est un lieu qui a été conçu et construit par Sodexo
07:01dans un quartier prioritaire de la politique de la ville, à Clichy-sous-Bois.
07:05L'idée, c'était vraiment de construire un modèle économique dont les impacts seraient forts et à trois titres.
07:12D'abord, comment on peut contribuer à développer l'employabilité des habitants de quartiers défavorisés.
07:18C'est pour ça qu'on choisit des quartiers prioritaires de la politique de la ville.
07:22Le deuxième impact, c'est comment, compte tenu de nos métiers, de nos expertises, on peut travailler à l'amélioration de la santé par l'alimentation.
07:29Et enfin, le grand sujet de l'égalité des chances et de l'accès au plus grand nombre à des services de proximité.
07:37Je veux bien qu'on décrive un peu ce lieu à Clichy-sous-Bois, parce qu'il y a plusieurs espaces avec des services différents.
07:45Cet espace a été conçu justement en fonction des impacts qu'on voulait atteindre.
07:51Dans cet espace, vous allez avoir une crèche. Pourquoi ? Parce que dans ce territoire,
07:57et c'est important de le dire, tout ça a été conçu en collaboration avec les acteurs publics et privés du territoire.
08:03Ça rejoint les entreprises, ça engage d'une certaine façon.
08:05Tout à fait, pour bien comprendre ce qu'on pouvait amener à ce territoire sans faire fi de ce qui existait déjà.
08:11On a installé une crèche de 23 berceaux. Pourquoi ? Parce que le premier frein périphérique à l'emploi dans ce quartier-là, c'est la garde des enfants.
08:20Et notamment, les familles monoparentales souffrent de cet accès à la formation ou à l'emploi compte tenu de ce frein-là.
08:27Donc on a créé une crèche. De la même façon, il manquait de salles de formation dans ce territoire.
08:32Donc on a créé un espace de formation qui est aujourd'hui occupé par la mission locale,
08:37qui travaille auprès des jeunes pour, dans le cadre du programme Un jeune, une solution.
08:42Et puis on a un espace, ce qu'on appelle de cohésion sociale.
08:45Un espace qui nous est réservé pour créer des ateliers qui sont destinés aux habitants du territoire.
08:51Mais pour finir...
08:53Mais on est loin de l'alimentation dans tout ce que vous nous dites.
08:55Alors on y arrive. On est loin de l'alimentation, mais on est près des impacts et de ce dégoût.
09:03Donc le dernier espace de ce bâtiment, la passerelle à Clichy-sous-Bois, c'est un moteur économique.
09:09Parce que l'ambition de Sodexo n'est pas d'aller dans un modèle philanthropique,
09:13mais bien pour assurer la continuité des actions et des impacts, de s'appuyer sur un moteur économique.
09:19Et ce moteur économique, c'est une légumerie.
09:21Ah, je voulais vous la rassurer. Il y a quand même de la nourriture.
09:25Donc c'est une légumerie dans laquelle on apporte de la production agricole locale,
09:30qu'on transforme et qu'on livre sur...
09:32Ce modèle, il est duplicable, si je comprends bien ?
09:35Tout à fait. C'est un modèle qu'on veut dupliquer en France.
09:38Et comme on l'a modélisé aussi dans d'autres régions dans lesquelles on est implanté.
09:43L'ambition de ce modèle, c'est une approche d'abord particulière.
09:48C'est-à-dire qu'on parle des impacts qu'on veut avoir.
09:50On réfléchit au modèle et à la façon de le créer sur un territoire à partir de ces impacts.
09:57Et quand on a bien compris la configuration du territoire,
10:01on est capable de créer un lieu qui s'adapte vraiment à nos ambitions.
10:05Améliorer la qualité de vie des collaborateurs et des clients,
10:08ça pose la question notamment de la santé par l'alimentation.
10:11Quand on distribue autant de millions de repas chaque jour en France ou dans le monde,
10:17comment on tient cette promesse tout en sachant que les prix doivent rester assez bas ?
10:24C'est la magie du modèle de la restauration collective, notamment en France.
10:28C'est un modèle culturel exceptionnel, que ce soit depuis l'école jusqu'à la maison de retraite.
10:35C'est un modèle qui permet au plus grand nombre d'avoir accès à une nourriture équilibrée à moindre coût.
10:41C'est vraiment quelque chose qui est important,
10:45qui est presque même une exception culturelle française.
10:50Notre savoir-faire, c'est de rentrer dans ce modèle-là et d'y contribuer.
10:58On a des experts qui sont des experts de la nutrition,
11:01mais aussi des experts qui savent prendre en compte les contraintes budgétaires de nos clients,
11:10qui sont extrêmement fortes.
11:12On parle de restauration scolaire, c'est un modèle fragile,
11:15mais c'est un modèle, encore une fois, qui est particulier et auquel on tient beaucoup.
11:20Merci beaucoup Isabelle Aprilet, à bientôt sur Vismart.
11:23On passe à notre débat, le bien vieillir au programme.