• il y a 7 mois
Avec Arnaud Benedetti, Rédacteur en chef de la Revue politique et parlementaire, auteur "Aux portes du pouvoir - RN, l'inéluctable victoire ?" - Ed. Michel Lafon / Jérôme Sainte-Marie, spécialiste des études d'opinion, chargé de la formation des cadres du Rassemblement national

———————————————————————

▶️ Suivez le direct : https://www.dailymotion.com/video/x75...
Retrouvez nos podcasts et articles : https://www.sudradio.fr/

———————————————————————

Nous suivre sur les réseaux sociaux

▪️ Facebook : https://www.facebook.com/SudRadioOfficiel .
▪️ Instagram : https://www.instagram.com/sudradioofficiel/ .
▪️ Twitter : https://twitter.com/SudRadio
▪️ TikTok : https://www.tiktok.com/@sudradio?lang=fr

##EN_TOUTE_VERITE-2024-05-19##

Category

🗞
News
Transcription
00:00En toute vérité, chaque dimanche entre 11h et midi sur Sud Radio Sécurité, Économie Numérique, Immigration, Écologie.
00:11Chaque semaine, nous débattons sans tabou des grands enjeux pour la France d'aujourd'hui et de demain.
00:15Et cette semaine, nous avons le plaisir de recevoir le sondeur et politologue proche du RN, Jérôme Sainte-Marie,
00:21et l'essayiste et politologue Arnaud Benedetti.
00:24Benedetti est l'auteur de « Aux portes du pouvoir, RN, l'inéluctable victoire » publié chez Michel Laffont ces jours-ci.
00:33À un mois des européennes où les sondages promettent une large victoire à Jordan Bardella, le RN est-il vraiment aux portes du pouvoir ?
00:41Comment une victoire à la présidentielle qui apparaissait inconcevable il y a peu apparaît désormais possible ?
00:48L'absence d'Emmanuel Macron dans la compétition présidentielle est-elle une chance ou un piège ?
00:532027, c'est encore dans trois ans. Marine Le Pen peut-elle se prendre les pieds dans le tapis ?
00:58Tout de suite, les réponses de Jérôme Sainte-Marie et Arnaud Benedetti en toute vérité.
01:04En toute vérité sur Sud Radio, Alexandre De Vecchio.
01:09Jérôme Sainte-Marie, Arnaud Benedetti, bonjour.
01:13Bonjour.
01:14Ravi de vous recevoir dans cette émission. Nous allons parler pendant une petite heure de la progression du RN,
01:22de ces européennes où Jordan Bardella est donné largement en tête mais plus largement de la dédiabolisation du RN,
01:31peut-être de sa banalisation et du fait qu'il est aujourd'hui aux portes du pouvoir.
01:38Je voulais commencer par une question d'actualité pour tous les deux.
01:44Actuellement, la situation continue d'être compliquée, tendue à Nouméa, en Nouvelle-Calédonie.
01:55Est-ce que Marine Le Pen n'a pas commis sa première erreur ?
02:01En changeant peut-être de pied sur la question du DGL, les députés du RN l'ont voté.
02:08Aujourd'hui, elle explique que le calendrier et la méthode n'étaient pas la bonne, qu'il faut un nouveau référendum dans 40 ans.
02:16Elle est accusée, par sa droite d'ailleurs, d'avoir fait preuve finalement de faiblesse.
02:23Certains disent qu'elle n'est pas pour l'ordre en Nouvelle-Calédonie.
02:28Elle cèdera face aux émeutes de banlieue demain. Qu'en pensez-vous, Arnaud Bénédetti ?
02:32C'est vrai que ça peut surprendre par rapport aux positions historiques du RN et surtout du FN sur le dossier de la Nouvelle-Calédonie.
02:41Mais je pense qu'il faut aussi avoir en tête que Marine Le Pen a reçu récemment l'ensemble des élus calédoniens,
02:51dont les responsables du FLNKS, et les responsables du FLNKS lui ont notifié qu'ils n'étaient plus aujourd'hui en capacité à tenir leur jeunesse sur le terrain.
03:04Marine Le Pen a été manifestement extrêmement frappée par ce diagnostic et elle a fait passer d'ailleurs le message au ministre de l'Intérieur.
03:13Donc, si vous voulez, c'est une inquiétude qui, chez elle, précède ce qui vient de se passer.
03:21Ce que vous nous expliquez, ce n'est pas forcément une tactique pour attraper la dédiabolisation.
03:26Parce que tout simplement, c'est relé du RN en Nouvelle-Calédonie l'avertisse de la difficulté de la situation.
03:34Ce que je comprends dans le discours du RN aujourd'hui, le discours de Marine Le Pen,
03:38c'est de dire que, de toute façon, le RN reste bien évidemment attaché au maintien de la Nouvelle-Calédonie dans la République.
03:47Mais que la méthode qui a été utilisée par l'exécutif, finalement depuis 2021,
03:53c'est-à-dire depuis la tenue d'un référendum qui a été contesté, on le sait, par les canards, par le FLNKS qui a appelé au boycotte,
04:00est une méthode qui fragilise, finalement, cette espèce de cohabitation née depuis 1988 et les accords de Nouméa.
04:10Ensuite, clairement, on ne peut pas, si vous voulez, ignorer le fait que Marine Le Pen essaye aujourd'hui de construire,
04:18si vous voulez, une posture qui est une posture de responsabilité en vue d'accréditer l'idée qu'elle est en mesure,
04:27si demain les électeurs lui font confiance, d'assumer une fonction de chef de l'État.
04:34Jérôme Saint-Marie, posture de responsabilité ou stratégie de dédiabolisation qui se retourne contre elle en banalisation ?
04:43Oui, je ne crois pas que tout soit posture et communication, voyez-vous.
04:48Il aurait été extrêmement facile pour le RN et pour Marine Le Pen,
04:54qui, encore une fois, n'est pas au pouvoir, de jouer la surenchère répressive, sécuritaire.
05:01La droite classique ne s'en prive pas, il n'y a rien de plus confortable.
05:05En plus, si jamais les choses dégénèrent encore plus gravement qu'elles ne l'ont déjà fait,
05:10c'est-à-dire s'il y a plus de morts, très concrètement, comme l'opposition n'est pas responsable.
05:17Il aurait toujours été temps d'incriminer, d'une manière ou d'une autre, les acteurs de terrain ou le pouvoir.
05:24Marine Le Pen ne l'a pas fait, c'est ça qui est courageux.
05:27Le contraire aurait été assez facile et assez lâche.
05:31Je lis, j'entends, effectivement, toute une série de personnes extrêmement résolues à 20 000 km de Nouméa.
05:39C'est un sujet très complexe.
05:41Quand j'avais une vingtaine d'années, il y avait les événements, comme on disait un petit peu à l'époque déjà,
05:47les événements en Nouvelle-Calédonie, il y avait des déchirements terribles.
05:51Et finalement, il y a eu de la répression, il y a eu l'affaire à la grotte d'Ouvéa, notamment.
05:56Mais il y a eu aussi, je ne suis pas profondément rocardien, vous vous en doutez,
06:00mais il y a eu aussi des négociations qui ont été menées intelligemment
06:04et qui ont permis 40 ans de paix civile sur ce qu'on appelle le caillou.
06:09Ce n'est pas si mal.
06:10Encore une fois, le courage dans ces affaires, que l'on veuille ou non post-coloniales,
06:16est plus souvent du côté de ceux qui écoutent tout le monde
06:20que de ceux qui, dans le confort parisien, vont brailler pour exiger je ne sais quelle répression.
06:28C'est toute l'histoire d'ailleurs que la France a connue.
06:32Donc ça me paraît effectivement un très bon signe de la part de Marine Le Pen en l'occurrence.
06:36Je crois que dans les médias, certains ont cru que c'était une faute,
06:39mais que très rapidement, on s'en rendra compte que ça n'était pas du tout.
06:42Est-ce que, malgré tout, parler de référendum dans 40 ans,
06:47ce n'est pas un peu la facilité a priori ?
06:49Elle ne sera pas au pouvoir dans 40 ans ? Personne ne le saura ?
06:55Il y a eu un processus démocratique, trois référendums, est-ce qu'il faut en faire un quatrième ?
07:01Juste avec une difficulté, c'est qu'encore une fois, le troisième référendum s'est déroulé dans des conditions très singulières.
07:10Puisque, comme vous le savez, le FLNKS a pris au point compte de ce référendum.
07:16Après, on peut évidemment discuter sur les intentions qui étaient celles du FLNKS.
07:20Le FLNKS prétextant en l'occurrence que le Covid ne permettait pas d'organiser dans de bonnes conditions ce référendum.
07:27D'aucuns pensant que le FLNKS se sentant minoritaire n'avait pas intérêt à ce que se tienne ce référendum.
07:34Mais, si vous voulez, la matrice des événements que l'on connaît aujourd'hui,
07:38elle est liée au fait que ce référendum s'est tenu, et s'est tenu sans que les électeurs du FLNKS n'y participent.
07:46Donc après, si vous voulez, quand vous engagez une réforme constitutionnelle avec le dégel du corps électoral,
07:51qui est totalement légitime en l'occurrence, ça c'est une réalité.
07:54Je veux dire que, me semble-t-il, il faudrait vraiment être de mauvaise foi sur le plan démocratique de contester.
07:59Évidemment, vous donnez, si vous voulez, tout l'esprit des accords de Nouméa,
08:04et des accords de Matignon en 88, et des accords de Nouméa en 98,
08:08c'était d'avoir un État qui, en tout cas, occupait une position d'impartialité.
08:14À partir du moment où l'État et l'exécutif donnent le sentiment à une des parties prenantes dans les négociations
08:20de ne plus être totalement un arbitre, et de ne plus être totalement impartial,
08:23évidemment, vous vous retrouvez dans une situation de déséquilibre,
08:26et c'est celle que l'on connaît aujourd'hui sur le terrain.
08:28En Nouvelle-Calédonie, ils sont bien évidemment légitimés, ce qui est en train de se passer du côté de Nouméa.
08:32Jérôme Saint-Marie, c'est au politologue que je m'adresse désormais.
08:36Vous avez expliqué qu'on n'était pas effectivement dans les postures politiques.
08:41Il aurait été plus facile, finalement, de jouer la carte du parti de l'ordre à 16 000 kilomètres.
08:47Mais on sait que les postures en politique, ça compte.
08:50On est en pleine élection européenne.
08:52Est-ce que ce que nous vivons en ce moment peut avoir un impact sur la campagne,
08:56positif ou négatif, en faveur ou en défaveur du Rassemblement national ?
09:01Certains l'espèrent, parce qu'en fait, on joue sur une analogie
09:05entre ce qui s'est passé en juillet dernier, c'est-à-dire les émeutes en métropole,
09:12et ce qui se passe, encore une fois, à 20 000 kilomètres,
09:15une île qui a été conquise par la France assez tard,
09:19et dans une situation très communautarisée, mais par la force des choses.
09:25C'était comme ça dès le départ, dès la construction coloniale.
09:28Donc si on joue sur cette analogie, effectivement, et si cette analogie s'impose,
09:33ça pourrait avoir des conséquences négatives.
09:35Les gens diront que c'était votre propos de lancement.
09:38Si elle n'est pas pour une répression toute azimuthe à Nouméa,
09:43est-ce qu'elle le sera ?
09:45C'est pas cité de commune de France, pour ne pas être déplaisant,
09:48mais disons, dans une banlieue quelconque.
09:51Mais ce n'est pas du tout la même chose.
09:53Ce n'est pas du tout la même chose, c'est un territoire,
09:55un territoire d'outre-mer, en quelque sorte.
09:57La géographie est très différente, l'histoire est très différente, effectivement.
10:01La géographie, l'histoire...
10:02Le règlement qui a été fait en 88, c'est un règlement très,
10:05comme on dirait, qui était fondé sur des communautés,
10:08qui en plus, d'ailleurs, a des problèmes de cet arrangement,
10:11a plutôt renforcé la logique communautaire.
10:15Mais il faut en tenir compte, c'est la réalité du terrain.
10:19Là, effectivement, si cette analogie s'impose,
10:21ça peut avoir des conséquences négatives.
10:23Moi, je ne l'explique pas totalement,
10:25puisqu'il y a déjà, du côté de reconquête ou de LR,
10:29on ne s'embarrasse pas de considérations historiques ou sociales,
10:33et constitutionnelles, d'ailleurs, également,
10:36et évidemment, on va hurler à la faibleuse.
10:40On l'a souvent dit que Marine Le Pen n'était pas...
10:42Moi, je crois que c'est plutôt le contraire, en fait, à terme.
10:44Peut-être pas pour les européennes, mais pour la présidentielle,
10:46je pense qu'à terme, le fait de montrer que Marine Le Pen réfléchit
10:50et n'est pas dans une espèce de réflexe conditionné
10:53par rapport aux événements,
10:55je pense que ça sera porté à son crédit,
10:59mais à trois semaines du suffrage des européennes,
11:02je ne sais pas exactement.
11:03Encore une fois, j'insiste, le confort politique
11:07aurait été d'avoir une attitude basique et strictement répressive.
11:12Ce n'est pas le choix qui a été fait.
11:13Moi, personnellement, je m'en réjouis.
11:15Jérôme Saint-Marie, Arnaud Bénédetti, merci.
11:18On se retrouve après une courte pause, en toute vérité,
11:21toujours sur Sud Radio.
11:23On débattra plus largement, justement, du Rassemblement national.
11:27Est-ce qu'il est aux portes du pouvoir ?
11:29Est-ce qu'on ne s'emballe pas un peu à trois ans des élections présidentielles ?
11:33C'est tout de suite sur Sud Radio, en toute vérité.
11:36À tout de suite.
11:37En toute vérité, 11h30 sur Sud Radio.
11:39Alexandre Devecchio.
11:41Nous sommes de retour sur Sud Radio avec Arnaud Bénédetti,
11:45politologue, essayiste, auteur de « Aux portes du pouvoir,
11:49RN, l'inéluctable victoire ».
11:51C'est publié chez Michel Laffont.
11:53Également, Jérôme Saint-Marie, sondeur, politologue,
11:57proche du RN, il faut le dire,
12:00puisque vous vous occupez de l'Institut de formation des cadres du RN.
12:06Nous débattons, justement, aujourd'hui de la place du RN dans le débat politique.
12:12RN qui est très largement en tête des élections européennes,
12:17à plus de 30%.
12:20Peut-être avant de parler de l'élection présidentielle,
12:24parlons un peu, justement, de ces élections européennes.
12:29Jérôme Saint-Marie, il est arrivé que dans les élections intermédiaires,
12:32on annonce souvent le rassemblement national très haut,
12:35je pense au dernier régional notamment,
12:37et que le résultat n'est pas été au rendez-vous.
12:42Est-ce que ce score qu'on prédit au RN à plus de 30%
12:48vous paraît aujourd'hui réaliste et acquis ?
12:52Ou si le RN est en tête et fait moins de 30%,
12:58ce sera finalement déjà une victoire ?
13:02Alors, il y a plusieurs questions.
13:04La première chose, est-ce que c'est une règle que le RN fasse moins
13:08que les sondages, notamment pour les élections intermédiaires ?
13:11Non.
13:12Il y a un événement...
13:13Ce n'est pas une règle, c'est arrivé.
13:16C'est arrivé, et c'est arrivé très lourdement, vous l'avez dit,
13:19en 2021, c'est-à-dire lors des régionales.
13:25Le dernier régional, ça a été la pire erreur des sondages
13:29de l'histoire des sondages en France.
13:31C'est-à-dire qu'il y a eu parfois un écart de 10 points.
13:34Là, je vous parle depuis la région PACA.
13:36Par exemple, en PACA, la liste Mariani avait été surévaluée de 10 points.
13:40Vous vous rendez compte ?
13:41C'est extraordinaire.
13:43Et c'était tragique, en tout cas, pour le scrutin,
13:47pour le RN dans cette circonstance.
13:50Mais ce n'est pas une règle absolue.
13:52Si je prends les dernières élections européennes,
13:55il y a 10 ans ou il y a 5 ans,
13:58les sondages, je pense notamment aux sondages de l'IFOP,
14:01s'étaient parfaitement vérifiés.
14:04Alors pourquoi est-ce qu'il y avait un tel écart aux régionales ?
14:07C'est que seulement 36% des Français s'étaient rendus aux urnes.
14:11Et c'est vrai que ce sont des élections compliquées pour un sondeur
14:13parce que la participation remonte depuis deux élections européennes.
14:17Mais enfin, pour l'instant, elle tangente simplement les 50%.
14:20C'est beaucoup plus difficile de travailler pour les instituts de sondage
14:23que lorsqu'il y a les trois quarts des gens inscrits qui vont voter,
14:26comme à l'élection présidentielle.
14:29Donc voilà, il peut y avoir vérification ou pas.
14:32Pour moi, le critère politique d'appréciation du résultat de la liste Bardella sera double.
14:42Si on est généreux, on va prendre uniquement le meilleur score du RN aux élections européennes.
14:49C'était donc il y a dix ans, c'était 25%.
14:52Si on est un peu plus exigeant, on prendra le meilleur score jamais réalisé par le RN,
14:57enfin à l'époque c'était le FN, à des élections intermédiaires,
15:00c'était les régionales.
15:03Donc c'était en 2015.
15:05Les régionales où les listes avaient, au niveau national, le score total était de près de 28%.
15:12Donc je considère qu'au-delà de 28%, ce serait plutôt un bon résultat.
15:16Mais évidemment, si la liste Bardella fait ce résultat énorme de 29%,
15:21certains diront que finalement c'est moins de 30%, ce n'est pas si mal.
15:25Ce n'est pas une erreur stratégique d'avoir fixé, je crois que c'est le RN lui-même qui a fixé la barre à 30%,
15:30c'est une barre très ambitieuse.
15:32A part Simone Veil, mais je crois que c'était une liste à la fois RPR et UDF.
15:37Peu ont passé cette barre.
15:40Ce n'est pas quelque chose que j'ai entendu et en tout cas qui a été souvent répété,
15:44cette liste de 30%, parce que ce serait un objectif très imprudent.
15:50Moi il m'a semblé, sincèrement, puisque comme vous l'avez souligné, je m'occupe de Campus Émera,
15:55donc de l'école de formation des cadres du RN,
15:57donc je suis en contact assez fréquent avec des cadres précisément du RN,
16:01j'entends au contraire des propos extrêmement prudents,
16:05et pas seulement pour la communication externe, même en interne,
16:08vous avez des propos très prudents, parce qu'on sait très bien que le RN,
16:11je laisse la parole à Erno Benedi, mais que le RN a une difficulté,
16:15c'est qu'il a un électorat qui certes est très mobilisé politiquement,
16:18mais qui est sociologiquement abstentionniste,
16:21et puis, je reprendrai ça tout à l'heure peut-être,
16:25il y a un autre problème, c'est que l'objectif assigné à ces européennes n'est pas d'une très grande clarté.
16:31La dernière fois on avait un Emmanuel Macron en pleine forme,
16:34et donc le discours en disant il faut voter pour stopper Emmanuel Macron,
16:37notamment par rapport à la réforme des retraites qui allait suivre,
16:40était clair aujourd'hui, ça l'est beaucoup moins.
16:43Erno Benedi, vous vous faites partie des optimistes,
16:47il y a un point d'interrogation au titre de votre livre,
16:50mais vous parlez de victoire inéluctable,
16:53et quand on lit votre livre, on sent que vous pensez qu'elle est très,
16:56peut-être pas inéluctable, mais très possible cette victoire,
16:59est-ce que vous enjambez pas, et je parle de victoire à la présidentielle,
17:02est-ce que vous enjambez pas une étape justement,
17:05que ces européennes peuvent modifier la donne,
17:08si le résultat attendu n'est pas au rendez-vous ?
17:12Je sais pas si je suis, c'est pas une question d'optimisme ou de pessimisme,
17:15j'essaye d'analyser la situation telle qu'elle se présente au jour où on parle,
17:19c'est-à-dire en 2024.
17:21Moi j'ai interrogé beaucoup de responsables politiques,
17:23de droite, de gauche, évidemment aussi du Rassemblement National,
17:26mais surtout de droite, de gauche, de la majorité,
17:29et tous, quand on les confronte aux données sociologiques
17:34qui, d'une certaine manière, objectivent la progression électorale
17:37du Rassemblement National sur 20 ans,
17:40au-delà des seuls sondages, vous disent,
17:43et au regard de la situation politique que l'on connaît dans le pays,
17:45c'est-à-dire avec un morcellement du champ politique
17:47qui n'a jamais été aussi fort depuis 50 ans,
17:50ils vous disent tous, si nous étions amenés à voter en 2024,
17:55Marine Le Pen n'a jamais été dans une situation aussi favorable pour l'emporter.
18:01Et beaucoup vous disent, si nous devions voter au printemps 2024,
18:04Marine Le Pen a toutes les chances de gagner.
18:06Donc face à cette réalité, on voit qu'il y a un changement de perception,
18:10y compris dans le monde politique.
18:12Vous les auriez interrogés il y a 2 ans, il y a 3 ans,
18:15ils ne vous auraient vraisemblablement pas livré le même diagnostic.
18:19Donc il y a une idée générale qui s'impose,
18:21que ce qui était impensable hier,
18:23devient quelque chose de tout à fait envisageable
18:28au regard, encore une fois, de la situation du pays.
18:31Après, évidemment, il y a des tas de paramètres
18:33qui, d'ici 2027, peuvent, quelque part,
18:36venir troubler la machine qui, aujourd'hui,
18:40semble se mettre en place de manière très favorable pour Marine Le Pen.
18:45Mais il y a quand même une réalité dont il faut tenir compte,
18:50c'est une réalité sur la longue durée.
18:52Il y a 3 éléments qui, à mon avis, structurent aujourd'hui
18:55la perception d'une grande partie de l'opinion publique en France,
18:58enfin, des opinions publiques en France.
19:00La première, c'est le fait que le politique
19:03est de plus en plus impuissant à répondre aux attentes des Français.
19:06Donc une espèce de faillite collective
19:08de tous les pouvoirs qui se sont succédés depuis 40 ans
19:12et qui ont mené, finalement, peu ou prou,
19:14des politiques qui étaient à peu près les mêmes,
19:17avec quelques nuances, qu'il s'agisse des majorités de droite
19:19ou des majorités de gauche.
19:21Donc l'impuissance de l'État, premier point.
19:23Deuxième sujet, c'est le fait qu'une grande partie des élites,
19:29je ne dis pas toutes les élites,
19:31parce que les élites, c'est hétérogène aussi,
19:33mais une grande partie des élites
19:35ont tenu un discours depuis, finalement, presque un demi-siècle,
19:38ça remonte presque à Valéry Giscard d'Estaing,
19:40sur le fait que soit la France est devenue une puissance moyenne
19:45qui doit s'adapter aux standards de la mondialisation,
19:49ça commence encore une fois avec Valéry Giscard d'Estaing.
19:51Le premier à parler de puissance moyenne, c'est Valéry Giscard d'Estaing,
19:53ou soit qu'il considère que la France,
19:55et ça c'est plutôt à gauche,
19:57du fait de son passé colonial,
19:59doit se reproposer en permanence.
20:01Donc une espèce de dévalorisation de la France.
20:03Et le troisième élément,
20:05qui est un élément qui constitue un combustible très fort,
20:09notamment pour le vote des classes populaires,
20:11c'est la question du mépris, la question du mépris social.
20:14Beaucoup, aujourd'hui, de nos compatriotes,
20:16appartenant aux classes populaires,
20:18voire aux classes moyennes,
20:19se sentent méprisés.
20:21Comme si le pouvoir manifestait une espèce de distance
20:25permanente, un peu arrogante,
20:27vis-à-vis de ceux qui souffrent le plus
20:31du déclassement de la France.
20:33On l'a vu, notamment, durant la crise des Gilets jaunes.
20:35Donc, j'allais dire, ce décorum, en l'occurrence,
20:37est un combustible extraordinaire
20:39pour une force politique
20:41qui n'a jamais gouverné dans le pays,
20:44et qui se retrouve aujourd'hui,
20:46en raison, on en parlera peut-être tout à l'heure,
20:48avec un certain nombre de dynamiques sociologiques
20:50et générationnelles,
20:51en position de force sur le plan électoral.
20:53Arnaud Medetti, merci.
20:55Jérôme Saint-Marie, merci.
20:57On continue à en discuter.
20:59Jérôme Saint-Marie nous donnera également son avis.
21:01Comment cette victoire qui paraissait inconcevable
21:03il y a peu, est désormais possible ?
21:05Qu'est-ce qui a changé ?
21:07Qu'est-ce qui est en train de changer ?
21:09On en parle après une courte pause,
21:10en toute vérité, sur Sud Radio.
21:11À tout de suite !
21:12En toute vérité, 11h30, sur Sud Radio,
21:15Alexandre Devecchio.
21:16Nous sommes de retour sur Sud Radio,
21:18en toute vérité, avec le politologue Jérôme Saint-Marie,
21:22proche du RN.
21:24Il s'occupe de la formation des cadres du RN,
21:27le campus Éméra,
21:29et avec Arnaud Benedetti,
21:31auteur de « Aux portes du pouvoir RN,
21:33l'inéluctable victoire ».
21:35Ça vient de paraître chez Michel Laffont.
21:39Arnaud Benedetti, vous nous expliquiez
21:42que le Rassemblement National
21:44était dans une situation historique inédite,
21:47que c'est ce que vous observiez,
21:49c'est ce que vous racontez dans votre livre,
21:52que si l'élection avait lieu demain,
21:55jamais les chances de l'emporter du RN
21:58n'ont été aussi grandes.
22:00Vous nous expliquiez que c'était aussi le fruit
22:03d'une situation historique,
22:05de diagnostics qu'avait fait le RN
22:08depuis de longues années,
22:10d'une faillite des élites
22:12qui sont en place aujourd'hui.
22:14Jérôme Sainte-Marie,
22:16est-ce que vous partagez ce diagnostic ?
22:18Et d'abord, est-ce que vous pensez
22:20qu'effectivement, quelque chose a changé ?
22:23Cette victoire de Marine Le Pen
22:25qui pouvait paraître inconcevable
22:27il y a encore deux ans,
22:29je dirais sans doute avant les élections législatives
22:32qui ont donné 90 députés au RN,
22:35aujourd'hui, elle est vraiment probable.
22:38Qu'est-ce qui a changé ?
22:40Hormis d'ailleurs cette élection législative
22:42dont on n'a pas parlé,
22:44mais qui a sans doute été décisive.
22:46Effectivement, dans le livre d'Arnaud Benedetti
22:48aux portes du pouvoir,
22:50il y a un des points forts,
22:52c'est toute la description qu'il fait
22:54de cette grande surprise
22:56qu'a été la constitution d'un groupe
22:58de près de 100 députés
23:00aux dernières législatives.
23:02C'est une victoire relative,
23:04mais c'est un succès du RN aux législatives
23:06qui tient au fait
23:08qu'il y a eu 13 300 000 personnes
23:10qui ont désobéi à toutes les autorités
23:12morales et autres,
23:14économiques, etc. et politiques
23:16pour aller voter Marine Le Pen
23:18au second tour de la présidentielle.
23:2013 041,3% je crois,
23:22des suffrages exprimés.
23:24Donc on était véritablement là,
23:26il y a un effet de masse,
23:28il y a une forme de subversion électorale,
23:30c'est-à-dire subversion,
23:32c'est quelque chose qui vient de la base,
23:34qui commence par les catégories populaires
23:36mais qui se répand aujourd'hui
23:38dans les professions intermédiaires,
23:40même chez les cadres, pas trop,
23:42mais chez les retraités, les fonctionnaires, pas mal.
23:44Donc vous avez ce mouvement de fond
23:46qui émerge.
23:48Alors ce mouvement, il tient
23:50à ce que les enjeux électoraux
23:52qui font voter Marine Le Pen,
23:54Bardella ou RN,
23:56ces enjeux sont toujours là.
23:58Il y a eu 3 pour 3 éléments
24:00qui ont été avancés par Arnaud Benedetti.
24:02Moi je serais un peu moins complexe.
24:04Il y a tout simplement déjà l'enjeu migratoire,
24:06c'est-à-dire que c'est quand même
24:08le principal facteur du vote RN
24:10et là-dessus, les Français
24:12ne voient pas d'évolution positive.
24:14Ensuite, vous avez effectivement,
24:16ça a été souligné par Arnaud Benedetti,
24:18une crise de l'État,
24:20un véritable délitement
24:22qui a été illustré
24:24en permanence en fait,
24:26mais qui a été illustré particulièrement
24:28il y a près d'un an lors des émeutes en banlieue
24:30quand il y a eu ce événement qui est vraiment fondamental.
24:32Les Français ont eu l'impression
24:34d'une perte de contrôle de l'État
24:36et ça, ce n'est pas tenable.
24:38Et vous avez ensuite
24:40effectivement toute une série de difficultés
24:42économiques et sociales
24:44qui génèrent l'impression
24:46d'un délitement du pays.
24:48N'oublions jamais que le RN
24:50et ce n'est pas un gros mot,
24:52est un mouvement nationaliste.
24:54On peut appeler ça patriote,
24:56etc., mais c'est un mouvement
24:58nationaliste, c'est-à-dire que c'est
25:00au centre de sa doctrine,
25:02c'est tout simplement la nation
25:04et la nation en France,
25:06c'est particulier, c'est à la fois universaliste,
25:08mais enfin, ça repose
25:10sur la force de l'État.
25:12L'effondrement de l'État, à mon avis,
25:14a des conséquences bien plus grandes.
25:16Donc voilà, alors après,
25:18il y a la capacité du RN
25:20de plus en plus grande
25:22à se positionner sur tous les sujets,
25:24mais cela est dû
25:26au talent de ses dirigeants, mais c'est dû aussi
25:28au fait qu'il y a désormais un groupe,
25:30donc des moyens, des incitants
25:32parlementaires et un travail
25:34parlementaire qui est bien visible.
25:36Arnaud Benéti,
25:38cette élection législative
25:40change complètement
25:42la donne et peut-être le regard que l'on peut porter
25:44sur Marine Le Pen. Est-ce que
25:46c'est la dernière étape de la dédiabilisation
25:48et qu'on avance vers la
25:50notabilisation d'une certaine manière ?
25:52Pour moi, c'est l'événement politique peut-être le plus important
25:54avec l'élection évidemment d'Emmanuel Macron
25:56en 2017 de ces dix dernières années,
25:58c'est-à-dire l'accès du RN
26:00de manière massive
26:02au Palais-Bourbon
26:04avec un mode de scrutin, faut-il
26:06le rappeler qu'il est un mode de scrutin dont on
26:08considérait historiquement qu'il était très désavantageux
26:10pour le RN,
26:12un mode de scrutin majoritaire, uniluminal,
26:14à deux tours, très coupé,
26:16qui facilite considérablement
26:18la constitution de ce que l'on appelle
26:20le Front aux Républicains. Et avec
26:22cette élection, vous avez
26:2423 députés du RN
26:26qui vont être élus dans des configurations
26:28de duel par rapport à des candidats de la majorité.
26:30Donc, si vous voulez,
26:32dans les perceptions...
26:34Est-ce que c'est seulement de la majorité, d'ailleurs, Jérôme Sainte-Marine ?
26:36Ou il y a beaucoup de
26:38Front de gauche ?
26:40De France insoumise tout de même ?
26:42Principalement, il faudrait peut-être regarder les chiffres à nouveau, les réviser à nouveau,
26:44mais principalement, ce sont des candidats de la majorité,
26:46c'est-à-dire qu'on voit bien que
26:48du côté de la gauche, je veux dire,
26:50soit on s'est abstenu,
26:52ou soit, pour une partie,
26:54on est allé à pratiquer ce que l'on appelle,
26:56dans les années 70 ou 80,
26:58le vote révolutionnaire, pour
27:00faire barrage aux candidats de la majorité.
27:02Donc, l'idée même du plafond de verre, si vous voulez,
27:04quelque part, elle est
27:06invalidée, en partie,
27:08pas totalement, par ce résultat électoral.
27:10Ensuite, si vous voulez, il y a l'aspect,
27:12c'est la façon dont le RN
27:14va s'acculturer aux institutions
27:16parlementaires. Et là,
27:18il y a un effet, évidemment, de contraste
27:20qui va jouer en faveur du RN.
27:22Vous avez un RN qui veut
27:24arriver en étant très respectueux
27:26du fonctionnement républicain
27:28de l'Assemblée Nationale, d'emblée,
27:30tout de suite, qui parvient d'ailleurs à faire élire
27:32deux vice-présidents, il faut le rappeler,
27:34avec l'aide de la majorité,
27:36en l'occurrence,
27:38et qui va
27:40adopter un comportement
27:42très différent, par exemple, de ce qui se passe
27:44sur les travailleurs de l'extrême-gauche
27:46de l'Assemblée Nationale, avec la France
27:48insoumise, qui est
27:50dans une attitude très souvent
27:52volontairement provocatrice vis-à-vis
27:54de la majorité.
27:56Le RN
27:58apprend très vite, d'ailleurs, je suis frappé,
28:00il y a un parlementaire
28:02de la majorité qui me l'a dit,
28:04qui le reconnaît, il m'a dit, ils ont très vite
28:06appris le fonctionnement du Parlement.
28:08Ils sont capables de faire des coups politiques,
28:10ils sont capables, à un moment donné,
28:12d'essayer de converger. Donc,
28:14si vous voulez, cet accès du RN
28:16à l'Assemblée Nationale,
28:18d'ailleurs,
28:20de manière très différente
28:22de ce qu'avait été le groupe parlementaire
28:24du Front National dans les années 1986 et 1988,
28:26mené par Jean-Marie Le Pen,
28:28va favoriser la sociabilisation républicaine,
28:30l'acceptabilité,
28:32va renforcer l'acceptabilité
28:34du groupe RN, parce qu'on va dire
28:36finalement, ce sont des députés comme les autres,
28:38ils jouent le jeu des institutions. Il y a un sondage,
28:40d'ailleurs, qui a été publié il y a
28:42quelques mois, qui montre que les Français considèrent
28:44que le RN
28:46a plutôt un comportement extrêmement convenable
28:48et assez positif à l'Assemblée Nationale.
28:50— Jérôme Saint-Marie, un petit retour
28:52sur ces élections
28:54législatives. Arnaud
28:56Bénédité nous dit qu'il y a eu beaucoup de duels
28:58avec la majorité, mais est-ce qu'il n'y a pas eu aussi
29:00une forme de barrage républicain, j'allais dire,
29:02anti-Mélenchon ?
29:04Et quand Arnaud Bénédité nous dit
29:06finalement que l'institutionnalisation
29:08des députés RN
29:10s'est très bien
29:12passée, est-ce que cette
29:14institutionnalisation n'a pas été accélérée
29:16aussi par l'attitude
29:18finalement de la France insoumise
29:20à l'Assemblée Nationale ?
29:22— Ben non, dans la mesure où
29:24l'attitude, comment dirais-je,
29:26les excès de la France insoumise, c'est surtout
29:28après ces élections
29:30législatives. Lors du premier
29:32mandat d'Emmanuel Macron,
29:34il y avait 17,
29:36je crois, députés de la France insoumise qui se tenaient
29:38à peu près bien.
29:40— Il y avait deux questions, il y avait une première, c'était vraiment
29:42sur l'élection. — La fantasia, si vous voulez,
29:44la fantasia parlementaire, c'est après.
29:46— C'est après. — Non, mais je vais vous donner
29:48quand même un chiffre, parce que j'ai un excellent livre
29:50sous les yeux.
29:52— On l'oublie, on l'oublie.
29:54— Et, page 72,
29:56on tombe sur le chiffre, donc,
29:58c'est bien, il y a eu 88 députés
30:00du RN qui ont été élus,
30:02et Arnaud Bénédéti nous rappelle que
30:04dans 53 cas,
30:06ça a été une victoire
30:08du candidat RN,
30:10donc 53 sur 88, donc une large majorité des cas,
30:12ça a été une victoire du RN sur
30:14un candidat de la majorité.
30:16Il faut bien voir que
30:18il y a,
30:20ça c'est une donnée très importante pour le passé
30:22mais également pour l'avenir.
30:24La gauche n'a pas disparu en France.
30:26Elle est réduite à peu près
30:28un tiers de l'électorat,
30:30c'est insuffisant pour elle pour l'emporter,
30:32mais son attitude au second tour,
30:34que ce soit lors des législatives
30:36ou lors de la prochaine présidentielle,
30:38l'attitude au second tour
30:42des électeurs de gauche
30:44est très importante.
30:46Il faut savoir que
30:48seuls 40% des électeurs
30:50de Mélenchon,
30:52qui a tangenté le second tour,
30:54ça a un score énorme,
30:56seuls 40% ont obéi à leur chef
30:58et sont allés voter Macron au second tour.
31:0060% ont soit voté Marine Le Pen,
31:02soit alors, pour la plupart,
31:04se sont abstenus.
31:06C'est une donnée fondamentale.
31:08C'est-à-dire qu'effectivement,
31:10les chances de Marine Le Pen
31:12tiennent aussi au fait qu'elle ne
31:14mobilise pas, qu'elle ne braque pas
31:16la gauche contre elle.
31:18Pour prendre les choses un peu différemment,
31:20les électeurs d'Éric Zemmour
31:22se sont reportés massivement
31:24sur Marine Le Pen.
31:26Mais en réalité, le vote Zemmour
31:28n'a pas apporté beaucoup plus de voix
31:30que le vote Mélenchon,
31:32et il est sur des masses qui ne sont plus du tout
31:34les mêmes désormais.
31:36Donc vous avez effectivement cette capacité
31:38à générer, sinon,
31:40du vote en sa faveur,
31:42du moins de l'abstention,
31:44qui est une énorme chance.
31:46Alors là-dessus, et je finirai par là
31:48pour la perspective,
31:50il y a un problème pour Marine Le Pen
31:52pour les prochaines élections,
31:54c'est qu'Emmanuel Macron ne sera pas candidat.
31:56Cette surabstention de la gauche
31:58tenait au fait qu'il y avait quand même
32:00un bilan de Macron
32:02qui n'était pas apprécié du tout à gauche.
32:04Mais je retrouve pas mal d'espoir
32:06quand j'entends un Édouard Philippe expliquer
32:08qu'il veut rassembler de la droite libérale
32:10à la gauche mitterrandiste.
32:12Je me dis qu'effectivement,
32:14si on entend ce genre de discours régulièrement,
32:16toutes les perspectives
32:18sont assez lumineuses
32:20pour le rassemblement national.
32:22Justement parce que, ça a été dit par Nobeletti,
32:24c'est un parti qui n'est pas
32:26un parti de sortant, et face à la crise,
32:28les gens souhaitent une véritable alternance.
32:30Merci Jérôme Sainte-Marie,
32:32merci Arnaud Benelti.
32:34Une courte pause,
32:36et ce sera la dernière partie de cette émission
32:38où on approfondira d'ailleurs le sujet.
32:40Est-ce que l'absence d'Emmanuel Macron
32:42est un piège ou une chance
32:44pour le rassemblement national ?
32:46A tout de suite sur Sud Radio, en toute vérité.
32:48Nous sommes de retour en toute vérité sur Sud Radio,
32:50c'est la dernière partie de cette émission
32:52avec Jérôme Sainte-Marie,
32:54politologue, fondeur,
32:56cherche du RN, il s'occupe
32:58de Campus Émera, l'institut
33:00de formation des cadres du RN,
33:02et Arnaud Beneditti,
33:04Arnaud Benedetti,
33:06essayiste, politologue, auteur
33:08d'un livre, RN, inéluctable
33:10victoire, publié
33:12chez Michel Laffont, et nous nous demandons
33:14effectivement,
33:16durant cette émission, si la victoire du RN,
33:18non seulement aux européennes,
33:20mais surtout à la présidentielle,
33:22est si inéluctable que ça.
33:24Il y a un élément que Jérôme Sainte-Marie
33:26a soulevé tout à l'heure, avant la pause,
33:28Arnaud Benedetti, qui est la non-participation
33:30d'Emmanuel Macron
33:32à la prochaine campagne présidentielle.
33:34Est-ce que finalement,
33:36c'est un piège,
33:38puisque ce ne sera pas forcément
33:40un candidat perçu
33:42comme un candidat
33:44de la continuité, si vous voulez,
33:46qui sera face
33:48à Marine Le Pen si elle est
33:50au second tour à la présidentielle,
33:52c'est une chance, parce que
33:54le bloc central, qui paraissait
33:56extrêmement solide avec son leader
33:58Emmanuel Macron, finalement,
34:00n'a plus de leader
34:02et est fragilisé. Je crois d'ailleurs que vous avez
34:04une hypothèse, c'est que le bloc central
34:06ne sera pas forcément au second tour de la présidentielle
34:08Arnaud Benedetti.
34:10Quand on discute avec un certain nombre de responsables
34:12de la majorité, notamment ceux qui sont
34:14proches d'Edouard Philippe,
34:16qui, à ce stade, est en principe
34:18le mieux placé, au jour où on parle,
34:20pour représenter
34:22ce bloc central, ils vous disent
34:24la vraie question, c'est de savoir comment
34:26finalement, on répond
34:28aux besoins de changement
34:30tout en ayant quand même participé
34:32depuis dix ans, parce que ce sera dix ans,
34:34en 2027, à l'exercice
34:36du pouvoir. Donc là, vous avez quand même une équation
34:38qui est, quelque part, un peu
34:40compliquée à résoudre
34:42dans un pays où manifestement,
34:44malgré tout, le besoin
34:46d'alternance, ce qui est normal,
34:48se manifeste.
34:50C'est une respiration démocratique
34:52qui, inévitablement,
34:54voit le jour, surtout après qu'un pouvoir
34:56ait longtemps exercé le pouvoir, en l'occurrence,
34:58le pouvoir macronien.
35:00D'autant plus que
35:02il y a aussi un autre élément
35:04dont il faut tenir compte, c'est qu'en fin de compte,
35:06beaucoup
35:08de nos compatriotes considèrent
35:10qu'ils n'ont plus vécu de véritable alternance
35:12dans ce pays depuis 1981.
35:14La véritable grande alternance
35:16que la France ait connue, finalement,
35:18c'est 1981. Alors, ça n'a pas duré longtemps,
35:20vous allez me dire, pour la gauche,
35:22puisqu'en 83, François Mitterrand
35:24prend un virage...
35:26Vous pensez qu'à partir de 83, finalement,
35:28on a le centre-droit et le centre-gauche qui se succèdent
35:30mais qui pratiquent plus ou moins
35:32la même politique ?
35:34Avec des nuances, oui, à partir du marché unique, mais surtout
35:36après Maastricht, en 1992.
35:38Même si, par exemple, Jacques Chirac
35:40fait une campagne en 95, qui est une campagne
35:42sur l'idée de rupture, avec
35:44la lutte contre la fracture sociale...
35:46C'est Philippe Séguin qui est à la manette,
35:48mais où, finalement, il nomme Alain Juppé...
35:50C'était trois, c'était un trépied.
35:52C'était un trépied, Madeleine Seguin
35:54et Juppé.
35:56C'est Juppé qui l'a remporté.
35:58C'est le juppéisme qui l'emporte.
36:00Donc, il y a cette réalité, me semble-t-il,
36:02qui est importante. Ensuite,
36:04en effet,
36:06si vous voulez,
36:08l'autre problème pour le Rassemblement national,
36:10c'est
36:12un problème d'assurer,
36:14finalement, aujourd'hui, après avoir
36:16quasiment parachevé, quand même, sa dédiabolisation,
36:18quoiqu'on en dise,
36:20quasiment, je dis,
36:22parce qu'il reste encore des zones de résistance.
36:24Je pense notamment, par exemple, au syndicat,
36:26au milieu culturel, voire parfois au patronat.
36:28Le sujet,
36:30c'est de, finalement,
36:32pouvoir développer
36:34l'idée qu'il est crédible.
36:36Qu'il est crédible dans le rôle
36:38d'une force qui est capable d'occuper
36:40le pouvoir.
36:42Donc, tout l'enjeu, aujourd'hui, pour le Rassemblement national,
36:44c'est de montrer
36:46qu'il est un parti qui est capable de se
36:48professionnaliser et d'exercer
36:50le pouvoir, ne serait-ce que pour
36:52rassurer un segment de l'électorat
36:54qui est important, qui est celui de la droite patrimoniale
36:56ou de la droite plus conservatrice,
36:58qui peut partager un diagnostic
37:00du Rassemblement national, par exemple, sur les questions régaliennes
37:02ou sur les questions migratoires, mais qui peut,
37:04en effet, avoir des craintes
37:06quant à son programme économique.
37:08Et c'est, bien sûr, là-dessus que
37:10les oppositions au Rassemblement national,
37:12dont la principale d'entre elles, c'est-à-dire ce que l'on appelle
37:14le bloc central, va insister
37:16pour, finalement, disons,
37:18décrédibiliser l'offre de Marine Le Pen.
37:20Après, il y a d'autres paramètres qui peuvent
37:22venir gripper la mécanique.
37:24Jérôme Sainte-Marie,
37:26on dit beaucoup
37:28qu'à l'occasion de cette
37:30campagne européenne, Jordan Bardella,
37:32mais aussi Marine Le Pen, sont en train
37:34d'élargir leur
37:36base électorale.
37:38Quelles sont les catégories, peut-être,
37:40qu'il manque aujourd'hui à Marine Le Pen,
37:42ou qu'il a manqué à Marine Le Pen
37:44dans les élections précédentes pour
37:46l'emporter, faire
37:48plus de 50% des voix
37:50au second tour ? Vous nous avez dit tout à l'heure
37:52qu'elle a su ne pas mobiliser
37:54la gauche contre elle.
37:56Là, peut-être qu'il lui manque des catégories situées
37:58plus à droite. Est-ce qu'elle peut
38:00faire le grand écart, finalement,
38:02en allant
38:04d'une certaine gauche
38:06jusqu'à une certaine droite ?
38:08Oui, moi, j'ai
38:10tendance à peu parler en termes de
38:12catégories droite-gauche, effectivement.
38:14Politique pour une raison toute simple,
38:16si vous voulez, c'est que
38:18c'est parti en cadre de moins en
38:20moins d'électeurs.
38:22Pour parler de Jérôme,
38:24Marine Le Pen, etc., la droite
38:26n'a pas su conserver ses électeurs
38:28partis chez Macron, chez Le Pen,
38:30ou d'ailleurs chez Éric Zemmour.
38:32Éric Zemmour, aussi, montre bien
38:34que les formations
38:36partisanes traditionnelles
38:38n'arrivent plus à encadrer.
38:40On n'est pas comme dans les années 70,
38:42où un accord d'appareil, à droite ou à gauche,
38:44entraînait mécaniquement
38:46l'arrivée de millions d'individus.
38:48Parler de Jérôme...
38:50C'est que les catégories sociologiques
38:52qui m'intéressent, ou catégories
38:54d'âge, également. Là-dessus aussi,
38:56dans le livre d'Arnaud Benedetti, il y a des pages
38:58très intéressantes sur le phénomène générationnel,
39:00le fait qu'il arrive
39:02à la retraite
39:04des personnes
39:06qui ont pu voter auparavant
39:08pour le Front national ou le Rassemblement national
39:10et qui donc auront beaucoup moins
39:12de mal à le faire, une fois qu'ils sont retraités.
39:14Alors, qu'est-ce qui se passe dans les sondages ?
39:16Alors, l'ORN n'est pas devenu un parti
39:18attrape-tout électoralement,
39:20contrairement à ce qu'il y a écrit parfois un peu vite,
39:22mais parce qu'il conserve la même
39:24structure de vote. C'est assez étonnant
39:26à voir. Grosso modo, moi,
39:28vous êtes diplômé, vous avez de patrimoine
39:30social, d'argent, tout simplement,
39:32et plus vous êtes jeune
39:34et plus vous votez pour le Rassemblement national. Ce qui a changé,
39:36c'est les niveaux. C'est-à-dire que l'ORN
39:38misèrement considère, et c'est un peu une surprise pour moi,
39:40continue à progresser dans
39:42ces zones de force, c'est-à-dire
39:44encore une fois la France périphérique,
39:46les catégories populaires, etc.,
39:48mais progresse également, en pourcentage
39:50davantage, dans de nouvelles
39:52catégories. Alors, je vais lister très rapidement
39:54les professions
39:56intermédiaires. 27%
39:58de la population active, c'est énorme. C'est
40:00les vraies classes moyennes, en fait.
40:02C'est-à-dire des gens qui gagnent pas énormément
40:04d'argent, mais qui sont contre-maîtres,
40:06qui sont techniciens, etc., ça fait un monde fou.
40:08Donc, on n'est plus dans les catégories populaires,
40:10mais on n'est pas encore loin de là dans la bourgeoisie.
40:12Vous avez ensuite, donc, les professions
40:14intermédiaires, c'est un phénomène massif.
40:16De manière corrélée à cela,
40:18les fonctionnaires, vous avez
40:20beaucoup de fonctionnaires qui sont en première loge,
40:22si j'ose dire, du délitement du pays
40:24et de la crise de l'État,
40:26qui commencent à se dire pourquoi
40:28ne pas voter pour le Front National
40:30pour arrêter ce processus
40:32délétère. Et enfin,
40:34vous avez les retraités.
40:36Alors, les retraités, c'est extrêmement
40:38important, c'est un tiers des inscrits
40:40et chez les 60-69
40:42ans, ça bouge. Alors, pourquoi
40:44c'est intéressant ça ? 60-69 ans, c'est
40:46un monde fou. La réforme des retraites
40:48de Macron a transformé des
40:50centaines de milliers ou des millions
40:52de futurs jeunes retraités
40:54heureux, et donc
40:56pas en colère, en des
40:58actifs qui ne sont pas
41:00sûrs de réussir à partir avec tout leur
41:02droit à la retraite
41:04ou tout plein, et donc qui sont
41:06pas contents et qui vont faire payer la note
41:08à la majorité sortante.
41:10Là où ça bouge très peu,
41:12contrairement à ce que l'on dit, c'est dans les
41:14vrais CSP+, c'est-à-dire
41:16les cadres, les cadres supérieurs.
41:18À mon avis, ils ont une situation
41:20professionnelle qui les incite
41:22à, c'est quand même
41:24le brio dur du vote oui, la mondialisation
41:26heureuse, etc. Dans ces catégories
41:28supérieures, c'est beaucoup plus
41:30des fractions, voire même des individus
41:32qui font mouvement, et ça
41:34c'est décisif.
41:36J'avais eu l'occasion d'écrire à votre invitation
41:38dans les collègues du Figaro, c'est-à-dire
41:40qu'on a des
41:42personnalités qui
41:44commencent à se déclarer.
41:46Le type même, c'est M. Légeri
41:48qui est numéro 3 de la liste
41:50aux européennes, donc
41:52énarque, etc., ancien responsable de Frontex.
41:54Ça c'est très important parce qu'il y a
41:56beaucoup de gens qui veulent une vraie
41:58alternance, qui refusent l'alternance
42:00unique selon le terme de Jean-Claude
42:02Michéa, mais qui veulent être
42:04bien gouvernés, mais qui veulent d'abord être gouvernés.
42:06Et jusqu'à présent, ils avaient un doute
42:08sur la capacité du RN
42:10à produire ses propres élites
42:12et à entraîner l'appareil d'État
42:14derrière lui, une fois au pouvoir.
42:16C'est ce qui est en train, à mon avis, de bouger
42:18pour des raisons multiples, des raisons
42:20de conviction, mais également désormais
42:22des raisons tactiques. La perspective
42:24de cette perspective
42:26hypothétique, bien entendu,
42:28mais désormais vraisemblable
42:30de l'arrivée au pouvoir de Marine Le Pen
42:32libère beaucoup d'énergie
42:34chez les cadres supérieurs
42:36du privé, comme
42:38je parle d'individus, encore une fois, chez les chefs d'entreprise
42:40et chez les hauts fonctionnaires.
42:42Jérôme Saint-Marie,
42:44est-ce qu'il y a, dans ces européennes
42:46malgré tout, un effet
42:48bardélas ? Est-ce que certains
42:50soulignent, il est crédité à plus
42:52de 30% ? Est-ce que ça jeunesse ?
42:54Est-ce que le fait qu'il ne porte pas
42:56le nom de Le Pen
42:58est un avantage ? Et est-ce que ça peut
43:00augurer de dissensions
43:02au sein du RN
43:04pour le leadership dans les années à venir ?
43:06Alors oui, bien sûr,
43:08c'est un avantage. Ça prouve déjà la capacité
43:10du parti à
43:12diversifier son offre.
43:14C'est important
43:16pour un parti qui a été dirigé de
43:18continuement par la famille Le Pen.
43:20C'est la preuve
43:22même que
43:24ses propres élites émergent
43:26et avec le talon que l'on connaît
43:28pour Jordan Bardella.
43:30En plus, Jordan Bardella
43:32amène un style et un discours
43:34également très porté sur
43:36le retour à l'ordre, en quelque sorte.
43:38Ça aussi, ça peut être très positif
43:40surtout par rapport aux caricatures
43:42qui ont parfois été faites de Marine Le Pen.
43:44Après, la question du nom Le Pen,
43:46j'entends ça en permanence,
43:48c'est très surprenant d'entendre ça.
43:50Marine Le Pen, aujourd'hui,
43:52est en 3e, 2e,
43:54beaucoup plus rarement en 1re position
43:56dans les baromètres de popularité.
43:58Dans un baromètre de popularité, on ne teste
44:00que le nom de la personne.
44:02C'est Marine Le Pen, confiance, pas confiance, opinion,
44:04etc. Et donc, elle est à ce niveau-là,
44:06elle est au même niveau que Bardella.
44:08Les intentions de vote à l'élection présidentielle,
44:10pour l'heure, elle est légèrement
44:12au-dessus.
44:14La seule différence entre eux,
44:16c'est précisément le nom.
44:18Moi, j'ai toujours pensé que le nom de Le Pen,
44:20désormais qu'il est porté par Marine Le Pen,
44:22eh bien,
44:24comporte plus d'avantages que d'inconvénients.
44:26Le premier avantage, c'est
44:28un gage de détermination
44:30sur des enjeux
44:32aussi importants
44:34pour les lecteurs que l'immigration
44:36ou la sécurité, ce qui permet
44:38à Marine Le Pen de parler d'autres choses, précisément.
44:40Donc, je ne crois pas, si vous voulez,
44:42je sais qu'on va nous rejouer ça,
44:44mais on nous l'a joué
44:46pour Fillon, on nous l'a joué pour Bellamy,
44:48on nous l'a joué pour Zébourg,
44:50et on l'a joué pour Maigret autrefois.
44:52Ça ne marche jamais,
44:54mais ça n'empêchera pas cette ritournelle
44:56d'être entonnée pendant trois ans, ça là-dessus,
44:58et aucun doute.
45:00Ce sera votre dernier mot,
45:02Jérôme Saint-Marie, et le dernier mot
45:04de cette émission, on rappelle le livre
45:06d'Arnaud Bénéliti, Aux portes du pouvoir
45:08et règne l'inéluctable victoire.
45:10J'aurais aimé vous poser une question
45:12sur le scénario de la dissolution
45:14qui peut rebattre
45:16les cartes, parce qu'il faut le dire, en trois ans
45:18il peut quand même se passer beaucoup de choses,
45:20mais ce sera peut-être l'occasion d'une prochaine invitation.
45:22Merci en tout cas d'avoir été avec nous,
45:24Arnaud Bénéliti et Jérôme Saint-Marie,
45:26et je vous laisse avec les informations,
45:28et je vous dis à la semaine prochaine pour un nouveau numéro.
45:30Dans toute vérité,
45:32c'est toujours sur Sud Radio.

Recommandations