• il y a 7 mois
ABONNEZ-VOUS pour plus de vidéos : bit.ly/radioE1
Dans la deuxième heure de son émission consacrée à la culture, Thomas Isle reçoit chaque jour un invité.
Retrouvez "Le portrait sonore de l’invité" sur : http://www.europe1.fr/emissions/l-invite-culture
LE DIRECT : http://www.europe1.fr/direct-video

Nos nouveautés : http://bit.ly/1pij4sV

Retrouvez-nous sur :
| Notre site : http://www.europe1.fr
| Facebook : https://www.facebook.com/Europe1
| Twitter : https://twitter.com/europe1
| Google + : https://plus.google.com/+Europe1/posts
| Pinterest : http://www.pinterest.com/europe1/

Category

🗞
News
Transcription
00:00 Europe 1.
00:02 Vous écoutez Culture Média sur Europe 1 9h30 11h avec Thomas Hill et votre invité ce matin Thomas,
00:06 l'auteur Yann Moix pour son dernier roman qui sort aujourd'hui, Visa.
00:10 Et qui s'appelle donc Visa, qui raconte votre entretien avec Monsieur Ri,
00:14 c'est un Nord-Coréen chargé de la délivrance des visas pour la Corée du Nord.
00:18 Et alors tout l'échange se déroule dans les locaux de la délégation de la Corée du Nord à Paris.
00:23 Je dis que c'est un roman parce que c'est ce qui est écrit là à côté de Grasset,
00:28 mais est-ce qu'il n'y a pas une part de récit là-dedans ? Est-ce que cette histoire est en partie vraie ?
00:33 Le roman englobe le récit. Un roman c'est un mot qui est très pratique parce que
00:38 sous l'appellation de roman vous pouvez mettre même la notice d'une machine à laver en fait.
00:42 Un roman ça absorbe tout, le genre roman absorbe tout ce que vous voulez.
00:46 Donc c'est ce qu'il y a de plus simple.
00:47 Oui mais vous vous êtes vraiment passé par là pour le coup.
00:49 Vous êtes allé dans cette délégation de Corée du Nord à Paris.
00:52 Oui mais là c'est quand même burlesquisé au dernier degré.
00:55 Bien sûr, bien sûr.
00:56 C'est un roman.
00:57 Et alors c'est un dialogue, je disais ça se lit comme du théâtre,
01:00 et on a l'impression d'être dans une espèce de cocotte minute avec une joute verbale sur le fil
01:06 qui est souvent très drôle, parfois inquiétante.
01:08 On se demande à chaque page si l'un de vous va sortir de ses gonds, si la soupape va être retirée.
01:14 Mais finalement ça reste assez courtois.
01:15 Toujours. Il faut savoir que la délégation nord-coréenne dans le 14e arrondissement,
01:20 vous êtes en Corée du Nord.
01:21 Il n'y a pas d'ambassade parce qu'il n'y a pas de relation officielle entre la France et la Corée du Nord.
01:25 La preuve c'est que j'ai un ami qui va souvent en Corée du Nord et qui a été arrêté par la police française
01:33 parce qu'ils ont enquêté sur lui, ils l'ont accusé d'espionnage alors qu'il allait juste en Corée du Nord de temps en temps.
01:39 Donc il n'y a vraiment pas de lien diplomatique entre la Corée du Nord et la France.
01:41 Mais quand vous êtes dans les locaux, vous êtes vraiment, que ce soit la décoration, l'ambiance, les odeurs,
01:47 la psychologie des gens et surtout les portraits souriants des deux grands leaders,
01:51 Kim Il-sung et Kim Jong-il, le père et le fils, qui sont morts tous les deux,
01:56 vous êtes vraiment en Corée du Nord.
01:57 Donc la Corée du Nord, ça commence dans le 14e arrondissement.
01:59 Mais véritablement, vous sonnez, vous attendez en général 10 minutes, un quart d'heure avant que quelqu'un vienne vous ouvrir.
02:06 Et puis là, les dialogues, souvent irréels, commencent.
02:10 - Non mais vous sonnez, vous venez pas par hasard.
02:12 - Ah ben non, je veux prendre rendez-vous.
02:13 Si vous sonnez par hasard, la personne ne viendra jamais vous ouvrir.
02:17 Après avoir pris rendez-vous, bien sûr.
02:19 - Et vous êtes bien accueillis ?
02:20 - Très bien.
02:21 Les Coréens, mais en Asie en général, les gens sont d'une extrême courtoisie.
02:24 Il n'y a jamais un mot au-dessus de l'autre.
02:26 Sauf énervement, parfois sur un très gros malentendu.
02:31 Mais vaut mieux qu'ils s'énervent dans le 14e arrondissement qu'à Pyongyang.
02:36 - C'est ça.
02:37 - Quand quelqu'un s'énerve contre vous à Pyongyang, c'est pas très bon signe.
02:40 - On ne rentre pas dans le 14e.
02:42 - On n'est pas sûr de revenir.
02:43 - On ne revient plus jamais.
02:44 - Et alors, une manière de parler aussi assez amusante,
02:46 d'innombrables proverbes dits par M. Ri,
02:49 le préposé qui vous reçoit,
02:51 "Quand on fait rôtir un hibou, la chouette a la migraine",
02:54 "Si le pan tombe dans le puits, l'étoile tombe dans la mer",
02:58 "La poule ne pond pas le renard".
03:00 Alors on n'est pas toujours sûr de tout comprendre, c'est les expressions.
03:03 Ce sont des créations, ces expressions ?
03:05 - C'est des recréations.
03:06 Ils en ont plein des comme ça, je ne m'en souvenais pas forcément de toutes,
03:09 donc je les ai réinventées.
03:10 Mais je vais vous donner une manière de comprendre la Corée du Nord.
03:15 Avec deux exemples.
03:17 Le premier, c'est qu'un jour, j'étais à Pyongyang en voiture,
03:20 et puis j'étais avec mon guide,
03:22 et je vois un type sur la chaussée qui était en sang,
03:24 à côté de son vélo, par terre.
03:26 Et je dis à mon guide, M. Hong,
03:29 "Cet homme est tombé de vélo".
03:30 Il dit "Non".
03:31 Je dis "Si, regardez, cet homme est tombé de vélo,
03:33 personne ne vient l'aider".
03:34 Nous n'avons pas les preuves, mon cher M. Yang,
03:37 que cet homme est tombé de vélo.
03:38 Qu'est-ce que je vois ?
03:39 Je vois un homme assis, qui saigne, à côté de son vélo.
03:42 Mais vous, les Français, avec votre système hypothético-déductif permanent,
03:48 vous voulez toujours établir un lien entre une cause et un effet,
03:52 sans que vous n'ayez la preuve de la manière dont c'est arrivé.
03:56 Ça, c'est à la virgule près la phrase, je l'ai enregistrée.
03:58 Et vous n'avez pas les preuves.
04:02 Donc si personne ne vient le redresser,
04:05 c'est parce que personne n'a les preuves qu'il est tombé.
04:07 - Mais il le pense, ce qu'il dit ?
04:09 - On ne peut pas savoir.
04:10 C'est un jeu de dupes permanent.
04:12 Ils savent qu'on sait, qu'ils savent, qu'ils savent, qu'ils savent.
04:15 - C'est surtout une toute autre manière de penser, c'est ce qu'on comprend dans votre livre.
04:18 - Il faut bien comprendre une chose.
04:20 C'est pourquoi les gens parlent de la Corée du Nord comme si c'était à Chartres.
04:23 Mais il faut bien comprendre qu'en Corée du Nord, c'est une dictature chimiquement pure.
04:27 À savoir que les enfants, dès l'âge de 2, 3, 4 ans,
04:31 sont quasiment mis dans des tubes à essais psychologiques,
04:34 dans lesquels on ne sécrète qu'une seule passion, un seul intérêt,
04:38 un seul sacrifice permanent, qui est celui voué non seulement à la mère patrie,
04:43 mais aux figures de Kim Jong-il et Kim Il-sung.
04:46 Et donc à l'école, nous on a des mathématiques, de l'histoire, de la géographie,
04:50 eux ils ont la biographie de Kim Il-sung et Kim Jong-il,
04:53 qui leur sert à vie d'enseignement.
04:57 J'ai rencontré à Séoul une transfuge, une femme qui s'est échappée de Corée du Nord.
05:01 Elle était agrégée de toutes les matières qui existent.
05:03 Elle n'avait jamais entendu parler de Shakespeare,
05:05 jamais entendu parler de Mozart,
05:07 elle ne savait même pas que Kennedy avait été président des Etats-Unis.
05:10 Par contre, elle connaissait tout de la vie de Kim Il-sung et de Kim Jong-il.
05:13 Yann Moix, honnêtement, vous prenez des risques, vous, personnellement, en faisant un livre pareil ?
05:18 C'est un pays dans lequel on prend toujours des risques en partant.
05:21 C'est un pays où il n'y a pas de lien diplomatique avec la France.
05:26 Votre passeport est confisqué, et votre téléphone aussi, à l'entrée.
05:30 Maintenant le téléphone est autorisé, mais de toute façon il n'y a pas de réseau.
05:33 Et puis une fois que vous êtes là-bas, vous êtes entre leurs mains.
05:36 Rien ne vous dit qu'ils ne vont pas vous libérer.
05:40 Ce livre va leur revenir entre les mains, ils vont l'avoir.
05:42 C'est exactement comme dans une réserve animalier, un zoo, à ciel ouvert, avec des fauves.
05:48 C'est-à-dire que vous pouvez aller 50 fois vous caresser les fauves,
05:50 et un jour, vous ne savez pas pourquoi, il y en a un qui vous arrache la main, alors ça s'est toujours bien passé.
05:55 Et qu'est-ce qui vous fascine dans ce pays ?
05:57 J'aime beaucoup les dictatures, voyager dans les dictatures.
06:02 Je n'ai pas dit les régimes, parce que là aussi, il y a quelque chose qui est assez pénible.
06:06 Vous allez dans un pays comme la Corée du Nord, et tout de suite, c'est douteux, c'est étrange.
06:12 On oublie un détail, il y a une population en Corée du Nord, il y a des gens qui y vivent.
06:16 C'est ça qui est intéressant.
06:18 Mais quand vous êtes là-bas, vous êtes contrôlé, vous êtes surveillé ?
06:20 Oui, vous êtes cornaqué toute la journée, par des guides.
06:23 Vous avez en général deux guides, puisqu'ils se surveillent entre eux.
06:26 La première fois que je me suis promené dans Pyongyang, c'était dans l'hôtel.
06:29 Je me suis dit "on ne peut pas aller se promener un peu ?"
06:32 Donc on prend les escaliers de l'hôtel, on monte, on descend, je me suis dit "qu'est-ce qu'on fait là ?"
06:35 Et bien on se promène !
06:37 C'est une promenade.
06:39 Il y a par exemple, à un moment donné, je me suis dit "combien d'enfants a eu le grand leader Kim Jong-il ?"
06:46 Il me dit "M. Yan, vous êtes consigné en chambre."
06:49 J'avais 44 ans.
06:51 Consigné en chambre.
06:52 De ne pas savoir ?
06:53 Il me met dans la chambre, avec un livre de 300 pages sur la Corée du Nord,
06:58 sur la République Populaire Démocratique de Corée,
07:01 ou la Corée, on ne dit pas Corée du Nord là-bas, c'est la Corée.
07:04 Et puis, au bout de deux heures, il me dit "c'est bon, vous avez lu le livre, donc petit interro."
07:09 Et ensuite il me dit "bon, vous avez dit quelque chose de très très très très grave.
07:13 Ici, on ne pose pas de questions sur les enfants de nos grands leaders.
07:20 C'est très grave. Ils ont leur vie, nous avons la nôtre."
07:23 Je dis "oui, en plus", et là pour failloter un peu,
07:25 je dis "oui, en plus, j'imagine que le grand leader Kim Il-sung, c'est le père de tout le peuple coréen."
07:32 Grand silence. "M. Yan, vous êtes consigné en chambre."
07:35 Je retourne dans la chambre.
07:37 Là, je saute l'or pas puni.
07:39 Et puis, le matin, je retourne au réfectoire, il me dit "bon, vous avez encore commis une très grave erreur.
07:47 Le grand leader Kim Il-sung ne peut pas être le père de la nation coréenne, c'est la mère, c'est sa mère."
07:52 J'ai dit "mais attendez, c'est un homme."
07:55 Et puis "vous m'avez dit hier que l'homosexualité était très mauvaise pour la santé."
07:58 Il dit "non, mais vous n'avez pas compris, chez la mère, il y a une traçabilité par le sang.
08:03 Le père, on n'est jamais sûr que c'est le père de ses propres enfants."
08:06 Où va se loger le wokisme ?
08:08 Ils sont à l'abri du wokisme, je peux vous dire.
08:11 Je tiens à préciser que je n'ai aucun lien de parenté à Kim Jong-il.
08:14 On va continuer à parler de ce livre bizarre dans un instant de Yad Mouak.
08:20 Et puis, on va retrouver Olivier Benkemoun pour notre première Indispensable du jour.
08:23 Oui, un film, un blockbuster, L'homme qui tombe à pic, par l'adaptation.
08:27 Très bien, et puis on va jouer aussi aux trois, on revient avec les auditeurs.
08:30 Oui, vous allez pouvoir tenter votre chance.
08:32 Pour cela, c'est simple, il suffit de vous inscrire, vous envoyez media, M-E-D-I-A-S par SMS au 73921,
08:37 deux fois 75 centimes plus que du SMS.
08:39 On vous rappelle, on joue ensemble et vous pourrez peut-être gagner aujourd'hui vos invitations pour assister au spectacle de votre choix.
08:46 Pièces de théâtre, concerts, spectacles d'humour, il y a 1500 spectacles à choisir sur ticetac.com.
08:52 A tout de suite sur Europe 1.
08:53 Culture Média, 9h30/11h, sur Europe 1.