• il y a 10 mois
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Transcription
00:00 Vous écoutez Culture Média sur Europe jusqu'à 11h avec Thomas Hill.
00:03 Et alors ce matin j'ai le bonheur de recevoir un écrivain que j'ai découvert avec un livre très drôle qui s'appelle ONG.
00:09 Et il vient nous voir ce matin avec un livre beaucoup moins drôle mais passionnant sur le KGB.
00:14 Bonjour Yégor Grann.
00:16 Bonjour.
00:16 Merci d'être avec nous ce matin.
00:18 Ce qu'il faut expliquer c'est que vous êtes né à Moscou, vous êtes arrivé en France à l'âge de 10 ans
00:23 parce que vous êtes le fils de l'écrivain dissident russe Andrei Sinyavski.
00:27 Et en 2020, vous avez raconté dans un livre les déboires de votre famille avec les services secrets russes,
00:34 le KGB qui à l'époque a pourchassé votre père pendant des années.
00:39 Et pendant vos recherches pour ce livre, vous êtes tombé sur ce que vous appelez un trésor historique,
00:43 un manuel qui servait à former les futurs espions du Kremlin, c'est ça ?
00:48 Oui, 130 pages de mise en pratique du recrutement des agents en Occident.
00:55 Un manuel tiré à 100 exemplaires seulement, chaque exemplaire est numéroté.
01:00 Évidemment, il n'avait pas le droit de sortir de l'endroit là où il était.
01:05 Et je me suis dit quand même, c'est impressionnant, c'est-à-dire c'est toute la guerre froide expliquée,
01:12 plus aujourd'hui ce qu'est le régime aussi, donc c'est assez fascinant.
01:18 Un manuel écrit par un espion pour former des espions
01:21 dont la principale activité sera de recruter de nouveaux espions partout dans le monde,
01:26 même si ce mot "espion" n'est jamais employé, on n'appelle pas ça comme ça.
01:29 Non, parce que ça fait un peu bas de gamme.
01:31 Vous savez, au KGB, on n'est pas chez James Bond,
01:35 et donc on est extrêmement méticuleux, on veut motiver ses troupes aussi.
01:40 Et "espion", ça fait un petit peu la crasse sous le paillasson.
01:45 Donc non, nous on est des officiers du renseignement,
01:49 ils se présentent de la sorte, et à partir de là,
01:53 on est dans une lutte à mort évidemment contre l'Occident,
01:56 et tous les moyens sont bons.
01:58 - Et alors en consultant ce manuel, vous avez eu l'impression vous-même d'infiltrer un peu le KGB,
02:03 d'espionner les espions, et c'est ça ce que vous publiez aujourd'hui ?
02:06 - Oui, parce qu'en fait ces écoles du KGB,
02:09 il y en avait environ une dizaine, déciminées sur l'ensemble du territoire.
02:14 En fait, on ne savait même pas qu'on était face à une école,
02:17 parce que c'était des bâtiments absolument neutres,
02:19 on passait devant sans même s'en apercevoir.
02:21 Les gens qui étaient en résidence, si je peux me permettre,
02:25 dans ces écoles ne sortaient jamais,
02:27 et n'avaient pas le droit de dire qu'ils étaient dans une école.
02:30 Et donc en fait, se glisser à l'intérieur, c'est incroyable.
02:36 - Et donc on a à la fois le texte de ce manuel, et puis vos commentaires à vous.
02:41 Et ce livre c'est un outil aussi pour nous aider à comprendre la Russie de l'époque,
02:45 mais aussi d'aujourd'hui, parce que vous êtes certain par exemple
02:48 que ce manuel il est passé entre les mains de Vladimir Poutine,
02:51 qui est passé lui-même dans les écoles du KGB.
02:53 - Oui, et pas qu'une seule fois, il est passé par trois écoles du KGB.
02:57 L'école numéro 401 à Leningrad, l'école numéro 101 dans les Orions de Moscou,
03:02 et la grande école, la Vichka, l'école supérieure du KGB,
03:06 qui est notre ENA si vous voulez, qui est au centre de Moscou.
03:10 - Mais vous déduisez que c'était un élève plutôt médiocre,
03:14 c'est ça ce que vous dites dans le livre ?
03:15 - Alors j'en déduis d'abord parce qu'il n'est jamais resté très longtemps dans ces écoles,
03:19 ensuite parce qu'il a été à chaque fois admis en admission parallèle,
03:22 un peu comme chez nous, vous savez toutes ces voies pour intégrer des grandes écoles.
03:27 Et puis surtout, après sa sortie, il a été affecté non pas en Occident,
03:33 c'est-à-dire là où on en voit les meilleurs,
03:36 mais en RDA, République Démocratique d'Allemagne, on en voit les médiocres.
03:41 - Comment on le connaît tout ce parcours de Vladimir Poutine
03:45 dans le KGB puisque comme vous le disiez, c'est très secret ces écoles, comment on le sait ?
03:48 - Ah bah lui d'abord on ne s'en cache pas, il a toujours clamé haut et fort,
03:52 c'est sa marque de fabrique, c'est "j'ai été patron du KGB"
03:57 à partir de ce moment-là, à l'époque, à la fin des années 90,
04:01 les gens ont quand même enquêté, c'était assez libre.
04:03 Ce n'est qu'après son arrivée que l'information a commencé à se rarifier
04:08 pour finalement être entièrement mise au placard.
04:13 - Et puis vous donnez des exemples d'espions extérieurs recrutés par le KGB.
04:18 En France, vous citez Charles Ernu, ministre de la Défense de François Mitterrand,
04:21 il était espion pour le KGB ?
04:23 - Pour le KGB, je pense que oui.
04:25 Vous savez, on n'a pas encore accès à son dossier complet,
04:29 j'espère qu'un jour on l'aura, mais on le soupçonne très fortement,
04:34 il y a eu plusieurs... on en a parlé à l'époque.
04:38 Maintenant, il aurait été recruté par les services bulgares.
04:41 Donc au départ, au milieu des années 50,
04:45 et puis ensuite, comme le poisson était un peu gros,
04:47 on l'a passé aux services soviétiques un peu plus tard.
04:51 - Ça fait partie des révélations de ce livre,
04:53 l'entretien d'embauche au KGB, c'est aux éditions Bayard,
04:57 c'est sorti le 24 janvier, on va continuer à en parler.
05:00 Et puis on va parler cinéma aussi avec Olivier Benkemoun tout à l'heure.
05:04 - Absolument ! - On parle de quoi ce matin ?
05:06 - On va parler d'un film diabolique, ça s'appelle "May December".