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Etienne Blanc, sénateur LR et rapporteur de la commission d’enquête sénatoriale sur le narcotrafic, répond aux questions de Dimitri Pavlenko.
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Transcription
00:00Il est 7h12 sur Europe 1, Dimitri Pavlenko, vous recevez ce matin le sénateur Les Républicains du Rhône, Etienne Blanc.
00:06Bonjour Etienne Blanc.
00:07Bonjour Monsieur Pavlenko.
00:09Bienvenue sur Europe 1, vous avez été le rapporteur d'un rapport paru en mai dernier sur l'impact du narcotrafic en France.
00:15Vous y décriviez une France submergée par le trafic de drogue, une violence endémique aussi, 85 morts l'an dernier.
00:21Alors, de fait, il y a remarqué l'actualité, on pourrait dire même trois.
00:25Il y a l'incendie de cette gendarmerie en Martinique, ça n'est pas lié au trafic de drogue mais ça ressemble beaucoup à ce qui s'est passé à Cavaillon,
00:33l'incendie criminel d'un commissariat, très certainement en représailles au démantèlement d'un important point de deal,
00:39trois policiers ont bien cru avoir venu leur dernière heure.
00:42Et puis il y a cette vidéo mise en ligne sur les réseaux sociaux, on y voit des hommes en noir qui se revendiquent de la DZ Mafia,
00:49la désormais célèbre organisation criminelle marseillaise.
00:52Alors, il nie toute responsabilité dans cette vidéo, dans le meurtre du chauffeur de VTC à Marseille la semaine dernière, c'est assez glaçant.
00:58Vidéo difficile à authentifier mais les autorités la prennent au sérieux.
01:02Que nous disent ces deux événements selon vous, Etienne Blanc ?
01:05Elles disent deux choses.
01:07Ils disent d'abord que le narcotrafic a pris des proportions absolument considérables et cela on peut l'évaluer, on peut le chiffrer.
01:16Aujourd'hui, le chiffre d'affaires du narcotrafic en France est supérieur à 6 milliards d'euros.
01:20C'est-à-dire qu'on s'approche du montant du budget de la justice.
01:23Et c'est 240 000 personnes qui travaillent dans cette entreprise, avec toute sa diversité,
01:30et l'acquisition des produits, le transport, le blanchiment et puis la violence.
01:35Et la violence c'est le deuxième aspect très particulier de la dérive de ce dossier.
01:40C'est-à-dire que cette violence est complètement débridée, on brûle vif un adolescent,
01:46on démembre un cadavre pour envoyer les membres à sa famille.
01:51On fait des pressions absolument inouïes, avec des actes violents,
01:56qui atteignent des sommets pour qu'un tel ou un tel ne quitte pas le réseau,
02:02ou qu'il accepte les règles de l'entreprise de narcotrafic.
02:06Ce qui est assez frappant, c'est que cela fait longtemps qu'on sait qu'il y a un narcotrafic qui se développe en France.
02:13Ce qui est terriblement inquiétant, c'est que l'Etat a laissé faire, par faiblesse, par complaisance,
02:19peut-être aussi parce que culturellement, finalement fumer un pétard ou faire une raille de cocaïne,
02:26ce n'est peut-être pas si grave que ça, le résultat aujourd'hui il est là,
02:29c'est qu'on a affaire à une entreprise qui est en train de submerger la France.
02:33On a appris aussi hier, Étienne Blanc, l'arrestation à Paris, quartier Barbès,
02:37d'un membre important de la Mocromafia.
02:39C'est une organisation criminelle néerlandaise d'origine marocaine.
02:43Elle aurait, dit-on, cette Mocromafia, contrôlé un temps un tiers du trafic européen de cocaïne.
02:48Et on se souvient que lors du procès du chef de cette Mocromafia, il y a deux ans,
02:52l'organisation avait terrorisé les Pays-Bas.
02:55Ils avaient menacé de tuer le Premier ministre, des magistrats, d'enlever la princesse héritière Amalia.
03:00Il y a même une série aujourd'hui qui porte le nom de cette Mocromafia.
03:04Est-ce que c'est ce qui nous attend en France aujourd'hui, Étienne Blanc ?
03:08Est-ce que c'est peut-être le destin de cette DZ Mafia, par exemple, dont on parle beaucoup ?
03:12Mais si on ne met pas un terme à cette entreprise, évidemment, c'est ce qui va nous arriver.
03:19Il y a d'ailleurs quelques signes qui sont là.
03:22Le premier signe, c'est la corruption.
03:24Corruption des agents publics.
03:26On voit apparaître cette corruption chez les agents pénitentiaires,
03:30parfois dans la gendarmerie, parfois dans la douane.
03:32On l'a vu chez les transporteurs et chez les lockers.
03:36Ce sont des signes qui devraient nous inquiéter,
03:39parce que ce sont les centres névralgiques de l'État qui peuvent être attaqués.
03:45Quand on constate qu'un policier a permis la consultation de fichiers
03:50et qu'ensuite il a donné les résultats à des trafiquants,
03:54c'est ça qui est terriblement inquiétant.
03:57Parce que c'est la structure même de l'État qui est attaquée.
04:00La deuxième chose qui est terriblement inquiétante,
04:02c'est que la violence peut s'exercer à tous les niveaux.
04:06Là, vous avez cité des actes de violence,
04:09notamment sur de jeunes trafiquants.
04:11Mais vous avez des violences qui peuvent s'exercer.
04:13Des avocats ont été assassinés.
04:15Des journalistes ont été assassinés.
04:17Et puis ces menaces de raptes ou de violences graves
04:23sur les autorités de l'État.
04:25Ce sont les signes de ce que l'on appelle dans le monde des narco-États.
04:31A mesure que la France n'est pas encore un narco-État,
04:34mais il y a quelques signes qui sont particulièrement inquiétants.
04:37Dans l'affaire de Marseille, le commanditaire de 23 ans
04:40avait quatre téléphones dans sa cellule,
04:42alors qu'il était à l'isolement.
04:44Comme Mohamed Amra, rappelez-vous,
04:46qui a préparé son évasion par téléphone il y a quelques mois.
04:48D'ailleurs, on ne l'a toujours pas retrouvé.
04:50De l'autre côté, on apprend qu'on va mener des expérimentations
04:53pour autoriser le téléphone portable dans la prison,
04:55pour certaines catégories de détenus, bien sûr, pas pour tous.
04:58Enfin, ça envoie des signes extrêmement contradictoires quand même, Etienne Blanc.
05:01Oui, tout cela donne l'image de l'incohérence.
05:05Sans doute, ces deux politiques peuvent s'expliquer,
05:08mais quand elles sont expliquées globalement, on n'y comprend plus rien.
05:11Non, ce que nous disons dans notre rapport avec Jérôme Durin,
05:14c'est qu'il est peut-être temps de créer des centres pénitentiaires
05:18dédiés aux narcotrafiquants,
05:20qui sont un isolement complet.
05:22Parce que les téléphones, ils sont parfois minuscules,
05:27et il est bien difficile d'en contrôler l'entrée.
05:30Ça peut être à l'occasion d'une visite,
05:32ça peut être par un drone qu'on les achemine dans l'enceinte de la prison.
05:38Le seul système utile, c'est le brouillage complet,
05:42mais pour ça, il faut des prisons spécifiques,
05:44il faut des prisons dédiées,
05:46il faut aussi une organisation à l'intérieur de la prison
05:49qui est adaptée aux narcotrafiquants.
05:53C'est un sujet absolument essentiel,
05:57et il faut que dans le budget de la justice,
06:01on puisse lire et que les Français puissent comprendre
06:04que désormais, il y a une action publique extrêmement vigoureuse
06:08contre le narcotrafic.
06:10Faute de cela, les choses vont continuer à dériver,
06:12et vous l'avez dit tout à l'heure,
06:14on va s'approcher de ce que peut être un narco-État.
06:17Merci beaucoup Etienne Blanc de votre expertise,
06:19et votre rapport d'ailleurs, il est consultable publiquement,
06:22facile à trouver sur internet,
06:24rapport sur le narcotrafic en France,
06:26co-écrit avec Jérôme Durin.
06:28Merci d'avoir été en ligne avec nous ce matin
06:30sur l'antenne d'Europe, Etienne Blanc.
06:32Bonne journée à vous.

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