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NewsTranscription
00:00 9h-11h.
00:01 Europain Culture Média.
00:03 Thomas Hill.
00:04 Bonjour Sorsh Alandon et merci beaucoup d'être là ce matin pour nous parler de ce roman,
00:10 donc "L'Enragé".
00:11 On peut le dire, il vient de loin ce roman, il vient de très très loin même.
00:16 Ça fait 45 ans que vous aviez envie de l'écrire.
00:18 45 ans que j'aurais dû l'écrire en fait.
00:20 Mais je n'étais pas prêt, j'étais encore un enfant, il fallait que l'adulte prenne
00:25 la plume je pense.
00:26 Il fallait que ça mûrisse tout ça.
00:27 Vous étiez encore journaliste, grand reporter à Libé.
00:31 77.
00:32 77.
00:33 Et donc vous entendez parler d'un centre de rééducation pour enfants qui ferme ses
00:37 portes à Belle-Île-en-Mer et là vous décidez de creuser un petit peu, c'est votre boulot,
00:41 et vous découvrez l'histoire de ce lieu.
00:43 Racontez-nous.
00:44 Ça a été plus tard que ça, c'est-à-dire que Libération à l'époque c'était un
00:46 tout petit journal.
00:47 Moi j'étais un tout petit journaliste, je suis toujours 1m70.
00:50 Mais oui, mais en tout cas je sais, je sens, je comprends que ce qu'on appelle le centre
00:58 de détention de Belle-Île-en-Mer, en fait c'était le bagne de Belle-Île-en-Mer qui
01:01 existait depuis 1880.
01:02 Je suis à Libération, il y a 8 pages ou 12 pages, c'était très très peu.
01:07 Comment je vais annoncer la fermeture d'un centre à des gens qui ne savaient pas qu'il
01:11 existait ? Donc soit je fais un grand reportage sur le centre, mais j'ai pas le temps, je
01:14 peux pas, donc je le fais pas en fait.
01:16 Je me dis "ah il faut absolument faire quelque chose, je vais faire quelque chose", puis
01:19 les jours passent d'un quotidien, on en manque quelque chose, puis encore autre chose.
01:22 Puis j'ai honte, un petit peu, j'ai honte, c'est-à-dire que je sais, je sais que j'aurais
01:26 dû, je l'ai pas fait.
01:27 Je retourne à Belle-Île-en-Mer, en vacances j'ai l'impression que les mots me disent
01:31 "oh oh, on est là", et je l'ai pas fait, et ça m'a hanté en fait.
01:36 Ça m'a hanté parce que j'ai été, mon enfance entière, j'ai été menacé du bagne, pas
01:42 du bagne de Belle-Île-en-Mer, mais j'étais menacé de la maison de correction et de la
01:44 maison de redressement.
01:45 Mon père venait en pleine nuit en disant "fais ta valise", donc ma mère faisait ma
01:48 valise pour me faire croire que je partais dans ce centre-là, dans un centre, il y en
01:52 avait plusieurs en France, Jean Genet, qui était au centre pénitentiaire dans le centre
01:57 de la France, à mes traits.
01:59 Donc moi quand je vois que le centre ferme en 77, je me dis "mais on parle de toi petit
02:04 bonhomme là", c'est-à-dire c'est là où j'aurais pu aller, c'est là où j'aurais
02:07 dû aller, et puis je laisse tomber, je laisse passer parce que j'ai d'autres choses à
02:11 faire, peut-être d'autres choses à régler peut-être.
02:14 Et puis quand mon père est mort, ma mère est morte, j'ai réglé des choses avec des
02:18 romans sur la guerre, sur la trahison, et là je me suis dit "les enfants j'arrive en
02:23 fait".
02:24 - Et là vous vous dites "ça y est, c'est le moment de le faire", et vous allez nous
02:27 raconter cette histoire et tout ce qui se passait dans ce bagne, parce qu'il faut appeler
02:32 un chat un chat, c'est vraiment un bagne, avec une évasion incroyable qui s'est passée
02:38 en 1934, 56 enfants évadés, un seul apparemment n'a pas été retrouvé.
02:44 Vous avez décidé de raconter son histoire, on en parle dans deux minutes sur Europe 1.
02:48 - Culture Média sur Europe 1 jusqu'à 11h avec votre invité Thomas Hill, vous recevez
02:53 l'écrivain Sorge Chalandon pour son nouveau roman "L'enragé" paru chez Grasset.
02:58 - Oui, un livre assez incroyable à lire, où vous découvrez qu'en 1934, 56 enfants se
03:06 sont évadés de ce bagne de Belle-Île-en-Mer, tous sont rattrapés sauf un, on le dit noyé
03:11 mais sans certitude, et du coup là vous vous dites "je tiens à un roman, je vais raconter
03:16 l'histoire de ce petit bonhomme, ce 56ème évadé".
03:19 - C'est-à-dire moi ce que j'ai d'abord, je ne sais pas ce que c'est que ce bagne-là,
03:23 donc j'apprends déjà les conditions de vie dans le bagne.
03:25 Je vais juste donner un tout petit exemple, c'était des enfants de 12 ans à 21 ans.
03:30 C'était pas des criminels, c'était des petits voleurs de pommes, c'était des orphelins.
03:33 - Des petits voyous ? - À peine, c'est-à-dire que si ça avaient
03:36 été des gros voyous, ils auraient été jugés.
03:38 - Des petits larcins quoi.
03:39 - Des petits larcins, c'est-à-dire que c'est des enfants qu'on met hors de la rue, on ne
03:43 veut pas les voir.
03:44 Et je vais vous donner un seul exemple qui va tout vous dire, et pour moi c'est ce qui
03:47 me terrifie le plus, les enfants de 12 ans, pour avoir la paix sociale à l'intérieur
03:51 du bagne, étaient mis par les gardiens en ménage avec les caïds de 21 ans.
03:56 En ménage avec tout ce que cela comporte, et tout ce à quoi cela consiste.
04:01 C'est-à-dire que l'administration française, la république française, notre justice,
04:05 mettait des enfants en ménage avec les caïds pour qu'il n'y ait pas de problème.
04:08 Ça pour moi c'est quelque chose qui est épouvantable.
04:10 Mais ça ne suffit pas à faire un roman.
04:11 Moi je ne suis pas historien, je ne suis pas sociologue, là pour le coup je ne suis pas
04:15 journaliste.
04:16 Donc je cherche d'autres choses sur le roman, pour faire un roman, et j'apprends l'évasion
04:22 de ces gamins.
04:23 Alors, ils s'évadent de Béli-Lammer, c'est-à-dire qu'ils passent le mur, le mur avec les tessons
04:30 de bouteilles au-dessus, mais après il y a le pire des gardiens, l'océan, qui est là,
04:34 qui est autour.
04:35 Le mur qui est toujours là, les tessons de bouteilles qui sont toujours sur le mur aujourd'hui.
04:38 - Vous y êtes allé ?
04:39 - Bien sûr, et c'est encore là, c'est-à-dire que le mur de ces gamins est toujours là,
04:42 vivant.
04:43 - Ça se visite ?
04:44 - Alors ça ne se visite pas, mais on me l'a fait visiter, oui oui, j'ai visité les cellules,
04:49 mais ça va devenir, j'espère, si tout va au bout, ça va devenir une sorte de lieu de
04:53 mémoire où les touristes, parce qu'ils ne savent pas les touristes, ils passent devant
04:57 la citadelle Vauban, ils ne savent pas que juste à côté il y a ce...
05:00 - Mais même les habitants de l'époque, en tout cas en partant de votre livre...
05:04 - Ils savent, mais ils pensent que c'est le pire de la lit de la société qui est à l'intérieur.
05:07 C'est-à-dire que quand un seul s'évade, quand un seul réussit à s'évader, ils vont
05:12 violer les filles, ils vont casser nos commerces, ils vont voler un bateau, et là il y en a
05:17 56 qui s'évadent, l'île devient complètement folle.
05:19 - Et on offre une récompense à celui qui arrivera à retrouver ses évadés.
05:23 - Alors je l'ai prise, la récompense, parce que je trouve que cet argent-là, c'est le
05:27 bruit de l'argent qui n'existe pas aujourd'hui, c'est une pièce de 20 francs argent, donc
05:34 pour chaque enfant rapporté à la citadelle, la gendarmerie offre une pièce de 20 francs
05:38 argent, c'est-à-dire que 20 francs argent dans le Morbihan à l'époque, quand même,
05:42 c'est 4 pains de 3 kilos, donc c'est considérable.
05:45 Alors il y a ceux qui y vont parce qu'ils ont faim, parce que qui va à la chasse à
05:50 l'enfant pendant une nuit ? Ce sont les braves gens, il y a les pêcheurs de l'île, il y
05:56 a les habitants, il y a les commerçants, il y a les paysans, il y a les touristes.
06:01 Il y a des touristes avec des filets à papillons et des filets à crevettes qui vont chercher
06:07 les enfants.
06:08 Et ça ne suffit toujours pas pour faire un livre.
06:11 Ce qui, tout d'un coup, et dans la presse locale, je vois un petit entrefilet, un jour,
06:16 deux jours, en disant "c'est marrant parce qu'il en manque un".
06:18 Un gendarme local, j'adore cette phrase, dit "il aura peut-être trouvé un jupon accueillant
06:22 sur l'île", ce qui est assez mignon.
06:24 Alors je vois plus une mère putative qu'une copine, je vois plus qu'une mère qui se
06:29 dit "c'est un pauvre gosse".
06:31 Mais la majorité de la presse à l'époque dit "il se sera noyé".
06:34 Mais moi, auteur pour le coup, je ne suis pas journaliste, je ne suis pas historien,
06:37 l'auteur pour le coup, j'ai quoi ? J'ai 56 gamins, 55 qui reviennent et un qui manque.
06:42 On ne connaît pas son nom, mais c'est magnifique.
06:44 - Donc c'est là où l'auteur arrive et vous sortez du travail d'enquête que vous avez
06:49 effectué avant, où vous êtes plongé dans les coupures de presse de l'époque.
06:52 - Je veux que tout soit exact avant de commencer.
06:55 Tout est exact avant qu'un personnage fictif puisse entrer.
06:57 - C'est ça, c'est l'histoire de cet enfant qui va trouver refuge chez un pêcheur.
07:02 - Voilà, avec des pêcheurs.
07:04 En fait c'est très particulier, mais ce livre c'est la revanche d'un enfant battu.
07:08 C'est-à-dire que mon père m'a juré, m'a promis le bagne, maintenant il est mort et
07:15 ce bagne-là, je vais m'en évader sous un autre nom, une fausse identité.
07:18 - C'est un peu votre enfance que vous racontez aussi à travers ce livre.
07:21 - Alors ce sont les mêmes coups, ce sont la même violence et c'est cette même rage
07:25 surtout, parce que l'enragé, quand on me dit, je n'imite pas les lecteurs qui ne lisent
07:30 pas autobiographie, il y en a souvent qui le disent, le lecteur est très intéressé
07:34 à ce que c'est autobiographie, ou est-ce que l'auteur se cache dans le roman ?
07:37 Eh bien si, c'est pas autobiographie, en 34 je n'étais pas là, mais c'est ma rage,
07:42 et c'est ma colère, et c'est ce besoin d'évasion que j'ai vécu toute ma vie entière,
07:48 et là je la revis grâce à mon petit bonhomme qui s'appelle Jules Bonneau, mais ça ne s'écrit
07:53 pas pareil dit-il, c'est pas la bande à Bonneau, lui ne sait même pas qui était
07:55 la bande à Bonneau, mais Jules Bonneau va être mon petit double en 34 et va s'évader.
08:00 - Ça aurait pu s'appeler La Teigne d'ailleurs, vous l'avez appelée L'Enragé, mais La Teigne
08:04 c'était le surnom de Jules Bonneau.
08:05 - Alors fait pigréz-vous qu'on a hésité entre La Teigne et L'Enragé, et quand j'ai
08:09 fait une petite enquête autour de moi d'abord, les gens me disaient "mais La Teigne c'est
08:12 un peu dégueulasse, on dit une lesse-teigne, une sale-teigne".
08:15 - Il y a un aspect négatif dans La Teigne.
08:16 - Il y a un aspect, le crâne tout pourri avec les cheveux tout je sais pas quoi, c'est
08:23 La Teigne, c'est un chien teigneux.
08:25 - L'Enragé, c'est autre chose.
08:27 - C'est le faux.
08:28 - C'est sublime L'Enragé.
08:29 - Qui est effectivement plein de rage, mais c'est ce qu'on aime aussi dans votre livre,
08:34 dans ce personnage qui est très touchant, c'est que vous n'avez pas cherché à en
08:37 faire un petit ange blessé, il n'est pas du tout parfait.
08:41 - Pas du tout.
08:42 - Au contraire, il est justement plein de rage, plein de violence ce gamin.
08:46 - Je suis désolé, mais je vous aurais présenté le même centre punitentiaire avec un petit
08:54 orphelin que tout le monde lit dessus, puis il est très très malheureux, quel est l'intérêt ?
08:58 Moi ce que je voulais c'est qu'il y ait de la rage, il y ait de la colère.
09:01 - Une rage qu'on comprend très bien.
09:02 - Bien sûr, il est le produit de la violence des adultes là, mais moi ce que j'aime, et
09:07 c'est pour ça que c'est important, le centre punitentiaire, l'évasion c'est une partie
09:11 du livre, l'autre partie du livre c'est comment est-ce que cet homme, ce gamin qui n'a que
09:16 des points au bout des bras, comment est-ce qu'il va ouvrir ses points ? Comment est-ce
09:19 qu'il va tendre la main ? C'est ça qui m'intéresse.
09:20 - Et c'est ça qu'il faut lire absolument, l'enragé de Sorge Chalandon, c'est aux éditions
09:24 Grasset et c'est vraiment l'un des événements littéraires de cette rentrée.
09:27 - Sorge Chalandon, vous êtes notre invité jusqu'à 11h sur Europe 1 en culture média,
09:31 restez avec nous parce que dans un instant, c'est le premier indispensable du jour, la
09:35 playlist du week-end choisie par Jo-Yum.