Anne Fulda reçoit Aurélie Dupont pour son livre «N'oublie pas pourquoi tu danses» dans #HDLivres
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00:00 - Bienvenue à l'heure des livres Aurélie Dupont, nous sommes ravis de vous recevoir.
00:04 On vous connaît dans ces étoiles, ancienne directrice du Ballet d'Opéra de Paris.
00:07 Vous avez fait vos adieux il y a presque dix ans et là vous publiez un livre qui s'appelle
00:12 "N'oublie pas pourquoi tu danses", un livre qui est paru chez Albin Michel,
00:15 l'occasion de revenir sur votre parcours, sur toutes ses facettes,
00:20 avec les passions, les douleurs, les sacrifices, l'exigence.
00:25 Alors on est loin de la collection rose, ça aurait pu s'appeler presque "De chair et de cent ans" finalement.
00:32 Il y a de la passion, il y a de l'amour de la danse, mais ça n'a vraiment pas été un chemin couvert de rose.
00:39 Ce n'est pas évident.
00:41 - Je crois que ça ne l'est jamais.
00:42 - Est-ce que vous vous en doutiez lorsque vous vous êtes lancée dans cette carrière, que ça serait si difficile ?
00:47 - Je me doutais que ça allait être difficile parce que quand on rentre dans une école d'élite,
00:51 comme l'École de danse de l'Opéra de Paris, on se dit bon, si on fait partie de ces petits rats,
00:55 qui ont été gardés après beaucoup d'examens, on se dit quand même qu'on a de la chance et qu'il faut y rester.
01:02 Je ne me suis pas tout à fait rendue compte de la difficulté, pour être très honnête,
01:06 en écrivant mon autobiographie, je me suis rendue compte, comme si j'avais pris un peu de distance,
01:10 évidemment beaucoup de distance et de recul, de me dire "Ah oui, c'est vrai qu'il y a eu ça, et puis il y a eu ça, et puis il y a eu ça".
01:16 - Mais il y a eu des prises de conscience.
01:18 - Oui, bien sûr.
01:19 - Mais c'est vrai que la prise de conscience, oui exactement.
01:22 Et je pense que mon envie d'avancer, de devenir dans ces étoiles et d'avancer dans la hiérarchie,
01:28 de toute façon m'a permis d'oublier et de mettre de côté toutes les petites choses désagréables.
01:33 - Alors vous évoquez le sacre du printemps et le sacrifice de l'élu qui dansera jusqu'à mourir,
01:38 pour que toujours le printemps renaisse. Je trouve que l'image, effectivement, est très belle.
01:43 Alors ce titre, parlez-nous de ce titre, "N'oublie pas pourquoi tu danses".
01:46 Vous avez failli oublier. En fait, on fait en sorte que vous puissiez oublier, c'est plutôt ça.
01:52 - Alors je ne sais pas si je mettrais la faute sur quelqu'un d'autre, peut-être juste à moi-même.
01:57 C'est vrai que comme c'est une école de danse et la compagnie, il y a une espèce de précipitation,
02:03 une rapidité à vouloir avancer dans la hiérarchie, parce que si ce n'est pas vous, c'est quelqu'un d'autre.
02:09 Donc il y a toujours cette chose de ne jamais s'arrêter.
02:13 Et lorsqu'on ne s'arrête jamais, ou qu'on ne se retourne jamais sur ce qu'on a fait,
02:17 finalement, parfois, on perd un peu le sens des choses et la valeur, et pourquoi on fait les choses.
02:22 Donc à partir du moment où je me suis posée cette question-là,
02:25 qui a été un moment où je venais me faire opérer du genou, on me disait que je ne danserais plus,
02:30 donc il y a eu une vraie prise de conscience, une possibilité de changer radicalement de vie
02:34 sans que j'en ai vraiment envie. Donc me poser la question de pourquoi je dansais
02:38 m'a permis, une fois que j'ai eu la réponse, de me battre pour reprendre.
02:42 Alors vous évoquez cette opération du genou, vous commencez d'ailleurs le livre là-dessus.
02:48 Alors pour arriver où vous êtes arrivée, il faut une détermination de faire,
02:51 et puis aussi, vous avez infligé à votre corps des souffrances presque irréelles,
02:58 y compris après cette opération. Vous en avez eu conscience ?
03:03 Peut-être qu'après l'opération, j'ai eu envie, par la force des choses,
03:08 je crois que je n'ai même pas eu trop le choix, j'ai eu envie de prendre davantage soin de mon corps
03:13 et d'être davantage à l'écoute, ce que je n'avais pas du tout perçu avant lorsque je dansais.
03:18 Et avant de me faire opérer du genou, j'avais plutôt une tendance à pousser mon corps vers des limites.
03:27 Et ce plaisir-là, parce que ça pouvait être un plaisir, je l'ai payé assez cher après.
03:35 Oui, de pousser le plus loin possible.
03:38 Alors il faut être aussi capable, dans l'ascension, de résister aux humiliations qui ne sont pas évidentes,
03:46 surtout quand on est jeune, on est presque une enfant encore, vous en avez eu ?
03:49 Vous en parlez ? Vous dites clairement les choses ? Vous citez des personnes ?
03:53 Ce n'est pas un livre de règlement de compte, mais bon, vous parlez quand même d'une forme de cruauté
03:59 de personnes comme Claude Bessy, par exemple ?
04:01 Je raconte la vérité, je raconte tel que ça s'est passé.
04:06 Après, ces difficultés-là, ça m'a formée, ça m'a forgée.
04:11 Pareil, je les écoutais et ça rentrait là et ça passait là.
04:15 De l'autre côté, ça ne m'a jamais démoralisée, ça ne m'a jamais donné envie d'arrêter.
04:21 Peut-être une fois, la dernière année de l'école dedans, j'avais vraiment envie de rentrer dans la compagnie.
04:26 Ça, c'est une évidence, mais j'ai toujours avancé, j'ai toujours...
04:30 Et j'ai écouté aussi les réflexions, les choses, c'est toujours important d'écouter.
04:33 Je ne les ai pas évitées et je ne les ai pas rangées.
04:36 C'était des petites choses que je gardais en tête et j'analysais, je me disais,
04:39 alors est-ce qu'il y a quelque chose de vrai dans ce qu'on me dit ?
04:42 Peut-être que la forme n'est pas géniale, mais peut-être que ça veut dire quelque chose.
04:46 Essaie de voir et si vraiment ça ne te correspond pas, mets ça de côté et avance.
04:53 Il y a aussi des rencontres lumineuses, comme celle de Pina Boch, par exemple.
04:58 Entre autres, il y en a eu plein d'autres.
05:00 C'est vrai que Pina est souvent reprise et j'en suis heureuse.
05:04 Mais il y en a eu d'autres.
05:05 Pina, elle est arrivée au bon moment dans ma vie de femme et dans ma vie d'artiste.
05:10 Et ces rencontres comme ça, que tout le monde a, je crois, où le timing de la rencontre est parfait,
05:16 elle est rare et il faut l'attraper dès qu'elle est sur votre chemin.
05:20 Et Pina, elle m'a révélée, comme je le dis dans le livre, elle m'a réparée.
05:24 À un moment où j'étais un peu perdue dans ma carrière,
05:29 je prenais un chemin qui était un peu plus technique
05:31 et j'avais envie d'aller vers quelque chose de plus artistique, de plus touchant.
05:35 Et je ne savais pas comment faire et elle m'a aidée à changer de chemin.
05:40 En tout cas, c'est à lire, c'est vraiment passionnant.
05:42 Ça s'appelle "N'oublie pas pourquoi tu danses".
05:44 Merci beaucoup Aurélie Dupont.
05:46 C'est un livre qui reflète vraiment avec, on sent beaucoup de sincérité ce qu'a été,
05:51 ce qu'est encore votre parcours.
05:53 Et c'est paru chez Albain Michel.
05:55 Merci beaucoup.
05:56 Merci.
05:58 Sous-titrage Société Radio-Canada
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