Mercredi 5 juin 2024, SMART IMPACT reçoit Franck Laborde (président, Association générale des producteurs de maïs)
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00:06 L'invité de Smart Impact, c'est Franck Laborde. Bonjour.
00:09 Bonjour.
00:09 Bienvenue. Vous êtes le président de l'Association Générale des Producteurs de Maïs
00:13 et également président de la Confédération Européenne de la Production de Maïs
00:17 et vous êtes vous-même producteur basé dans les Pyrénées-Atlantiques.
00:21 Ça représente combien de professionnels en France, l'Association Générale des Producteurs de Maïs ?
00:25 Alors, le nombre exact de producteurs de maïs, c'est autour de 150 000 producteurs
00:31 et à peu près un sur deux adhèrent à notre association.
00:34 Oui, d'accord. Et la filière, elle se porte comment ? Question très générale.
00:39 Alors, la filière se porte un peu comme toutes les filières agricoles, vous savez,
00:43 et d'ailleurs les agriculteurs ont fait savoir récemment qu'ils ne se portaient pas aussi bien qu'ils le voudraient.
00:50 Néanmoins, le maïs est une plante qui compte. C'est la deuxième céréale cultivée en France en termes de surface.
00:58 C'est une plante qui a beaucoup de débouchés et nous entrevoyons,
01:03 notamment en lien avec le changement climatique, des perspectives pour la plante maïs.
01:06 Oui, alors on va les évoquer. Ces perspectives, il y a beaucoup d'enjeux.
01:10 On va évidemment parler des enjeux autour de l'eau, de la consommation d'eau,
01:13 mais il y a aussi un enjeu de souveraineté.
01:14 Aujourd'hui, l'Europe, elle importe, je crois, un quart de ses besoins en maïs de l'étranger, c'est ça ?
01:20 Vous avez le bon chiffre. Effectivement, l'Europe, qui était autosuffisante en maïs il y a une vingtaine d'années,
01:25 importe aujourd'hui un quart de ses productions.
01:28 Elle importe un quart de ses productions de deux pays essentiellement, le Brésil et l'Ukraine.
01:33 Alors, je ne parlerai pas beaucoup de l'Ukraine, mais nous importons en Europe 10 millions de tonnes à peu près du Brésil,
01:40 qui sont produites à des conditions qui sont très différentes des conditions de production française et européenne,
01:48 qui sont beaucoup plus impactantes négativement sur le milieu.
01:52 Oui, alors effectivement, c'est une question centrale.
01:54 C'est-à-dire qu'il y a des produits qui sont interdits en France et en Europe et qui ne le sont pas au Brésil, par exemple, c'est ça ?
01:59 Nous avons documenté une étude à la GPM concernant effectivement les produits phytosanitaires.
02:05 Qu'est-ce qu'est un produit phytosanitaire ?
02:07 C'est un produit que les agriculteurs utilisent pour protéger leurs plantes des maladies et des ravageurs,
02:16 tout comme on se protège, nous, les humains.
02:18 Et nous avons donc documenté les moyens mis à disposition des agriculteurs producteurs de maïs brésiliens et les moyens dont nous disposons.
02:27 Et il s'avère, nous savions que nous subissions des distorsions de concurrence très fortes,
02:33 il s'avère que 78% des produits phytosanitaires utilisés au Brésil pour produire du maïs exporté vers l'Europe sont interdits en France.
02:45 78% !
02:47 Donc, attendez quoi de l'Europe ?
02:49 Alors, nous attendons deux choses de l'Europe.
02:55 La première, c'est que l'Europe est une vraie ambition agricole.
02:59 Et pourquoi ?
03:00 Pour ne pas déléguer à d'autres notre nourriture, parce que l'agriculture, rappelons-le, c'est essentiellement de la nourriture,
03:08 mais aussi car des défis sont devant nous, et notamment le défi de l'intégration de l'Ukraine.
03:14 Et avec la capacité de production d'Ukraine, que ce soit en maïs, mais aussi en volaille ou dans diverses productions animales,
03:23 l'Europe doit avoir une véritable ambition, l'ambition d'être un acteur mondial de la production de denrées alimentaires, donc de la production agricole.
03:36 Si tel n'était pas le cas, avec l'intégration plus ou moins lente, plus ou moins rapide, plus ou moins de toute façon inévitable de l'Ukraine,
03:46 c'est ce que nous espérons tous, la concentration de production agricole européenne pourrait se faire sur ce pays-là,
03:54 et ça détricoterait toutes les productions qui sont installées depuis fort longtemps dans les pays fondateurs.
04:02 Donc vous dites "oui, on intègre l'Ukraine, il faudra le faire politiquement, il n'y a pas de débat",
04:05 mais anticipons et faisons en sorte que ce soit le plus acceptable ou harmonieux possible ?
04:11 Oui, acceptons de jouer un rôle de producteur, comme il faut très certainement, et je ne suis pas spécialiste,
04:18 mais accepter aussi que l'Europe soit ou ambitionne d'être un producteur industriel, un producteur d'énergie, etc.
04:27 Alors on va parler de l'eau. La députée insoumise LFI aurait affirmé en avril dernier que l'irrigation du maïs
04:34 représente un quart de l'eau douce consommée en France. Déjà, est-ce que ce chiffre est exact ?
04:38 Non, ce chiffre n'est pas exact. Ce que peut-être qu'elle a voulu dire, c'est qu'un quart des surfaces de maïs sont irriguées.
04:46 C'est très différent. Ça veut dire que 75%, les trois quarts des surfaces de maïs en France, ne sont pas irriguées.
04:56 Et même si tel était le cas, il faut que nous soyons bien conscients qu'il n'y a pas d'agriculture sans eau,
05:04 et que dans notre pays, l'eau depuis est mal répartie, et qu'il faut la stocker. Il faut la stocker pour tous les usages.
05:11 Pour des usages, bien évidemment, prioritairement de consommation humaine, mais aussi pour tous les usages liés à l'économie et à la biodiversité.
05:20 Mais pourquoi le maïs est souvent critiqué ou cité pour sa consommation en eau ? Est-ce que c'est une plante qui consomme plus d'eau que les autres ?
05:28 Le maïs, comme le soja, comme le tournesol, comme le sorgho, a besoin d'eau en été, lorsqu'il pleut le moins.
05:38 Donc c'est une période critique, donc les regards sont tournés vers les agriculteurs qui irriguent et qui arrosent à ce moment-là.
05:43 C'est très certainement la raison pour laquelle un amalgame est fait entre les besoins en eau du maïs sur l'ensemble de son cycle,
05:51 et les besoins ponctuels lorsqu'il ne pleut pas trop, en juillet et en août.
05:55 Oui, mais la difficulté c'est qu'on se dirige vers des étés de plus en plus secs, avec donc un stress hydrique important,
06:03 et donc cette question de la répartition de la ressource en eau qui sera de plus en plus problématique, vous voyez ce que je veux dire ?
06:08 C'est un vrai sujet. Alors, je n'emploie pas le mot problématique à dessein, c'est un vrai sujet.
06:14 Le sujet de la répartition, de la pluviométrie, du partage de l'eau et surtout du stockage de l'eau,
06:20 lorsque la pluviométrie est abondante, et nous le constatons partout en France, y compris dans le bassin méditerranéen,
06:27 depuis le 15 octobre, un peu plus récemment sur le bassin méditerranéen, il pleut en France.
06:32 Il pleut parfois beaucoup, il pleut parfois trop, et lorsqu'il pleut beaucoup ou trop, ce que nous disons,
06:39 ce que la grande partie de la profession agricole dit, c'est qu'il faut récupérer cette eau qui est en excédent,
06:46 de façon à pouvoir la récupérer, et qui finit toujours son ruissellement vers la mer ou vers l'océan,
06:54 et être impropre à toute utilisation, il faut en récupérer une partie.
06:58 D'accord. Alors, j'ai des questions de Baie-Océan, parce que ça, c'est vraiment ce que je vois tous les étés.
07:03 Est-ce que c'est logique d'arroser en pleine chaleur, au moment de la journée où il fait le plus chaud ?
07:08 Alors, nous avons caractérisé la perte par évaporation, et la perte maximale par évaporation lors d'une irrigation,
07:18 lorsqu'il fait très chaud, plus de 35 degrés, et lorsqu'il fait du vent sensiblement, c'est-à-dire plus de 30 km/h,
07:26 la perte maximale par évaporation est de 5%. Mais cette eau-là n'est pas perdue, puisque le cycle de l'eau est perpétuel.
07:33 C'est de l'eau qui est stockée, qui est répandue sur les parcelles, et qui retourne directement au milieu,
07:43 pas dans la nappe, pas dans la rivière, mais dans l'atmosphère, et qui retombe sous forme de précipitation, plus loin, à un moment donné.
07:52 Ok, donc vous ne faites pas n'importe quoi, on l'a bien compris. La chasse aux fuites aussi, ça, tiens,
07:56 alors ça ne concerne pas que les agriculteurs, mais ça concerne beaucoup les agriculteurs.
08:00 Est-ce qu'il y a une prise de conscience ? D'être de camp ? Et puis, surtout, qu'est-ce que vous faites ?
08:05 Alors, il y a sûr, il y a bien évidemment une prise de conscience que la chasse aux fuites, il faut la faire.
08:11 Nous la faisons, nous avons des réseaux d'irrigation.
08:13 C'est une récente, cette prise de conscience.
08:16 Concernant l'eau agricole, avec les faibles marges des productions agricoles, c'est une nécessité économique, notamment.
08:25 Alors, ça devient aussi une nécessité environnementale, et c'est de plus en plus conscient chez les agriculteurs.
08:30 Mais tout ce qui est optimisation de l'eau, chasse aux fuites, mais il n'y a pas que ça.
08:35 Amener l'eau au bon moment, en bonne quantité, sur les cultures.
08:40 Ces sujets-là sont des sujets qui nous préoccupent, et que nous faisons caractériser par la science,
08:48 le besoin en eau des plantes, le moment d'apporter l'eau, l'efficience.
08:52 Et bien sûr, nous déployons ensuite, notamment grâce à l'intelligence artificielle,
08:57 ces données pour apporter la juste eau au bon moment.
09:04 Parce que l'agriculteur, il n'apporte pas de l'eau pour le plaisir, et il n'a pas la capacité économique, puisque l'eau a un coût.
09:12 Il y a des taxes sur le prélèvement d'eau, et puis l'énergie nécessaire à l'irrigation a un coût.
09:20 Donc l'agriculteur n'a aucun intérêt à apporter trop d'eau d'irrigation, parce que ça dégrade complètement sa marge.
09:27 – Merci beaucoup Franck Laborde, c'est très clair.
09:29 À bientôt sur Bismarck.
09:31 On passe à notre débat, l'éolien flottant au programme.