• il y a 5 mois
Avec Pascal Perrineau, professeur à Sciences Po, auteur "Le goût de la politique" - Ed. Odile Jacob, ainsi que Julie Girard, philosophe, auteure “Les larmes de Narcisse” - Ed. Gallimard

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##EN_TOUTE_VERITE-2024-05-05##

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Transcription
00:00En toute vérité, chaque dimanche, entre 11h et midi, sur Sud Radio Sécurité, Économie Numérique, Immigration, Écologie.
00:11Pendant une heure chaque semaine, nous débattons sans tabou des grands enjeux pour la France d'aujourd'hui et de demain.
00:16Et ce dimanche, nous avons le plaisir de recevoir Pascal Perrineau, et Julie Gérard.
00:20Pascal Perrineau est politologue, il a été directeur du Cevipof, le centre de recherche politique de Sciences Po.
00:26Il enseigne toujours à Sciences Po, et même président de l'association des anciens élèves.
00:31Il est l'auteur du Goût de la politique aux éditions Odile Jacob, Julie Gérard est docteure en philosophie et écrivain.
00:38Elle vient entre New York et Paris.
00:40Les larmes de Narcisse, qui vient de paraître aux éditions Gallimard, abordent notamment la question du wokisme.
00:46Dans une tribune parue dans le Figaro, elle dénonce le vent d'antisémitisme qui traverse l'université américaine,
00:52et qui, selon elle, doit placer chacun devant ses responsabilités.
00:55Ensemble, nous allons nous intéresser à la révolte qui traverse aussi bien les universités françaises qu'américaines.
01:01De quoi cette révolte est-elle le nom ? Pourquoi se cristallise-t-elle sur la question israélo-palestinienne ?
01:07Quel est le poids de l'idéologie woke aux Etats-Unis ? Et jusqu'où ira le délire ?
01:11La jeunesse française est-elle sous influence américaine ?
01:14Tout de suite, les réponses de Julie Gérard et Pascal Perrineau, en toute vérité.
01:20En toute vérité, sur Sud Radio, Alexandre De Vecchio.
01:24Julie Gérard, Pascal Perrineau, bonjour.
01:26Bonjour.
01:27Bonjour.
01:29Ravis de vous recevoir sur ce plateau pour parler effectivement de ce qui se passe aussi bien à Columbia qu'à Sciences Po Paris.
01:38Essayer d'analyser le phénomène en profondeur.
01:41Est-ce que c'est une révolte étudiante, traditionnelle,
01:44ou est-ce que ça s'inscrit finalement dans une sorte de révolution woke ?
01:48Et quelles sont les conséquences pour la société ?
01:51Julie Gérard, vous êtes écrivain.
01:53Vos romans sont des romans d'anticipation et en même temps, je dirais, des satires de la société contemporaine.
02:00« Les larmes de Narcisse » qui vient de paraître aux éditions Gallimard aborde notamment la question du wokisme.
02:05Finalement, est-ce que la réalité dépasse la fiction et même l'anticipation ?
02:11Oui, je crois malheureusement que la réalité dépasse largement la fiction.
02:16On observe aujourd'hui dans la société américaine une polarisation que j'ai essayé de montrer dans mon roman
02:23entre une gauche du parti démocrate qui épouse cette pensée woke et puis un trumpisme, un populisme de droite.
02:32Et donc cette polarisation est extrêmement forte dans la société américaine
02:38et on le voit aujourd'hui avec la crise des campus américains, notamment à l'université de Columbia.
02:44Il faut dire que depuis un peu plus d'une décennie, la pensée woke s'est infiltrée dans toutes les arcanes de l'institution universitaire
02:52au point de faire reculer les valeurs les plus importantes qui sont la recherche de la vérité,
02:59l'acquisition de connaissances et la liberté d'expression.
03:04Et je crois que dans ce qui se passe aujourd'hui sur les campus,
03:08on voit que l'idéologie woke est devenue en réalité un terreau fertile
03:15pour une instrumentalisation de la cause palestinienne par ces protestataires pro-palestiniens
03:23qui ont adopté, de mon point de vue, le logiciel woke.
03:28C'est-à-dire que quand on voit à Columbia, au sein de l'espace public de l'université,
03:34qui n'est d'ailleurs pas très loin de chez moi parce que j'habite aux Etats-Unis à New York,
03:40on se rend compte que la zone libérée est en réalité une translation de ce qu'on voit dans l'université des safe spaces.
03:48Il faut dire que les DEIB ont mis en place des...
03:51On n'est pas toujours encore familier avec tout le jargon woke.
03:55En France, qu'est-ce que c'est les DEIB ?
03:58Le DEIB, c'est un organe de l'administration universitaire,
04:02donc DEIB pour Diversité, Équité, Inclusion,
04:06qui a pour agenda de faire avancer les principes dits de justice sociale du wokisme
04:14et qui organise notamment dans les universités des safe spaces,
04:22c'est-à-dire des espaces où les étudiants victimes de microagressions
04:26peuvent se retrouver lorsqu'ils ont besoin de récupérer.
04:30Une microagression, c'est effectivement tout propos qui pourrait être considéré comme un dénigrement
04:36pour une personne issue d'un groupe dit marginalisé.
04:40Et donc on voit cet espace, ces safe spaces-ci, se retrouver dans la zone libérée,
04:45puisque quoi qu'on en dise, les protestataires pro-palestiniens
04:51qui ont installé ces campements n'ont pas toujours été très ouverts
04:55à l'idée qu'on vienne dialoguer avec eux.
04:58On a vu dans ces campements des tentes être montées
05:02avec des connotations identitaires,
05:05puisque vous aviez la tente des lesbiennes pour le génocide
05:10ou des hindous pour l'intifada.
05:12Et dans la dialectique qui est utilisée, dans la rhétorique,
05:15on a vu une porte-parole, ou en tout cas une jeune femme qui est venue devant le Hamilton Hall,
05:21qui a été un des bâtiments de l'Université de Columbia
05:24pris d'assaut par les manifestants dans lesquels ils se sont barricadés,
05:29venir expliquer que l'université avait un devoir de nourrir
05:35et d'apporter de l'eau aux personnes à l'intérieur
05:40et que cela constituait une aide humanitaire.
05:42Donc on voit bien que la rhétorique est utilisée par ces manifestants.
05:47Et pourquoi est-ce qu'ils l'utilisent ?
05:50Probablement aussi parce que ça permet de créer un mouvement solidaire
05:54vis-à-vis d'une cause qui touche évidemment tout le monde
05:57parce qu'on est tous inquiets d'une situation de guerre,
06:01mais qui, aux Etats-Unis, quand vous voyez les sondages,
06:05ne sont pas forcément les causes prioritaires des étudiants aujourd'hui.
06:08On a vu dans un sondage de Harvard au printemps 2024
06:11que parmi les causes prioritaires,
06:14la situation israélo-palestine arrivait dans les dernières causes mises en avant.
06:1934% seulement des 18-29 ans considèrent que c'est une priorité pour les Etats-Unis.
06:25On voit bien à quel point les manifestations ont essayé d'utiliser le logiciel WOC
06:31et parce que ce logiciel a permis aussi cette montée de l'identitarisme,
06:40à leur profit.
06:42Pascal Perrineau, si on se pose, c'est Colombien,
06:46est-ce qu'on peut vraiment faire la comparaison
06:49ou est-ce qu'on n'en est pas encore là ?
06:52Est-ce que vous avez des délits à Sciences Po ?
06:57Non, pas encore, heureusement.
06:59En effet, Sciences Po est touché par ce mouvement,
07:03mais nous n'en sommes pas au degré d'institutionnalisation du WOCisme qui existe.
07:10En effet, dans les universités américaines, je le ressens
07:14lorsque je vais enseigner chaque année aux Etats-Unis,
07:18dans des universités de la côte nord-est,
07:20l'WOCisme fait partie complètement de l'appareil universitaire.
07:25Je le raconte d'ailleurs dans mon livre sur le goût de la politique.
07:28Chaque année, à mon âge, je suis obligé de passer des examens
07:33pour vérifier si je suis un enseignant à l'abri de toutes les VSS,
07:40c'est-à-dire les violences sexistes et sexuelles,
07:42et si je suis un enseignant qui est capable de résister aux microagressions
07:48qu'il pourrait avoir vis-à-vis de telle ou telle minorité.
07:51Donc, chaque année, je passe ces examens,
07:53ce qui vous montre le degré d'institutionnalisation de ce WOCisme
07:58dans l'appareil universitaire américain.
08:00Alors, en France, cela a fait son chemin dans les universités, à Sciences Po,
08:08mais je crois que j'ajouterais au diagnostic que je partage entièrement de Julie Girard,
08:13j'ajouterais un élément.
08:15En France, il y a en particulier, dans le domaine de la sociologie,
08:21une école de sociologie qui est très dominante dans la sociologie française,
08:25qui est justement la sociologie qui a été portée pendant de très nombreuses années
08:30par ce sociologue qui s'appelle Pierre Bondieu,
08:34et qui est une sociologie de la domination, où tout est domination,
08:38où on est à la recherche sans cesse de la domination
08:42dans le domaine sexuel, dans le domaine épique, dans le domaine culturel,
08:47dans le domaine social, bien sûr.
08:49Et, quelque part, le WOCisme américain, nord-américain,
08:54s'est matiné de cette sociologie de la domination
08:58pour pénétrer en particulier les universités de sciences sociales en France.
09:06Et cette sociologie de la domination est très souvent le relais de ce WOCisme.
09:12D'autre part, il faut bien se dire que, peut-être contrairement aux États-Unis,
09:18il y a une instrumentalisation politique qui est évidente par la France insoumise.
09:26La France insoumise a choisi, particulièrement aujourd'hui,
09:30où elle ne rencontre plus le succès électoral,
09:33il suffit de regarder les scores prévus pour la liste de la France insoumise,
09:39quand ils atteignent 8%, c'est le maximum,
09:43et d'autre part, le vieux rêve qu'ils avaient de reconstituer une union de la gauche autour d'eux,
09:49la fameuse Nupes, tout ça s'est brisé totalement.
09:53Et donc, la France insoumise revient à une stratégie groupusculaire,
09:57à une stratégie d'agitation et de propagande.
10:03Et il faut voir, particulièrement à Sciences Po, que depuis maintenant quelques semaines,
10:07dès qu'il y a une mobilisation, il y a aux côtés de la minorité, bien sûr, d'étudiants
10:13qui cherchent à bloquer l'institution, il y a des députés de la France insoumise.
10:19Et cela correspond également à ce que l'on a appelé, tout le monde avait ricané un peu à l'époque,
10:26l'islamo-gauchisme. L'islamo-gauchisme est tenace.
10:30Une réalité, d'ailleurs qui n'est pas nouvelle,
10:34et dans laquelle on assiste à un rapprochement extrêmement fort
10:40de milieux radicaux de l'islamisme et de milieux radicaux de la gauche.
10:46C'est ce qu'on appelle l'islamo-gauchisme.
10:48Aujourd'hui, on est au peur de cet islamo-gauchisme.
10:51Un exemple chimiquement pur.
10:53Comment ça se passe concrètement à Sciences Po ?
10:57Est-ce que c'est la majorité des élèves qui sont dans cette logique-là ?
11:02Est-ce que c'est une minorité bruyante ?
11:05Vous nous avez parlé de députés insoumis qui sont aux côtés des élèves dans les manifestations.
11:10Est-ce qu'il y a aussi des gens extérieurs à Sciences Po
11:13qui pourraient venir de groupuscules de gauche qui instrumentalisent Sciences Po ?
11:19Peut-être même des personnes qui seraient liées à l'islamisme ?
11:23Comment vous analysez les choses ?
11:27On peut distinguer deux choses.
11:29Il y a ce qui se passe à l'intérieur de Sciences Po.
11:31Vous savez, on ne peut pas rentrer à Sciences Po n'importe comment.
11:34Il y a des contrôles par des agents de sécurité aux portes et cela en permanence.
11:40Normalement, sur les lieux de Sciences Po,
11:42ne peuvent rentrer que des étudiants ou des collaborateurs de Sciences Po.
11:47Et là, on voit qu'il y a une minorité, une minorité conséquente,
11:52mais une minorité nette d'étudiants qui ont choisi la voie de l'affrontement,
11:58du blocage, de la perturbation des cours, de l'occupation de locaux,
12:03de l'interruption de cours,
12:05et qui a tendance à transformer depuis quelques semaines Sciences Po
12:10en espace de meeting permanent.
12:12De meeting et non pas de lieu de débat.
12:14Parce que s'il y avait des lieux de débat, pourquoi pas ?
12:16C'est tout à fait légitime qu'il y ait des débats entre pro-palestiniens,
12:21pro-israéliens.
12:23Voilà, ça c'est tout à fait légitime.
12:25Mais ce n'est pas le cas.
12:26Ce sont des espaces de meeting unilatéraux
12:29où s'expriment toujours les mêmes,
12:32et en particulier le comité palestinien qui réunit ces étudiants radicaux.
12:38Et puis, en dehors de Sciences Po, dans la rue, bien sûr,
12:41cette minorité reçoit le soutien, en effet,
12:45des milieux qui sont à la fois des milieux de l'extrême-gauche radicale
12:50et des milieux islamistes très sensibilisés, en effet,
12:55au drame qui se déroule à Gaza,
12:58aujourd'hui dans le sud de Gaza, autour de Rafa.
13:01Donc, il y a, selon que l'on situe dans l'espace de Sciences Po,
13:07ou en dehors de Sciences Po,
13:09des masses qui sont différentes.
13:11Mais, l'immense majorité des étudiants de Sciences Po
13:14a envie de travailler.
13:16Et, au fond, a une conception juste de l'institution universitaire.
13:21Une institution universitaire, ça n'est pas un lieu de meeting,
13:26ça n'est pas un lieu militant.
13:28C'est un lieu où on transmet des savoirs, entre enseignants et enseignées.
13:33C'est un lieu, en effet, où on s'éduque,
13:36où on vous évalue et on vous prépare à entrer dans la vie professionnelle.
13:41Et je crois que les institutions, il faut faire son autocritique,
13:45les institutions universitaires et Sciences Po
13:48ont intérêt, à l'avenir, à ne pas se transformer en autre chose
13:53qu'une institution universitaire,
13:55c'est-à-dire une institution de transmission du savoir.
13:58Et, en particulier, il faut que les institutions universitaires
14:01cessent de prendre position sur des enjeux de politique nationale
14:06ou internationale sans cesse.
14:08Ça n'est pas leur rôle.
14:10Il y a pour ça des partis, des syndicats, des églises, des associations,
14:16qui d'ailleurs ont une représentation, les associations à Sciences Po même.
14:21Donc, laissons faire ce jeu.
14:23Mais ça n'est pas à l'institution, en tant que telle,
14:26ça n'est pas du tout son rôle de prendre position
14:29ou de déterminer ce qui est le bien et ce qui est le mal.
14:33On en continue à en discuter, Pascal Perrineau.
14:36Après une courte pause, toujours avec Julie Gérard,
14:40on aura le temps d'y revenir, d'approfondir la conversation
14:44et de voir aussi si, aux États-Unis,
14:47les institutions universitaires sont définitivement devenues des églises
14:51pour reprendre la formule de Pascal Perrineau.
14:53A tout de suite sur Sud Radio, En Toute Vérité.
14:55En Toute Vérité, sur Sud Radio, Alexandre de Vicchio.
14:59Nous sommes de retour, En Toute Vérité, sur Sud Radio,
15:02avec Pascal Perrineau et Julie Gérard.
15:05Pascal Perrineau, politologue, enseignant à Sciences Politiques Paris.
15:11Julie Gérard, écrivain, écrivain qui vit aux États-Unis, à New York,
15:16qui a écrit notamment sur la question du wokisme,
15:19dont nous parlons ce matin.
15:22Essayons de comprendre de quoi la révolte des universités françaises et américaines
15:27est-elle le nom.
15:28Mais d'abord, un mot sur votre livre, Julie Gérard.
15:31On l'a dit, c'est un livre qui parle de la question du wokisme,
15:35qui est à la fois un roman d'anticipation et une satire.
15:39Il commence par cette scène, par cette mésaventure
15:43arrivée à l'un de vos personnages, qui est un présentateur vedette,
15:46Kevin Thompson, et qui, dans l'une des émissions
15:49les plus importantes des États-Unis, reçoit un rappeur
15:54et ose lui demander s'il ne trouve pas contradictoire
15:56de défendre la lutte contre le racisme que subissent les Noirs
15:59et d'appeler à la violence contre les Blancs.
16:01Sur ce, il est banni de l'espace public,
16:04ça déclenche une énorme polémique,
16:06mais on a presque envie de la remettre dans le contexte actuel.
16:10Les woks prêchent d'un côté la tolérance,
16:13mais est-ce qu'il n'y a pas une contradiction
16:15entre vous prêcher la défense légitime du peuple palestinien
16:21et vouloir la destruction d'Israël ?
16:23Oui, je crois que vous pointez là la plus grande contradiction
16:26de la crise universitaire aujourd'hui.
16:28Effectivement, qu'on soit en empathie avec le peuple palestinien,
16:33nous le sommes tous, mais qu'en même temps,
16:36on fasse d'Israël la mère de tous les maux,
16:40et qu'un vent d'antisémitisme souffre comme ça sur les universités,
16:44parce que je crois que, c'est peut-être pas nouveau,
16:47mais depuis le 7 octobre, c'est très palpable,
16:49et dans la crise qu'on voit dans les universités actuellement,
16:53on voit des propos antisémites très forts
16:56quand on dit à des Juifs de retourner en Europe ou en Pologne,
16:59lorsqu'on dit à des étudiants juifs qu'ils ne peuvent pas assister à des cours
17:04parce qu'ils ont déclaré que la vie des Juifs comptait
17:07et que c'était considéré comme une manifestation d'hostilité,
17:10on peut quand même s'interroger sur le camp du bien et le camp du mal,
17:14parce que tout de même, c'est un paradoxe qu'ils entretiennent
17:21et qui a pour objectif, de mon point de vue,
17:25récupérer le statut de victime des Juifs
17:29et le renverser pour les faire rentrer dans le camp des oppresseurs,
17:33des dominants de l'Occident, du blanc qui y dominerait,
17:39et que tout le wokisme s'acharne à vouloir écarter.
17:44Est-ce que vous diriez que le wokisme aujourd'hui est une forme de racisme à l'envers,
17:49de revanchisme des minorités à l'égard des Blancs et peut-être des Juifs
17:55qui sont d'une certaine manière considérés comme le symbole absolu
18:00justement de ce que les Woks appellent le mal blanc occidental ?
18:04Oui, je crois qu'on est dans une logique de renversement,
18:08dans une logique de ressentiment,
18:11on est au cœur du ressentiment et qu'effectivement,
18:15il y a une volonté, il y a une association du Juif,
18:20de l'État d'Israël avec le capitalisme,
18:22avec tout ce que les Woks essaient de déconstruire depuis plus de dix ans.
18:27C'est pour ça que vous parlez dans la tribune au Figaro d'antisémitisme aujourd'hui ?
18:33Oui, parce que le 7 octobre, si vous voulez, le pogrom du Hamas arrive
18:39et le lendemain, vous avez une université comme Harvard
18:42dont la présidente garde le silence,
18:45alors que ça fait quand même plus de dix ans que l'université ne cesse de se positionner.
18:50Et là, je reviens à Pascal Perrineau et je suis d'accord avec lui
18:53sur le fait que la politique n'a rien à faire à l'université.
18:56Mais quand vous avez politisé et vous avez pris parti pour Black Lives Matter,
19:00pour la marche à la suite du décès de Georges Fleck,
19:03quand vous avez pris parti sur beaucoup de causes
19:06et que là survient le pogrom et que vous ne dites rien,
19:09vous alimentez quand même.
19:11Voir certains ont parlé de résistance, je crois,
19:13et ont pris parti pour les terroristes au moment du 7 octobre.
19:17Oui, clairement, sur les étudiants.
19:18Là, je m'attachais plus à l'ancienne présidente.
19:21À l'ancienne présidente qui a démissionné,
19:23mais qui n'a pas démissionné pour ça finalement,
19:25qui a démissionné pour une affaire de plagiat.
19:28Effectivement, mais qui a été poussée à démissionner aussi
19:30grâce, je dirais, à l'action des grands donateurs
19:33qui, à un moment donné, ont dit que ce n'est plus possible.
19:36Pascal Perrineau, vous nous disiez avant la pause
19:40que l'université doit être une institution qui transmet les savoirs
19:44et n'a aucun intérêt à devenir un lieu de meeting politique.
19:49La dérive des universités et de l'enseignement supérieur français
19:52paraît moins accentuée qu'aux Etats-Unis.
19:56Mais malgré tout, est-ce qu'il n'y a pas eu un glissement depuis quelques années ?
20:01Je pense en particulier à Sciences Po Paris.
20:05Aujourd'hui, on parle, on se réveille,
20:08on parle d'islamo-gauchisme, de gauchisme.
20:10Mais est-ce que ce n'est pas aussi une lente évolution
20:13qui date de Richard Décoin, aujourd'hui disparu,
20:16et c'est difficile de parler de quelqu'un qui est disparu,
20:20mais qui avait commencé, d'une certaine manière,
20:24cette rupture et qui était fasciné par le modèle américain.
20:28Je me souviens que Sciences Po avait fait le Hijad d'il y a quelques années,
20:35donc il y avait déjà cette logique de quota, de multiculturalisme
20:38qu'il a intégré à Sciences Po il y a une vingtaine d'années,
20:42peut-être maintenant, ou une quinzaine d'années.
20:44Donc, est-ce qu'il n'y a pas une lente évolution
20:48et est-ce que là, on est à la croisée des chemins, en quelque sorte ?
20:51La fascination du modèle américain,
20:54en particulier sur le terrain universitaire, est évidente.
20:57C'est une fascination évidente qui est liée au fait
21:02qu'en regardant les classements internationaux,
21:05en effet, les universités américaines sont,
21:07sur le marché international, extrêmement bien positionnées.
21:12Et il y a de la part, à la fois des étudiants
21:15et d'une partie des enseignants et des chercheurs,
21:18un tropisme nord-américain.
21:21Et ce tropisme nord-américain a amené dans un premier temps
21:25ce qu'on pourrait appeler simplement une fascination
21:28pour le modèle d'une société multiculturelle
21:31et une certaine allergie au modèle de la société française
21:37universaliste et républicaine.
21:40Il y a eu là un malentendu qui s'est peu à peu développé
21:45et qui s'est ensuite durci sous la forme de ce dont on parle ce matin,
21:50le wokisme.
21:52En effet, forme de racisme inversé, forme d'enfermement identitaire.
21:57Parce que moi, ce qui me frappe, c'est qu'aussi bien aux États-Unis
22:01que dans les dérives wokistes que peuvent connaître
22:05certaines institutions universitaires,
22:08il y a une volonté d'enfermer les individus
22:12dans leur appartenance identitaire.
22:15C'est quelque chose de terrible, quoi.
22:18On est un vieux, mâle, blanc, et on n'en sort pas.
22:24Et il y a une forme d'incapacité à considérer
22:28qu'il est légitime de prendre de la hauteur,
22:32de s'émanciper.
22:34D'ailleurs, pardonnez-moi, je vous coupe,
22:37c'est valable dans l'idéologie wok et pour les bourreaux,
22:41selon eux, et pour les dominants,
22:43qui sont ad vitam æternam des blancs colonisateurs
22:47et qui ne peuvent pas en sortir.
22:48Mais c'est valable aussi pour les victimes
22:50qui, de père en fils, en arrière-petit-fils,
22:53sont pour toujours, quel que soit leur niveau social,
22:56leur parcours dans la vie,
22:57enfermés dans un statut de victime.
23:00Or, l'ondition et la beauté du modèle français
23:04et du modèle républicain dont Sciences Po est porteur,
23:08dont Sciences Po a été créé
23:09dans la seconde moitié du XIXe siècle,
23:11justement pour donner un souffle
23:14à cette culture universaliste républicaine,
23:18c'est de dire aux jeunes que l'on forme
23:20que quelles que soient vos origines,
23:22vos enracinements,
23:24vous pouvez, quelque part,
23:26vous libérer de ces appartenances.
23:29Vous pouvez, dans le modèle de la citoyenneté,
23:32prendre de la hauteur.
23:34Et c'est ça, la liberté.
23:36Et la liberté, ce n'est pas du tout
23:39de fonctionner sur un mode communautaire
23:41dans lequel vous êtes admittam aeternam,
23:45enfermés, assignés à résidence communautaire.
23:49Et le combat, il faut le mener
23:52parce que nous sommes un peu à la croisée des chemins
23:55et il y a d'un côté, au fond,
23:57un projet qui est un projet d'asservissement
23:59et de l'autre côté, un projet de liberté.
24:02C'est pour ça qu'il ne faut pas
24:04transiger de manière excessive.
24:07Il y a un combat extrêmement important à mener.
24:10Et vous voyez, moi je suis, par exemple,
24:13dans ce qui se passe à Sciences Po,
24:16je comprends l'émotion
24:19d'étudiants sur ce qui se passe
24:22à Gaza, en particulier lorsque ces étudiants
24:25sont eux-mêmes musulmans,
24:27ont des liens avec
24:30la communauté éventuellement palestinienne
24:33où on fait un séjour à Gaza.
24:36Je comprends très bien.
24:37Mais ce qui m'inquiète beaucoup plus,
24:39c'est qu'il n'y a, par exemple,
24:42dans les prises de position de ces étudiants,
24:44aucun mot sur le 7 octobre.
24:47Et donc, il y a une forme d'indignation sélective.
24:50Il n'y a aucun mot, à l'heure actuelle,
24:52sur les 120 et quelques otages
24:55qui croupissent dans les prisons du Hamas
24:59et dans les geôles du Hamas.
25:00Autant ça ne s'apporterait pas à conséquence
25:03de dire que, voilà,
25:05ces étudiants sont aussi préoccupés
25:07par la détention de ces otages
25:09et pourtant rien ne vient.
25:11C'est ça qui est préoccupant
25:12parce qu'au fond,
25:14voire arrête derrière cela,
25:16une haine d'Israël
25:18et, de temps à autre,
25:20il faut bien dire,
25:22un véritable antisémitisme.
25:24Et il n'y a aucun modèle culturel républicain,
25:29aucune université française
25:31ne peut tolérer des espaces
25:34dans lesquels se réinvente
25:36un nouvel antisémitisme.
25:37Merci Pascal Perrineau.
25:39Merci Julie Girard.
25:40On poursuit la conversation
25:42après une courte pause sur Sud Radio.
25:46On verra aussi si ce wokisme
25:48dépasse finalement le microcosme universitaire
25:51et se répand dans toute la société,
25:53si c'est le cas aux Etats-Unis,
25:54si c'est le cas en France.
25:55A tout de suite sur Sud Radio.
25:57En toute vérité.
25:58En toute vérité sur Sud Radio.
26:00Alexandre De Vecchio.
26:04Nous sommes de retour en toute vérité sur Sud Radio
26:07avec Pascal Perrineau,
26:09professeur à Sciences Po,
26:11politologue,
26:13ancien président
26:15de l'association des anciens élèves
26:17de Sciences Po,
26:19et Julie Girard,
26:21écrivain, essayiste.
26:23Le dernier roman,
26:25Les larmes de Narcisse,
26:28ça aborde notamment
26:30la question du wokisme.
26:32J'avais une question pour vous, Pascal Perrineau.
26:34Je précisais que vous étiez également
26:36président de l'association
26:38des anciens élèves
26:40de Sciences Po.
26:42On parle beaucoup aujourd'hui du wokisme.
26:44Certains comparent
26:46à mai 68 et expliquent que finalement
26:48les universités
26:50Sciences Po
26:52ont toujours été des lieux,
26:54des bastions du gauchisme,
26:56d'une certaine révolte étudiante.
26:58Est-ce que
27:00la situation est si nouvelle ?
27:02Est-ce que c'est une rupture
27:04avec le passé ou est-ce que c'est
27:06une révolte étudiante finalement
27:08comme on en a vu, une parenthèse
27:10gauchiste qui va finir par passer
27:12avec le temps ?
27:14Bien sûr, les universités ont toujours été,
27:16on le sait depuis presque
27:18la nuit des temps,
27:20un lieu où s'exprimaient en effet
27:22des agitations,
27:24où se construisaient des mobilisations,
27:26mobilisations souvent contre
27:28des réformes touchant
27:30l'université, il y en a eu de multiples
27:32dans le passé, ou bien des mobilisations
27:34mais qui avaient une dimension générale.
27:36Vous mentionnez mai 68,
27:38il y a dans les mobilisations
27:40de mai 68 l'idée
27:42qu'il faudrait construire radicalement
27:44une autre société, une autre
27:46culture, etc.
27:48Là, il s'agit d'autre chose.
27:50Il s'agit en effet d'une mobilisation
27:52qui a une très forte dimension
27:54d'enfermement
27:56communautaire,
27:58typique en effet
28:00du gauchisme, et qui à cet égard
28:02est un peu nouvelle dans le
28:04paysage, et qui d'une certaine
28:06manière se prive
28:08d'aller plus loin. Pourquoi ?
28:10Parce que l'immense majorité des étudiants,
28:12même si ces étudiants
28:14ont de la sympathie
28:16pour les souffrances du peuple palestinien,
28:18l'immense majorité de ces étudiants
28:20n'a aucune envie
28:22de cet enfermement communautaire
28:24que leur propose le gauchisme.
28:26Ils ont
28:28entre 18 et 25 ans,
28:30c'est l'âge où l'on explore
28:32sa liberté,
28:34où l'on construit ses choix
28:36en liberté, où l'on s'arrache
28:38à ses déterminations familiales
28:40et culturelles et autres.
28:42Et donc d'une certaine manière
28:44je crois, et on le voit en France
28:46aujourd'hui, certes il y a une agitation
28:48ici et là, dans quelques
28:50IEP, Sciences Po,
28:52en région, dans quelques universités,
28:54mais il ne faut pas croire
28:56que le mouvement se répand
28:58sur l'ensemble du système universitaire
29:00comme certains
29:02voudraient bien croire, ou comme certains l'appellent
29:04de leur vœu. C'est une erreur
29:06de ce diagnostic.
29:08Julie Girard, est-ce qu'aux Etats-Unis, en revanche,
29:10ça s'est répandu sur
29:12tout le système universitaire ?
29:14Et qu'est-ce que ça dit sur les
29:16futures élites américaines ?
29:18Est-ce que ce n'est pas inquiétant ?
29:20Est-ce que le phénomène est minoritaire ?
29:22Est-ce qu'il existe des universités non woke ?
29:24Et
29:26en quoi ça
29:28modifie peut-être
29:30les équilibres politiques futurs ?
29:32Je crois foncièrement que le problème
29:34va bien au-delà de l'université aux Etats-Unis,
29:36qu'on le retrouve aujourd'hui
29:38dès la petite école, à l'école primaire,
29:40puisque les écoles de certains Etats ont déjà
29:42des DEI dès l'enfance.
29:44Je suis désolé.
29:48Les organes de diversité, équité et inclusion
29:50qui sont en réalité, d'une certaine
29:52manière, des organes qui, au fond,
29:54devraient faire avancer
29:56l'égalité et la justice sociale,
29:58mais qui sont plus là pour censurer
30:00et mettre en œuvre
30:02la pensée woke.
30:04À partir du moment où vous avez
30:06ces organismes dans des écoles
30:08de primaire, où vous avez de la censure
30:10nécessairement de livres, parce
30:12qu'il ne faut pas heurter les sensibilités des enfants,
30:14parce qu'on va vous expliquer qu'un livre
30:16qui a un terme discriminant
30:18doit être retiré.
30:20Que peuvent lire nos enfants ?
30:22C'est-à-dire qu'ils ne font pas l'épreuve dans la fiction
30:24du monde d'aujourd'hui.
30:26Ou d'hier.
30:28Ne serait-ce que pour combattre le racisme, il faut
30:30comprendre qu'il a existé, comment, dans quel contexte,
30:32etc.
30:34On voit d'ailleurs aujourd'hui, dans certains sondages,
30:36que 20% des jeunes de moins de 30 ans
30:38pensent que l'Holocauste est un mythe.
30:40Mais si on ne leur fait pas lire l'histoire,
30:42si on ne leur raconte pas ce qui s'est passé,
30:44ils ne peuvent pas le connaître.
30:46Ensuite, ça va de l'école primaire
30:48jusqu'à l'université, et ensuite sur le marché
30:50du travail. C'est-à-dire qu'aujourd'hui,
30:52des entreprises, notamment en tech,
30:54je pense notamment aux GAFAM,
30:56sont énervées par la pensée woke.
30:58Vous avez des tan-holes chez Google régulièrement.
31:00Les fameux tan-holes
31:02de Sciences Po.
31:04Exactement.
31:06Le problème, c'est que la tech est en train d'orchestrer
31:08les modèles de langage
31:10qui vont être dans nos téléphones,
31:12dans nos ordinateurs, et donc tout ce qui est
31:14intelligence artificielle va être
31:16probablement heurté
31:18par ça. C'est ce que vous écrivez notamment
31:20dans une tribune au Figaro,
31:22chat GPT et l'intelligence
31:24artificielle woke.
31:26On l'a vu notamment avec
31:28Gemini AI aussi.
31:30Ce sont des modèles qui, par définition,
31:32notamment Gemini, est fondé sur
31:34trois LLM, donc trois modèles de langage,
31:36et ces trois modèles de langage intègrent
31:38le règlement des huiles, ou les principes des huiles
31:40de l'entreprise. Et c'est pour ça qu'on s'est retrouvés
31:42avec des photographies de
31:44nazis noirs ou des
31:46papes femmes.
31:48Ce qui résulte de la
31:50manière dont vous mettez en place le modèle.
31:52Il est très compliqué de calibrer
31:54le modèle.
31:56Généré par l'outil.
31:58C'est pour que les auditeurs
32:00comprennent bien.
32:02On sait que c'est très compliqué de calibrer
32:04aussi, mais en même temps,
32:06si vous incluez des biais woke,
32:08la machine sera woke.
32:10Et si la machine remplace
32:12le professeur dans quelques
32:14années, ça peut être effectivement inquiétant
32:16pour
32:18nos enfants.
32:20Quelles conséquences tout ça a sur
32:22la société américaine ? C'est aussi
32:24le principal carburant, j'imagine,
32:26du trumpisme qui fait son
32:28grand retour aux Etats-Unis.
32:30Qui n'est jamais parti d'ailleurs,
32:32mais qui pourrait l'emporter à la prochaine
32:34présidente. Je crois que pour
32:36Joe Biden, la donne
32:38va être compliquée parce que son
32:40aile gauche lui le met
32:42en demeure de répondre
32:44sur la situation israélo-palestinienne
32:46et puis d'être beaucoup plus radical.
32:48Alors que
32:50les démocrates modérés
32:52ne se retrouvent pas nécessairement dans son
32:54programme. On voit que les jeunes
32:56soutenaient à 61% Biden à la
32:58dernière élection et qu'ils sont aujourd'hui
33:00à 50%. Donc clairement
33:02Donald Trump apparaît
33:04potentiellement comme une alternative
33:06à ce
33:08parti démocrate qui a du mal à faire
33:10le grand écart.
33:12Je vous disais, les conséquences que ça
33:14a potentiellement sur les futures élites,
33:16parce que les grandes universités américaines,
33:18d'ailleurs comme Sciences Po à Paris, sont censées
33:20former
33:22les dirigeants
33:24de demain.
33:26Est-ce que ça laisse augurer finalement
33:28d'une guerre culturelle ?
33:30C'est comme ça qu'on appelle ça aux Etats-Unis,
33:32permanente entre les
33:34wokistes et ceux qu'on appelle
33:36les populistes ? Très certainement et on voit
33:38d'ailleurs que c'est déjà le cas.
33:40Clairement, vous avez quand même
33:42les jeunes générations qui rentrent sur
33:44le marché du travail aujourd'hui sont passées par ces universités.
33:46On voit aussi qu'il y a
33:48deux Amériques qui se dessinent très
33:50clairement aujourd'hui, par État même.
33:52Vous avez quand même la Floride
33:54de Ron Desantis ne propose
33:56pas les mêmes principes,
33:58en tout cas dans ses universités par exemple,
34:00qu'un État comme la Californie. Donc clairement,
34:02il y a une polarisation qui ne cesse de
34:04s'accroître dans la vie de tous les jours, dans le marché
34:06du travail. Les gens ont de plus en plus de mal à se
34:08parler quand ils sont de bord opposés
34:10et donc on arrive vraiment
34:12à une paralysie je crois.
34:14C'est le scénario de, pour vous qui aimez
34:16la science-fiction, de Civil War, le film
34:18qui sort actuellement
34:20en France. Je ne sais pas si vous l'avez vu.
34:22Je n'ai pas eu encore l'occasion de le voir.
34:24Pascal Perrineau,
34:26votre regard de
34:28politologue là-dessus,
34:30est-ce que vous avez pu observer
34:32la société américaine ? Est-ce que c'est
34:34une polarisation qui vous inquiète ?
34:36Est-ce que vous redoutez que
34:38cette polarisation
34:40se transporte
34:42en France et est-ce que ce n'est pas
34:44déjà un peu le cas d'une certaine manière ?
34:46Ce n'est pas ce qu'on vit ces derniers jours.
34:48Oui, je partage
34:50à cet égard totalement ce que vient de
34:52dire Julie Girard. Moi j'enseigne
34:54depuis 20 ans aux
34:56Etats-Unis chaque année
34:58et depuis 20 ans
35:00on assiste à une véritable dérive
35:02des continents. Il y a
35:0420 ans, les démocrates parlaient
35:06aux républicains, les républicains parlaient aux démocrates.
35:08Il n'y avait pas de
35:10guerre culturelle.
35:12Au fond, ces citoyens démocrates
35:14et ces citoyens républicains
35:16partageaient nombre de valeurs.
35:18Ils s'opposaient bien sûr sur
35:20des éléments de politique économique,
35:22sur des traditions familiales,
35:24etc. Mais au fond,
35:26il n'y avait pas de coupure.
35:28On assiste, en tout cas depuis 10 ans,
35:30à une dérive des continents
35:32phénoménale dans toutes les enquêtes
35:34faites aux Etats-Unis.
35:36On s'aperçoit en effet qu'aujourd'hui
35:38le peuple républicain
35:40ne partage presque plus aucune valeur
35:42avec le peuple démocrate
35:44et vice versa.
35:46C'est extrêmement dangereux
35:48parce que cela veut dire que ces démocraties
35:50ne peuvent plus faire société.
35:52Quand on n'a plus de langage commun,
35:54quand on n'a plus de terrain commun,
35:56quand on ne peut plus penser ensemble
35:58le bien commun des sociétés,
36:00on rentre dans un processus
36:02de ce que vous appelez la guerre culturelle,
36:04de ce que
36:06un grand penseur américain,
36:08Hamilton, appelait jadis le choc des civilisations,
36:10à l'intérieur même
36:12de nos sociétés.
36:14Et ça, c'est extrêmement dangereux.
36:16On n'en est pas encore là
36:18mais attention,
36:20on parle beaucoup en France
36:22de fractures sociales,
36:24de fractures culturelles,
36:26de fractures territoriales.
36:28N'ajoutons pas à ces fractures
36:30dont souffre de manière évidente
36:32beaucoup la société française
36:34et la démocratie française,
36:36une fracture qui serait une fracture culturelle.
36:38Mais on voit bien
36:40et la violence dont parle beaucoup,
36:42la violence endémique
36:44dont parle beaucoup en ce moment
36:46l'omovia à juste titre,
36:48qui secoue la jeunesse française,
36:50qui secoue de nombreuses villes
36:52et de nombreux quartiers,
36:54est tout à fait endémique de cela.
36:56Quand on n'a plus
36:58rien à se dire en commun,
37:00on s'éloigne,
37:02c'est ce qu'on peut espérer de mieux,
37:04ou bien on s'affronte.
37:06Et on s'affronte par la violence.
37:08Il y a un passage à l'acte
37:10qui est extrêmement inquiétant,
37:12on ne supporte plus l'autre,
37:14on n'arrive même plus à l'entendre
37:16et donc le seul moyen
37:18c'est on sort sa lame,
37:20comme disent certains jeunes,
37:22et on trucide celui qui est en face de soi.
37:24Véritablement, ce n'est pas un avenir
37:26enviable pour la société française.
37:28Merci Pascal Perrineau,
37:30merci Julie Gérard.
37:32On se retrouve après une courte pause
37:34pour la dernière partie de cette émission sur Sud Radio.
37:36Toujours en toute vérité, à tout de suite.
37:42Nous sommes de retour sur Sud Radio
37:44en toute vérité avec
37:46Julie Gérard, écrivain
37:48essayiste qui s'intéresse
37:50notamment à la question Woke
37:52dans son dernier livre qui parle aussi
37:54des nouvelles technologies.
37:56Il y a beaucoup de sujets dans votre livre.
37:58Les larmes de Narcisse, c'est aux éditions
38:00Guedlimar, mais il y a notamment
38:02cette satire du Woke.
38:04C'est de l'anticipation, mais ça ressemble
38:06beaucoup à la réalité.
38:08Pascal Perrineau,
38:10vous êtes
38:12politologue,
38:14essayiste,
38:16professeur à Sciences Po.
38:18Votre dernier livre, Le goût de la politique
38:20aux éditions Odile Jacob.
38:22J'avais du coup envie de vous poser
38:24une question là-dessus,
38:26sur le goût de la politique.
38:28Justement, la politique finalement,
38:30c'est le combat, mais c'est le combat
38:32autour d'idées,
38:34de projets.
38:36Est-ce que les étudiants Woke
38:38ont perdu en quelque sorte le goût
38:40de la politique, puisqu'ils ne sont plus
38:42capables de dialoguer, de débattre,
38:44et veulent tout simplement effacer
38:46leurs adversaires ?
38:48Tout à fait. Et surtout,
38:50si vous voulez, le goût
38:52de la politique,
38:54lorsque la politique est animée
38:56de passion positive,
38:58j'allais dire presque de passion joyeuse,
39:00c'est le goût du débat,
39:02l'écoute de l'autre,
39:04celui avec lequel on est en profond désaccord,
39:06la volonté de construire
39:08des compromis, ça n'est pas
39:10du tout une culture de l'ennemi.
39:12Dans une démocratie,
39:14il y a des adversaires
39:16qui s'affrontent civilement,
39:18il n'y a pas d'ennemi à
39:20abattre. Or là, on le voit bien,
39:22chez les Woke, il y a un ennemi
39:24à supprimer, ça n'est pas pour rien
39:26que l'on parle de la fameuse culture
39:28de l'annulation.
39:30Il s'agit d'annuler
39:32cette culture.
39:34Il s'agit d'annuler celui avec lequel
39:36on est en désaccord.
39:38Et ça, c'est extrêmement
39:40préoccupant.
39:42On le voit en effet dans une
39:44minorité radicale,
39:46parfois d'étudiants,
39:48qui est animée en effet
39:50de ce que
39:52Julie Gérard appelait tout à l'heure
39:54la culture du ressentiment.
39:56Vous savez, dans les années 30,
39:58années périlleuses,
40:00Max Scheller,
40:02un auteur allemand, avait écrit un très beau livre
40:04sur l'homme du ressentiment,
40:06pour comprendre ce qui se passait
40:08à l'époque.
40:10Et ce ressentiment
40:12a débouché ensuite sur la
40:14volonté de trouver des bouc-émissaires,
40:16de trouver des ennemis à éliminer,
40:18le juif,
40:20le bourgeois, etc. Et on a vu ce que ça
40:22a donné en termes de totalitarisme.
40:24Aujourd'hui, il faut être très vigilant
40:26parce que, à nouveau,
40:28réapparue cette culture du ressentiment
40:30et cette volonté de
40:32transformer les autres en ennemis
40:34radicaux. Il y a, par exemple,
40:36dans les revendications du comité
40:38palestine qui anime
40:40ces étudiants radicaux à Sciences Po,
40:42l'idée
40:44que, voilà,
40:46à l'ouest du Jourdain,
40:48il faudrait qu'il y ait
40:50un seul État palestinien,
40:52et donc la fin de l'État d'Israël.
40:54Donc là, il y a une culture
40:56de l'annulation de l'État d'Israël.
40:58L'hostilité à Israël est telle
41:00que l'on revendique
41:02sa disparition.
41:04Eh bien ça, si vous voulez, quand on est
41:06en démocratie, quand on est attaché
41:08au pluralisme, on ne peut pas l'admettre.
41:10– Julie Girard,
41:12Pascal Perrineau
41:14faisaient référence à la
41:16culture de l'effacement.
41:18Votre livre,
41:20vous vivez aux États-Unis et votre livre
41:22paraît en France.
41:24Est-ce que vous avez
41:26pour projet de le faire
41:28éditer aux États-Unis ?
41:30Est-ce que c'est tout simplement faisable aujourd'hui ?
41:32– Alors, je suis très
41:34attachée à la langue française, donc j'ai écrit
41:36en français et je suis très heureuse qu'il soit publié en France.
41:38Mais effectivement, je pense
41:40que des livres qui prennent des risques,
41:42des livres qui
41:44osent dire les choses, qui osent
41:46aller à l'encontre de tout ce que
41:48toutes les revendications
41:50du wokisme sont malvenues
41:52aujourd'hui et que c'est très difficile de trouver
41:54un éditeur aux États-Unis qui accepte
41:56de prendre le risque tout simplement parce que le livre
41:58ne se vendra pas ou parce que
42:00le livre sera censuré en bibliothèque ou sera
42:02censuré par les librairies.
42:04Il y a un climat aux États-Unis très
42:06compliqué, on réécrit les livres,
42:08on parle de sensitive readers,
42:10donc ces lecteurs sensibles
42:12qui ont réécrit
42:14Roald Dahl par exemple.
42:16Et en plus,
42:18ce que je trouve d'autant plus choquant, c'est que la réécriture,
42:20le livre en réécriture
42:22coûte moins cher que l'original.
42:24C'est-à-dire que les enfants des classes favorisées
42:26vont aller s'acheter le livre qui est d'origine et puis
42:28il y a un deux poids, deux mesures
42:30et donc cette réécriture, elle est en train
42:32de toucher vraiment toute l'édition
42:34américaine et je pense
42:36que c'est beaucoup plus difficile de
42:38faire passer certains livres en Amérique par rapport
42:40à la France aujourd'hui.
42:42Pascal Perrineau parlait de logique totalitaire
42:44et c'est vrai que quand on vous écoute,
42:46on pense à Orwell,
42:48le principe de la réécriture
42:50qui était le principe d'ailleurs
42:52soviétique aussi de supprimer
42:54des personnages existants
42:56sur les photos
42:58d'une certaine manière, de réécrire
43:00l'histoire en fonction de l'agenda politique
43:02du moment.
43:04La neuve langue orwellienne
43:06également dont vous parliez,
43:08qui va être encore accentuée par le poids
43:10que va prendre l'intelligence artificielle
43:12dans nos sociétés.
43:14Est-ce que vous partagez
43:16cette inquiétude ? Est-ce qu'on peut parler
43:18de totalitarisme, même si évidemment
43:20il n'y a pas de goulag ?
43:22Je partage complètement l'avis de Pascal Perrineau
43:24et par rapport à votre question,
43:26je pense au livre de Nathalie Heineck
43:28« Le wokeisme, est-il un totalitarisme ? »
43:30On peut s'interroger aujourd'hui
43:32parce que quand vous voyez que des personnes
43:34sont annulées pour avoir exprimé
43:36leur vue de manière
43:38tout à fait acceptable, d'autant plus qu'aux Etats-Unis,
43:40il ne faut pas oublier que le premier amendement
43:42garantit une liberté d'expression
43:44quasiment totale.
43:46On se rend compte
43:48qu'en réalité ce n'est plus le cas, mais que la censure
43:50se fait par le social. Et que si en entreprise
43:52on ne montre pas
43:54pas de blanche, alors
43:56on nous montrera gentiment le chemin
43:58de la sortie. Comment ça se passe
44:00concrètement dans les entreprises
44:02pour que nos
44:04auditeurs comprennent ?
44:06Il y a aussi des comités
44:08de vigilance, rappelons-les comme ça ?
44:10Vous avez des DEI dans les
44:12grandes entreprises, dans les GAFAM,
44:14toutes les GAFAM ont des DEI, et par exemple
44:16chez Google, vous n'appelez pas, quand vous
44:18avez des candidats à un poste
44:20qui viennent vous voir, ce n'est pas monsieur, madame
44:22ou un pronom. C'est
44:24deux candidates. Le candidat, parce qu'on
44:26doit, il doit être
44:28unisexe presque.
44:30Et ils ont l'entreprise,
44:32parce qu'elle est représentative pour moi de ce qui se passe dans les
44:34entreprises américaines, propose
44:36une liste de pronoms infinies.
44:38Donc, tout est
44:40fondé vraiment sur l'essentialisation, ce que disait
44:42Pascal Perrineau, des individus.
44:44Et je trouve que c'est très dangereux à une
44:46époque où les réseaux sociaux, déjà,
44:48nous isolent,
44:50nous écumisent, pour reprendre une
44:52formule de Peter Sloterdijk.
44:54Nous sommes de plus en plus isolés
44:56chez nous, au travail,
44:58et donc le rapport à l'autre et à
45:00une pensée divergente qui permettrait
45:02cette tension dans la démocratie que Raymond
45:04Haron appelait de ses voeux, en expliquant que
45:06le régime démocratique, c'est un régime de tension.
45:08On n'a plus ces tensions,
45:10on a une volonté d'empêcher
45:12tout échange, tout
45:14compromis, comme Pascal Perrineau le disait.
45:16On parle depuis le début
45:18de cette émission de la France
45:20et des Etats-Unis, vous êtes un peu
45:22entre les deux. Est-ce que
45:24malgré tout,
45:26la liberté est encore
45:28plus grande en France aujourd'hui ?
45:30Est-ce que c'est un pays où on
45:32respire particulièrement l'air de la liberté ?
45:34Est-ce que la France a tout de même des
45:36anticorps, parce que c'est la France, parce qu'elle a
45:38un modèle original, fondé notamment sur la laïcité,
45:40est bien placée pour
45:42résister à cette offensive ?
45:44Je crois foncièrement que oui. Je pense
45:46vraiment que l'universalisme, les valeurs
45:48républicaines sont des anticorps
45:50mais qu'il faut se battre pour les maintenir,
45:52ce qu'on observe
45:54aujourd'hui dans la société, mais
45:56le système est toujours fragile. Mais oui,
45:58clairement, je vois une réelle différence
46:00entre les Etats-Unis et
46:02la France de ce point de vue-là.
46:04Il nous reste 30 secondes, mais sur
46:06la France, justement, est-ce que
46:08nous avons les anticorps et est-ce que ce modèle
46:10universaliste républicain
46:12finalement est toujours valable et peut-être
46:14l'avenir ?
46:16Je crois qu'en effet, nous avons les
46:18antidotes, comme dit Gilles Girard.
46:20La France peut
46:22davantage que d'autres pays européens
46:24résister
46:26à cette poussée d'un modèle
46:28qui nous est, au fond,
46:30culturellement extrêmement
46:32étranger. Mais pour cela,
46:34il faut sortir du bois, il faut
46:36se mobiliser. Il ne faut pas croire,
46:38en effet, que ce combat est un combat
46:40périphérique
46:42sans importance. Ça doit être
46:44un combat dans l'entreprise,
46:46à l'université, dans l'administration,
46:48absolument partout.
46:50Merci Pascal Perrineau et
46:52merci de mener le combat, notamment
46:54à Sciences Po. Merci Julie Girard d'avoir
46:56été avec nous.
46:58C'était passionnant. On se retrouve la semaine prochaine
47:00pour un nouveau numéro. Dans toute vérité,
47:02je vous laisse avec les informations. À bientôt !

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