Pour une entreprise viticole, la bouteille en verre représente jusqu’à 40 % de l’empreinte carbone, d’après plusieurs estimations. Marc Etcheberrigaray a donc cofondé l’entreprise Joyons, une société coopérative d’intérêt collectif (SCIC) réunissant différents acteurs de la chaîne du vin. Leur raison d’être : développer le vin en bouteilles en verre consignées, en misant sur des vins de qualité et biologiques.
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00:00 *Générique*
00:06 Jeter sa bouteille après l'avoir bu, c'est un peu comme jeter son assiette après le repas.
00:10 Ce n'est pas moi qui le dit, mais une vigneronne.
00:12 Mais je trouvais qu'elle était de bon ton pour introduire notre sujet du jour, la consigne du verre.
00:17 Ça paraît du bon sens, nos aînés le faisaient et pourtant elle n'a toujours pas décollé en France.
00:21 Nous en parlons aujourd'hui avec le co-fondateur de Joyon, une chaîne solidaire de bouteilles de vin consignées.
00:27 Marc Echeberry-Garay est avec nous, bonjour.
00:30 Bonjour Eva.
00:31 Merci beaucoup Marc d'être avec nous.
00:33 Aujourd'hui, c'est quoi l'origine, la jeunesse du projet Joyon ?
00:36 Alors, moi je suis un ancien restaurateur, j'ai travaillé dans des associations engagées autour de l'alimentation,
00:43 notamment Yes We Camp, qui fait de l'urbanisme transitoire, qui est un peu connu sur le territoire parisien.
00:48 Et avec différents acteurs de l'agriculture, des vignerons, des distributeurs,
00:53 on s'est toujours dit que c'était compliqué d'être engagé et de respecter un prix juste.
00:58 Donc du coup, on a expérimenté une mise en bouteille de bouteilles consignées une première fois,
01:04 on a fait venir du vin à Paris et puis on s'est rendu compte qu'on pouvait faire des choses très bien avec du bon vin à un prix juste.
01:13 Après 2-3 expérimentations, on a créé une coopérative, une SIC, avec les différents acteurs impliqués dans le projet.
01:23 Donc des vignerons ? C'est que des acteurs du vin ?
01:26 Alors il y a des vignerons parce qu'on veut vraiment mettre en avant les vignerons,
01:30 parce que la consigne qui existait dans les années 50 a disparu,
01:34 parce qu'il y a eu des soucis aussi un peu de qualité et on ne savait plus trop ce qu'on buvait.
01:39 Là, on fait du vin qui est mis en bouteille à Paris, mais avec des vignerons que l'on met en avant dans nos bouteilles.
01:47 C'est intéressant la consigne, en tout cas pour vous, c'est un engagement des vignerons d'abord, c'est ça ?
01:52 Tout à fait, on s'est rendu compte que les vignerons, dans leur bilan carbone, il y avait 40% qui était lié à la gestion du verre,
02:00 ce qui est énorme, on ne se rend pas forcément compte, plus que la gestion d'un tracteur.
02:05 Du coup, nous on achète les bouteilles qui sont à Paris, on fait monter le vin à Paris, et le vin circule sur les différents acteurs.
02:15 Expliquez-nous, c'est quoi cette chaîne de réutilisation, recyclage de cette bouteille de vin ?
02:22 Tout à fait, la cuve de vin arrive à Paris, on la met en bouteille avec les différents sociétaires de la coopérative,
02:29 de là on met, c'est souvent des cuves de 1000 litres, pour être très précis, on a 1600 bouteilles qui sont créées,
02:36 de là elles sont livrées en vélo cargo chez les bénéficiaires, qui sont souvent des restaurateurs ou des traiteurs engagés,
02:42 on vient les récupérer, on les fait laver par une coopérative aussi engagée qui s'appelle OECO, au parc de la Villette,
02:50 et elles reviennent dans le cycle pour une nouvelle mise en bouteille.
02:53 Et ça on peut faire ça combien de fois ? Une bouteille, elle peut avoir combien de vies ?
02:57 Aujourd'hui nous on utilise des bouteilles échampenoises qui sont des bouteilles solides aussi,
03:01 qui permettent de les transporter facilement, on peut légalement, c'est 50 lavages, on peut même imaginer que ça peut aller beaucoup plus.
03:10 Ça ne pourrait pas marcher sur toutes les bouteilles, c'est ce que vous dites ?
03:13 Oui, en fait l'inconvénient qu'on a c'est que nous on déplace ces bouteilles-là, c'est des casiers,
03:18 des casiers avec des bouteilles, qui sont transportées en vélo, donc il y a du contact et elles peuvent être plus fragiles.
03:23 Mais aujourd'hui on a quasiment 90% de retour de nos bouteilles, donc on a très peu de pertes, ce qui est assez remarquable.
03:30 Vous parliez de vélo cargo, est-ce que toutes vos bouteilles sont aujourd'hui livrées de cette manière-là ?
03:35 Alors oui, à chaque restaurateur qui nous font une commande de 60 bouteilles, ce qui correspond à ce qui remplit un vélo cargo, on est livré à vélo.
03:43 Si on a des plus petites commandes, des fois on peut faire des panachages avec d'autres distributeurs de boissons pour pouvoir alimenter les différents restaurants.
03:51 C'est important pour vous d'être cohérent aussi sur cette question, on sait que le transport c'est assez polluant, c'est important pour vous aussi d'être cohérent sur cette question ?
03:58 On essaie d'être cohérent sur toute la chaîne circulaire, que ce soit la création de la bouteille, la livraison en vélo, la récupération, le lavage,
04:07 et le choix aussi des vignorants qui sont tous certifiés en agriculture biologique.
04:11 Est-ce que vous vous sentez, je ne sais pas si je vais le dire comme ça, un peu seul aujourd'hui dans le paysage de la consigne en France,
04:17 je le disais en préambule de cette émission, on en a parlé à une époque, vous parliez des années 50 tout à l'heure, je ne sais pas,
04:25 aujourd'hui vous vous sentez un peu seul sur ce sujet-là ?
04:27 Il y a de plus en plus d'acteurs qui commencent à se mobiliser, notamment en région, après il y a eu beaucoup aussi d'administrements de l'État sur le développement du plastique,
04:36 ce qui fait que de revenir en arrière et de redévelopper toute la logistique, l'industrie autour de la consigne, ce n'est pas évident.
04:43 Et même culturellement, les Français, même s'ils sont tous d'accord pour faire la consigne, n'ont pas encore le réflexe de ramener leur contenant.
04:51 C'est pour ça que nous on s'adresse aujourd'hui aux restaurateurs, parce qu'on est sûr de récupérer la majorité de nos bouteilles.
04:57 Parce que l'ancienne secrétaire d'État à l'écologie, elle avait confirmé la mise en place d'une consigne sur les emballages en verre pour produits alimentaires d'ici à deux ans.
05:03 Il y a plusieurs, vous dites, les gens commencent à s'y mettre, c'est vrai qu'il y a plusieurs distributeurs qui ont lancé des premières expérimentations aussi sur les consignes.
05:10 Bon, en gros, selon vous, on est quand même en bonne voie, on va dans le bon sens ?
05:14 On est en bonne voie, nous on se rend compte que, déjà en tous les cas, les restaurants et les gens qui sont de plus en plus engagés ont envie de participer à l'amélioration du bien carbone des vignerons,
05:24 et de moins jeter les bouteilles, de remplir les poubelles. Donc je pense qu'on est en bonne voie.
05:29 Après, il faut que les Français se réengagent de nouveau pour ramener leur contenant là où ils achètent leurs produits.
05:37 Est-ce que vous vous êtes soutenus par les pouvoirs publics d'une manière ou d'une autre, via des subventions ?
05:42 Voilà, joyons, je ne sais pas, est-ce que vous avez des aides ?
05:44 Tout à fait, on a eu la chance d'être accompagnés par la mairie de Paris, qui nous accompagne, qui est aussi engagée sur l'alimentation durable sur son territoire,
05:54 qui nous soutient énormément, qui nous a permis d'investir notamment les premiers outils dont on avait besoin, c'était une petite réserve à vin, c'est les premières bouteilles, les premiers casiers,
06:03 qui nous mettent le pied à l'étrier pour après continuer à se développer.
06:07 Et c'est quoi justement, continuer à se développer, ça veut dire quoi ? C'est quoi vos objectifs ?
06:12 Aujourd'hui, je ne sais plus si vous l'avez dit, vous travaillez à combien de vignerons actuellement ?
06:16 Pour les vignerons, aujourd'hui on est vraiment en démarrage, on a 4 vignerons qui nous suivent, on espère en mobiliser de plus en plus,
06:23 il y a des vignerons qui commencent à nous solliciter, et après on travaille aujourd'hui avec une quarantaine de restaurateurs,
06:30 et on démarre à peine, la coopérative a été créée en janvier 2024, et donc on espère multiplier par 2, par 2, par 3, par 10 d'ici l'année prochaine.
06:40 Mais vous donnez l'exemple aussi, c'est ça aussi Joyon, c'est donner l'exemple, montrer que c'est possible.
06:46 Voilà, on essaie de sensibiliser les gens autour de ça, donc ça concerne les acteurs publics, les citoyens qui vont aussi dans les restaurants,
06:54 qui disent "ah tiens, on peut aussi reboire des produits de qualité dans des bouteilles consignées, et à des prix justes".
07:01 C'est aussi le succès de notre projet, c'est que le prix qu'on affiche en tous les cas est juste.
07:09 Oui, c'est très intéressant. On peut faire ça avec les bouteilles de vin, on peut faire ça avec n'importe quelle bouteille ?
07:15 Oui, notre dada, c'est le vin, mais tous les contenants, tout est possible.
07:22 Que ce soit de toutes les boissons alcoolisées ou non alcoolisées, attention de ne pas trop boire de vin non plus,
07:28 et ça marche pour les contenants aussi alimentaires.
07:32 Pour qu'on fasse un résumé, vous disiez tout à l'heure en termes d'impact carbone, vous parliez de coûts,
07:37 si vous deviez vendre, j'ai envie de dire Marc, ce principe de la consigne, les différents avantages,
07:45 pour montrer aux gens pourquoi ils devraient s'y mettre en termes de coûts, en termes d'impact carbone.
07:51 Il y a un exemple type, c'est par exemple, il faut à peu près 1300 litres pour créer une nouvelle bouteille,
07:57 alors qu'avec 1300 litres, on peut laver 500 bouteilles 50 fois.
08:03 Donc la création d'une bouteille, on peut le remplacer par l'utilisation d'une bouteille consignée en très grande quantité.
08:12 Ça évite de transporter encore des aliments ou des contenants pour rien alors qu'ils sont déjà là.
08:21 Merci beaucoup Marc Echeberry-Garay d'être venu nous voir aujourd'hui dans Smart Impact.
08:27 Je rappelle, vous êtes le cofondateur de Joyon.
08:29 Merci beaucoup d'avoir été avec nous aujourd'hui. On passe tout de suite au débat RSE.