La maison Valrhona est fournisseur des professionnels du chocolat depuis plus de 100 ans, et deux tiers des étoilés du Michelin se fournissent auprès de cette chocolaterie. En ces temps de crise, qui voient le prix du cacao s'envoler, la directrice générale Martine Grazioso est l'invitée éco de franceinfo.
Category
🗞
NewsTranscription
00:00 *Générique*
00:05 Bonsoir Martine Grazioso, vous êtes directrice générale de Valrhona, vous êtes fournisseur des professionnels du chocolat depuis plus de 100 ans.
00:13 On dit d'ailleurs que deux tiers des étoilés du Michelin se fournissent chez vous.
00:19 Alors vous avez en même temps appartenu à des actionnaires américains, mais depuis 40 ans la famille Bongrain, très discrète,
00:26 est propriétaire de la maison Valrhona, dans les 200 premières fortunes de France.
00:31 Mais vous-même, vous avez pris tout récemment votre poste à la rentrée, vous découvrez à cette place votre première fête de Pâques,
00:38 qui est un moment fort évidemment du monde du chocolat, juste après Noël.
00:41 Mais en plein record de prix pour le cacao, on le dit, plus cher que la tonne de cuivre, 9300 euros la tonne, trois fois plus qu'il y a un an.
00:51 Alors est-ce qu'un carré de chocolat c'est devenu un produit de luxe ? Est-ce que ça n'est plus pour tout le monde ?
00:56 Alors Valrhona effectivement c'est une nouvelle aventure pour moi qui a commencé en septembre dernier.
01:01 Valrhona c'est une entreprise engagée.
01:03 Engagée ça veut dire que concrètement on a des liens privilégiés avec nos producteurs et nos artisans, et des liens de proximité.
01:12 Donc ce qui nous permet de faire perdurer cette filière et d'être sûr que le chocolat reste bien en fait un plaisir pour tout le monde.
01:19 Mais à quel prix ?
01:20 Eh bien au juste prix. Donc c'est tout l'enjeu qu'on a. Et quand je dis au juste prix, c'est vraiment de faire en sorte que les producteurs avec qui nous travaillons en moyenne 9 ans,
01:31 on a des partenariats de très longue durée, ces producteurs puissent retrouver une façon digne de travailler avec cette fève,
01:37 et que les artisans aussi puissent le vendre et le faire déguster aux consommateurs de façon raisonnable.
01:44 Donc c'est une chaîne on va dire quelque part. Et l'idée c'est que, vous l'avez mentionné, on est dans une situation hors norme.
01:51 Donc dans cette situation hors norme, il faut que tous on fasse un peu notre part du gâteau.
01:56 Ça va des coopératives de producteurs avec lesquels nous travaillons, les artisans qui font un travail remarquable, vraiment,
02:03 pour essayer de diminuer l'impact des prix pour le consommateur, et le consommateur qui doit acheter des bons chocolats.
02:09 Oui mais soyons directs, il y a des augmentations, vous n'y échappez pas.
02:13 Par exemple, pour Noël, qu'est-ce que vous prévoyez ? Est-ce que ça va continuer à augmenter ? Est-ce que le chocolat sera encore plus cher ?
02:19 Alors le chocolat va être encore plus cher, effectivement, puisqu'aujourd'hui il est important de voir, on est dans une situation qui est exceptionnelle.
02:27 Et quelques semaines, moi je suis allée en Côte d'Ivoire, parce que ça me semblait important de pouvoir voir directement sur le terrain ce qui se passait.
02:33 Quand vous discutez avec des producteurs de cacao, ils ont vécu d'abord une période d'inondation, de fortes pluies, ensuite de la sécheresse.
02:41 Les faibles de cacao, elles ont diminué, elles ne sont pas forcément d'aussi bonne qualité que ce qu'on voudrait.
02:47 Donc il va falloir prendre compte, rendre compte de cette réalité.
02:52 Donc oui, on va devoir à un moment répercuter une partie.
02:56 Mais vous nous donnez toujours pas de chiffre.
02:58 Parce que vous savez, tous les jours, tous les jours, tous les jours, tous les jours, en fait notre objectif c'est d'acheter le cacao.
03:05 D'acheter le cacao dans les 15 pays dans lesquels on travaille.
03:09 Donc je vais vous donner un prix qui serait complètement caduque demain.
03:13 Vous avez parlé de 10 000, ce matin il était un petit peu plus bas.
03:16 Il y a 15 jours on s'était dit qu'on n'allait jamais, jamais atteindre certains seuils au-delà de 7 000.
03:22 Donc si quelqu'un vous donne aujourd'hui la possibilité d'avoir une lecture claire du prix du cacao au mois de décembre, je suis preneuse.
03:29 Et puis un autre souci pour le cacao et donc pour le chocolat, ce sont ces mauvaises récoltes que vous commenciez à évoquer,
03:35 notamment en Côte d'Ivoire, au Ghana, les grands fournisseurs de cacao.
03:40 Est-ce qu'on pourrait ne plus manger de chocolat ? Est-ce qu'il y aurait des pénuries ?
03:46 Alors il y a un vrai enjeu, un vrai gros enjeu.
03:49 Et effectivement, manger du bon chocolat, ça va devenir pas aussi simple que ça.
03:55 Et la préoccupation que j'ai moi tous les matins avec nos équipes de sourceurs,
03:59 puisqu'on a quatre sourceurs qui travaillent au quotidien, qui vont sur le terrain,
04:03 c'est d'être approvisionnés en cacao, en beurre de cacao.
04:08 Donc oui, la pénurie, notamment la pénurie d'un chocolat fin comme nous on le recherche, c'est un vrai gros enjeu.
04:15 Avec beaucoup de concurrents ?
04:16 Oui, énormément de concurrents.
04:17 Puis nous on est tout petits, vous savez, par rapport à des gros concurrents.
04:20 On est très renommés, je vous remercie de le rappeler,
04:23 puisque ce chocolat d'exception se retrouve sur des grandes tables,
04:26 mais en termes de poids, on représente moins de 1% du volume total.
04:30 Alors j'allais dire qu'en attendant la pénurie, on est là face à un de vos œufs fabriqués dans votre école.
04:38 Vous avez des élèves Valrhona.
04:40 Est-ce qu'on mange beaucoup de chocolat ?
04:43 Là, en ce moment, à Pâques, les cloches sont passées.
04:46 Donc que vous ont demandé les professionnels pour fabriquer tous ces beaux œufs et ces cloches et ces lapins ?
04:53 Alors on a mangé beaucoup de bon chocolat.
04:56 Nous, on est ravis, en fait, dans cette période un petit peu de tension d'avoir pu livrer nos clients.
05:01 C'était un peu notre priorité.
05:03 Et on a mangé ce week-end du bon chocolat chez les artisans.
05:07 Et donc, qu'est-ce qu'ils nous ont demandé ?
05:09 Ils nous ont demandé, comme d'habitude, de leur livrer des innovations,
05:14 des nouveautés en termes de couleurs de chocolat, par exemple.
05:17 Par exemple, vous avez ici un chocolat blond, ce qu'on appelle du dulcé.
05:21 C'est presque du chocolat au caramel.
05:23 Donc c'est la quatrième couleur de chocolat.
05:25 Donc ça, ça a été la grosse tendance qu'on a vue cette année.
05:28 Des goûts aussi un petit peu différents, par exemple des goûts qu'on appelle un peu du dark milk,
05:34 des choses un petit peu plus corsées.
05:35 Ils nous ont demandé aussi beaucoup de fantaisie, parce que je pense que la morosité ambiante fait que
05:41 dans la friture classique du petit lapin et de la petite poule,
05:44 ils nous ont demandé des choses, des poules rock.
05:47 On nous a demandé des loutres.
05:50 On a demandé, voilà, on a fait plein de choses différentes pour essayer de dégayer cette période.
05:55 Et je pense que ça a plutôt été efficace.
05:58 Et en fait, c'est un plaisir évidemment qui vient de très loin.
06:02 Vous êtes attentive, évidemment, à l'environnement.
06:06 Et ce cacao, il va arriver très bientôt dans des conditions tout à fait particulières sur notre continent.
06:13 Oui, on est très, très fiers, puisque on a été les premiers à faire partie d'une coopérative citoyenne
06:21 de transports maritimes à voile, Wincup.
06:24 Et en 2026, le chocolat de Valrhona et la vanille Noroi, avec lequel on travaille aussi,
06:33 ces deux produits vont arriver en bateau, à voile, et feront Madagascar, Marseille, en voile.
06:40 Donc avec, en fait, zéro impact carbone.
06:44 L'objectif, c'est vraiment de décarboner au maximum cette chaîne.
06:48 Combien de temps, le voyage ?
06:49 Alors, on n'a pas encore tous les éléments.
06:50 On est en train de construire le bateau.
06:52 Donc il va falloir encore un peu de temps.
06:54 Et puis après, on a d'autres projets qui nous permettraient de remonter les fleuves aussi, de façon décarbonée.
06:59 Donc on est vraiment en train de travailler pour que l'impact de ce que l'on fait,
07:03 notamment sur la partie de la distribution, soit le plus faible possible.
07:08 Merci. Merci Martine Grazioso.
07:10 Vous êtes directrice générale de Valrhona et vous étiez l'invité écho du jour.
07:15 Merci beaucoup. Merci à vous d'avoir reçu.
07:17 [Musique]