• il y a 6 mois
Transcription
00:00 - Bonjour, Nicole Garcia. - Bonjour.
00:01 - Vous êtes actrice, scénariste et réalisatrice.
00:04 Une artiste à plusieurs casquettes, soucieuse d'apprendre, de s'amuser,
00:07 de conserver sa curiosité et le plaisir du jeu.
00:10 Vous avez été nommée à six reprises au César pour six Césars différents.
00:13 Vous êtes d'ailleurs la seule en France.
00:15 Et en tant que réalisatrice, les rapports humains sont au cœur de votre travail.
00:19 Aujourd'hui, vous êtes sur scène en royant la professeure de français
00:21 du 17 au 28 avril au Théâtre de Paris.
00:24 Ce spectacle a été écrit pour vous par Marie-Anne Diaille,
00:27 la femme de lettres qui a d'ores et déjà reçu le prix féminin en 2001 pour "Rosie Carpe"
00:31 et le prix Goncourt en 2009 pour "Trois femmes puissantes".
00:34 - Elle a pris deux, trois éléments biographiques,
00:36 seulement trois, sur le personnage que je joue,
00:39 mais je n'ai jamais été, puisqu'il s'appelle "Royant", la professeure de français.
00:42 Je n'ai jamais été prof de français, mais il y a des éléments biographiques
00:46 qu'elle a pris de moi, comme je suis née à Orange, j'ai connu l'exil.
00:49 Et puis, je suis blonde.
00:50 Elle est blonde, cette professeure, et elle se sert de cette blondeur
00:53 comme un casque de protection.
00:56 Mais elle est prof, et le problème est dans sa classe.
01:00 Et c'est vrai que ça...
01:01 On sait très bien la violence qu'il y a dans une classe d'élèves.
01:05 Une classe, c'est un peu comme une chambre d'écho de toutes les violences extérieures.
01:09 Et des élèves peuvent être harcelés.
01:11 Une élève, une adolescente est harcelée par les autres.
01:14 Et ce qui est étrange, c'est que la professeure que je suis laisse faire.
01:18 - Il y a deux choses qui vous ont "sauvées",
01:21 en tout cas, vous pressentiez que ça allait vous sauver.
01:23 Il y a la lecture, d'une part.
01:25 Je crois que ça commence par Camus.
01:26 Et puis, il y a effectivement ce métier d'actrice.
01:29 Vous aviez ressenti très tôt, vous avez ressenti très tôt
01:33 cette perception que ça allait vous sauver.
01:37 - Le métier d'actrice, c'est sûr que ça m'a sauvée.
01:40 Je ne sais pas de quoi ça m'a sauvée, de quelle réalité les abîmes où je serais tombée.
01:45 Mais en tout cas, oui, je pense que c'est...
01:47 On a une sorte de génie préadolescente ou adolescent.
01:51 On a un génie, souvent, et c'est partagé par beaucoup de monde,
01:55 qu'on sait ce qui va vous sauver.
01:58 On a cette intuition.
02:00 Et je me suis dit un jour, je serai actrice, alors que je ne savais pas du tout...
02:03 Ma famille était très éloignée de ça.
02:05 Je ne savais pas du tout à quelle vie ça allait me préparer.
02:08 Je crois que le jour où je l'ai pensé,
02:09 dans une rue à Oran,
02:13 trois mètres plus tard, je n'y pensais plus.
02:15 Mais cette phrase était en moi et elle a déterminé tout,
02:19 tout mon chemin entre 13 ans et le jour où je suis rentrée,
02:22 où j'étais admise au conservatoire à Paris.
02:24 - C'est un coup de foudre, un 15 août.
02:25 Vous prenez conscience sur la table de montage de ce court-métrage
02:29 que vous avez envie de raconter des choses qui vont toucher à la vérité
02:33 et que donc vous êtes constitué comme ça.
02:35 - C'est vrai, oui.
02:36 Ça a été une surprise pour moi parce que je pensais...
02:38 Autant j'ai devenu actrice par vocation,
02:40 autant j'ai fait un court-métrage comme ça pour voir ce que c'était,
02:43 parce que j'avais une maison que j'avais louée qui me plaisait bien.
02:45 C'était au moment d'une rupture.
02:47 Donc on est un peu...
02:49 Voilà, enfin, tout ce qui peut se passer au moment d'une rupture,
02:53 on est un peu, on vogue un peu entre de tristesse et une liberté retrouvée.
02:58 Donc je vais filmer mon petit garçon dans cette maison.
03:01 Et puis un ami m'a dit, Philippe Leguay, qui est devenu depuis un metteur en scène,
03:06 scénariste et metteur en scène, m'a dit "Mais non, écrivons une histoire,
03:11 tu vas mettre ça dans une étagère, c'est idiome, raconte une histoire".
03:14 Et on a écrit une histoire très vite, une histoire.
03:17 Avant, qui s'appelait "15 août".
03:18 Mais c'est comme vous le dites très justement,
03:20 c'est au montage que le cinéma s'est révélé à moi autrement.
03:27 - Pour terminer, Nietzsche te disait,
03:28 "Le saut de la liberté réalisé est de ne plus avoir honte devant soi-même".
03:34 Vous en êtes où, Nicole Garcia, aujourd'hui ?
03:38 - C'est incroyable, c'est vrai, ça prolonge un peu ce que je disais.
03:40 Ne plus avoir honte devant soi-même,
03:44 c'est la plus grande bataille, je crois, qu'on ait à faire.
03:47 Ça dépend peut-être des enfances qu'on a eu, peut-être.
03:50 En tout cas, pour certains, je fais partie,
03:52 c'est la plus grande bataille qu'on ait à mener.
03:54 - Voyons actuellement sur scène "Aller voir", c'est signé Marie-Henri Diaille
03:57 et c'est remarquablement incarné par vous, Nicole Garcia.
04:01 Merci beaucoup d'être passée dans le monde, Élodie, sur France Info.
04:03 - Merci, merci à vous.