Le Forum Européen de Bioéthique à Strasbourg ouvre ses portes, ce mercredi, à Strasbourg (Bas-Rhin), la santé mentale en thématique principale : "ce pas la peine d'attendre quelque chose d'important pour aller voir le psychologue", implore le président et neurologue Aurélien Benoilid.
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00:00C'est le moment où on parle de l'actualité, et on vous pose une question à laquelle vous
00:06réagissez.
00:07La question aujourd'hui, est-ce que vous prenez soin de votre santé mentale pour réagir
00:110388 25 15 15 ?
00:12C'est le grand thème cette année au Forum Européen de Bioéthique à Strasbourg.
00:17Grande réunion annuelle, les plus éminents spécialistes au rendez-vous, tout un programme
00:20de conférence.
00:21Ça commence aujourd'hui, ça dure 4 jours, et c'est vous Aurélien Benoît-Lide qui êtes
00:27à la manœuvre.
00:28Bonjour Monsieur.
00:29Aurélien Benoît-Lide, président du Forum, également médecin-neurologue à Strasbourg.
00:32La santé mentale, c'est un sujet plus encore d'actualité aujourd'hui qu'hier en France.
00:38Alors oui, il y a encore plus d'actualité parce que le gouvernement a décidé de le
00:41mettre en lumière en le décrétant grande cause nationale 2025.
00:46Grande actualité parce que le comité consultatif national d'éthique a émis hier son 147e
00:53avis qui porte essentiellement sur la crise de la psychiatrie, et puis grande actualité
00:58aussi parce que tout simplement, nous sommes de plus en plus nombreux à être touchés
01:02par des affections qui relèvent plutôt de l'ordre de la santé mentale, avec des chiffres
01:06qui sont tout de même assez inquiétants et affligeants, et la prise en charge, elle,
01:11se fait du côté des psychiatres et des psychologues qui eux-mêmes sont dans une situation assez
01:15critique.
01:16Donc oui, c'est une question d'actualité.
01:17Un adulte sur 6 touché par une forme de dépression en France, 16 millions d'entre nous qui ont
01:22déjà utilisé des psychotropes, vous dites qu'il y a une forme d'épidémie d'anxiété
01:28ou de burn-out en France.
01:29Oui, les chiffres nous montrent une augmentation progressive, alors en France, mais également
01:34dans les autres pays de l'Europe, c'est un constat général, peut-être que la société
01:38est aussi un peu anxiogène entre les différents conflits internationaux, mais les conflits
01:43sur notre territoire, les crises politiques, cette ombre qui plane au-dessus de nos têtes
01:47de la crise climatique qui est déjà présente, tout cela a tendance à peser lourd sur notre
01:53morale et à générer des maladies.
01:56D'ailleurs, souvent comme ça en médecine, l'environnement peut être à l'origine d'un
01:59certain nombre de pathologies, et l'environnement psychique, l'environnement sociétal est à
02:05même lui aussi de générer des maladies.
02:07Mais de quoi est-ce qu'on a peur exactement ? Parce qu'effectivement, ces grandes crises
02:11que vous évoquez semblent nous dépasser complètement.
02:15Quels seraient les conseils pour finalement mieux les vivre ? Parce qu'à notre niveau
02:20finalement, on n'a pas grand-chose à faire contre la guerre, pas grand-chose à faire...
02:24Vous voyez ce que je veux dire.
02:26De manière générale, en tant que citoyen, on se doit aussi de relever le problème et
02:31de le faire remonter à ceux qui ont les clés du gouvernement, les clés des décisions politiques.
02:36Et donc, oui, en tant que médecin, mais en tant que citoyen et parfois en tant que patient
02:40ou que patient, on a besoin de faire remonter l'information que le système de prise en
02:44charge déjà n'est pas suffisamment alimenté, irrigué par des aspects financiers, mais
02:49n'est pas non plus suffisamment accepté, même au sein des médecins, il y a assez
02:53peu de médecins finalement qui choisissent d'embrasser la carrière de psychiatre, donc
02:57il y a aussi une crise de la vocation.
02:58Tout ça, ce sont des éléments qu'il faut, en tant que citoyen, que l'on mette en avant.
03:02Après, tout un chacun doit pouvoir aujourd'hui prendre ce qui lui est tendu, c'est-à-dire
03:09la prise en charge par les psychiatres, par les psychologues, le fait ne serait-ce que
03:12de pouvoir en parler, la nouvelle génération le fait semble-t-il un peu mieux que nous,
03:17et ça c'est très important, se dire qu'on a le droit d'être bien.
03:21La santé mentale, c'est le sujet du jour et on s'y intéresse avec vous.
03:24Est-ce que vous y faites très attention ? Est-ce que ça fait partie de vos préoccupations,
03:30de votre préoccupation ? Vous le disiez à l'instant, la nouvelle génération semble
03:34y faire plus attention que l'ancienne génération.
03:36Venez témoigner, est-ce que c'est désormais quelque chose qui vous préoccupe ?
03:400388 25 15 15
03:42L'Alsace est loin d'être un désert médical, pourtant certains spécialistes, vous les
03:46avez peut-être entendus ce matin avec ICI Alsace, dénoncent des prises en charge catastrophiques.
03:52Ce sont leurs mots, chez nous en Alsace, aussi ailleurs en France.
03:55Est-ce que vous confirmez, est-ce que vous avez le même constat ?
03:57Alors je ne suis pas psychiatre, mais j'ai pu lire un certain nombre d'éléments, et
04:02effectivement les éléments qui remontent sont des éléments qui sont inquiétants,
04:06c'est-à-dire que les délais d'attente sont très longs, c'est désormais plutôt
04:09les urgences psychiatriques qui sont la porte d'entrée principale pour être accueilli
04:14dans cette discipline.
04:16Les structures sont vétustes, on manque de soignants, on manque de personnel médical,
04:22de personnel paramédical, avec une grande disparité selon les territoires, c'est aussi
04:27une des conséquences de la territorialisation de la psychiatrie.
04:29Et même chez nous en Alsace, on n'est pas les deux départements les moins bien dotés
04:33de France.
04:34Bien sûr, évidemment, c'est quelque chose qui est ubiquitaire, on va dire, partout,
04:38alors c'est vrai qu'avec la territorialisation, parfois il y a certains territoires qui sont
04:41un peu mieux dotés, il y a même des gens qui vont changer d'adresse pour être pris
04:45en charge dans un lieu qui semble être plus en avance qu'un autre, mais globalement,
04:51ce sont vraiment des questions qui touchent à la dignité humaine, qui sont mis en péril
04:54avec cette crise de la psychiatrie.
04:56Il y a cette maison de la santé mentale qui doit être inaugurée au cours de l'été
05:01à Strasbourg, une structure unique en France ouverte à tous pour éduquer, je cite, à
05:06la santé mentale, le mot n'est pas choisi au hasard, on a du retard là-dessus, il faut
05:09nous éduquer.
05:10Mais bien sûr, la première éducation, c'est de se dire qu'on a le droit et qu'on doit
05:14aller chez le psychologue ou chez le psychiatre de la même manière que lorsqu'on a une angine
05:18et que l'on se rend chez son médecin généraliste.
05:20La santé mentale fait partie de la santé humaine, c'est un des deux cœurs battants
05:24de la santé humaine, et donc il est indispensable de faire tomber toutes les barrières, c'est
05:29ce qu'on disait juste avant.
05:30C'est peut-être là où la jeune génération est en avance sur nous, c'est-à-dire qu'elle
05:33a compris, grâce peut-être à des artistes, je me souviens de Stromae qui a annulé son
05:37concert à Strasbourg parce qu'il était en dépression, mais maintenant les gens...
05:41C'est sorti des chansons sur le sujet qui ont été très écoutées.
05:43Voilà, et c'est eux aussi qui permettent de faire avancer la démocratisation, et
05:47ce sont aussi des avancées comme la Maison de la Santé Mentale, ça veut dire que c'est
05:51la ville, la politique qui décide d'ouvrir les portes, de démocratiser cet accès aux
05:57soins et ça c'est très important.
05:59Oui, vous serez très d'accord, j'en suis sûr, avec Karine Frazel, la secrétaire de
06:03cette structure de la Maison de Santé Mentale qui va ouvrir à Strasbourg, écoutez.
06:06Un mal d'amour, un mal de complexité de se retrouver seule avec son enfant, un mal au
06:11travail, c'est humain en fait.
06:13En fait non, c'est pas une honte d'avoir une problématique et de souffrir, c'est comment
06:16on en parle, comment on le déconstruit, comment on en fait du positif.
06:19On a encore trop souvent honte, docteur.
06:22Oui, honte et peur en fait, ce sont deux sentiments qui depuis la nuit des temps nous empêchent
06:27de pouvoir accéder à cette forme de santé qui reste toujours le parent pauvre de la
06:33médecine, qui reste l'angle mort de la médecine.
06:35C'est quelque chose qui fait peur, la maladie mentale lorsqu'elle est poussée à son excès,
06:40on ne veut pas la voir, elle fait peur, on a l'impression que c'est de la violence, que
06:43c'est dangereux.
06:44Donc oui, il y a vraiment un mur de la honte qu'il faut absolument briser à grands coups
06:48de pioche, à notre toute petite mesure avec le Forum Européen de Biotique, c'est ce qu'on
06:52va essayer de faire.
06:53Tout au contraire, il y a cette question désormais omniprésente sur les réseaux sociaux du
06:58bien-être, du bien-vivre, du feel-good.
07:02On est inondé parfois de ce genre de vidéos, quel est votre regard là-dessus ?
07:07Un regard qui reste toujours très partagé, moi en tant que médecin et en tant qu'être
07:13humain, tout ce que je veux c'est aller bien aussi, donc c'est quelque chose que j'entends.
07:16Maintenant pourquoi est-ce qu'il y a cette feel-good mania ? Peut-être pour plusieurs
07:22raisons, probablement que le monde nous fait fil bader un petit peu et qu'il y a beaucoup
07:28d'anxiété, beaucoup de stress, au travail notamment, on est tout le temps accessible,
07:32les réseaux sociaux qui nous donnent des informations en live dont on ne sait pas si
07:35elles sont vraies ou non.
07:36Ça peut nous aider à aller mieux ou il y a une certaine utopie derrière tout ça ?
07:39Je pense que c'est là où je suis partagé, c'est-à-dire que de temps en temps, il y
07:42a des approches méditatives, des approches introspectives qui peuvent être très intéressantes,
07:47le problème c'est qu'il y a aussi un commerce, où on met souvent les neurosciences en avant,
07:51on dit voilà ce produit, on le vente des neurosciences, fermez les yeux, vous aurez
07:54de la lumière, ça va vous faire faire des rêves incroyables.
07:56Tout ça, ce sont des choses qui ne reposent pas forcément sur de la médecine et qui
07:58ne sont parfois pas toujours éthiques sur le plan déontologique de la médecine par
08:05exemple.
08:06Quelques petits gestes alors pour au moins combattre le petit blues du dimanche, qu'est-ce
08:12qu'on doit faire ?
08:13Du mois de janvier, le long de janvier, l'interminable ce mois de janvier, on met la pédale douce
08:19sur le café, on sort courir un peu, quelles sont les principales choses à éviter en
08:24tout cas ?
08:25On sait que c'est un élément qui est particulièrement important, mais ce que j'ai envie de dire
08:28c'est que même si tous les lundis vous êtes un peu déprimé, c'est peut-être qu'il
08:31y a quelque chose qui ne va pas, et ce n'est pas la peine d'attendre quelque chose d'important
08:34pour aller voir le psychologue, c'est quelque chose de naturel.
08:36Je pense que 100% des gens qui vivent dans un monde où il y a du stress, ont besoin
08:42de temps en temps d'aller voir des spécialistes de la question, donc même si c'est juste
08:45un Blue Monday de temps en temps, même s'il y a quelque chose qui nous fait penser que
08:48ça ne va pas, ouvrez les portes des psychologues et des psychiatres, tout va très bien se
08:52passer.
08:53Vous êtes le directeur du Forum Européen de Bioéthique de Strasbourg, vous en êtes
08:56le président Aurélien Benoît Lide, c'est la 15ème édition qui commence aujourd'hui,
09:01ça se passe à Lobette, place Cléber, ça dure jusqu'à samedi, tout le monde est le
09:04bienvenu ?
09:05Évidemment !
09:06C'est gratuit, sur l'inscription, ça dure jusqu'à samedi inclus, merci à vous docteur.
09:10Merci à vous.