"Ils font régner la peur" : Retour des violences en Nouvelle-Calédonie

  • il y a 3 mois
Avec Bastien Vandendyck, professeur de géopolitique du Pacifique océanien à l’Université Catholique de Lille, en direct de Nouméa

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Transcript
00:00Le Grand Matin Sud Radio, 7h-8h30, Patrick Roger.
00:04Il est 7h13, c'est à la une sur Sud Radio, la Nouvelle-Calédonie.
00:08Des bâtiments incendiés et des écoles fermées encore,
00:10après l'arrestation notamment de plusieurs leaders indépendantistes.
00:13Nous sommes avec Bastien Van Dendieck, qui est professeur des géopolitiques
00:17du Pacifique Océanien à l'Université Catholique de Lille,
00:20mais qui est en direct de Nouméa.
00:23Rebonjour à vous !
00:25Bonjour à vous !
00:25Bon, est-ce que vous pouvez nous faire un petit peu le point sur ces tensions,
00:29donc ce week-end et encore ces dernières heures sur place ?
00:35Alors après une période qu'on pourrait qualifier quand même de relative accalmie,
00:40l'arrestation des leaders de la frange radicale du mouvement indépendantiste,
00:46et notamment de Christian Théun,
00:47et le fait qu'ils aient été déférés par la justice et incarcérés,
00:52a réveillé leur milice dans l'agglomération de Nouméa,
00:57et c'est vrai que cette nuit a été très agitée,
01:01on a eu encore une mobilisation des émeutiers qui s'en sont pris à des gendarmeries,
01:06qui s'en sont pris à des écoles,
01:07et qui aujourd'hui bloquent encore un certain nombre d'accès,
01:11et qui, une nouvelle fois, font régner la peur dans Nouméa et son agglomération.
01:15Mais est-ce que le calme était vraiment revenu depuis les émeutes,
01:19d'il y a un mois ?
01:21Ou est-ce que cette violence, cette tension, était toujours sous-jacente ?
01:25Elle était présente sur l'île ?
01:29Alors si vous pouvez me permettre l'expression,
01:31disons que les braises étaient encore très chaudes,
01:35ce qu'on a pu constater, c'est qu'effectivement, à partir du 13 mai,
01:39et l'explosion des violences par les émeutiers,
01:43l'État a mis un certain temps avant de ramener le calme ici,
01:47et ensuite on avait un calme qui était assez relatif,
01:50mais il y a toujours des quartiers et des villes entières qui étaient bloquées,
01:52j'ai notamment une pensée pour les gens du Mont-d'Or,
01:55qui depuis un mois et demi sont complètement bloqués,
01:57ils n'ont plus d'essence, il n'y a plus à manger dans les rayons,
02:01donc effectivement, il y avait un calme qui était extrêmement relatif,
02:04extrêmement précaire, extrêmement fragile,
02:06et là, effectivement, les choses sont reparties de pubelles,
02:09excusez-moi l'expression, mais on a vécu encore une nuit très compliquée.
02:13Oui c'est ça, à tel point qu'on dit que cet été,
02:16certains pourraient quitter l'île,
02:19qui sont installés là-bas depuis longtemps,
02:21et qui pourraient quitter la Nouvelle-Calédonie,
02:23parce qu'ils ont une grande crainte sur la suite.
02:29On peut difficilement leur faire le reproche,
02:31ce qu'on vit ici nous depuis un mois,
02:33c'est complètement invraisemblable,
02:35c'est très compliqué,
02:36donc oui, effectivement, il y a des gens qui ont pris la décision de repartir,
02:40mais il y en a aussi beaucoup qui décident de rester,
02:42vous savez, il y a des gens ici qui n'ont pas d'ailleurs,
02:44ils sont calédoniens depuis 6-7 générations,
02:47ils ont grandi ici, ils ont vécu ici,
02:49l'étropole c'est à 22 000 kilomètres,
02:51et puis ça coûte cher de prendre un billet,
02:53de tout recommencer à zéro,
02:54je pense notamment aux personnes âgées,
02:57qui ont une petite retraite,
02:57donc non, non, c'est très compliqué,
02:59mais oui, il y a un certain nombre de personnes qui ont pris la décision de rentrer,
03:01mais ce n'est pas une majorité,
03:03il y a aussi beaucoup de Calédoniens qui restent,
03:05et qui ont encore bon espoir de passer cette crise,
03:08et de reconstruire quelque chose de plus positif demain.
03:10Oui, Bastien Van Den Dijk, est-ce qu'on peut expliquer pourquoi ?
03:13Parce qu'évidemment, d'ici, c'est parfois difficile à comprendre,
03:17pourquoi il y a eu des leaders indépendantistes
03:20qui ont été interpellés, arrêtés,
03:22et qui eux ont été transférés,
03:25eh bien ici, en métropole ?
03:27Par exemple, Christian Teint,
03:29le leader a été placé en détention provisoire,
03:30je crois du côté de Mulhouse.
03:32De Mulhouse, tout à fait.
03:34Il faut faire la différence entre les gens qui ont été arrêtés très récemment,
03:39qui sont les responsables de ce qu'on appelle la CCAT,
03:43qui est la cellule de mobilisation de terrain
03:45de la frange radicale des indépendantistes,
03:47et il ne faut pas les confondre avec l'ensemble de la classe politique indépendantiste,
03:52dont certains, aujourd'hui, récusent la CCAT et récusent les violences.
03:56Ce qui est certain, c'est que les gens qui ont été incarcérés
03:59et qui ont été renvoyés en France aujourd'hui,
04:02sont les gens qui sont les commanditaires,
04:04très probables, des exactions qui mettent à feu et à sang Nouméa,
04:08enfin Nouméa, son agglomération, et aujourd'hui la Brousse,
04:11parce que les exactions, par capillarité,
04:14commencent à monter dans le nord de la Nouvelle-Calédonie,
04:16en dehors de l'agglomération Nouméa,
04:18et ce sont ces gens-là qui sont responsables, si vous voulez,
04:20de l'organisation des émeutes, ce sont les commanditaires.
04:23Donc c'est pour ça qu'ils sont passés devant la justice,
04:26et que la justice a décidé assez rapidement,
04:28ça veut dire probablement qu'ils avaient déjà un certain nombre de dossiers sur eux,
04:32et des raisons très valables de les envoyer en métropole,
04:35probablement pour éviter de les garder ici sur zone, notamment au camp Est,
04:40parce que le camp Est, la prison Nouméa, qui est déjà très surpeuplée,
04:43qui a connu déjà plusieurs mutineries depuis le début des émeutes.
04:46– Oui, un dernier mot, est-ce que les législatives vont pouvoir quand même se tenir,
04:51les bureaux de vote, ou ça risque d'être un petit peu chaud ?
04:55– Écoutez, les campagnes se font, mais avec difficulté,
05:01le candidat de la deuxième circonscription, Alcide Ponga,
05:04devait aujourd'hui partir dans le nord de la Nouvelle-Calédonie,
05:07il vient d'annoncer sur ses réseaux qu'il ne pourrait pas le faire pour des raisons de sécurité,
05:11donc à l'heure actuelle, ça serait extrêmement prétentieux de ma part de vous dire si oui ou non ils pourront se tenir,
05:18en tout cas, vu ce qui s'est passé cette nuit,
05:20si ça vient à continuer, je vois mal comment ça pourra se tenir dans des conditions pareilles.
05:23– Oui, merci beaucoup, Bastien Van Dendik, pour vos explications très très claires
05:28sur la situation en Nouvelle-Calédonie, de nouveau extrêmement tendue,
05:32je rappelle que vous êtes professeur de géopolitique du Pacifique Océanien,
05:35à l'Université Catholique de Lille, et vous étiez en direct de Nouméa.

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