• il y a 6 mois
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Etienne Blanc, sénateur LR et rapporteur de la commission d’enquête sénatoriale sur le narcotrafic, répond aux questions de Dimitri Pavlenko. Ensemble, ils reviennent sur les conclusions du rapport de la commission d'enquête sur l'impact du narcotrafic en France.

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Transcription
00:00 - Dimitri Pavlenko, vous recevez ce matin le sénateur Les Républicains du Rhône, Etienne Blanc.
00:04 - Bonjour Etienne Blanc.
00:05 - Bonjour Monsieur Pavlenko.
00:06 - Bienvenue sur Europe 1, vous êtes le rapporteur de la commission d'enquête sénatoriale sur le trafic de drogue.
00:11 Vous avez devant vous ce rapport de plus de 600 pages que vous avez donc rendu public hier.
00:16 Rapport dans lequel vous décrivez, Etienne Blanc, une France submergée par le narcotrafic.
00:22 Narcotrafic dont l'emprise va grandissant, dont les moyens semblent sans limites et qui ne s'interdit plus rien.
00:28 Je vais vous faire réagir à ce qui s'est passé hier, Etienne Blanc.
00:30 Cette attaque à la voiture Bélier, alarme de guerre d'un convoi cellulaire dans l'Eure pour libérer un détenu
00:35 qui se trouve être un acteur du narcotrafic en France, Mohamed Amra, alias "La Mouche".
00:41 Cette affaire, Etienne Blanc, qu'est-ce qu'elle nous dit selon vous ?
00:44 - Elle est très révélatrice du dérapage que nous connaissons actuellement et de l'importance considérable
00:50 des narcotrafiquants dans notre pays, de leur influence,
00:54 des actions d'une violence inouïe auxquelles ils se livrent régulièrement,
00:59 des moyens illimités dont ils disposent.
01:01 On a ce chiffre qui est édifiant.
01:04 Le narcotrafic en France, c'est entre 3 et 6 milliards de chiffre d'affaires.
01:07 Le ministre définit... - C'est plus une fourchette, c'est un râteau, là, quand même.
01:10 - C'est un râteau, c'est très très large. - 3 à 6 milliards, quand même.
01:12 - On comprend que c'est assez difficile de le mesurer.
01:15 On peut quand même le mesurer aussi à travers des indices extérieurs, les quantités saisies.
01:19 Aujourd'hui, une saisie de 5 tonnes, ça n'étonne plus.
01:22 On est dans le golfe de Guinée, on a eu une saisie de 10 tonnes et demie.
01:26 L'augmentation de la production en Amérique du Sud est là,
01:28 l'augmentation des produits depuis l'Afrique du Nord,
01:33 du cannabis est là aussi, donc on a l'impression que nous sommes totalement débordés.
01:39 Et donc les narcotrafiquants, aujourd'hui, ils peuvent financer,
01:42 ils peuvent corrompre, ils peuvent acheter, ils peuvent blanchir,
01:45 et ils sont en train de constituer dans notre pays une espèce de place forte
01:50 qui sera extrêmement difficile de détruire.
01:53 - Alors, dans le rapport, vous suggérez d'ailleurs que les gouvernements de tous bords
01:56 ont ignoré le phénomène du trafic de drogue.
02:00 Est-ce que vous diriez que cette guerre, aujourd'hui, cette guerre contre le narcotrafique,
02:04 comme l'avait dit d'ailleurs cette juge d'instruction marseillaise,
02:08 ça a été le temps fort de votre commission, parce que tout le monde en a parlé,
02:11 elle avait dit que cette guerre, elle est peut-être déjà perdue.
02:13 - Moi je ne crois pas. La puissance publique, elle a des moyens extraordinaires,
02:16 on a surtout des policiers qui sont engagés, qui sont extrêmement compétents,
02:20 il faut leur donner plus de moyens.
02:22 C'est le narcotrafique pour lutter,
02:25 nous l'écrivons très précisément dans notre rapport,
02:27 il faut utiliser des technologies nouvelles, modernes,
02:30 il faut utiliser l'intelligence artificielle.
02:33 Un exemple que l'on trouve dans le rapport.
02:36 On va rentrer dans un réseau de communication qui est un réseau crypté,
02:40 on va réussir à lever tous les barrages,
02:42 on va avoir des milliers de conversations,
02:45 pour les éplucher, pour les comprendre, pour aller à l'essentiel,
02:47 il faut des moyens nouveaux.
02:49 C'est quoi ? C'est l'intelligence artificielle qui va reprendre des mots,
02:52 qui va permettre de trouver les communications.
02:54 - On va venir sur la question, ça fait partie des préconisations que vous formulez.
02:57 Il y a des choses assez intéressantes,
02:59 je vous demanderai ce qui vous a peut-être le plus marqué
03:01 lors de ces six mois de travaux, plus de 150 auditions,
03:05 mais vous avez révélé, moi ça m'a stupéfait,
03:07 que l'OFAST, l'Office Antistupéfiant,
03:09 donc c'est quand même un des acteurs majeurs de la lutte antidrogue en France,
03:12 vous étiez le dernier à m'être mis au courant
03:15 du lancement de l'opération PlasNet XXL à Marseille.
03:18 Avant de parler d'intelligence artificielle,
03:20 est-ce qu'on ne pourrait pas tout simplement se passer quelques coups de fil,
03:22 Étienne Blanc ? Non mais c'est quand même incroyable !
03:25 - Oui bien sûr, il y a des problèmes d'ingénieur,
03:27 vous savez c'est très typiquement français,
03:28 quand on a un problème on crée une administration,
03:31 et ensuite elle travaille en silo.
03:33 Elle a de la peine à s'inscrire dans un projet d'ensemble,
03:36 elle a de la peine à coopérer,
03:37 on l'a repéré avec l'OFAST, oui c'est vrai,
03:40 on a même trouvé une circulaire du garde des Sceaux
03:42 qui recommande à ses parquets de se rapprocher des préfets
03:45 pour bien être informés des opérations PlasNet.
03:48 Ça veut dire que ça ne se fait pas naturellement.
03:50 Et nous avons pourtant, je le redis,
03:53 des agents qui sont engagés, qui sont extrêmement compétents.
03:56 Donc une organisation nouvelle,
03:58 des moyens nouveaux, et puis surtout des procédures adaptées.
04:02 Et notamment toute la question des repentis,
04:04 la question des informateurs,
04:06 qui est essentielle dans notre rapport.
04:08 - Alors ça on va en parler, mais un instant encore sur PlasNet,
04:10 vous êtes assez critique, Étienne Blanc,
04:12 sur ces opérations d'envergure,
04:15 ces opérations de pilonnage très spectaculaires
04:17 avec force caméra en appui pour montrer que l'État fait des choses.
04:20 Qu'est-ce qui ne va pas dans PlasNet d'après vous ?
04:22 - PlasNet c'est une opération qui est une opération d'ordre public.
04:24 Vous habitez dans une barre d'immeuble,
04:26 vous avez en bas de chez vous un point de deal, c'est insupportable.
04:28 Vous avez des allées et venues, vous avez des risques aujourd'hui.
04:31 Sur les points de deal on utilise des armes, on utilise de la violence,
04:34 et puis c'est une gêne dans la vie quotidienne.
04:37 Les enfants ne peuvent pas sortir jouer dans la rue,
04:39 il y a des gênes dans la mobilité, etc.
04:41 Donc elles ne sont pas inutiles ces opérations.
04:43 Mais elles n'ont du sens que si elles permettent aussi
04:45 de remonter au haut du spectre et de remonter des filières.
04:48 Et là nous apercevons d'abord qu'on a très très mal renseigné
04:52 combien de procédures judiciaires ont été ouvertes
04:54 après les opérations PlasNet,
04:56 et de Marcel ou d'ailleurs,
04:58 quel a été ensuite le sort réservé
05:00 à ceux qui ont été traduits devant des juridictions.
05:02 Alors, ces opérations qui sont un peu récentes,
05:04 donc on n'a peut-être pas tous les moyens statistiques.
05:06 - Donc c'est des opérations de tranquillité publique,
05:08 mais pas de lutte anti-drogue.
05:09 - C'est de la tranquillité publique et ce n'est pas de la destruction.
05:11 On ne peut pas se contenter de cela.
05:13 Ce n'est pas inutile, il faut le dire,
05:16 mais ce n'est pas suffisant pour lutter contre le trafic.
05:18 - Je reviens un instant sur l'attaque du convoi cellulaire,
05:21 parce que je trouve qu'il y a deux éléments intéressants
05:23 dans cette affaire qui peut-être nous éclairent
05:25 sur la lutte anti-drogue en France.
05:26 Il y a le fait d'abord que ce Mohamed Amra,
05:28 semble-t-il, c'est ce qu'a dit l'Orbecuo hier,
05:30 la procureure de Paris,
05:31 c'était un milieu de tableau de la voyoucratie,
05:34 ce n'était pas un gros poisson.
05:36 On a vu les moyens engagés,
05:38 on avait l'impression que c'était Pablo Escobar qu'on venait libérer.
05:40 Et puis il y a la question aussi, l'angle mort,
05:43 des informations qu'auraient pu avoir
05:45 ceux qui sont venus le libérer.
05:46 Et la question que ça pose derrière,
05:47 qui a pu les informer ?
05:49 La question de la corruption que vous soulevez,
05:51 vous d'ailleurs, dans votre rapport.
05:52 - Bien sûr, c'est un sujet, sur cette affaire,
05:55 il faut être prudent, la procédure aujourd'hui,
05:58 l'enquête est en cours,
06:00 mais elle sera très intéressante.
06:02 Parce que, lorsque l'on quitte une prison,
06:06 il faut connaître l'heure, le véhicule,
06:09 le nombre de personnes qui sont à l'intérieur,
06:11 comment sont-elles armées,
06:13 il faut connaître très précisément l'itinéraire,
06:15 il y a une préparation,
06:17 et cette préparation, elle laisse entendre
06:19 qu'il y a une entreprise,
06:20 qu'il y a une organisation qui est extrêmement puissante.
06:22 Dans notre rapport, nous le disons,
06:25 sur le narcotrafic,
06:26 il y a une professionnalisation du narcotrafic,
06:29 et il y a une organisation qui est une organisation entrepreneurial.
06:32 C'est quoi une entreprise de narcotrafic ?
06:34 C'est un client, c'est le consommateur,
06:36 il y en a beaucoup trop en France,
06:37 et c'est ensuite un propriétaire d'entreprise,
06:40 et ce propriétaire, il va organiser toute une chaîne
06:43 pour alimenter le client.
06:45 Alors, parfois, il le fait directement,
06:47 avec des agents qu'il recrute,
06:48 parfois, il sous-traite,
06:50 et dans l'affaire à laquelle vous faites référence,
06:52 il faudra regarder ça de manière extrêmement précise.
06:54 Est-ce qu'il y a de la sous-traitance ?
06:55 Quel réseau ?
06:56 A qui on a confié telle ou telle tâche ?
06:58 Tout ça, dans un dispositif qui exige
07:01 des renseignements extrêmement précis.
07:03 C'est d'une complexité inouïe,
07:05 et nous le disons là aussi de manière très précise,
07:08 la police doit se professionnaliser.
07:11 Je ne sais plus le petit trafiquant de quartier,
07:14 elle a besoin de moyens...
07:16 - La police n'est pas au niveau ?
07:17 - Elle est au niveau,
07:19 mais elle a besoin de moyens supplémentaires,
07:21 et elle a surtout aussi besoin de moyens juridiques
07:24 pour aller plus loin.
07:25 Mais on a des policiers exceptionnels,
07:27 quand ils nous parlent et quand ils nous expliquent
07:30 les actions qu'ils mènent,
07:32 on voit bien qu'ils sont au niveau.
07:34 Ils vous disent aujourd'hui, ils le crient d'ailleurs,
07:36 magistrats aussi,
07:37 et attendez...
07:39 Le phénomène prend de telle ampleur...
07:41 Méfiez-vous.
07:43 - Merci Etienne Blanc d'être venu au micro d'Europe 1.
07:46 Donc 35 recommandations pour la lutte anti-drogue
07:48 dans ce rapport de plus de 600 pages,
07:50 donc qui est consultable, que l'on peut lire.
07:52 On y apprend des choses absolument effarantes,
07:54 mais finalement pas si nouvelles que ça.
07:55 mais merci d'être venu nous en parler. Etienne Blanc sur le micro de France, bonne journée à vous.

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