Anne Fulda reçoit Emmanuel de Waresquiel pour son livre «Jeanne du Barry, une ambition au féminin» dans #HDLivres
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00:00 - Bienvenue à l'heure des livres, Emmanuel de Vareskel.
00:02 Alors, on vous connaît, vous êtes historien,
00:04 vous avez écrit déjà de nombreux livres, des biographies sur Talleyrand,
00:07 sur Fouché, des livres sur les derniers jours de la Révolution.
00:09 Et là, vous venez de publier Jeanne du Barry,
00:12 Une ambition au féminin, un livre qui est paru aux éditions Talendier.
00:16 Quelle figure, quel destin que celui de cette femme dont on connaît le nom,
00:21 mais dont on connaît peu la vie ?
00:23 Pourquoi avez-vous décidé de vous attaquer à elle ?
00:26 - Parce que c'est une figure féminine, précisément,
00:29 et que le XVIIIe siècle est probablement l'un des siècles les plus féminins de notre histoire.
00:33 Et que pour le comprendre, il faut écrire sur une femme.
00:36 Ça, c'est une première chose.
00:37 Ensuite, parce que c'est une femme à légende noire.
00:40 Elle a été cachée par des polémiques,
00:43 une campagne de presse qui est contemporaine de sa vie,
00:47 qui s'est exercée pour des raisons politiques contre elle,
00:50 en l'attaquant, en la réduisant à son corps,
00:53 en la traitant de fille de rien, en attaquant le roi lui-même.
00:58 Et on procédait à une forme de désacralisation de la fonction royale
01:02 qui conduit tout droit à la Révolution française.
01:05 Donc je l'ai choisi aussi en miroir,
01:07 parce qu'elle me donne à comprendre, mieux qu'une autre ou qu'un autre,
01:11 les contradictions inhérentes au siècle des Lumières
01:14 et les raisons pour lesquelles cette opinion publique,
01:17 comme dit cet espace public du politique,
01:20 comme dit Jürgen Habermas,
01:22 monte en puissance en partie autour d'elle,
01:24 et conduit à la Révolution française.
01:26 - Alors on la connaît essentiellement
01:28 comme étant la dernière favorite du roi Louis XV,
01:32 ce qu'elle a été, mais son personnage va bien au-delà.
01:36 Et d'abord il y a cette histoire, cette ascension,
01:38 parce qu'elle vient d'un milieu quand même populaire,
01:40 son ascension est incroyable, et sa fin est tragique.
01:43 - Sa mère est lingère, Anne Bécu,
01:44 on ne savait pas qui était son père,
01:47 les pamphletaires, les publicistes lui prêtent pour père
01:52 un moine défroqué du nom de Ange Picpus,
01:55 qui a l'air de sortir tout droit d'un roman érotique du XVIIIe.
01:59 Le frère Ange, c'est Don Bougre dans "Le portier des Chartreux",
02:03 qui était le livre le plus licencieux des années 1750-60.
02:07 En réalité, son père était un...
02:09 Je le découvre, j'ai conduit cette recherche
02:12 un peu comme une enquête policière, au fond,
02:14 parce qu'elle ressemble au Poupérus, jeune du Paris.
02:17 On découvre au fur et à mesure,
02:20 en fonction des sources que l'on trouve,
02:22 des choses étonnantes,
02:23 et son père était un riche financier parisien
02:26 qui s'appelait Claude Billard du Monceau.
02:28 Et donc, elle vit dans des milieux
02:32 qui ne sont pas du tout les milieux de la crapule,
02:35 et elle n'exerce pas ses charmes dans un bordel parisien,
02:39 comme on voudra le prétendre.
02:42 Elle vit dans un milieu qui est celui de la haute finance parisienne,
02:47 et même dans des personnages de cours,
02:50 qui est un milieu de mécènes, de grands collectionneurs,
02:53 littéraires aussi, et du spectacle.
02:56 Elle connaît énormément d'acteurs et d'actrices
03:00 de l'opéra, de la comédie française, du théâtre italien.
03:04 Et donc, dans un certain sens, elle est formée
03:07 quand elle rencontre Louis XV en 1768,
03:10 et quand elle entre à la cour.
03:11 Si elle a suscité autant de polémiques,
03:14 c'est parce que, précisément, elle percute les privilèges,
03:18 les hiérarchies, les prébandes de cours,
03:21 les familles de cours ont mis des générations et des générations
03:24 à se construire, et la cour, c'est la politique au XVIIIe siècle.
03:27 C'est un monde étrange.
03:28 Vous savez, le passé, d'une façon générale, est étrange.
03:30 Il faut se réveiller dans une chambre vide
03:33 et oublier les cauchemars de la nuit,
03:35 et éviter de faire des anachronismes pour bien le comprendre.
03:38 Et donc, elle subit cette première critique sociale,
03:43 on la traite en effet de fille de rien,
03:45 et elle court au fond, c'est là où elle est très intéressante
03:48 psychologiquement, parce qu'elle court après son illégitimité.
03:52 Si j'ai réussi à trouver l'identité de son père,
03:55 son père ne l'a jamais reconnue.
03:56 Et au fond, toute sa vie est une sorte de reconstruction
03:59 de dignité et de légitimité par rapport à cette bâtardise
04:03 de sa naissance.
04:04 La bâtardise était tenue au XVIIIe siècle comme une tare et une tâche.
04:08 Prenez n'importe quel personnage d'un roman sentimental du XVIIIe,
04:13 les bâtards, en général, finissent mal,
04:16 aux amours contrariées, et connaissent des fins difficiles.
04:20 Et donc, voilà, l'intelligence des êtres et des choses de cette femme,
04:25 la patience et également, je dirais, sa pugnacité et son ambition
04:30 s'expliquent en grande partie par cette tare des origines de sa naissance.
04:35 Donc, elle subit une critique sociale de la part de la cour,
04:38 et elle va subir une critique politique,
04:40 parce que c'est là où ça devient absolument passionnant,
04:43 parce qu'elle arrive à la cour en pleine crise de l'absolutisme monarchique.
04:48 Le roi est sujet à l'opposition extrêmement violente de ses parlements
04:52 qui l'empêche de mener à bien un certain nombre de réformes,
04:55 en particulier des réformes fiscales.
04:58 Et le roi va prendre, conforté par la présence de cette maîtresse royale,
05:02 de cette Jeanne du Barry, va conduire probablement les réformes
05:06 les plus courageuses de son règne, à la fin de son règne, en 1771.
05:12 C'est ce qu'on appelle le coup de majesté du chancelier de Maupéou,
05:15 c'est-à-dire qu'il va renvoyer les parlements
05:17 et abolir les charges héréditaires parlementaires.
05:21 Réformes sur lesquelles, malheureusement,
05:23 son petit-fils Louis XVI va revenir pour son plus grand malheur,
05:26 car au fond, il va se retrouver en but au Parlement.
05:29 Et n'oublions pas que ce sont les parlements qui demandent les premiers
05:32 la convocation des États généraux en 1787.
05:35 - Alors, on vous écouterait en parler encore des heures,
05:38 mais je suis obligée de vous remercier d'avoir été là.
05:41 En tout cas, vraiment, je vous conseille de tous de lire ce livre,
05:43 parce que c'est un livre d'histoire, mais c'est...
05:46 En fait, la vie de Jeanne du Barry était un roman et vous l'écrivez comme un roman.
05:49 Donc, c'est absolument passionnant.
05:52 Ça s'appelle donc Jeanne du Barry, une ambition féminin.
05:54 Merci beaucoup, Emmanuel de Varadkar.
05:55 - Merci, Anne Fulda.
05:56 (Générique)
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