Pendant de nombreuses années les cryptomonnaies ont été décriées par les membres du Parti Démocrate et même par certains cadres des Républicains comme Donald Trump. Maintenant qu'un Américain sur cinq est détenteur de monnaies numériques, il est compliqué de ne pas les défendre. Alexandre Stachtchenko, directeur de la stratégie pour Paymium, revient sur l'importance de ce facteur dans la course à la Maison Blanche.
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00:00Et c'est parti pour l'éco des cryptos, le rendez-vous dédié aux crypto-monnaies ou aux crypto-actifs de Smart Patrimoine.
00:08Aujourd'hui, nous allons commencer par regarder ce qu'il se passe aux États-Unis et les différents revirements politiques,
00:14voire réglementaires en ce qui concerne les crypto-monnaies aux États-Unis. Pour en parler, nous avons le plaisir de recevoir
00:20sur le plateau de Smart Patrimoine Alexandre Stachchenko. Bonjour Alexandre Stachchenko. Bonjour Nicolas.
00:25Bienvenue sur le plateau de Smart Patrimoine. Vous êtes directeur de la stratégie chez Paymium. Et alors, on a vu ces derniers jours
00:30plusieurs revirements quand même en matière de crypto aux États-Unis. On pouvait dire quand même que la classe politique, voire les instances
00:39réglementaires pouvaient être plutôt frileuses sur le sujet crypto. Et là, d'un coup d'un seul, tout se réchauffe.
00:43Oui, ça a beaucoup évolué ces dernières années. Mais tout s'est cristallisé vraiment la semaine dernière parce qu'au début, dans les premières années
00:50des cryptos, jusqu'à il n'y a pas si longtemps, jusqu'à il y a quelques années, c'était vraiment presque un consensus politique sur le fait que
00:55c'est un truc de geek qui ne sert à rien. Et vraiment, dans le pire des cas, ça tue la planète et ça finance le terrorisme. Il y a quelques années,
01:02les Républicains en premier lieu, beaucoup d'États républicains, je pense au Texas en particulier, ont commencé à changer un petit peu de braquet
01:07en comprenant que derrière Bitcoin, derrière les cryptos, il y avait aussi des enjeux de droits de propriété, des enjeux énergétiques, des enjeux d'emploi,
01:13de richesses, et puis des enjeux électoraux qui commençaient à monter puisqu'on arrivait à 8, 10, 15% de la population qui en avait. Donc on était sur ces dernières années
01:21sur une forme de début de clivage où les Républicains étaient pour et les Démocrates plutôt contre, avec notamment Elizabeth Warren qui s'était présentée
01:28avec sa anti-crypto-army et qui en faisait presque un argument de campagne d'être contre les cryptos. Mais en fait, les Démocrates déchantent parce qu'ils sont en train
01:35de perdre des voix, ils sont en train de perdre des gens et ils comprennent bien que ça ne sert pas à grand-chose de taper sur les cryptos. En fait, la tendance de fond est là.
01:41Et donc la semaine dernière, on a eu plein de revirements parce qu'il y a eu premièrement le gendarme financier américain qui avait proposé, alors qui était plutôt anti-
01:48La SEC, oui. La SEC, exactement, qui était plutôt anti-crypto et qui avait tout bloqué pendant des années et des années pour ne surtout pas autoriser leur mise sur le marché,
01:55qui a en fait proposé ce qu'on appelle un SAB, un Staff Accounting Bulletin, dans lequel il disait on va mettre des normes en place, des normes comptables qui en fait
02:03vont rendre la vie très difficile pour ceux qui veulent conserver des cryptos pour le compte de leurs clients. Et en fait, la Chambre des représentants américains s'est
02:10presque révoltée contre le tête avec une motion bipartisane. Les démocrates ont massivement rejoint ce texte-là pour dire non, en fait, on ne va pas faire ça parce que ce n'est pas bien.
02:18Ça ne soutient pas l'innovation aux États-Unis. Dans le même temps, on a eu une autre loi qui s'appelle FIT 21, qui était Finance and Innovation in Technology, dans lequel
02:27quelque chose que les Américains décriaient depuis longtemps, c'est-à-dire qu'il n'y avait pas de clarification sur le rôle des différentes agences de réglementation,
02:33notamment la SEC dont on parle qui régule les titres financiers et la CFTC qui régule les marchandises. Les deux revendiquaient de pouvoir réguler les cryptos et ça faisait 10 ans que ce n'était pas clair.
02:42Là, boum, ça a été clarifié. S'en suit la Maison Blanche qui fait un texte pour dire finalement c'est super, on veut rester à la pointe de l'industrie financière de demain.
02:51On a dans la foulée les ETF Ethereum Spot qui sont approuvés alors que ça faisait des années, on avait passé 10 ans avant d'accepter les bitcoins. Donc il y a eu un vrai revirement
03:00au sens où effectivement, il y a maintenant un consensus politique dans l'autre sens, on a l'impression que ça y est, on a passé le cap démocrate.
03:05Il faut être pro-crypto quelque part ou en tout cas accepter. Et c'est allé aussi côté républicain parce que Donald Trump n'a jamais caché son amour pour le dollar
03:13mais il commence lui aussi à dire que le bitcoin ne le dérange pas comme ça. Oui, exactement. Donald Trump était même plutôt contre, très contre même,
03:19puisqu'il voyait le bitcoin comme une menace monétaire, je pense que c'est toujours le cas au fond, c'est-à-dire qu'il disait moi le bitcoin, bof, par contre le dollar américain,
03:26ça c'est super cool. Et en fait, je pense qu'il a des gens dans son équipe de campagne qui lui ont dit, attention en fait, là il y a 20% de ton électorat qui a des cryptos,
03:34tu ne peux pas continuer de dire ça. Et donc il a complètement changé maintenant, il enchaîne les plateaux pour dire bitcoin c'est bien et sa dernière déclaration c'était
03:40je préserverai vos bitcoins des démocrates. Mais alors c'est peut-être justement là que se trouve l'explication à ce revirement. Est-ce que la campagne électorale
03:48fait que les cryptos deviennent un sujet électoral parmi d'autres ? C'est clairement devenu un enjeu électoral aujourd'hui comme je le disais, si on regarde la population
03:55américaine, dans les électeurs américains, c'est à peu près un cinquième qui a des cryptos. Donc ce n'est plus négligeable, on ne peut plus leur cracher dessus, on ne peut plus leur dire
04:01vous êtes des geeks, vous êtes des terroristes parce qu'ils s'en vont. Et d'ailleurs c'est le cas aujourd'hui, il y avait un sondage qui était sorti il y a 2-3 mois par une firme
04:07d'investissement qui s'appelle Paradigm qui avait montré que dans les détenteurs de cryptos, les démocrates étaient légèrement surreprésentés, ils étaient à 19 contre 18%.
04:15Par contre, quand on leur demandait l'intention de vote, eh bien en fait on passait à 48% pour Trump et 39% pour Biden. Ce qui est un point d'écart, ce qui est monstrueux
04:22par rapport aux coups d'à-coups dans les sondages dans la population générale, alors même qu'ils ont une sensibilité démocrate. Donc en fait, il est en train de perdre des voix
04:30dans des swing states et il peut plus le permettre. Donc c'est pour ça que tout le monde change parce que c'est devenu un sujet de campagne. On ne va pas dire que c'est aussi
04:36important que l'Ukraine, la politique étrangère, la dette, etc. Mais c'est devenu un sujet sur lequel on perd des voix.
04:44En Europe, on a la réglementation MICA sur laquelle on a beaucoup échangé et dont on attend la mise en application maintenant. Est-ce qu'on peut s'attendre aux Etats-Unis
04:51à avoir une réglementation de la même ambition maintenant qu'effectivement la classe politique montre en période électorale ? Précisons-le, un peu plus d'intérêt sur le sujet.
04:58Oui et non parce qu'aux Etats-Unis, ils ont fait les choses dans l'ordre, c'est-à-dire qu'ils ont d'abord attendu de voir ce que ça donnait. Il y a plein d'entreprises qui ont été fondées.
05:05Il y a eu des pots cassés, évidemment. Il y a eu des faillites, il y a eu des choses. Mais aujourd'hui, quand on regarde l'écosystème crypto au niveau mondial, les géants,
05:12ils sont aux Etats-Unis. Pas de surprise, comme d'habitude, j'ai envie de dire malheureusement. Mais les Coinbase, Kraken, Circle, les Stablecoins sont aux Etats-Unis.
05:20Tout est aux Etats-Unis presque. Et c'est que maintenant qu'ils clarifient la réglementation pour dire « OK, si on veut passer à l'étape d'après, il faut un cadre qui permette de se projeter ».
05:29En Europe, on a fait tout l'inverse, c'est-à-dire qu'on a dit « Ouh là là, il y a un truc qui bouge. On ne sait pas ce que c'est, mais on va le réguler ».
05:35Jusqu'à l'absurdité, puisqu'en France, on a taxé le Bitcoin, par exemple, à partir de 2014, alors qu'on l'a défini qu'en 2018. Donc pendant 4 ans, on a taxé un truc qui n'avait pas de définition.
05:43On en est à ce stade-là d'absurdité culturelle.
05:46Mais avec une volonté de protéger les petits épargnants et les données personnelles.
05:48C'est toujours la même volonté, mais à la fin, les épargnants ne sont pas protégés puisqu'ils vont finir par se fournir dans des boîtes américaines qui elles-mêmes ne sont pas soumises à la réglementation.
05:56Aujourd'hui, quand on regarde les Français chez qui ils passent pour acheter de la crypto, c'est en très très grande majorité, pas du tout chez les boîtes françaises.
06:01Donc on a eu cette volonté-là en Europe de faire ce cadre qui s'appelle MICA, Markets and Crypto Assets, avec d'autres textes, je ne vais pas noyer les gens pour la complexité,
06:09qui dit plein de choses, mais notamment qui préserve le marché en disant « pour pouvoir fournir tel type de services, il vous faut telle et telle licence, il faut tel agrément, il faut d'abord avoir telle et telle bonne pratique. »
06:21Et on le mettra en place en 2026, on verra d'ici là, en fait, le temps est suspendu.
06:26Quand on regarde l'écosystème crypto en Europe, il y a des gens qui attendent la régulation, il y a des gens qui ne sont pas prêts.
06:31Mais tout le monde attend qu'elle soit en place pour pouvoir faire quelque chose. Et pendant ce temps-là, les Américains avancent.
06:35Et donc c'est devenu vraiment, c'est contre-productif parce qu'on a un super cadre, c'est une expression que je reprends souvent, on a un très beau cadre, on n'a pas de tableau dedans.
06:42Alors un autre de vos sujets, il nous reste quelques secondes pour le traiter, c'est effectivement la surveillance financière au niveau mondial et son impact sur les initiatives crypto en particulier.
06:51Alors en particulier, oui, mais les cryptos ne sont qu'un révélateur de quelque chose de plus profond, c'est-à-dire que comme il y a une forme de paranoïa sur les cryptos,
06:57on le voit de plus en plus que dans les textes réglementaires, effectivement, la rigueur la plus élémentaire, elle est mise à la poubelle.
07:03C'est-à-dire que dans tous les textes que je viens de mentionner, MICA, la régulation sur le transfert de fonds, etc., le début du commencement n'est pas respecté.
07:10C'est-à-dire qu'il n'y a pas d'études d'impact, il n'y a pas d'études d'impact sur les droits humains, il n'y a pas de proportionnalité, il n'y a aucune étude qui montre que, par exemple, les cryptos financent le blanchiment.
07:18Tout le monde le dit, mais quand on fait le travail de regarder sur quoi ils se basent, le FMI renvoie à la Banque mondiale, qui renvoie au GAFI, qui renvoie à l'Europe, qui renvoie au FMI, qui renvoie à la Banque mondiale.
07:26En fait, personne n'a jamais fait l'étude. Et donc, on s'aperçoit dans les cryptos parce que c'est une paranoïa, donc en fait, ça passe facilement, puisque personne n'ose s'opposer.
07:34Mais en fait, quand on dézoome un petit peu, la réglementation financière en général est quelque chose qui a pris des dimensions conséquentes ces dernières années,
07:42avec des conséquences sur les données personnelles, sur la vie privée, sur la présomption d'innocence, sur la censure financière, la fermeture de comptes bancaires,
07:48qui sont devenues des choses démocratiquement très graves, et sur lesquelles il faudrait se pencher un petit peu, parce que ça ne respecte pas les droits fondamentaux humains.
07:54— Bon, pour ceux qui seraient intéressés sur le sujet, je crois que vous avez écrit un long article qu'on peut retrouver sur votre compte LinkedIn, notamment.
07:59— Medium, tout à fait, oui. — Merci beaucoup. Medium, également. Merci beaucoup, Alexandre Stachenko, de nous avoir accompagné dans SmartPatrimoine.
08:05Je rappelle que vous êtes directeur de la stratégie de Paymium. Et quant à nous, on se retrouve tout de suite dans Enjeu patrimoine.