France : le "dérapage budgétaire" du pays est "l'œuvre de Bruno Lemaire et du gouvernement Attal"

  • il y a 4 mois

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00:00Scriptage avec notre invité Louis-Samuel Pilser, bonjour et merci d'être sur France 24, vous êtes enseignant en économie, haut fonctionnaire, vous avez écrit souveraineté économique, analyse et stratégie, là on est au cœur d'une campagne éclair, les candidats ont eu quelques jours pour présenter un programme, pour présenter aussi leur financement, comment la dissolution de cette Assemblée Nationale annoncée par surprise par Emmanuel Macron a-t-elle été reçue par les milieux économiques d'abord, avant d'analyser les programmes édictés par les candidats tout à l'heure ?
00:29Alors les milieux économiques ont reçu sa dissolution avec crainte, d'ailleurs cela s'est perçu sur les taux d'intérêt qui ont explosé le lendemain de la dissolution, donc je pense que l'incertitude sur la ligne du gouvernement qui sera à la tête de la France d'ici un mois pèse sur les milieux économiques et on a pu le voir parmi les questions qui ont pu être posées aux chefs d'entreprise présents ce matin, les craintes et les difficultés que peuvent avoir les chefs d'entreprise vis-à-vis des programmes économiques
00:58proposés des trois côtés.
01:00Parce qu'il y a une incertitude ?
01:02D'abord, je pense que le jeu n'est pas fait, les sondages sont encore en train de se consolider et je pense que l'alternative à laquelle la France est confrontée aujourd'hui c'est celle d'un gouvernement d'une majorité absolue du Rassemblement National, d'une victoire de la gauche ou d'un gouvernement, enfin disons d'union nationale qui serait forcée,
01:26enfin dont la constitution serait forcée par une majorité relative qui serait disons dans les mêmes équilibres que celles que nous avions avant la dissolution.
01:34La situation de la France est déjà très compliquée, la situation économique, puisque la France hier a été éplinguée par la Commission Européenne, on n'est pas du tout dans les clous, que ce soit au niveau des déficits et de notre dette.
01:46Est-ce que vous diriez que le gouvernement, les macronistes en sont les premiers responsables, eux qui sont au pouvoir depuis sept ans ?
01:52Oui, alors je pense que la première chose qu'il convient de souligner c'est que la procédure qui pourrait être engagée contre la France pour déficit excessif, elle ne sanctionne pas les programmes des candidats, elle sanctionne les actions du gouvernement depuis sept ans.
02:04Donc c'est une procédure qui est engagée à cause du dérapage budgétaire qui est l'œuvre de Bruno Le Maire et du gouvernement de Gabriel Attal.
02:14Même s'il y a eu des circonstances exceptionnelles avec le Covid par exemple ?
02:18Alors ces circonstances exceptionnelles, c'était celles d'hier sur lesquelles la Commission Européenne a été assez compréhensive.
02:25Ce qui est sanctionné, je pense, c'est l'absence de trajectoire claire de retour à l'équilibre budgétaire. Je pense que c'est un problème.
02:31Le déficit public qui était prévu pour 4,5% du PIB cette année est finalement revalorisé à hauteur de plus de 5%.
02:39Je pense que le fait d'avoir voté un budget en décembre qui est invalidé et dont les recettes sont revues à la baisse trois mois plus tard,
02:47c'est aussi preuve d'un manque de sérieux budgétaire qui est sanctionné à la fois par la Commission Européenne et je pense demain, et aux élections européennes par les électeurs français.
02:57Donc le gouvernement a trop dépensé et il aurait peut-être dû augmenter les impôts. C'est la stratégie d'Emmanuel Macron, ne pas toucher aux impôts.
03:05C'est le cas depuis sept ans, les impôts m'ont même baissé. Mauvaise stratégie du coup au final ?
03:08Oui. Cela a été rappelé par un certain nombre de candidats tout à l'heure, notamment par les représentants du Nouveau Front populaire.
03:16Le déficit excessif qui est notifié par la Commission européenne il y a quelques jours, c'est le résultat des baisses d'impôts qui ont été actées par Emmanuel Macron
03:24sur les entreprises depuis sept ans. Je pense que c'est essentiellement à cause de cette incapacité à faire contribuer ceux qui le peuvent
03:33que le budget est déséquilibré aujourd'hui. Ce n'est pas un problème de dépenses excessives, c'est un problème de recettes insuffisantes.
03:39Et d'ailleurs, c'est pour une surestimation des recettes de TVA que la trajectoire budgétaire 2024 a été revue à la basse.
03:47Alors restons sur le Front populaire, puisque vous en parlez. Vous parlez de dépenses excessives.
03:51Alors le patron du MEDEF, lui, estime à 200 milliards d'euros par année les dépenses publiques si le Front populaire passait au pouvoir.
04:01Tiendrait l'Assemblée nationale ? Tenait l'Assemblée nationale ? Est-ce que vous faites le même constat ?
04:05Et si oui, est-ce que l'arrivée du Front populaire aggraverait les dépenses publiques ?
04:09Je pense qu'il y a deux éléments dont la réponse est à vous apporter. La première, sur l'ordre de grandeur,
04:15je pense que les dépenses publiques que le nouveau Front populaire envisage d'engager, elles sont encore en train d'être consolidées.
04:21Valérie Rabault a parlé de 100 milliards. La France insoumise a indiqué que c'était insuffisant de leur point de vue.
04:26Donc je pense que les arbitrages budgétaires internes à la coalition qui forme le nouveau Front populaire doivent être pris dans les prochains jours
04:31et donneront un peu plus de clarté à la trajectoire budgétaire qui sera celle du gouvernement de gauche,
04:36qui pourrait être formée en cas de victoire législative. Ensuite, deuxième...
04:39Mais une petite parenthèse, l'augmentation du SMIC à 1600 euros net, ça s'est approuvé et validé par l'ensemble des composants de la gauche ?
04:46Oui. La revalorisation du SMIC et un certain nombre de dépenses qui sont paramétrées, donnent des orientations claires.
04:53Il y a certains aspects sur lesquels les paramètres restent encore à affiner.
04:56Notamment, pour vous donner un exemple, la progressivité de la CSG ou de l'impôt sur le revenu.
05:00L'impôt sur le revenu qui compte aujourd'hui 5 tranches et qui passerait à 14.
05:03Les taux et les seuils restent encore à définir.
05:05Et donc je pense que les paramètres budgétaires sont encore à calibrer pour permettre à la fois un plan de relance ambitieux
05:12et une trajectoire de retour à l'équilibre crédible d'ici la fin du quinquennat qui pourrait être celui de la gauche en cas de victoire.
05:20Jordan Bardella, on l'a entendu, il est le favori des sondages.
05:24Il dit « je suis là pour rassurer les patrons ».
05:27Il assure que sa priorité sera de faire baisser la facture d'énergie.
05:31Alors pour cela, il veut utiliser la TVA sur l'énergie, la faire passer de 20 à 5,5%.
05:36Est-ce que techniquement, c'est faisable ?
05:39Techniquement, c'est parfaitement faisable, modulo des discussions au niveau européen.
05:43Oui, parce que c'est au niveau européen que ça se joue là.
05:46Oui, mais la baisse...
05:47Il faut le feu vert de la Commission européenne.
05:49Oui, exactement. En fait, pour un certain nombre de mesures proposées par le Rassemblement national,
05:53des discussions devront être engagées à Bruxelles.
05:55C'est aussi ce qui sème un doute sur la crédibilité des mesures qui sont proposées par Jordan Bardella.
05:59En fait, quand le Premier ministre, qui pourrait être nommé par une majorité RN,
06:05arrivera à Bruxelles avec sa liste de course, on ne sait pas s'il privilégiera l'immigration
06:09ou la stabilité financière ou les enjeux de réindustrialisation
06:16avec la question de la priorité nationale sur les marchés publics qui est également proposée par le candidat.
06:21Je pense que cette priorisation et ce rapport de force, ça conduira à des abandons de mesures.
06:28Nicolas Sarkozy avait réussi, après des années de bataille menée par Jacques Chirac aussi,
06:34à faire baisser la TVA sur la restauration. Pourquoi ne pas la faire baisser sur l'énergie ?
06:39Je pense que c'est possible.
06:40Et ça va prendre du temps.
06:41Ça pose une question économique, surtout. Il y a deux visions sur le prix de l'énergie.
06:46Celle de la gauche, qui consiste à bloquer les prix,
06:48et celle de l'extrême droite, qui consiste à baisser la TVA.
06:52Je pense que la baisse de la TVA, et ça a été rappelé également par la majorité présidentielle,
06:56et je pense que sur ce point, elles ont raison,
06:58la baisse de la TVA, c'est toujours imparfaitement répercuté sur les prix.
07:01C'est-à-dire que quand vous baissez la TVA sur un produit,
07:05si vous baissez la TVA de 10% par exemple,
07:08souvent, la grande surface qui va vous vendre le produit,
07:11ou le total, ou l'entreprise qui va vous facturer l'essence,
07:15va baisser le prix à la pompe de 5% plutôt.
07:19Donc en fait, il va y avoir une répercussion imparfaite sur les prix,
07:22qui conduit à la fois à une baisse des prix, c'est vrai,
07:24mais aussi à un renforcement des marges des distributeurs.
07:28Donc je pense que c'est plus une question d'efficacité,
07:31et également pour les finances publiques,
07:32puisqu'il faut rappeler que les baisses d'impôts proposées par le Rassemblement national,
07:35c'est 40 milliards d'euros, et qu'au total, si on comprend les dépenses,
07:38et les moindres recettes qui étaient prévues par le programme de Marine Le Pen en 2022,
07:43c'était 100 milliards d'euros de déficit supplémentaire pour les finances publiques.
07:47Donc aujourd'hui, on est à 150 milliards, 5,5% du PIB,
07:51on passerait quasiment à 10% du PIB.
07:53Donc pour être très concret, ça mettrait la France en faillite.
07:56– Et c'est ce que dit le patron du Medef,
07:59il dit également, je le disais sur le Front populaire,
08:02mais aussi selon lui, l'extrême droite a un programme dangereux pour la France.
08:07Le Wall Street Journal disait que le vent avait un peu changé
08:11sur le sentiment des patrons et des grands patrons vis-à-vis de l'extrême droite,
08:16il y avait des dîners, des rencontres aujourd'hui,
08:19est-ce que vous le ressentez ça aussi, ce basculement du monde économique
08:24qui se dit que l'extrême droite pourrait arriver aux affaires ?
08:27– Oui, et d'ailleurs le programme du Rassemblement national vis-à-vis des entreprises
08:30n'est pas si éloigné de celui de la majorité présidentielle.
08:32On parle de baisser les impôts de production,
08:34on parle de réduction de charges patronales sur les augmentations de salaires.
08:37Au final, les fondamentaux économiques du programme de Jordan Bardella
08:40ne sont pas si éloignés de celui d'Emmanuel Macron.
08:43– Donc il ne fait pas peur ?
08:44– Je pense que sur le plan de la fiscalité, ce qui fait peur,
08:47c'est l'absence de trajectoire de retour à l'équilibre budgétaire.
08:50C'est-à-dire que ce qui fait peur, c'est les déficits,
08:52le risque qu'on emprunte à des taux d'intérêt extrêmement élevés
08:54et que ça puisse mettre la France en faillite à terme.
08:56Ce qui fait moins peur, ce sont les baisses d'impôts.
08:58Je pense que ça plaît aux patronats, en particulier aux grandes entreprises.
09:02– Une dernière question.
09:03On sait très bien que le pouvoir d'achat est la priorité des Français.
09:07Est-ce que, néanmoins, la situation économique,
09:10elle pèse aujourd'hui sur le choix des Français pour ces législatives ?
09:14– Oui, je pense que la situation économique, l'extrême précarité
09:17dans laquelle vivent un certain nombre de compatriotes,
09:20dont, par ailleurs, une partie est liée au quinquennat
09:24et au début de quinquennat d'Emmanuel Macron.
09:27Rappelons que le salaire moyen en valeur réelle,
09:32c'est-à-dire en aide de l'inflation, a baissé de 2,5% depuis 2017.
09:35On a une vraie précarité, une baisse des salaires.
09:37Les gens ressentent le fait que leur situation s'est dégradée
09:40depuis qu'Emmanuel Macron est au pouvoir.
09:41Je pense que c'est ça qui a été sanctionné aux Européennes,
09:44ce sentiment de déclassement et de ras-le-bol.
09:48Je pense qu'il peut se traduire par une majorité d'extrême-droite
09:51ou par une majorité de gauche qui porterait un projet
09:54de réponse à l'urgence sociale et de relance de l'économie.
09:57– Voilà, même si le gouvernement lui dit que le chômage
09:59n'a jamais été aussi bas depuis plusieurs années.
10:01Merci en tout cas, Louis-Samuel Pilser, d'avoir été notre invité.

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