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Le projet de loi pour ouvrir une aide à mourir arrive dans l'hémicycle de l'Assemblée nationale ce lundi 27 mai. Le président du forum européen de bioéthique de Strasbourg, Aurélien Benoilid, est l'invité de France Bleu Alsace.

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Transcription
00:00 Le projet de loi Théo sur la fin de vie est débattu par les députés à partir d'aujourd'hui.
00:05 Un sujet qui soulève beaucoup de réactions.
00:07 On attend les vôtres d'ailleurs au 03 88 25 15 15.
00:10 Et la discussion au Parlement va prendre plusieurs mois.
00:13 Oui car c'est un sujet très sensible dont on va comprendre les enjeux avec notre invité.
00:17 Bonjour Aurélien Benoît Lide.
00:18 Bonjour.
00:18 Vous êtes neurologue et président du Forum Européen de Biologie et Thique qui a lieu à Strasbourg chaque année.
00:24 Ça peut être difficile de parler de la mort, d'envisager la mort, surtout le lundi matin.
00:28 Mais est-ce que ce texte franchit une limite déraisonnable, comme le disent ses opposants ?
00:33 Ou est-ce que c'est important d'avoir cette discussion sur ce sujet ?
00:36 Alors c'est important d'avoir une discussion sur ce sujet parce que la mentalité évolue, la société évolue.
00:41 Et comme d'habitude, les lois de bioéthique doivent être révisées pour être en adéquation avec la société.
00:46 Alors est-ce que ça va être déraisonnable ?
00:48 Il faudra voir un petit peu ce que le texte va donner.
00:50 Il a déjà été changé par rapport à sa version tout à fait initiale.
00:55 Avec effectivement des choses qui peuvent poser des problèmes.
00:59 Mais en tout cas, c'est important que l'on puisse réviser cette loi
01:01 parce qu'aujourd'hui, il y a une certaine carence vis-à-vis d'une certaine demande de la société.
01:06 Oui, les associations d'aide aux patients disent que la France est très en retard sur ce sujet
01:12 ou qu'il y a un impensé de la fin de vie en France.
01:15 Oui, alors il n'y a pas un impensé parce qu'il y a déjà de nombreuses lois qui existent.
01:18 On pourra peut-être en parler, qui déjà permettent de cadrer de manière assez précise
01:23 un certain nombre d'éléments de la fin de vie.
01:24 Mais c'est vrai qu'au cours de ces 5-10 dernières années,
01:28 il y a eu un certain nombre d'évolutions et de changements dans la société
01:30 qui ont amené ce sujet sur la table.
01:33 Alors d'abord, effectivement, la fin de vie est de plus en plus médicalisée.
01:36 Ce qui signifie aussi que le temps de la fin de vie est quelque chose qui s'est considérablement allongé.
01:41 Là où avant on était dans une période qui était courte,
01:43 parfois cette période malheureusement se prolonge sur plusieurs jours, plusieurs semaines, voire plusieurs mois.
01:48 Et donc la demande n'est pas forcément la même.
01:50 On est dans un système de santé qui, vous n'avez pas manqué de le savoir, est en crise.
01:55 Donc ça aussi, ça pose un certain nombre de difficultés.
01:58 Et puis il y a une augmentation de l'isolement, de la précarité.
02:02 Et puis une grande importance de l'autonomie physique et de l'indépendance fonctionnelle
02:07 qui fait qu'on est amené à se poser la question aujourd'hui même de la demande d'aide active à mourir.
02:11 Ce qui effectivement ne faisait pas du tout l'objet des lois précédentes.
02:15 - Tous ces facteurs combinés, Aurélien Benoît-Lidey, font que le débat se pose aujourd'hui
02:19 et qu'il y a une attente de la part d'une partie de la population sur cette fin de vie.
02:23 C'est un débat qui regroupe beaucoup de termes.
02:25 On entend euthanasie, on entend suicide assisté.
02:28 Le texte que le gouvernement propose a choisi l'expression "aide à mourir".
02:32 Est-ce que ça veut dire quoi finalement ce terme-là ?
02:36 - Là effectivement c'est une des difficultés.
02:38 C'est-à-dire que ce texte ne nomme pas forcément très bien les choses.
02:41 Or on sent bien nommer les choses, on va avoir du mal à les circonscrire.
02:45 Et effectivement il y a différents termes qui circulent.
02:47 Donc peut-être qu'on peut juste les rappeler.
02:49 Il y a l'euthanasie et l'assistance au suicide.
02:53 L'euthanasie c'est finalement lorsqu'un médecin va appuyer sur un bouton,
02:58 ou en tout cas va lui-même être à l'origine de l'acte qui va entraîner la mort du patient
03:03 qui présente une maladie incurable, intraitable,
03:07 et qui à court ou moyen terme va le menacer.
03:10 Et puis l'assistance au suicide c'est un peu différent.
03:13 Il y a aussi une prescription médicale au départ,
03:16 mais c'est le patient lui-même qui va s'administrer ou s'auto-administrer le produit létal,
03:22 que ce soit par voie orale ou en injection.
03:24 Donc il y a une vraie différence parce que ce n'est pas la même implication
03:29 à la fois du patient mais aussi du médecin.
03:33 Et puis ça pose la question, il y a des gens qui peuvent parfois ne pas pouvoir
03:37 eux-mêmes prendre le médicament.
03:39 Donc pour ne pas qu'il y ait d'inégalité, c'est important que les deux puissent coexister.
03:43 C'est tout le débat qui va se poser en France, où on est plutôt pour l'instant,
03:46 le gouvernement voudrait une assistance au suicide avec une exception d'euthanasie.
03:50 On verra comment ça se profilera dans les prochaines semaines.
03:52 On échange avec vous et cette question ce matin,
03:54 la France doit-elle autoriser le suicide assisté pour les malades en fin de vie ?
03:58 0388 25 15 15.
04:00 On est avec Aurélien Benoît-Ly, neurologue et président du Forum européen de bioéthique.
04:05 On a Christiane qui nous appelle de Kemps.
04:07 Bonjour Christiane.
04:08 Bonjour Hubert.
04:09 Bonjour Christiane.
04:10 Dites-nous, qu'est-ce que vous souhaitez nous dire ce matin, Christiane ?
04:13 Écoutez, pour moi, c'est un très grand soulagement que cette loi arrive enfin,
04:18 de suicide assisté ou d'être actif, de mourir ou n'importe quoi.
04:23 Moi, j'ai 83 ans.
04:24 Pour le moment, je me sens très bien et je n'ai absolument pas envie de mourir.
04:28 Par contre, je sais que l'échéance approche et ce qui me fait très très peur,
04:33 c'est la dépendance et le fait de savoir que le jour où j'en ai marre,
04:39 où je n'ai plus de plaisir à vivre, puisque je n'ai plus les capacités,
04:45 par exemple, je ne peux plus lire, je n'ai plus plaisir à manger,
04:49 je n'ai plus plaisir à rien, de pouvoir éteindre la lumière.
04:52 C'est très poétique, comme vous avez dit.
04:54 Et comme je n'ai pas les moyens de mettre 10 000 euros,
04:58 comme font beaucoup de gens pour aller en Suisse,
05:00 je préfère laisser ces sous-là à mes enfants,
05:02 cette aide active à mourir, pour moi, c'est l'ultime liberté
05:06 et ça me permet de vieillir sereinement.
05:09 - Donc, vous en êtes partisane, Christiane.
05:12 On l'entend et vous avez...
05:15 Christiane, vous êtes là, toujours ?
05:17 - Oui, je suis là.
05:18 - Merci d'avoir partagé votre point de vue ce matin sur France Blasas.
05:22 Restez connecté, si vous le souhaitez, Christiane,
05:24 on va poursuivre la conversation en direct sur France Blasas.
05:28 - Alors, Christiane faisait référence, en effet, au cas de la Suisse,
05:30 où l'idée de l'aide à mourir est présente depuis très longtemps.
05:33 Il y a le cas de la Belgique, aussi, qu'on prend très souvent en exemple.
05:36 On a l'impression que dans ces pays-là, évidemment, la question est réglée.
05:39 En France, le débat est beaucoup plus polarisé sur ce sujet de la fin de vie.
05:43 Comment est-ce qu'on explique cette différence entre voisins ?
05:45 - Alors, d'abord, la Suisse fait vraiment figure d'exception,
05:48 puisque c'est depuis le milieu des années 40
05:50 que c'est le milieu associatif qui prend en charge cette question du suicide assisté,
05:56 avec des indications qui sont très ouvertes.
05:59 Donc, c'est vraiment une figure totalement d'exception.
06:02 Maintenant, c'est vrai qu'en Europe, depuis 2001,
06:05 d'abord les Pays-Bas, puis ensuite la Belgique, Luxembourg, l'Espagne, le Portugal,
06:09 ont ouvert soit à l'euthanasie active, soit au suicide assisté.
06:13 Pas forcément les deux, d'ailleurs.
06:15 Il y a un certain nombre de pays aussi où ça reste interdit,
06:17 notamment les pays de l'Est, mais aussi l'Irlande et le Royaume-Uni.
06:21 Et donc, maintenant, on vit de manière unie en Europe.
06:26 Donc, il doit y avoir une certaine homogénéité.
06:29 Ce qui se fait à côté, ça nous intéresse aussi.
06:31 Et on se demande pourquoi est-ce que nous, on n'y aurait pas droit non plus.
06:33 Donc, il y a un mouvement général qui s'exerce autour de ces questions.
06:38 Et c'est assez normal que le sujet arrive dans l'hémicycle pour être discuté.
06:43 - Les critiques qui viennent souvent notamment d'autorités religieuses
06:46 ou qui viennent de personnes aux idées plus conservatrices
06:50 disent qu'on abandonne le projet collectif,
06:53 à savoir le fait d'aider les gens, d'aider à aller mieux
06:56 pour aller vers une solution beaucoup plus individualiste,
06:58 où finalement on laisse tomber et on abandonne les gens qui ne désirent plus vivre.
07:03 Comment est-ce qu'on appréhende cette vision-là ?
07:06 Est-ce que c'est une manière de baisser les bras, d'autoriser la fin de vie ?
07:09 - En tout cas, il y a une opposition entre l'aspect de solidarité et l'aspect d'autonomie.
07:13 Et ça, effectivement, c'est la balance qui va devoir s'exercer dans la loi
07:17 et surtout dans l'application de la loi.
07:19 Parce que là encore, il va y avoir une différence entre la loi et l'application.
07:21 Et heureusement, puisque c'est là que va pouvoir s'exercer toute la nuance.
07:25 Mais il ne faut pas non plus oublier d'être solidaire,
07:30 notamment des personnes les plus fragiles.
07:32 Depuis les premières lois de bioéthique, on sait que c'est l'autonomie
07:37 et c'est la liberté du patient qu'il faut laisser s'exercer dans son choix.
07:41 Et heureusement, mais on sait aussi que le patient doit être informé, doit être éclairé.
07:45 Et là aussi, qu'est-ce qu'un choix ?
07:47 Qu'est-ce que la liberté si on n'a pas toutes les informations relatives à son propre état de santé ?
07:52 Est-ce qu'il faut aider la personne à arrêter de vivre ou à arrêter de souffrir ?
07:56 Parce que pour arrêter de souffrir, il y a peut-être aussi des politiques à mettre en œuvre
08:00 pour faciliter... - Notamment sur les soins palliatifs.
08:02 - Notamment sur les soins palliatifs.
08:04 Mais ça, ça fait déjà des années et des années qu'on travaille pour essayer justement
08:07 d'améliorer l'accès aux soins palliatifs,
08:10 mais aussi les aspects universitaires de développement,
08:12 les aspects financiers des unités de soins palliatifs.
08:14 Mais là aussi, la liberté qui doit s'exercer, justement pour chaque patient,
08:18 elle est très dépendante du degré d'information et de l'offre de soins qu'on va lui proposer.
08:22 - Débat sur la fin de vie ce matin sur France Bleu Alsace,
08:24 parce que le projet de loi sur la fin de vie est lui-même débattu par les députés à partir d'aujourd'hui.
08:29 On est avec Corélie Urbenouhalide, neurologue et présidente du Forum Européen de la Bioéthique.
08:33 On remercie Christiane de nous avoir appelé.
08:35 On accueille Laurence depuis Baldenheim.
08:36 Laurence, bonjour. - Bonjour Hubert.
08:38 - Bonjour Laurence. - Bonjour tout le monde, à tous les auditeurs.
08:41 - Dites-nous, Laurence, que souhaitez-vous nous dire au sujet de la fin de vie,
08:45 de ce suicide assisté, est-ce que la France doit l'autoriser ?
08:48 - Pour ma part, j'apprécie que ce débat ait lieu maintenant, qu'il soit entendu par le gouvernement.
08:55 J'ai deux choses à citer.
08:57 Je trouve qu'il est anormal qu'une manne financière soit dégagée autour du choix de départ d'une personne,
09:08 qu'il soit voulu par la personne elle-même et aidé par la famille.
09:14 À mon sens, c'est un choix qui doit être libre et qui ne doit pas comporter un tel coût.
09:23 Ça, c'est la première chose.
09:24 Et pour ma part, je suis ouverte au fait de laisser partir une personne qui nous est chère,
09:33 même si c'est quelque chose qui nous fait souffrir.
09:37 Quand on est à ce niveau de réflexion, c'est surtout un acte d'amour et un acte de respect envers la personne.
09:45 Parce qu'à mon sens, il est un moment où, si le corps n'est plus en mesure de vivre normalement,
09:54 sereinement, par ses propres moyens, et qu'on est amené à être secondé pour tous les gestes de la vie,
10:03 ou être intubé, ou tout simplement être secondé sans avoir les capacités cognitives de vivre une vie "normale",
10:16 je pense qu'il est bon de laisser le choix à la personne et à la famille, de laisser partir cette personne.
10:23 - Pour le suicide assisté, on l'entend, Laurence, vous avez partagé votre point de vue ce matin en direct sur France Bleu Alsace.
10:28 Merci de votre appel.
10:29 - Merci, belle journée.
10:30 - À vous également.
10:31 - Merci Laurence pour votre intervention, qui rappelle ce que vous disiez Aurélien Benoît-Littes sur la liberté du patient, le choix du patient.
10:37 À ça, certains opposent également le devoir du soignant, et notamment les soignants se font vraiment entendre sur ce sujet-là,
10:43 parce qu'ils ont peur qu'on les prive d'une partie de leur serment d'hypocrate, le fait d'accompagner et d'aider les patients à vivre.
10:50 Quelle doit être leur place dans ce parcours de la fin de vie ?
10:55 - Alors ça reste encore à définir, mais ce que pour l'instant le projet de loi a proposé,
10:59 c'est qu'il y ait l'intervention finalement de deux médecins et peut-être d'une troisième personne qui serait un paramédical,
11:06 un médecin qui connaît bien le patient, un médecin qui ne connaît pas le patient,
11:10 et un paramédical qui connaît ou qui ne connaît pas le patient.
11:13 Effectivement, on peut se poser la question, il y a une certaine réticence vis-à-vis du monde médical.
11:17 Je ne suis pas convaincu que ce soit pour des aspects très idéologiques, ou religieux, ou dogmatiques, ou de croyances,
11:23 mais c'est aussi beaucoup parce que pour l'instant, j'ai l'impression qu'il y a un certain flou encore.
11:27 Et c'est vrai qu'un délai de deux jours de réflexion pour le patient,
11:31 un ou deux médecins qui interviennent dans un colloque singulier entre eux,
11:35 est-ce que c'est vraiment une réflexion collégiale ?
11:37 Est-ce qu'on va vraiment mesurer l'entièreté de la difficulté, de la complexité, de la problématique ?
11:43 Peut-être les médecins sont-ils encore un peu prudents, parce qu'ils ont l'impression que ce n'est pas encore très bien cadré.
11:49 Ça, ce sont des choses qui peuvent être travaillées, mais là on a quand même l'avis des patients,
11:53 de patients entre les mains, et c'est important de mettre toutes les protections,
11:57 tout le cadre juridique, tout le cadre éthique autour de ça, sinon effectivement ça va poser des problèmes.
12:02 Et c'est en effet ce qui sera discuté dans les prochaines semaines à l'Assemblée nationale.
12:06 Merci beaucoup Aurélien Benoît-Lide d'être venu dans le Sioux de France Bleu-Azaz ce matin.
12:09 Merci à vous.
12:10 Neurologue et président du Forum européen Bioéthique pour mieux comprendre le débat
12:14 qui va agiter dans les prochaines semaines les députés, puis également une partie du pays.
12:17 Merci à vous et bonne journée.

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