Avec Laurence Delleur, coréalisatrice du documentaire “Hold-up sur les vieux”
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00:00 En cas de dépendance, où préféreriez-vous vivre demain ?
00:04 Est-ce que ce serait plutôt chez vous à votre domicile mais avec de l'aide ?
00:07 Est-ce que ce serait en EHPAD ou est-ce que ce serait chez vos enfants ?
00:12 Eh bien vous dites à plus de 80% que vous souhaiteriez vivre à domicile, chez vous, mais avec de l'aide.
00:17 Pourquoi pas une auxiliaire de vie ou un auxiliaire de vie.
00:20 Ensuite, en minorité, un peu moins de 10%, chez vos enfants, très peu dans un EHPAD.
00:26 Ça s'explique notamment par les récents scandales.
00:28 On en parle avec notre invitée, qu'on accueille avec plaisir sur Sud Radio, Laurence Deleur.
00:34 Bonjour.
00:35 Bonjour.
00:35 Bienvenue sur Sud Radio.
00:36 Est-ce que je voulais bien prononcer votre nom ? Deleur ?
00:39 Deleur, tout à fait.
00:40 Comme ça, on sera bon et ce sera vérifié.
00:42 Vous êtes la co-réalisatrice de ce documentaire "Hold up sur les vieux", je dis co-réalisatrice,
00:48 avec votre consoeur Nathalie Amsalem.
00:50 Ce documentaire "Hold up sur les vieux" sera diffusé mardi prochain à 20h55
00:57 sur la chaîne Arte.
00:59 C'est un tour d'horizon européen que vous nous proposez.
01:02 Vous êtes allée dans cinq pays voir comment on s'occupait de nos aînés.
01:06 La première réponse que vous voyez à peu près partout,
01:09 c'est que le secteur public n'a plus les moyens de s'en occuper réellement
01:14 et de plus en plus, c'est privatisé.
01:17 Concrètement, ça c'est le point commun entre les cinq pays ?
01:20 Oui, c'est ça.
01:22 C'est-à-dire qu'il y a quand même certaines EHPAD publiques, etc.
01:25 Mais il y en a de moins en moins.
01:27 Un exemple, en Espagne, le secteur est privatisé à quasiment 90%.
01:32 Voilà.
01:33 Donc c'est assez...
01:35 En tout cas, c'est une tendance lourde que vous, en plus, vous dénoncez.
01:39 Ça se confirme également du côté de l'Angleterre,
01:42 où la privatisation du National Health Service a commencé très fort
01:47 dès les années 80, suivie de Margaret Thatcher.
01:49 Alors, question après tout, on pourrait se dire, pourquoi pas ?
01:52 Le privé, c'est plus efficace que le public.
01:55 Ça fait partie des idées reçues qu'on pourrait avoir.
01:57 Est-ce que vous, c'est la première réponse que vous voyez sur le terrain ?
02:02 Non, c'est effectivement ce que les politiques se sont dit dans les années 80 en France, notamment.
02:07 Les EHPAD, à construire, ça coûte cher, ça coûte cher à entretenir.
02:11 Et donc, on va confier ça au privé, qui va faire ça mieux que nous, et à moindre coût.
02:15 C'est pas franchement ce qu'on a observé sur le terrain,
02:18 puisque les entreprises, elles sont là pour faire de l'argent.
02:21 C'est leur travail, c'est leur raison d'être.
02:24 Mais la personne âgée, ça coûte de l'argent de bien s'en occuper.
02:29 Et donc, ce qu'on a pu observer, effectivement, en Espagne, au Royaume-Uni, en Allemagne,
02:34 c'est qu'on run sur les coûts, on run sur l'accompagnement,
02:38 le nombre de personnes qui vont s'occuper de ces personnes âgées.
02:43 Et donc, voilà, c'est pas toujours une prise en charge de qualité.
02:48 - On assiste aussi à une diversification des modèles de prise en charge.
02:52 Vous voyez, on posait cette question à nos auditeurs,
02:54 est-ce que vous êtes plutôt EHPAD, plutôt maintien à domicile,
02:57 mais avec de l'aide, ou alors en famille ?
02:59 Parlons d'une nouvelle pratique, qui est presque calmement en poupe en France,
03:02 ça s'appelle l'habitat partagé.
03:04 C'est poussé notamment par le groupe Clariane.
03:07 On est presque sur une explosion du nombre d'ouvertures de structures
03:10 qui font de l'habitat partagé.
03:12 Question toute bête, d'abord, c'est quoi la différence entre un EHPAD,
03:15 donc une bonne vieille maison de retraite, on va le dire comme ça,
03:18 et de l'habitat partagé ?
03:20 - La grosse différence, c'est que l'EHPAD, c'est médicalisé.
03:22 Donc, vous avez des infirmières, vous avez un médecin qui passe.
03:25 Les habitats partagés, ça n'est pas une structure médicalisée.
03:28 Vous avez des aides à domicile.
03:30 - C'est comme si vous étiez chez vous, ou quoi ?
03:32 - Voilà, c'est un petit peu...
03:33 Effectivement, c'est comme ça qu'est vendu l'habitat partagé,
03:35 c'est que c'est comme à la maison, avec un accompagnement
03:38 pour vous aider éventuellement à la toilette, à l'habillage,
03:41 ce genre de choses, si vous n'êtes pas autonome.
03:44 Et dans ces habitats partagés, ces aides à domicile
03:46 font aussi la préparation du repas,
03:48 vous lavez votre linge, font le ménage, etc.
03:51 - En d'autres termes, c'est le regroupement
03:53 de plusieurs personnes âgées dépendantes
03:55 dans le même bâtiment,
03:58 mais à une petite échelle, quoi, 6 ou 8,
04:00 avec la visite, les mêmes services, en quelque sorte, c'est ça ?
04:03 - C'est ça, elles ne sont pas toutes dépendantes,
04:04 il y en a certaines qui sont autonomes,
04:06 mais c'est surtout pour lutter contre la solitude,
04:08 et ça répond à un réel besoin, à une réelle envie
04:11 de ces personnes qui sont parfois encore très autonomes,
04:14 parce que maintenant, on a une espérance de vie très longue,
04:17 moi j'ai rencontré des dames de 90 ans
04:19 qui étaient en parfaite santé,
04:21 qui en paraissaient 75,
04:23 mais simplement, ces gens-là souffrent beaucoup de la solitude,
04:25 ça c'est quelque chose qui s'exprime beaucoup.
04:27 - Ce qui est d'autant plus grave que la solitude,
04:29 elle entraîne un déclin cognitif progressif,
04:32 c'est-à-dire que moins on a d'interactions avec les autres,
04:35 plus on risque aussi de voir ses facultés décliner,
04:39 donc c'est très important.
04:40 Cet habitat partagé, poussé notamment par le groupe Clariane,
04:43 donc privé, ça ne devrait pas vous plaire, si j'ai bien compris,
04:46 ça marche ou ça ne marche pas ?
04:48 - Alors moi, je ne suis pas là pour donner mon opinion sur ces structures,
04:51 j'observe en tant que journaliste ce qui s'y passe.
04:53 - Bien sûr.
04:54 - Alors, ça a le vent en poupe,
04:56 et ça s'est développé de manière exponentielle,
04:58 justement depuis le rachat par Corian,
05:00 maintenant ça s'appelle Clariane, mais à l'époque c'était Corian,
05:03 en fin 2017, début 2018,
05:05 et donc au lieu de quelques colocations par an,
05:07 ils ont énormément grossi,
05:09 ils ont construit plusieurs dizaines de colocations chaque année.
05:14 - Est-ce qu'on insiste à une contrainte sur les coûts,
05:17 une pression sur les coûts,
05:18 comme ce que vous craigniez de voir un peu partout en Europe,
05:21 ou pas dans ce domaine-là ?
05:22 - Alors, ce qui est flagrant, c'est le manque de personnel,
05:26 et le manque de formation du personnel,
05:28 c'est ce qui revient du terrain de ce qu'on a pu observer,
05:33 et dont on parle également dans une enquête que j'ai menée
05:36 pour la revue 21 qui est publiée aujourd'hui.
05:40 Après ce qui se passe aussi,
05:42 les départements sont réticents pour d'autres raisons,
05:45 et notamment le coût, le reste à charge en fait,
05:49 qui incombe aux familles.
05:51 Clariane et Azevi communiquent sur un reste à charge
05:54 de 1850 euros actuellement,
05:56 mais les familles, les départements,
05:59 de reste à charge, une fois les aides déduites,
06:02 par mois, par mois, tout à fait.
06:04 - C'est le prix de la personne dépendante.
06:06 - Ou la personne qui paye elle-même, effectivement.
06:08 - C'est quand même considérable, et ça c'est important,
06:10 c'est le coût. C'est un point commun d'ailleurs,
06:12 qu'on peut voir dans tous les pays que vous avez sillonnés en Europe.
06:15 C'est quoi qu'il en soit, aider les personnes âgées,
06:17 les prendre en charge, ça coûte cher,
06:19 que ce soit de l'argent public ou de l'argent privé.
06:21 J'aimerais qu'on traverse le Rhin à toute vitesse
06:23 pour aller en Allemagne, parce que c'est un phénomène
06:25 que vous avez observé. En Allemagne, on plébiscite
06:27 non pas l'EHPAD, mais le maintien à domicile,
06:30 avec donc un besoin pour les personnes dépendantes
06:32 d'auxiliaires de vie. Il se trouve que massivement,
06:35 ces auxiliaires de vie, elles ne sont pas allemandes,
06:37 en fait, elles sont étrangères, elles sont d'Europe de l'Est.
06:40 Est-ce que c'est un problème ou pas ?
06:42 - Alors, si ce système s'est mis en place,
06:45 c'est parce que les familles ont ce fantasme
06:47 d'une personne qui va pouvoir être là 24h/24.
06:51 Les EHPAD coûtent cher, ils ont mauvaise image,
06:53 comme dans beaucoup d'autres pays.
06:55 Et donc, il y a des agences, des intermédiaires
06:58 qui se créent, à la fois côté allemand
07:00 et côté pays d'Europe de l'Est.
07:03 - Et on recrute, dans les pays d'Europe de l'Est,
07:06 en Roumanie par exemple, en Pologne et ailleurs,
07:08 des auxiliaires de vie qui vont s'occuper
07:10 des personnes âgées dépendantes en Allemagne.
07:12 Population encore plus vieillissante d'ailleurs,
07:14 l'Allemagne, que la population française.
07:16 Donc, problème structurel massif. Comment ça se passe ?
07:19 - Alors, ce qui se passe, c'est que ces personnes-là
07:22 sont employées dans des conditions très opaques, en fait.
07:25 Et travaillent... Là, on a le témoin d'une dame
07:28 qui nous dit qu'elle travaille 16 heures par jour,
07:30 payée 1000 euros.
07:32 Elles n'ont pas forcément de formation non plus.
07:34 Et on vend aux familles une personne qui a une formation,
07:36 et puis en fait, à l'arrivée, la dame,
07:38 elle n'a aucune formation. - Elle apprend sur le tas.
07:40 - Voilà, c'est ça. - C'est périlleux de dire.
07:42 - Et à l'inverse, on vend à ses aides à domicile
07:44 qu'elles vont s'occuper d'une personne qui est en bonne santé.
07:46 Et quand elle arrive, la personne est en train de mourir quasiment.
07:49 Enfin, c'est un autre témoignage qu'on a pu recueillir.
07:52 Donc, voilà, ces agences font de l'argent
07:55 en tant qu'intermédiaires, mais il n'y a pas toujours un service
07:58 à la clé. Et puis, ces dames sont un peu exploitées.
08:01 C'est ce qui ressort d'un rapport du CESE,
08:04 le Comité Économique et Social Européen de 2018.
08:06 - 1000 euros par mois, 16 heures de travail par jour
08:10 dans le pays le plus riche d'Europe, effectivement.
08:12 Ça ressemble quand même à de l'exploitation.
08:14 Et aussi, ça pourrait entraîner de la maltraitance.
08:16 Parce que si vous n'êtes pas formé à accompagner
08:18 une personne âgée dépendante, vous attendez à avoir quelqu'un en forme,
08:20 et en fait, c'est quelqu'un qui est malheureusement mourant,
08:22 mais vous la traitez mal, quelles que soient vos intentions,
08:24 c'est un point commun que vous avez pu observer
08:26 entre l'Allemagne, l'Angleterre, la France, l'Espagne, le Danemark ?
08:30 - Oui, oui, tout à fait. C'est pas forcément de la maltraitance
08:32 au sens où on veut la commettre.
08:34 - C'est pas forcément du sadisme, mais ça peut être de l'incompétence
08:37 qui a des conséquences dramatiques.
08:39 - C'est ça, c'est ça, c'est ça.
08:40 - Et ça, vous le voyez dans les cinq pays que vous avez vus.
08:42 - Oui, oui, tout à fait, tout à fait.
08:44 Le manque de personnel entraîne de la maltraitance, forcément.
08:47 Et l'absence de formation, ou le manque de formation également, oui.
08:50 - Une dernière question. Alors, c'était un des tout premiers projets
08:53 d'Emmanuel Macron en 2017, projet complètement avorté.
08:57 C'était le projet de créer un cinquième risque.
08:59 En gros, l'assurance maladie pourrait assurer les conséquences
09:03 de votre dépendance, mais pour ça, il fallait cotiser.
09:06 Ça a été abandonné parce qu'il fallait cotiser en plus.
09:09 Mais ça veut dire aussi qu'on est complètement démuni aujourd'hui.
09:13 On n'a pas les moyens de la financer, l'aide à la dépendance, en fait.
09:16 Que ce soit du public ou du privé.
09:18 - Il va bien falloir, parce qu'en 2050,
09:21 un Européen sur trois aura plus de 65 ans.
09:25 Donc c'est un défi qu'on va devoir affronter,
09:28 que tous les États européens vont devoir affronter.
09:30 Après, c'est une question de choix politiques aussi.
09:33 C'est ce que nous disait Xavier Fortinon, le président du département des Landes.
09:36 Les Landes ont choisi de ne jamais accorder des EHPAD aux privés lucratifs.
09:41 Et donc, ils investissent énormément.
09:44 C'est des choix politiques.
09:46 Mais voilà, plus on tarde et plus c'est difficile d'affronter ces choix.
09:50 Effectivement, ça coûte très cher.
09:51 - Oui, il ne faut pas procrastiner dans ce domaine.
09:53 Ça, c'est très important.
09:54 Hold up sur les vieux.
09:55 C'est à voir, mardi soir à 20h55.
09:58 Documentaire que vous coréalisez avec votre consoeur Nathalie Emselem.
10:02 Article aussi à lire aujourd'hui, c'est important.
10:05 - Voilà, qui est publié aujourd'hui sur le site de la Revue 21.
10:08 Et qui est consacré à Géville Affiel de Clarion.
10:10 - Enquête édifiante à découvrir aujourd'hui.
10:13 On continuera à parler de ce sujet de la dépendance,
10:16 parce qu'il est fondamental et qu'il sera de plus en plus important.