Notre dépendance aux énergies fossiles tue. Pas seulement nos générations futures et celles et ceux qui vivent déjà les conséquences du dérèglement climatique, mais les fossiles se retrouvent aussi souvent au centre de conflits. On a voulu revenir sur la guerre en Ukraine.
Évidemment on a dû couper beaucoup de choses pour éviter que la vidéo soit plus longue que le prochain Avatar, mais si ce genre de vidéo de fond vous plaît, n'hésitez pas à nous le dire on en fera d'autres !
Update : quand Camille parle des minerais rares qui peuvent être nécessaires dans le déploiement de certaines énergies renouvelables, depuis qu'on a tourné la vidéo, la France a décidé d'interdire l'exploitation minière des fonds marins, et ça : c'est dingue.
Écriture : Camille Étienne et Garance Perrault
Réalisation : Solal Moisan
Production : Julie Manoukian
Montage : Chloé Arroyo
Motion Design : Noémie Joole
Mixage : Maxime Covelli-Roubaud
Cette vidéo a été soutenue par la European Climate Foundation. La responsabilité des informations et des points de vue exposés dans cette vidéo incombe aux auteurs. La European Climate Foundation ne peut être tenue responsable de l’usage qui pourrait être fait des informations qui y sont contenues ou exprimées.
Évidemment on a dû couper beaucoup de choses pour éviter que la vidéo soit plus longue que le prochain Avatar, mais si ce genre de vidéo de fond vous plaît, n'hésitez pas à nous le dire on en fera d'autres !
Update : quand Camille parle des minerais rares qui peuvent être nécessaires dans le déploiement de certaines énergies renouvelables, depuis qu'on a tourné la vidéo, la France a décidé d'interdire l'exploitation minière des fonds marins, et ça : c'est dingue.
Écriture : Camille Étienne et Garance Perrault
Réalisation : Solal Moisan
Production : Julie Manoukian
Montage : Chloé Arroyo
Motion Design : Noémie Joole
Mixage : Maxime Covelli-Roubaud
Cette vidéo a été soutenue par la European Climate Foundation. La responsabilité des informations et des points de vue exposés dans cette vidéo incombe aux auteurs. La European Climate Foundation ne peut être tenue responsable de l’usage qui pourrait être fait des informations qui y sont contenues ou exprimées.
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00:00 Vous le savez je vous parle souvent des énergies fossiles et des principales entreprises qui en ont fait leur profit.
00:04 Mais ce dont on vous parle le moins c'est le lien entre ça
00:07 Et ça
00:11 Ok ouais on va parler de la gare, je suis très à l'aise.
00:15 Ça peut paraître lointain et pourtant les liens sont évidents, on vous les explique maintenant.
00:19 S'il y a bien un sujet qui est au centre du débat écologique et que pourtant personne ne comprend vraiment
00:29 et on s'inclut dedans, c'est bien l'énergie.
00:31 Alors on a décidé de plonger la tête dans les rapports, de poser nos questions à des scientifiques qui travaillent sur le sujet
00:37 et d'essayer de rendre ça plus clair pour vous.
00:39 Si vous vous souvenez de vos cours de physique, l'énergie mesure la capacité d'un système à modifier un état,
00:44 à produire un travail entraînant un mouvement, un rayonnement électromagnétique ou de la chaleur.
00:49 Elle est mesurée en joules dans le système international mais on en parle souvent en watt-heure.
00:53 En gros on a besoin d'énergie partout pour tout.
00:56 L'énergie est issue de différentes sources d'énergie qui peuvent être classifiées en deux groupes.
01:00 Les énergies non-renouvelables dont les sources ont des stocks sur Terre limités
01:04 et les énergies renouvelables qui dépendent d'éléments que la nature renouvelle.
01:08 Elles sont du coup dites renouvelées parce que l'énergie nous parvient par exemple du soleil.
01:12 Parmi les énergies non-renouvelables il y a les énergies fossiles.
01:15 On dit fossiles car elles sont issues de matériaux biologiques fossilisés.
01:18 Par exemple une plante ou un animal qui est mort il y a des millions d'années
01:21 et qui avec le temps s'est sédimenté sous la terre et la pression exercée pendant tout ce temps
01:26 créé une source d'énergie comme par exemple le pétrole ou encore le charbon.
01:30 Ces énergies fossiles qu'on appelle hydrocarbures sont ensuite utilisées.
01:33 Le pétrole par exemple est sorti de terre par des oleoducs plus connus sous le nom de pipeline d'ailleurs
01:38 et une fois récupéré il est transformé en essence pour la voiture,
01:41 en kérosène pour les avions ou en mazout pour les bateaux etc etc.
01:45 Le gaz lui est directement brûlé pour chauffer nos maisons ou faire fonctionner les gazinières de nos cuisines.
01:49 Ça normalement vous le savez mais un petit rappel ça fait toujours plaisir.
01:53 Ces énergies non renouvelables sont basées sur des ressources limitées
01:56 et donc on ne peut pas compter sur elles indéfiniment pour développer nos sociétés
01:59 qui en sont pourtant aujourd'hui largement dépendantes.
02:02 Et en plus de ça elles sont extrêmement polluantes.
02:04 Un hydrocarbure est formé à partir d'une base de matériaux biologiques.
02:08 Sur terre ces formes de vie sont composées de carbone, le quatrième élément le plus abondant dans l'univers.
02:13 À l'état gazeux le carbone est un gaz à effet de serre,
02:16 c'est à dire que l'une de ses particularités, de ses propriétés,
02:19 c'est de conserver dans l'atmosphère la chaleur émise par la surface terrestre.
02:23 C'est ce qu'on appelle le rayonnement infrarouge.
02:25 Lorsque la quantité de gaz à effet de serre augmente,
02:28 elle piège encore une plus grande partie de ce rayonnement et donc provoque la hausse des températures.
02:32 Le plus connu et le plus répandu de ces gaz c'est le CO2
02:35 mais il en existe beaucoup d'autres qui sont parfois beaucoup plus nocifs
02:37 comme le méthane ou le protoxyde d'azote.
02:39 Ils sont également relâchés dans l'atmosphère terrestre
02:42 et accélèrent le réchauffement climatique en augmentant l'effet de serre.
02:45 Les rapports de l'Agence internationale de l'énergie et du GIEC sont clairs.
02:49 Si on veut garder une chance de limiter le réchauffement à 1,5°C par rapport à l'air pré-industriel
02:54 et ainsi éviter les conséquences de chaque degré de plus,
02:57 on doit laisser les énergies fossiles dans le sol.
03:00 Et ça commence par stopper ce que l'on appelle l'expansion pétrogaziaire.
03:04 Si on ne peut pas pour l'instant couper les robinets des projets existants,
03:07 on doit tout faire pour empêcher que de nouveaux projets voient le jour.
03:10 En bref, si on veut garder une planète viable,
03:12 il va falloir sérieusement se soigner de notre addiction aux énergies fossiles.
03:16 On mesure l'énergie consommée en "Water"
03:18 qui correspond à l'énergie consommée ou délivrée par un système d'une puissance de 1 W
03:23 fonctionnant pendant une heure.
03:24 Aujourd'hui, en France, notre consommation d'énergie primaire se répartit comme ça.
03:28 Sur ce schéma, on peut voir que le premier fournisseur de la France dans les années 70,
03:32 c'est le Moyen-Orient et que petit à petit, il est rejoint par d'autres régions.
03:36 C'est le cas notamment de la Russie qui aujourd'hui fournit la France à peu près à hauteur de 20%.
03:41 Et sur ce deuxième schéma, on peut voir la consommation des produits raffinés par secteur
03:44 et on voit que c'est clairement le transport qui est le secteur le plus énergivore.
03:47 Ça nous fait émettre 5 tonnes de CO2 par français et par an.
03:51 Sans compter les émissions contenues dans tout ce que l'on importe, genre nos smartphones.
03:55 Donc on pourrait en réalité gonfler ce chiffre jusqu'à atteindre 10 tonnes de CO2 par français et par an.
04:01 Et on devrait se limiter à moins de 2 tonnes si on voulait se donner une chance de rester
04:05 sous la fameuse barre des 1,5°C, soit 5 fois moins.
04:08 Ouais mais en ce moment, on parle vachement d'énergie renouvelable, donc il y a de l'espoir quand même, non ?
04:12 Oui mais aujourd'hui, ces sources d'énergie, elles s'additionnent, elles ne se remplacent pas.
04:16 Notre consommation d'énergie primaire, elle a par exemple été multipliée par 6 au niveau mondial depuis les années 50.
04:21 Concernant les énergies fossiles, on est loin de s'en débarrasser.
04:24 Il existe encore 425 bombes fossiles déjà en activité ou en construction
04:29 et des centaines de projets pétrogaziers en train de voir le jour,
04:32 comme ECOP en Ouganda dont je vous parle ici très souvent.
04:35 Selon cette étude parue dans la revue Nature le 12 mai 2022, si tous ces projets sont menés à terme,
04:40 leur émission potentielle combinée représenterait à elle seule plus de 2 fois le budget carbone mondial,
04:46 c'est-à-dire le plafond d'émissions à ne pas dépasser pour maintenir le réchauffement à 1,5°C.
04:52 Cette courbe, effectivement, ne fait que monter les émissions de gaz.
04:55 À un moment, il faut qu'elles descendent.
04:56 Et si elles ne descendent pas à partir de 2025,
04:59 on n'aura quasiment aucune chance de rester en dessous des 1,5°C, ce qui était l'objectif des accords de Paris.
05:04 Et à partir de 1,5°C, entre 1,5°C et 2°C,
05:08 on rentre dans ce que les climatologues du GIEC appellent une forme d'incertitude profonde,
05:12 avec potentiellement des effets en cascade que nous ne pourrions pas prévoir et que nous ne pourrions pas maîtriser.
05:17 Et en plus, il n'existe pas d'énergie 100% propre.
05:20 On a toujours besoin de matière, d'infrastructure pour la produire.
05:23 Le développement d'énergie renouvelable nécessite des minerais rares,
05:26 qu'on est en train d'aller chercher d'ailleurs en ce moment dans le fond de nos océans,
05:29 ce qui est très dangereux pour les écosystèmes marins.
05:31 Donc en plus de diversifier ce qu'on appelle notre mix énergétique,
05:34 en gros les différentes sources d'énergie, il s'agirait de mettre en place deux choses
05:38 dont on entend parler en ce moment dans l'actu.
05:40 L'efficacité énergétique, c'est-à-dire utiliser mieux l'énergie.
05:44 Le service final est le même, par exemple chauffer son appartement à 19°C,
05:47 mais on a besoin d'une plus petite quantité d'énergie pour ça,
05:50 parce qu'on a des murs mieux isolés par exemple.
05:52 La consommation globale est ainsi réduite, mais on garde un confort satisfaisant.
05:57 Et la deuxième chose, c'est la sobriété énergétique.
06:00 Si on suit la définition du GIEC, ça veut dire consommer collectivement moins d'énergie,
06:04 et donc organiser nos sociétés pour en produire moins.
06:07 Si on fait le parallèle avec la consommation de bonbons de Solal,
06:09 il s'agirait qu'il ne consomme pas seulement des bonbons moins nocifs pour sa santé,
06:13 mais qu'il réduise tout simplement sa consommation de bonbons.
06:16 Je crois pour ma part que ce que nous sommes en train de vivre
06:18 est plutôt de l'ordre d'une grande bascule ou d'un grand bouleversement.
06:23 D'abord parce que nous vivons, et cela pas simplement depuis cet été,
06:26 et ces dernières années, au fond, la fin de ce qui pouvait apparaître comme une abondance.
06:31 Ok oui, mais d'accord, avec les bonbons ça va, mais comment est-ce qu'on fait là maintenant ?
06:34 Et bien ça on vous en parle à la fin de la vidéo.
06:37 Quel est le lien entre la guerre en Ukraine et nos tradictions aux énergies fossiles ?
06:41 Ça ne nous aura pas échappé, la Russie a déclaré la guerre à l'Ukraine le 24 février dernier,
06:45 et depuis ce conflit armé a fait des milliers de victimes.
06:48 Ce qu'il ne faut pas oublier, c'est que sur le plan énergétique, l'Europe est dépendante de la Russie.
06:52 Une grande partie de l'énergie consommée en Europe vient de là-bas.
06:55 Et d'ailleurs, 40% du gaz vient de Russie.
06:58 En 2019, l'énergie créée par la combustion de ce gaz a représenté presque un quart de l'énergie utilisée par l'UE cette même année.
07:04 Du coup l'Europe, en payant pour cette énergie, constitue une source de financement importante pour la Russie.
07:09 Durant les 100 premiers jours de la guerre, les exports de leur énergie fossile ont rapporté à l'état russe 93 milliards d'euros.
07:16 L'Union Européenne est responsable pour 61% de ces exports, ce qui a rapporté environ 57 milliards d'euros aux autorités russes.
07:24 Durant les deux premières semaines de la guerre, l'Occident a versé 8 milliards d'euros à la Russie.
07:29 C'est ce que dit ce rapport, le rapport CREA, que l'on a lu pour vous.
07:33 Et on vous le met d'ailleurs en description avec toutes les autres sources utilisées pour cette vidéo, si vous voulez aller plus loin.
07:38 Face à ce constat, certains dirigeants et l'opinion publique ont fait pression pour deux choses.
07:42 D'abord que l'on limite les importations russes, on va en parler juste après.
07:46 Et ensuite que les géants pétroliers non-russes cessent leurs activités en Russie.
07:50 En mai dernier, Total Energy, le géant français des énergies fossiles, faisait partie des 15 grandes entreprises qui maintenaient leurs achats d'énergie fossile russe.
07:58 Le deuxième lien entre les énergies fossiles et la guerre, c'est la provenance de l'énergie utilisée par l'armée russe.
08:03 D'où vient le pétrole transformé en kérosène nécessaire aux avions qui ont bombardé Mariupol ? Et c'est là que ça se corse.
08:09 Total Energy exporte encore du gaz vers l'Europe aujourd'hui et exploite en Russie le gisement de Thermocarstovoy.
08:15 Le 24 août 2022, Le Monde a publié un article démontrant que les condensats de gaz tirés de ce gisement,
08:21 une fois transformés en kérosène, servaient à ravitailler des avions de combat russes engagés dans la guerre en Ukraine.
08:26 Complicité de crime de guerre. L'accusation est lourde, elle vise le groupe Total Energy.
08:32 Les énergies fossiles sont une arme géopolitique. D'ailleurs, la Russie a coupé certains éludus pour se venger de notre soutien en Ukraine.
08:38 Notre dépendance au gaz russe démontre la fragilité actuelle du système énergétique européen.
08:44 La Russie est consciente de la dépendance de l'Europe et la retourne contre l'UE.
08:48 Elle fait du gaz une arme stratégique. Et ça, ce ne serait pas possible avec des énergies renouvelables,
08:53 car ce sont des petites infrastructures disperses. Donc le système est moins vulnérable dans l'ensemble.
08:57 Moralement, pour ne pas financer indirectement la guerre, il paraît évident de notre côté de couper tous les approvisionnements en gaz et en pétrole russes.
09:05 C'est d'ailleurs ce qu'on a commencé à faire.
09:07 Dans le secteur de l'énergie et en plus des sanctions individuelles et financières,
09:10 des sanctions économiques ont été mises en place pour réagir face à l'invasion russe.
09:15 Ainsi, les États membres de l'UE ont interdit l'importation du charbon russe
09:19 et aussi les importations par voie maritime de pétrole brut et de produits pétroliers en provenance de Russie.
09:25 De son côté, la Russie a répondu aux sanctions européennes en arrêtant la livraison de gaz à l'UE par le gazéoduc Nord Stream 1.
09:31 La Russie utilise donc le gaz comme moyen de pression, comme arme de guerre, dit la France.
09:36 Ce gaz qui continue malgré tout à être produit par la Russie est aujourd'hui brûlé à l'air libre
09:40 car le pays ne dispose pas de la capacité de stockage nécessaire.
09:44 Selon un article de reporter, une enquête de la BBC publiée le 26 août
09:47 rapporte que près de 4,34 millions de mètres cubes de gaz naturel, soit une valeur équivalente à 10 millions d'euros,
09:54 était brûlé chaque jour près de la frontière russe avec la Finlande.
09:57 Depuis des années, le producteur russe brûle le surplus de stock.
10:01 Il est même champion du monde de la pratique.
10:02 Mais depuis cet été, le blocage avec l'Europe, le torchage atteint des niveaux inédits.
10:08 Le torchage de ces gaz libérait environ 9000 tonnes d'équivalent de CO2 par jour.
10:12 Ces sanctions, combinées à la baisse des livraisons de gaz russes,
10:16 renforcent une hausse des prix de l'énergie qui avait déjà commencé en 2021.
10:19 Et maintenant, on commence à être inquiet de l'hiver qui arrive,
10:22 des possibles coupures d'électricité et de la hausse des prix pour les ménages.
10:25 En France, la hausse des prix reste aujourd'hui limitée face à la mise en place de ce qu'on appelle le bouclier tarifaire par le gouvernement.
10:31 Mais ce bouclier tarifaire ne pourra pas durer éternellement
10:34 et constitue une source de financement massif aux énergies fossiles.
10:37 Et les collectivités et les petites et moyennes entreprises voient leurs factures d'électricité grimper.
10:42 Si bien qu'on a l'exemple de l'université de Strasbourg qui a annoncé fermer deux semaines cet été,
10:47 ou encore des piscines publiques qui ne pourront pas ouvrir cet hiver.
10:50 Alors deux chemins s'ouvrent à nous.
10:52 Changer de fournisseur et rouvrir nos centrales à fossiles qu'on avait fermées.
10:55 C'est en partie le chemin que prend aujourd'hui la France.
10:58 Mais ça pose deux problèmes.
10:59 D'abord un recul évident sur l'écologie, alors qu'on n'a plus le temps.
11:02 Alors qu'Emmanuel Macron avait promis de fermer en 2022 les dernières centrales à charbon en France,
11:08 il a décidé de rouvrir la centrale à charbon de Saint-Avold qui avait fermé.
11:12 Au large du Havre sont en train d'être installés des méthaniers.
11:14 C'est une sorte de gros bateaux flottants.
11:16 Ce sont des bateaux de regazification, c'est-à-dire qu'ils transforment le méthane importé en gaz.
11:21 Ce méthanier, il servira à importer du gaz naturel liquéfié des États-Unis.
11:25 Or le gaz naturel liquéfié vient en grande partie du gaz de schiste,
11:29 qui est la pire des énergies fossiles, avec un bilan carbone plus lourd que celui du charbon.
11:34 L'empreinte carbone du gaz naturel liquéfié est supérieure d'environ 20% à l'empreinte carbone du charbon.
11:40 Dans l'urgence, on en profite pour passer au-dessus des lois environnementales.
11:43 Le projet de loi sur la mesure d'urgence pour le pouvoir d'achat
11:46 permettra d'ouvrir n'importe quel terminal méthanier pour pouvoir continuer à importer du gaz.
11:50 Ces gros navires flottants ne sont pas soumis à certaines normes
11:54 destinées à protéger l'environnement.
11:55 Le deuxième problème, c'est que ça nous met face à un nouveau dilemme moral.
11:58 Si on change simplement de fournisseur de gaz et de pétrole,
12:02 on se retrouve à soutenir malgré nous des États qui sont parfois condamnables pour bien d'autres pratiques.
12:07 Amnesty International souligne que les Émirats Arabes-Unis
12:10 sont accusés de graves atteintes aux droits humains,
12:12 détention arbitraire, traitement cruel, inhumain ou dégradant,
12:16 atteinte à la liberté d'expression, au respect à la vie privée, discrimination, etc.
12:21 Côté écologie, ce ne sont pas non plus des élèves exemplaires,
12:23 le même rapport montre qu'en 2020, le pays a fait pression
12:26 pour que les baisses de production convenues entre les producteurs mondiaux de pétrole
12:30 au cours de la pandémie soient annulées.
12:32 Pourtant, Macron a reçu le 18 juillet 2022 le président des Émirats Arabes-Unis,
12:36 Mohamed Benzaïd Al Nahyan, avec pour objectif, selon l'Élysée,
12:40 l'annonce des garanties émiratiques concernant les quantités d'hydrocarbures fournies à la France
12:44 qui cherchent à diversifier ces sources d'approvisionnement dans le contexte du conflit en Ukraine.
12:48 On estime qu'entre un quart et la moitié de toutes les guerres inter-étatiques depuis 1973
12:53 sont liées au pétrole, et que les pays producteurs de pétrole
12:56 sont 50% plus susceptibles de connaître des guerres civiles.
12:58 En fait, les combustibles fossiles ont toujours été liés au conflit et aux guerres,
13:02 quelles que soient leurs origines.
13:03 Faut aussi noter que le gaz supplémentaire acheté par l'Europe est acheté au détriment d'autres clients.
13:07 Suivant la loi très simple de l'offre et de la demande,
13:10 l'UE plus riche va payer plus cher et recevoir plus de gaz.
13:13 Mais du coup, certains pays se retrouvent à court de liquidités et/ou de gaz,
13:16 alors que leur système énergétique en est encore largement dépendant.
13:20 Le deuxième chemin possible, c'est celui de planifier une sobriété énergétique
13:24 et de renforcer notre indépendance.
13:25 Le simple fait de passer du pétrole russe à un pétrole provenant d'ailleurs
13:29 ne peut pas et ne doit pas être la solution.
13:31 Parce que cela ne fait que prolonger notre dépendance au pétrole
13:34 et donc entraîne la crise climatique,
13:36 et aussi parce que ça déplace notre dépendance
13:38 vers d'autres autocraties et d'autres zones de conflit.
13:40 La réduction de la demande de pétrole prive Poutine d'un pouvoir plus important
13:44 que le simple fait de se tourner vers d'autres fournisseurs de pétrole.
13:46 D'autant plus que si la demande de pétrole et de gaz reste élevée sur le marché international,
13:51 on maintient des prix élevés pour la Russie,
13:53 qui continue à se faire beaucoup d'argent en vendant son hydrocarbure à d'autres États.
13:56 Et c'est possible.
13:57 Selon une étude d'Artelis, l'Europe peut se passer du gaz russe d'ici 2025
14:01 sans avoir besoin d'investissements majeurs dans de nouveaux projets d'infrastructures gazières.
14:04 Remplacer les énergies fossiles russes par des énergies renouvelables
14:07 aura également des bénéfices au niveau économique, santé et sécurité nationale.
14:11 Et ça, c'est un rapport du CREA.
14:12 Les énergies renouvelables nous rendent donc plus indépendants
14:15 parce qu'elles sont consommées localement, là où elles sont produites.
14:17 Et comme on l'a vu, elles ne sont pas exemptes d'impact.
14:19 Alors il faut aussi sérieusement se pencher en premier lieu
14:22 sur la sobriété et l'efficacité énergétique.
14:25 Pour se passer de gaz et de pétrole russe,
14:27 la sobriété et l'efficacité énergétique sont vraiment centrales.
14:30 La sobriété, selon le GIEC, c'est un ensemble de mesures et de pratiques quotidiennes
14:37 qui permet d'éviter la demande d'énergie, de matériaux, de terre et d'eau,
14:41 tout en assurant le bien-être de tous les êtres humains dans les limites de la planète.
14:44 Présentée comme ça, la sobriété, ça veut dire concrètement
14:47 diminuer notre consommation d'énergie et donc notre production.
14:50 Puisqu'elles permettent d'éviter la dépendance énergétique,
14:53 la sobriété est centrale pour éviter de recourir aux énergies fournies par la Russie.
14:57 Des rapports fournis par diverses organisations comme Négawat, l'IEA
15:00 ou encore l'Institut Jacques Delors mettent ainsi tous l'accent sur la sobriété
15:04 comme solution fondamentale pour réduire notre consommation de pétrole russe.
15:08 Comment est-ce qu'on fait ça ?
15:09 Ça passe par des mesures simples mais qui ont un impact énorme si on les met collectivement en œuvre.
15:13 Par exemple, le rapport de Greenpeace explique que si on interdisait les vols court-courrier,
15:18 pour lesquels il existe une alternative raisonnable au train dans 80% des cas dans l'Union européenne,
15:23 et qu'on réduisait les vols d'affaires, on pourrait économiser 8 millions de tonnes de pétrole
15:27 et 40 millions de tonnes de gaz à effet de serre par an.
15:30 On pourrait optimiser l'efficacité énergétique de nos bâtiments en accélérant leur rénovation thermique.
15:34 Un rapport de l'association Negawat propose de passer d'une vitesse de 130 à 110 km/h sur l'autoroute
15:41 pour réduire notre consommation de carburant de 25%.
15:43 Passer de 90 km/h à 80, c'est 14% de la consommation qui est réduite.
15:48 Les experts de l'IEA ajoutent que si on baissait son chauffage de ne serait-ce que 1°C,
15:52 on réduirait notre demande d'électricité de 10%.
15:55 Donc l'État pourrait l'imposer aux bureaux des grandes entreprises par exemple.
15:58 Les rapports proposent aussi de mettre l'accent sur le télétravail, le covoiturage,
16:01 des comportements qui réduisent notre dépendance à la voiture
16:04 et donc au pétrole.
16:05 Mais attention toutefois, on sait qu'on est tous inégaux face à l'usage de la voiture
16:09 et face aux conditions de télétravail.
16:10 En plus de renforcer notre indépendance énergétique,
16:13 la sobriété présente des intérêts économiques,
16:15 puisqu'elle nous fait moins dépenser mais améliore aussi notre santé.
16:18 Elle renforce notre recherche du lien social tout en soutenant notre lutte contre le chauffement climatique.
16:23 Le gouvernement vient d'annoncer son plan de sobriété
16:25 dans lequel on retrouve des mesures appliquées au domaine public,
16:28 comme par exemple la coupure de l'eau chaude dans les bâtiments de l'administration.
16:32 Mais rien de contraignant pour les grandes entreprises,
16:35 ni pour les plus émetteurs qui sont les ménages les plus riches.
16:38 Elisabeth Born par exemple a appelé à l'exemplarité des détenteurs de jets privés.
16:43 Quand on connaît le coût exorbitant des émissions de gaz à effet de serre,
16:46 les dépenses d'énergie de ces jets,
16:48 on pourrait peut-être penser tout simplement à interdire leur usage récréatif.
16:51 Ce gouvernement aborde la sobriété d'un point de vue de l'égalité.
16:54 On demande à tous les Français de faire des éco-gestes
16:56 alors que certains vivent déjà au quotidien une sobriété subie.
16:59 D'ailleurs ça a un nom, ça s'appelle la pauvreté tout simplement.
17:02 Ça peut sembler logique mais on ne peut pas demander à ceux qui en peuvent d'en faire encore plus.
17:06 Il faut qu'on arrive à demander plus à ceux à qui ça coûte le moins,
17:08 et moins à qui ça coûte le plus.
17:10 Mais quand on doit déjà choisir entre se chauffer ou se nourrir,
17:13 quand baisser le chauffage, ça veut dire peut-être devoir appeler le SAMU
17:16 parce qu'on vit dans une passe-foire énergétique.
17:18 On ne peut pas demander à tout le monde de baisser le chauffage d'un degré.
17:21 On peut demander à tout le monde de vivre à 20 degrés.
17:23 Mais ça veut dire qu'on vit tous à 20 degrés,
17:25 qu'on permet à tout le monde de vivre à 20 degrés parce que c'est une situation plus ou moins agréable,
17:29 qui permet de rester dans l'accord de Paris.
17:32 Mais on demande à tous d'être à cette limite-là.
17:35 Et là, on se rapprocherait un peu plus de l'équité.
17:37 C'est pourquoi il est nécessaire que cette sobriété soit encouragée par les États,
17:40 via des choix collectifs, que ce soit à travers la fiscalité, les aides, les normes juridiques,
17:45 la création de nouvelles infrastructures
17:47 qui permettront ensuite de façonner de nouveaux remportements individuels.
17:50 Je vais vous donner quelques exemples.
17:51 On pourrait par exemple supprimer la niche fiscale sur le kérosène.
17:54 C'est une exonération de taxes qui fait que quand on met un litre de kérosène dans notre jet privé,
17:59 ça nous coûte moins cher que quand on met un litre d'essence dans notre voiture pour aller travailler.
18:03 On pourrait aussi interdire la pub lumineuse,
18:05 vous savez ces énormes panneaux qu'on voit souvent dans le métro,
18:08 qui consomment à eux seuls autant d'énergie que un ménage français pendant un an.
18:12 On pourrait rendre les transports en commun beaucoup moins chers
18:14 pour encourager les jeunes et les ménages les plus précaires à les prendre plus massivement.
18:18 Par exemple, en Allemagne cet été, pour 9 euros par mois,
18:20 on pouvait prendre de manière illimitée tous les transports en commun, les bus, les métros et les TER.
18:25 On pourrait aussi rénover massivement tous nos bâtiments
18:27 pour éviter les pertes énergétiques qui sont réalisées par ce qu'on appelle les passoires énergétiques,
18:32 tous les bâtiments qui sont très mal isolés.
18:34 En bref, il existe plein de mesures intéressantes qui permettraient à toutes et à tous de vivre dignement,
18:38 de vivre bien, sans remettre en cause la survie de l'humanité.
18:42 Aujourd'hui, il est donc plus que jamais nécessaire de combiner notre action individuelle
18:46 à un changement collectif et structurel.
18:48 Et ça, c'est à l'état de le faire.
18:49 Une autre organisation de la société, elle est à la fois indispensable, souhaitable et possible.
18:54 En bref, ce que je voulais vous dire dans cette vidéo,
18:56 c'est que face à la crise de l'énergie qui a été accentuée par la guerre en Ukraine,
18:59 il faudrait vraiment inverser la tendance actuelle
19:01 qui est de ralentir l'action climatique pour des mesures de dernière minute,
19:04 alors qu'on devrait plutôt s'en servir comme un rappel, comme un réveil
19:08 pour plus d'indépendance énergétique et de sobriété, de réelle sobriété.
19:12 Dans un contexte d'urgence climatique qui risque d'accélérer les conflits pour les accès aux ressources,
19:17 la question de la sobriété et de l'indépendance, elle se pose d'autant plus sérieusement.
19:20 Merci sincèrement d'être resté jusqu'à la fin de cette vidéo.
19:25 Merci de vous être accrochés, je sais que c'était difficile que c'est dense.
19:28 Nous, on a lu plein de rapports et on essaie de rendre ça le plus clair possible
19:31 pour vous donner de la matière à penser.
19:33 En description, on a marqué tous les rapports qu'on a utilisés si vous voulez aller plus loin.
19:36 Si ça vous plaît aussi ce format où on prend un peu plus le temps,
19:39 n'hésitez pas à nous dire les sujets que vous voudriez bien qu'on aborde
19:42 si on continue dans ces thématiques de l'énergie.
19:44 Bien sûr, on n'a pas pu tout dire, on a dû faire des choix,
19:46 mais moi, ça me tenait vraiment vraiment à cœur de vous faire passer ces messages-là.
19:49 Si notre travail vous plaît et vous est utile au quotidien,
19:52 n'hésitez pas à vous abonner, ça nous donne de la force pour continuer à vous informer.
19:55 [Musique entraînante diminuant jusqu'au silence]