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00:00Qu'est-ce qui se déroule ici en ce moment à l'Elysée ? Pourquoi finalement se concentrer sur un nom et ne pas donner la main aux partis pour qu'ils s'entendent et pour qu'ils forment une coalition ?
00:09Le nom est en effet pas vraiment le sujet, c'est-à-dire qu'on peut nommer qui on veut, la réalité c'est qu'aujourd'hui vous avez trois blocs et que ces trois blocs apparaissent relativement étanches les uns avec les autres,
00:18au sens où si vous nommez un nom issu de l'un de ces trois blocs, les deux autres blocs se liquent contre lui.
00:23Le Nouveau Front Populaire, la gauche, ses 190 députés, c'est insuffisant pour tenter de soutenir un gouvernement.
00:29Le bloc macroniste auquel on peut peut-être ajouter LR, mais fondamentalement ça reste très fictionnel étant donné que pour l'instant il n'y a pas d'accord entre ces formations,
00:36mais quand bien même ça ne fait que 210 députés, ça n'est pas suffisant, et ensuite vous avez le Rassemblement National.
00:41Donc dans cette situation-là, ce n'est pas tant une question de groupe, de parti politique que vraiment de blocs politiques qui apparaissent ne pas pouvoir gouverner ensemble
00:49et qui malgré tout sont très cohésifs avec très peu de possibilités de construire des alliances interblocs, qui devient un point de blocage.
00:57Et le chef de l'État qui tente ici de consulter, tente beaucoup plus en réalité de se dédouaner du fait de ne pas pouvoir nommer quelqu'un
01:04que de réellement construire des conciliations qui apparaissent aujourd'hui impossibles.
01:08Mais selon la Constitution, ça sera au Président de nommer son Premier Ministre.
01:11C'est le Président qui nomme un Premier Ministre, ensuite c'est au Parlement potentiellement d'émettre ce Premier Ministre, de voter une motion de censure,
01:19et cette motion de censure doit être votée à une majorité absolue des votants, donc environ 289 députés.
01:24Une coalition à l'allemande, même si elle bat de l'aile en ce moment, ce n'est pas dans l'ADN, dans la culture française, ça ne pourrait pas marcher ?
01:32Il n'y a pas d'affaire de culture française. Si vous voulez, on faisait des coalitions sous les 4e et 3e républiques,
01:36donc ce n'est pas une affaire de culture, ce n'est pas une affaire d'essentialisme, ce n'est pas non plus une affaire d'esprit des institutions.
01:41On fait du droit de la politique, pas du spiritisme. La réalité c'est qu'en Allemagne, la grande coalition c'est quoi ?
01:47C'est le SPD plus la CDU-CSO, autrement dit la droite parlementaire plus la gauche parlementaire.
01:51Là, vous n'avez d'accord possible que si vous intégrer soit la France insoumise d'un côté, compliqué, soit le RN de l'autre,
01:57ou bien que vous construisez en effet une grande coalition, mais qui irait des vers au LR avec 7 groupes politiques,
02:02ce qui n'existe pas ni en Allemagne, ni en Italie, ni partout ailleurs, et qui, qui plus est, impliquerait des accords entre des formations aux ADN idéologiques très différentes.
02:10Imaginez-vous la loi sociétale entre François-Xavier Bellamy et Sandrine Rousseau.
02:15Imaginez-vous le budget entre Éric Woerth et Fabien Roussel. Entre ces groupes politiques, il n'y a pas vraiment d'atome crochu idéologique commun, d'où la crise.
02:22Faisons le tour des partis et des formations avec vous.
02:25Benjamin Morel, d'abord le Nouveau Front Populaire, qui mise depuis le début de l'été sur Lucie Castet pour Mactignon.
02:31Mélenchon propose un gouvernement avec elle, mais sans les ministres insoumis. Est-ce qu'il ne tend pas là un piège à Emmanuel Macron ?
02:40C'est un piège, parce que quel est l'objectif d'Emmanuel Macron depuis le début de l'été ?
02:44C'est de diviser le Nouveau Front Populaire. Il espère que les écologistes et les socialistes se détachent de la France insoumise pour entrer dans une forme de gouvernement des centres.
02:52L'hypothèse qu'on évoquait tout à l'heure d'Europe Écologie, Les Verts, ALR.
02:56Bien, mais le problème, c'est qu'aujourd'hui, pour des raisons qui sont électorales essentiellement, ce Nouveau Front Populaire tient.
03:03Que dit Jean-Luc Mélenchon ?
03:04Il dit, écoutez, moi, je ne veux pas être le point de blocage. Le premier avantage pour la France insoumise, qui apparaît comme étant l'élément bloquant pour les autres partis politiques,
03:11ce blocage est levé. Et deuxième élément, en faisant ça, Jean-Luc Mélenchon renvoie les tensions, non pas au sein du NFP, ce que cherche à faire, encore une fois, Emmanuel Macron,
03:20mais au sein de la Macronie. Parce qu'entre un Clément Bonne, qui après tout pourrait envisager de soutenir un gouvernement de centre-gauche qui mènerait une partie du programme du NFP,
03:30pas purement et simplement, étant donné que les projets de loi devraient être votés. Donc il ne s'agit pas de dire tout le programme, rien que le programme.
03:36Et de l'autre côté, un Éric Vert ou un Édouard Philippe, qui ne peut pas imaginer de ne pas voter une motion de censure contre Lucie Castex, il y a évidemment un delta.
03:46Donc l'objectif premier de la Macronie, qui était de créer des divisions au sein du NFP, c'est un peu l'arroseur arrosé. Aujourd'hui, les difficultés et les tensions sont au sein de la majorité présidentielle.
03:55Et on dit qu'Emmanuel Macron a été surpris par l'unité du Nouveau Front populaire lors de ses législatives.
04:01Oui. Et là, ça montre, entre guillemets, qu'il y a une mauvaise appréciation, c'était déjà le cas lors de la dissolution de la part de l'Élysée, de ce qu'est la gauche.
04:09À l'Élysée, quand on fait la dissolution le 9 juin dernier, on espère que la gauche arrivera en ordre dispersé, ce qui était le cas pendant les européennes.
04:16Seulement, l'électorat de gauche est très poreux. Il y avait 8 électeurs sur 10 de gauche qui voulaient cette unité. Et donc la gauche qui fait en 2022 moins de voix qu'en 2017.
04:24Eh bien, 4 fois plus de députés en 2022 qu'en 2017. Pourquoi ? Parce qu'elle part unie. Et cette unité, aujourd'hui, elle tient les socialistes et les écologistes.
04:31C'est-à-dire que si vous êtes un député socialiste, que demain, vous brisez le Nouveau Front populaire et que dans un an, il y a une dissolution, qu'est-ce qui se passe ?
04:38Eh bien, vous vous retrouvez face à vous avec un candidat insoumis et vous devenez un député qui, probablement, est sur un siège éjectable.
04:44Donc, pour ces raisons qui ne sont pas idéologiques, qui ne sont pas liées au fait que ces gens-là s'adorent, mais qui sont liées à des considérations électorales en lien avec le mode de scrutin,
04:53socialistes et écologistes sont tenus, aujourd'hui, au sein du Nouveau Front populaire. Et ça, l'Elysée n'arrive pas à le briser et peut-être commence à le comprendre.
05:00Et qu'est-ce qu'il a en tête, Jean-Luc Mélenchon, quand il propose un gouvernement casté mais sans les insoumis ? Pense à 2027 ?
05:06L'objectif de Jean-Luc Mélenchon, c'est de diviser la Macronie et de ne pas apparaître comme étant celui qui aurait empêché, potentiellement, la gauche d'arriver au pouvoir.
05:14Que dit Jean-Luc Mélenchon le 7 juillet ? Il dit, c'est tout le programme, rien que le programme et nous avons gagné. Autrement dit, c'est binaire.
05:21Soit parce que Jean-Luc Mélenchon sait compter, il sait que 190, c'est inférieur à 290. Soit le Nouveau Front populaire n'arrive pas au pouvoir, auquel cas, ce sera une démocratie qui aurait été bafouée.
05:34Et donc, lui qui apparaît le leader de la gauche aura une légitimité pour porter ce combat. Soit les socialistes et les écologistes décident de faire alliance avec les centristes, auquel cas, il pourra dire, je suis la seule incarnation de la gauche pour 2027.
05:47Ce que vit Jean-Luc Mélenchon aujourd'hui, ce n'est pas tant un gouvernement casté, c'est essentiellement 2027.
05:51Emmanuel Macron, lors de ses face-à-face, aurait acté que le prochain Premier ministre ne serait pas issu de son propre camp.
05:59Pourtant, Gabriel Attal reste très populaire. Un gouvernement Attal 2, pour vous, ça reste vraiment inimaginable ? Il n'aurait pas la souplesse de faire le grand écart ?
06:12Le principe est toujours le même, c'est-à-dire qu'on peut regarder les enquêtes d'opinion et sans doute sont-elles intéressantes, mais le problème aujourd'hui n'est pas dans l'opinion, il est dans le Parlement.
06:21Un groupe LR qui ne censurerait pas un gouvernement Attal, ce serait un groupe LR qui donnerait le sentiment de soutenir la continuité et donc d'assumer le programme d'Emmanuel Macron.
06:32De même pour des socialistes, de même pour des écolos ou même pour un rassemblement national.
06:36Si jamais vous voulez que ces groupes politiques, qui sont nécessaires, parce que Renaissance n'est même pas son député, ne votent pas la censure, vous avez la nécessité de montrer qu'il y a une rupture,
06:46de montrer qu'une page a été tournée et que cette page, ce n'est pas un nouveau gouvernement tenu par Emmanuel Macron, ni choisi par Emmanuel Macron, mais que c'est quelque chose d'autre.
06:55Sans ça, ces groupes politiques ne pourraient pas assumer le bilan ni la continuité, donc voteraient la censure.
07:00Et Gabriel Attal aujourd'hui, ça tombe en 48 heures, comme Lucie Castex, comme Xavier Bertrand, comme Michel Barnier, comme Bernard Cazeneuve, la liste est longue.
07:08Combien de temps ça peut encore durer, cette histoire ? Là, on est dans une situation inédite sous la Ve République. Est-ce que l'opposition a des leviers ? Est-ce qu'elle peut accélérer la transition ?
07:20Alors, combien ça peut durer juridiquement ? L'expédition des affaires courantes, ça peut durer longtemps.
07:25Parce que plus le temps passe, plus vous avez des prérogatives d'un gouvernement expédiant les affaires courantes qui se rapprochent, pour des raisons juridiques, d'un gouvernement plein exercice.
07:33D'un point de vue politique, c'est plus compliqué. Mais l'opposition n'a pas vraiment les capacités de forcer la situation, étant donné que démettre le président de la République, l'article 68 qui a été évoqué, est fait de telle façon que ce ne soit jamais utilisé.
07:45Donc il n'y aura pas de président de la République qui sera démis sous ce quinquennat. Ça, ça paraît très très improbable.
07:52Après, il y a quand même des échéances qui rendent la situation compliquée, et l'échéance budgétaire est notamment celle qui rend la situation très compliquée.
07:59Le 15 septembre, vous devez avoir présenté votre budget au Conseil des finances publiques. Le 1er mardi d'octobre, vous devez l'avoir déposé au Parlement. Et le 31 décembre, vous devez l'avoir voté.
08:08Plus le temps passe, plus on prend du retard par rapport à tout ça. Et si on doit avoir une valse des gouvernements, si le gouvernement qui dépose le budget n'est pas celui qui le fait voter, ni celui qui l'exécute, évidemment, ça crée des difficultés.
08:19La contrainte n'est pas tant juridique. Juridiquement, on sait faire. La contrainte, elle est surtout économique et politique. Parce que derrière, les marchés pourraient avoir à redire.
08:27Un gouvernement de technicien, est-ce que c'est possible, à l'image de l'Italie ?
08:30C'est aujourd'hui peut-être le scénario le plus probable, parce qu'en fait, le moins coûteux pour les partis. C'est-à-dire que vous avez deux options. Soit on brise les blocs qu'on a évoqués.
08:37Autrement dit, vous avez un gouvernement qui va des macronistes aux insoumis, compliqué, qui va des verts aux LR, compliqué également, parce que chacun qui rentrerait dans de tels alliants s'y perdrait des plumes d'un point de vue électoral.
08:46Soit vous avez un gouvernement centriste, qui est soutenu implicitement par le Rassemblement National, qui ne vote pas à l'émotion de censure.
08:51Imaginez Xavier Bertrand, grand héros de la lutte contre le RN dans les Hauts-de-France, qui tient grâce à Marine Le Pen.
08:57Tout ça coûte très cher. L'avantage d'un gouvernement technique, qui n'a pas d'ailleurs comme caractéristique d'abord d'avoir des hauts fonctionnaires, mais d'avoir des gens qui ne sont pas encartés politiquement, c'est que c'est moins coûteux pour les partis.
09:07Les partis peuvent dire, je ne participe pas au gouvernement, donc je n'assume pas le bilan. Je ne soutiens pas non plus un gouvernement qui serait dans les mains d'un opposant politique, socialiste ou LR, je ne soutiens pas un macroniste.
09:18Et en même temps, je ne vote pas les censures, parce que même si je n'adoube pas le gouvernement, même si ce gouvernement, je ne l'aime pas, même si ce budget, il est horrible, je suis responsable.
09:28Je ne vote pas une motion de censure, parce que je pense que ce pays veut un gouvernement et doit avoir un budget. Et donc entre celles qu'AO, en tant que parti responsable, je préfère ça.
09:38C'est un jeu que même le RN peut avoir intérêt à jouer, d'où le fait que c'est à ce stade-là l'option la plus stable, parce que la moins coûteuse pour tous les partis.
09:46Et pour Emmanuel Macron, ça lui permet de garder la main sur la diplomatie et la défense, ce qui pour lui pourrait avoir un intérêt.
09:51Une dernière question sur notre constitution. Je le disais, on est dans une configuration inédite sous la Vème. Ça dit quoi de la Vème République ? Est-ce qu'on est à bout de souffle ?
10:00Je ne suis pas un aficionado de la Vème République. J'ai écrit un livre pour expliquer qu'il pouvait y avoir des réformes profondes faites dans cette constitution et je n'ai pas de tabou sur la VIème.
10:10Donc ce n'est pas une posture idéologique politique. Je ne crois pas qu'on ait aujourd'hui un problème d'abord institutionnel.
10:17De quoi tombe la IVème République ? La IVème République tombe parce que vous avez 30% de communistes. On ne peut pas s'allier avec eux à partir de 1947 parce que c'est la guerre froide.
10:24Et vous avez 15% de gaullistes, on ne peut pas s'allier avec eux parce que le général de Gaulle ne veut pas.
10:28Donc une instabilité.
10:29Et donc on gouverne sur une partie restreinte de l'hémicycle. Aujourd'hui, vous avez 35% de RN et 15% de la FI. On ne peut pas gouverner avec eux parce que les centres ne le veulent pas.
10:38Et donc on gouverne sur 50% de l'hémicycle. Si vous gouvernez sur 50% de l'hémicycle, vous êtes contraints à des alliances de la Carpet du Lapin et à de l'instabilité.
10:46Donc soit on réintègre ces parties dans le jeu politique et on construit des alliances avec eux. C'est ce qui est envisagé quand on dit sans participation de la FI.
10:53Soit on arrive à les faire baisser. Quand je dis on, c'est les parties qui ne veulent pas s'allier avec eux. Auquel cas, on gouverne sur une plus grande partie de l'hémicycle.
11:01A défaut, réforme des institutions ou pas réforme des institutions, il y a instabilité. Si vous mettez la même configuration parlementaire en Allemagne ou en Italie, ces pays seraient tout aussi ingouvernables que le nôtre.
11:13Merci infiniment, Benjamin Morel, pour votre décryptage.

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