• il y a 7 mois
Avec Ugo Pontoni, originaire de la Nouvelle-Calédonie

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Transcription
00:00 - Notre invité c'est Hugo Pontoni, bonjour à vous.
00:04 - Bonjour Jean-Marie, merci pour votre invitation.
00:06 - Vous êtes le bienvenu sur Sud Radio. Vous êtes originaire vous-même de Nouvelle-Calédonie, votre famille est toujours sur place ?
00:10 - Oui exactement, toute ma famille actuellement sort place depuis le début de ces émeutes.
00:16 Je suis originaire de là-bas avec une famille qui est depuis déjà six générations.
00:21 - Six générations, vous êtes ce qu'on appelle un caldoche ?
00:23 - Exactement.
00:24 - Voilà, donc c'est quoi d'ailleurs un caldoche pour ceux qui nous écoutent, qui ne connaissent pas la Nouvelle-Calédonie ?
00:29 C'est ce qu'on appelle les européens en fait ? Ce sont les blancs de Nouvelle-Calédonie ?
00:33 - Ça va être... C'est ce qu'on appellerait plus les destins forcés, Jean-Marie.
00:37 C'est les personnes qui sont arrivées à l'époque du Bagnes, qui n'ont pas forcément demandé à être envoyées sur place,
00:46 et dont je suis originaire. Pour autant mes racines sont profondément là-bas et je me sens calédonien.
00:51 - Mais vous êtes de là-bas et vous dites bien calédonien, c'est-à-dire avec tout le monde vous le disiez,
00:56 c'était une colonie pénitentiaire entre autres, et un certain nombre de Bagnards ont été envoyés de force là-bas,
01:03 parfois même des communards, des révolutionnaires aussi, qui y ont passé plusieurs jours.
01:07 Vous descendez donc de ces gens-là, vous vous sentez calédonien.
01:10 Est-ce que calédonien, au-delà du titre administratif, ça existe toujours aujourd'hui ?
01:15 Quand on parle à des habitants sur place, on a l'impression que d'un côté vous avez des caldoches,
01:19 de l'autre vous avez des canaks, parfois vous avez aussi des walisiens par exemple, des immigrés,
01:24 mais que ces communautés différentes ne se parlent pas, ne vivent pas ensemble,
01:27 ils sont complètement face à face.
01:29 - Eh bien il faut rétablir la vérité, ce serait tout à fait caricatural d'en arriver à ces propos.
01:35 Je vous dis, j'ai quitté l'île à 18 ans, le vivre ensemble, il existe.
01:40 Il passe par le sport, j'ai moi-même fait 10 ans d'athlétisme,
01:44 quand on part en déplacement, on est tous dans l'avion, on fait du sport tous ensemble, et c'est génial.
01:49 Les vacances, c'était en tribu pour moi, certaines des vacances je les passais chez des familles canaks,
01:57 dont je suis encore en contact et qui me disent qu'ils déplorent actuellement la situation.
02:02 - Donc vous êtes en train de nous dire qu'on voit beaucoup d'images de violence, de haine, de racisme
02:07 de part et d'autre, mais que ce n'est pas la réalité majoritaire de cette île ?
02:11 - Non, on est face, je pense, à une minorité extrémiste et à des jeunes désœuvrés
02:17 qui sont en train de sombrer dans la violence et semer des troubles à des fins politiques.
02:24 Mais on peut même se poser la question, est-ce vraiment à des fins politiques
02:27 quand on détruit des centres médicaux, quand on détruit des centres de dialyse, des écoles, des médiathèques ?
02:34 - Ça montre aussi l'explosion d'une violence qui n'a pas de limite et qui donc vient forcément de loin.
02:40 Vous-même qui êtes originaire de la Nouvelle-Calédonie, dont la famille habite depuis 6 générations,
02:45 qu'est-ce qui fait que du jour au lendemain, une telle explosion a eu lieu après 3 référendums,
02:51 après 30 ans de processus de décolonisation et d'accord de paix ?
02:56 - Écoutez, je suis ici avec beaucoup d'humilité et je pense que c'est une question qui est très dure à répondre
03:02 tant le dossier est complexe. Et aujourd'hui, il va falloir que les dirigeants qui ont été pendant 30 ans au pouvoir
03:10 se mettent autour d'une table et ça va être la première question qu'il va falloir qu'ils se posent pour pouvoir apaiser la situation.
03:17 - Parlons maintenant des relations entre les différentes communautés, si tant est que ce soit toujours des communautés d'ailleurs.
03:24 Vous avez grandi là-bas. Est-ce qu'il y a du racisme aujourd'hui entre les différentes communautés ?
03:30 On a eu un certain nombre de témoignages qui nous disaient "je me fais insulter de sale blanc".
03:33 On a vu un certain nombre de documents où des canaques se faisaient insulter de sales canaques par exemple par des blancs.
03:40 Est-ce que le racisme existe toujours aujourd'hui ou pas ?
03:43 - Ce serait de mentir que de dire non. - Ça vous est déjà arrivé vous ?
03:49 - Oui, ça peut arriver. Mais est-ce qu'il faut céder à ça ?
03:54 - Ce n'est pas la question évidemment. - Il ne faut pas céder à ça.
03:57 - Avant de combattre un mal, il faut savoir aussi le nommer. Est-ce que le racisme est vraiment répandu ?
04:02 Est-ce qu'on est dans une société, la Nouvelle-Calédonie, et c'est une question que je vous pose de l'extérieur, je ne suis pas de Nouvelle-Calédonie.
04:08 Est-ce que c'est une société qui est marquée par le racisme, par les rapports racistes entre les uns et les autres ?
04:14 - Pas majoritairement. - Pas majoritairement.
04:17 Donc c'est un cliché pour vous, en tout cas c'est une caricature.
04:20 Qu'est-ce qui fait dans ce cas-là qu'aujourd'hui on assiste à une explosion de violence
04:24 et en face à des gens qui se protègent en faisant des barricades avec des armes en se disant "si on approche de ma maison, je vais ouvrir le feu".
04:31 Je vous le dis, c'est à mon sens une jeunesse qui est désœuvrée.
04:37 - Seulement des jeunes. - Oui, beaucoup de jeunes.
04:40 Pour s'en tirer une peur des uns envers les autres et réciproquement aussi.
04:44 Quand on a peur de son voisin en face, c'est qu'on le connaît mal.
04:47 Exactement, et je pense qu'on parle de vivre ensemble, et le vivre ensemble, il va falloir le remettre en place et il passe par comprendre la culture de l'autre.
04:57 On a grandi, j'ai moi-même grandi dans une famille où on m'a appris la culture de l'autre.
05:03 Et je le disais, j'ai découvert ce que c'était une tribu avant de découvrir la tour Eiffel à 18 ans.
05:08 - Et c'est ça le vivre ensemble. - Ce qui signifie que vous étiez plus près d'une tribu canaque que de la tour Eiffel.
05:12 Exactement. Donc je pense qu'il va falloir rétablir ça, ça va être très difficile, et je le dis avec beaucoup d'humilité,
05:20 parce qu'on a des gens qui s'autoprotègent, qui se sont fait littéralement attaquer pendant des jours.
05:25 Il va falloir réussir à leur expliquer que c'est tous ensemble qu'on va reconstruire ce pays.
05:31 Votre famille, elle est où en ce moment, elle fait quoi ?
05:33 Ma mère est confinée depuis lundi maintenant.
05:37 - À quel endroit de l'île ? - Dans Nouméa.
05:39 Mon oncle, lui, est dans le nord de l'île où c'est très calme, et voilà encore un bel exemple de vivre ensemble.
05:46 Il est au téléphone avec les chefs de tribu tous les jours.
05:49 J'essaie de le préciser, corriger moi si je dis une bêtise. Le nord de l'île, c'est la province nord, qui est majoritairement peuplée de canaques.
05:57 D'ailleurs, en faveur de l'indépendance en général, c'est beaucoup plus calme que Nouméa.
06:01 En revanche, il y a eu malheureusement un mort hier, un homme qui a tenté de forcer un barrage dressé par des émeutiers.
06:08 Les nouvelles qui vous viennent de la province nord, c'est quoi ?
06:10 Hier matin, c'était calme. Les tribus appellent au calme aussi. Mon oncle est en contact avec eux.
06:19 Il y a des réunions dans les villages où tout le monde, et toute ethnie confondue, je tiens à le préciser, ne veut pas de cette violence.
06:26 Donc vraiment, c'est des violences concentrées sur Nouméa.
06:29 Quelle peut être la sortie de crise ? Vous avez dit que vous mettez tous autour de la table.
06:33 Pour un français métropolitain comme moi, ou pour tous ceux qui nous écoutent, ou beaucoup d'entre eux,
06:38 ça paraît difficile à entendre quand on sait que les accords ont été appliqués pendant 30 ans,
06:42 qu'il y a eu trois référendums, pas un, pas deux, mais trois, et que malgré ça, ça ne suffit pas.
06:48 Est-ce que ça veut dire tout simplement qu'il faut à nouveau voter, par exemple, parce que trois référendums n'ont pas suffi ?
06:54 Ou alors qu'il faudrait imaginer qu'une partie de l'île se sépare de l'autre ?
06:58 Ce n'est pas si simple. Je n'aurai pas la réponse à vous apporter dans un premier temps.
07:04 Je pense que le message est à la paix, il est un retour au calme, à l'apaisement,
07:08 parce qu'on n'y arrivera pas avec de telles tensions.
07:11 Oui, ça c'est une évidence. Mais une fois que la réponse sécuritaire sera apportée,
07:15 on a parlé de ces 600 gendarmes envoyés par le ministère de l'Intérieur pour débloquer la grande route de l'île,
07:22 il restera toujours les raisons de cette explosion, et ce sera difficile d'y répondre, non ?
07:28 Il va falloir.
07:30 Il va falloir, coûte que coûte. Est-ce que vous pensez que dans quelques années, la Nouvelle-Calédonie sera toujours française ?
07:35 J'y tiens, parce que je me sens profondément calédonien, mais aussi profondément français.
07:41 Et qu'est-ce que vous dites à vos compatriotes calédoniens qui, eux, ne veulent pas l'imaginer ?
07:46 Eh bien écoutez, apprenons à vivre ensemble.
07:49 Malgré tout. Mais écoutez, ce sera ce message de paix qu'on retiendra aujourd'hui.
07:52 Merci beaucoup d'être venu le livrer sur Sud Radio.
07:55 On espère que votre famille se portera bien, que tout va bien se passer, que les violences finiront par se calmer.
08:00 Hugo Pontoni, je rappelle que vous êtes originaire de la Nouvelle-Calédonie,
08:03 et que votre famille est toujours éparpillée entre Nouméa actuellement et le nord de l'île.

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