• il y a 7 mois
Avec Emmanuel Dupuy, Président de l’IPSE (Institut Prospective et Sécurité en Europe) et Colonel Philippe Cholous, spécialiste du maintien de l'ordre

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##DITES_LE_FRANCHEMENT-2024-04-01##

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00:00 Le Grand Matin Sud Radio, 8h-10h, Benjamin Gleize.
00:04 Sud Radio, il est 9h34, l'armée, on va parler de l'armée de notre armée dans la grande confrontation,
00:09 notre débat du jour jusqu'à 10h, des offres d'emploi pour devenir conducteur de blindés
00:14 qui se retrouvent sur le site internet de France Travail,
00:16 des décrets pour pousser les industriels à produire davantage d'armes
00:19 et plus vite notre armée a-t-elle suffisamment d'effectifs et de matériel face aux défis qu'elle affronte ?
00:26 Pour en parler, deux invités ce matin, Emmanuel Dupuis, bonjour.
00:29 Bonjour.
00:30 Vous êtes président de l'IPSE, l'Institut Prospective et Sécurité en Europe,
00:35 avec nous également le colonel Philippe Cholou, bonjour.
00:38 Oui, bonjour.
00:39 Et merci d'être avec nous, spécialiste du maintien de l'ordre.
00:42 Je voudrais qu'on se concentre tout d'abord dans cette première partie de la question des effectifs.
00:47 A-t-on suffisamment d'effectifs ?
00:48 C'est vrai que la semaine dernière, on a eu ces annonces sur le site France Travail,
00:53 des annonces assez surprenantes, Emmanuel Dupuis, celles pour devenir conducteur de blindés.
00:58 Qu'est-ce que ça nous dit exactement de la stratégie de l'armée aujourd'hui pour recruter ?
01:02 Et est-ce que ça signifie également qu'on n'arrive pas à recruter aujourd'hui dans l'armée ?
01:06 Il y a effectivement les deux aspects dans votre question.
01:09 Le manque d'un certain nombre d'expertises, donc là il s'agissait de conducteurs de chars,
01:16 et puis évidemment aussi la question budgétaire.
01:19 On ne peut pas faire comme si cela n'avait pas son importance.
01:22 On a voté une loi de programmation militaire qui augmente de 40% la manière dont nous allons penser notre défense à l'horizon 2024-2030,
01:31 mais avec parfois aussi des mauvaises annonces.
01:34 L'inflation qui va réduire de 30 millions d'euros, ce chiffre qui va nous amener vers 413 milliards d'euros
01:42 que nous allons consacrer d'ici 2030 à notre défense, donc à peu près 44 milliards par an,
01:48 et nous allons atteindre 70 milliards à l'échéance 2030.
01:53 Et puis bien évidemment une autre configuration, car la loi de programmation militaire,
01:57 comme sa date l'indique, a été rédigée avant le 24 février 2022,
02:03 ce qui là aussi nous amène à réfléchir à la manière dont nous projetons par rapport aux aléas stratégiques,
02:11 en l'occurrence une guerre qui nous concerne de plus en plus,
02:14 ou qui pourrait nous concerner davantage si on en croit le président de la République,
02:18 avec possiblement, à défaut d'un investissement en hommes, mais en tout cas d'un investissement matériel de plus en plus important,
02:25 c'est-à-dire qu'il faudra monter en gamme.
02:28 Peut-être quelques chiffres pour que vos éditeurs comprennent bien ce dont nous parlons.
02:35 Les 44 milliards, 43,9 milliards d'euros que nous allons consacrer cette année à la défense,
02:42 avec un objectif d'atteindre 69 milliards, correspondent à des objectifs.
02:46 Atteindre 2% du PIB que nous consacrons à la défense, nous y sommes parvenus aujourd'hui,
02:53 alors que théoriquement l'objectif était en 2014, avait été fixé en 2014 pour l'objectif 2024.
02:58 Mais si on prend les choix de réduction budgétaire, entre 1990 et 2015,
03:06 on a ponctionné pour la défense 250 milliards d'euros.
03:10 On a réduit de moitié l'armée de clerc et de la marine, et d'un tiers l'armée de terre.
03:15 C'est-à-dire que c'est le secteur le plus touché quand on parle de rigueur budgétaire, c'est là où on va piocher en premier ?
03:21 Oui, mais on l'a fait déjà depuis une quinzaine d'années, c'est ça que je veux dire.
03:25 Si nous n'avions pas fait ces ponctions budgétaires, nous aurions une armée
03:29 qui serait en capacité de sous-tendre les conflits de notre atrocité dont on parle beaucoup.
03:35 Pour ce qui est du matériel et de l'armement, on va y revenir tout à l'heure.
03:38 Déjà, colonel Philippe Cholot, pour vous faire réagir également sur cette offre d'emploi,
03:43 ces offres d'emploi qu'on a vu circuler sur France Travail par les conducteurs de blindés,
03:48 ça vous a surpris comme méthode finalement ?
03:51 Non, je crois que c'est la réponse.
03:54 Je pense que le recrutement de l'armée de terre fait des essais,
03:59 parce qu'en fait ils sont confrontés à un triple défi.
04:03 Le premier, c'est qu'ils sont dans un secteur assez concurrentiel,
04:08 puisqu'il y a un vivier de gens intéressés par le métier des armes,
04:11 mais ils sont en concurrence avec un renforcement de la police, de la gendarmerie,
04:15 qui est une armée, mais qui est une force de sécurité,
04:18 et puis des douanes, d'autres administrations.
04:20 C'est un secteur qui, l'air de rien, est assez concurrentiel actuellement.
04:25 La deuxième chose, c'est qu'il faut bien savoir qu'en nombre de postulants,
04:29 on a le nombre, mais sauf qu'on a un problème très...
04:32 qui est vrai dans tous les pays, mais qui est très particulier à France,
04:35 c'est que les gens veulent s'engager pour certaines spécialités.
04:38 On a des spécialités excédentaires, des spécialités déficitaires.
04:40 C'est quoi les spécialités déficitaires par exemple ?
04:43 En fait, globalement, je parle pour ce que je connais de mieux,
04:46 parce que j'ai commencé dans l'armée de terre,
04:48 mais c'est vrai aussi pour les autres armées,
04:50 les gens sont attirés par l'opérationnel,
04:52 et donc sur 10 personnes qui poussent la porte d'un SIRFA,
04:55 il y en a 5 qui veulent aller dans l'infanterie, 3 dans la cavalerie,
05:00 et puis il en reste 2 pour le reste.
05:02 Il y a cette adéquation des moyens, et ça nous amène au troisième défi,
05:08 qui est celui de la fidélisation, parce que ce sont des métiers durs et exigeants,
05:11 et il faut pouvoir offrir des perspectives de carrière à ces jeunes engagés.
05:16 On ne reste pas, je dirais, si je reviens à l'infanterie,
05:20 combattant de l'infanterie pendant des années et des années,
05:23 parce que c'est usant, évidemment il y a les contrats courts,
05:26 mais c'est toute cette politique d'évolution.
05:28 Donc je crois que c'est la triple fidélisation qui est très importante.
05:32 Et puis je ne sais pas si vous voulez que j'apporte les matériels en complément.
05:35 On y reviendra plus tard sur le matériel en seconde partie de ce débat,
05:39 pour conclure, colonel Philippe Jolout.
05:41 Oui, c'est vraiment ces 3 défis.
05:43 Les annonces, c'est simplement qu'il faut diversifier,
05:47 l'armée de terre est confrontée à ce à quoi vous êtes confrontés,
05:51 à ce à quoi sont confrontés tous les médias, toutes les institutions.
05:54 C'est comment communiquer avec une opinion publique jeune,
05:57 qui est très mouvante sur ces moyens,
05:59 il est très difficile d'y accéder, de les toucher.
06:02 Donc on multiplie en fait tous les vecteurs.
06:05 On l'a vu en termes de sécurité, notamment sur la police,
06:08 qui a beaucoup communiqué, notamment sur les réseaux sociaux,
06:11 puisque vous parlez justement de ces jeunes qui sont beaucoup sur les réseaux sociaux.
06:15 Emmanuel Dupuis, vous vouliez réagir à ce qu'il dit ?
06:17 Oui, en disant que la France n'est pas la seule concernée.
06:19 Il y avait eu des annonces médiatiques en Grande-Bretagne,
06:22 où ils étaient en carence de commandants de bateaux,
06:25 ça peut paraître étonnant, donc ils recrutent aussi de plus en plus.
06:29 Et un cas d'école en Espagne, on va recruter des commandants de bateaux,
06:33 donc de navires de guerre, qui ne sont pas forcément de nationalité espagnole.
06:36 Ça veut dire qu'il y a effectivement une sorte d'hypertrophie sur certains métiers,
06:40 et une carence sur d'autres.
06:42 Il faut quand même rappeler aussi que la plupart des engagements militaires,
06:45 je crois qu'on est à peu près à 10-12 000 par an,
06:48 concernent beaucoup des contrats courts.
06:50 Donc vous avez beaucoup de gens qui font une carrière dans l'armée,
06:53 mais qui ne restent pas plus de 4 ou 5 ans.
06:55 Donc il y a un renouvellement générationnel, si je peux dire.
06:58 Ce renouvellement s'accélère finalement,
07:00 on reste de moins en moins longtemps dans l'armée,
07:03 colonel Philippe Cholou, c'est ce qu'on constate ou pas ?
07:07 Oui, parce que ce sont des métiers exigeants, très exigeants.
07:10 D'abord, ça correspond à une évolution majeure.
07:13 Moi, j'appartiens à une génération où on faisait un métier dans une vie.
07:16 Aujourd'hui, on en fait 3-4, donc ça, ça a évolué.
07:18 Donc c'est aussi, on est à l'instar de la réserve société.
07:20 Et puis, il y a les métiers qui sont très usants.
07:22 Alors, pour pallier à cette carence, enfin pour...
07:26 Ah, colonel Philippe Cholou, on a un petit souci, on ne vous entend plus.
07:31 On va essayer de vous récupérer.
07:34 En attendant, Emmanuel Dupuis, autre question aussi.
07:37 Justement, au lien avec ces recrutements, avec ces annonces,
07:40 c'est vrai qu'on a des fausses informations qui se sont développées.
07:42 C'est-à-dire, on recrute davantage,
07:44 on recrute pour des conducteurs de blindés.
07:46 Pourquoi ? Pour les envoyer en Ukraine.
07:48 Tout ça, ça fait écho à ce que disait Emmanuel Macron,
07:50 qui n'exclut pas l'envoi de troupes au sol en Ukraine.
07:52 C'est important aussi de préciser,
07:54 pourquoi recrute-t-on ces conducteurs de blindés ?
07:57 Et préciser aussi que, là, l'idée, forcément,
07:59 il faut préciser que ce n'est pas pour aller en Ukraine, très clairement.
08:02 Non, ce n'est pas pour aller en Ukraine.
08:04 Néanmoins, cela concerne quand même l'arme blindée cavalerie,
08:08 puisque nous avons livré beaucoup de matériel.
08:11 On est à 250 véhicules de l'avant blindé,
08:14 on est à 38 AMX 30 roues-canons,
08:17 donc des chars légers dotés d'un canon
08:20 et utilisant des munitions de 105 mm.
08:22 Donc, par contre, ce qui est important,
08:24 c'est qu'au moment où il y a eu ces annonces de recrutement,
08:27 le ministre de l'Alliance a évoqué quelque chose de beaucoup plus concret.
08:30 La volonté d'un certain nombre d'industriels français
08:33 de créer sur place, en Ukraine,
08:35 des unités de production
08:37 pour réparer les nombreux matériels
08:39 qui ont été abîmés, parfois détruits, dans ce conflit.
08:42 Donc là, oui, c'est une réalité.
08:44 Il y aura sans doute, notamment, de l'entreprise KNDS,
08:47 qui regroupe le français Lexter
08:49 et l'allemand Krauss-Maffei Wegmann,
08:52 ceux qui produisent le char Leclerc,
08:55 le véhicule d'avant blindé que j'ai évoqué, ou l'AMX 10,
08:58 et les Césars, nous en avons livré 30.
09:01 Le président de la République et le ministre de la Défense
09:04 ont évoqué 78 à venir.
09:06 Donc oui, il y aura une montée en puissance
09:08 de la capacité industrielle française
09:10 à continuer à livrer en nombre, en volume,
09:13 et donc...
09:14 - Et avec du personnel sur place pour gérer tout ça.
09:17 - Vraisemblablement, si j'ai bien compris ce qu'a dit
09:19 le ministre de la Défense hier dans un interview,
09:21 dans un journal, et de la même manière.
09:24 - La Tribune, avec, effectivement,
09:26 vous parlez des véhicules de l'avant blindé,
09:28 on aura l'occasion d'y revenir,
09:30 mais l'idée aussi, c'est d'en envoyer
09:32 justement ceux qui ont un certain nombre d'années,
09:35 des anciens, qu'on utilise plus,
09:37 qu'on pourrait ne plus utiliser,
09:38 on les enverrait en Ukraine,
09:39 c'est l'idée qu'il a développée.
09:41 Colonel Philippe Cholou, on vous a retrouvé,
09:43 on vous a récupéré.
09:44 - Merci.
09:45 - Justement sur ce que disait Emmanuel Dupuis,
09:47 oui, c'est vrai qu'un certain nombre de militaires
09:49 qui vont être engagés, notamment,
09:51 on en aura sur place, potentiellement, en Ukraine,
09:54 pour ce qui est de la maintenance, et ça, notamment.
09:57 - La maintenance, la formation, oh là,
09:59 alors après, je ne suis pas dans le cercle décisionnel
10:02 au premier niveau, je crois qu'on recrute
10:05 des pilotes de blindés, effectivement,
10:06 ce n'est pas pour aller en Ukraine,
10:08 cela étant, ce n'est pas exclu,
10:09 un militaire est un militaire,
10:11 il est fait pour aller au combat,
10:13 mais là, je pense qu'il y a un aspect
10:15 plutôt formation, puisqu'on livre des parcs anciens,
10:17 chaque parc conduit, évidemment,
10:20 il faut pouvoir former les pilotes,
10:22 il faut pouvoir accompagner,
10:24 et sur la maintenance de premier échelon,
10:25 c'est-à-dire la maintenance,
10:26 puisqu'avec une blindée, c'est assez lourd,
10:28 donc tous les matins, vous faites les niveaux,
10:30 il y a une maintenance du premier échelon qui est importante,
10:32 donc il y a toute une formation,
10:33 et puis dernièrement,
10:35 je veux dire, un blindé,
10:37 ce n'est pas un coffre-force roulette,
10:40 comme les gens qui n'ont pas fait de blindés,
10:42 c'est une manœuvre,
10:44 un pilote, ce n'est pas simplement conduire,
10:46 c'est une manœuvre, c'est une manière de se poster,
10:47 c'est une manière d'évoluer en groupe,
10:49 c'est une manière de se flangarder,
10:50 c'est beaucoup de choses,
10:51 un blindé n'évolue pas seul,
10:53 il évolue avec l'infanterie,
10:54 c'est vraiment un métier,
10:56 il faut former, évidemment,
10:58 il faut s'assurer que les pilotes,
11:00 d'autant que les véhicules avant-blindés,
11:02 qui sont un véhicule blindé,
11:03 mais de combat d'infanterie,
11:04 est un véhicule ancien,
11:06 avec une mobilité qui est perfectible,
11:09 qui nécessite beaucoup de savoir-faire
11:10 en termes de conduite,
11:12 et puis aussi en termes de gérer tactique,
11:14 parce que c'est un véhicule qui a un blindage
11:16 qui est bon,
11:18 mais qui reste relativement léger,
11:20 donc ça nécessite beaucoup de savoir-faire,
11:22 c'est un très bon véhicule,
11:23 mais qui doit être très bien piloté.
11:25 On va poser la question dans quelques instants
11:27 du matériel qu'on a ou pas,
11:29 de la question de l'économie de guerre,
11:31 prônée par Emmanuel Macron,
11:33 où on en est, on va voir ça dans quelques instants,
11:35 des décrets qui sont passés aussi pour mettre la pression
11:37 sur les industriels,
11:38 pour accélérer justement la production d'armement,
11:41 juste pour conclure sur le sujet des effectifs.
11:43 Colonel Philippe Cholou,
11:44 est-ce qu'on a une idée aujourd'hui
11:46 du nombre de militaires
11:48 qui manquent aujourd'hui dans l'armée française ?
11:50 Alors, moi je n'ai pas de chiffres à proprement parler,
11:56 je sais qu'il y a un trou à l'emploi,
11:58 un trou à l'emploi qui est important,
12:01 notamment dans certaines spécialités
12:03 qui sont dites déficitaires,
12:05 dont vous nous avez parlé.
12:07 C'est ce dont je parlais tout à l'heure,
12:09 là où on a été coupé,
12:10 c'est que l'armée terrestre a ouvert le droit
12:12 aux personnes qui ont quitté les armées
12:15 dans un délai court de se réengager,
12:17 de revenir.
12:18 Autrefois, une fois qu'on quittait, on quittait.
12:20 Maintenant, on peut revenir.
12:22 Il y a toute une articulation aussi avec les réserves,
12:25 maintenant on envoie des réserves en opération extérieure,
12:28 ce qui à mon époque était impensable,
12:29 quand j'étais dans l'armée de terre.
12:31 Donc il y a un certain nombre de solutions.
12:32 Le trou à l'emploi est réel,
12:34 d'autant que vous savez que d'un point de vue budgétaire,
12:36 quand on recrute quelqu'un,
12:37 il faut qu'il ait les finances derrière.
12:39 Donc on le recrute, on le met en formation en six mois,
12:41 il est déjà compté dans les effectifs.
12:43 Il y a aussi des trous à l'emploi qui sont mécaniques.
12:45 Quand bien même on a les effectifs,
12:46 il y a des trous à l'emploi qui sont mécaniques
12:48 pour des logiques budgétaires bien compréhensibles.
12:50 Emmanuel Lepay, pour conclure,
12:52 je voulais rajouter le fait qu'il y a sans doute
12:55 une ambition assez forte, en tout cas politiquement,
12:57 assumée comme telle, d'augmenter le nombre de réservistes.
13:00 La loi de programmation militaire estime qu'il faille doubler,
13:03 passer de 25 000 à 40 000.
13:05 Je rappelle qu'au moment de la suspension du service national,
13:08 Jacques Chirac avait parlé de 100 000 réservistes.
13:10 On en est donc très loin.
13:11 Donc ça c'est une question importante.
13:13 Et puis il y a évidemment la question du service national universel
13:16 qui pourrait revenir comme un service national obligatoire,
13:19 mais là aussi la question du coût est importante.
13:21 Le SNU c'est 2 milliards par an,
13:23 et si on prend un service national avec une classe d'âge
13:25 de 900 000 jeunes hommes et jeunes femmes qui ont 18 ans,
13:31 il faut trouver les implantations militaires ou les accueillir.
13:35 Il y a à peu près soixantaines de régiments de l'armée de terre.
13:38 Un régiment c'est à peu près 1 000 hommes.
13:40 Vous imaginez le nombre de régiments qu'il faudrait créer
13:42 pour absorber d'une certaine manière...
13:44 - C'est un emprunt énorme de toute façon là-dessus.
13:46 - Et puis la question budgétaire, il faut payer l'encadrement.
13:49 On est quasiment à 8 à 10 milliards.
13:51 - Emmanuel Dupuy, Colonel Philippe Cholot, rapidement alors,
13:54 parce qu'on va passer à l'autre question.
13:56 - Si je peux me permettre, pour donner un ordre de grandeur
13:58 et en complément de ce que vient de dire votre invité,
14:00 moi quand je me suis engagé en 1982,
14:03 il y avait entre 20 et 25 régiments de cavalerie.
14:05 Des régiments de cavalerie qui chacun avaient 70 chars.
14:09 Aujourd'hui on doit être à une dizaine de régiments de cavalerie,
14:13 et ce sont des parcs tournants, c'est-à-dire qu'on n'a pas de quoi
14:15 équiper tout le temps à l'instant T.
14:17 Quand on parle service militaire,
14:19 c'est toute la logique d'équipement matériel.
14:22 On ne parle pas de monter une troupe de louveteaux.
14:25 Il faut vraiment des matériels lourds derrière si on veut être crédible.
14:27 Donc ça va bien au-delà d'une simple mobilisation des ressources humaines,
14:32 qui en soi est déjà un problème.
14:34 - Soudradio 9h49, on revient dans un instant.
14:36 A tout de suite, vous restez avec nous.
14:37 - Le Grand Matin Sudradio, 8h-10h, Benjamin Gleize.
14:41 - 9h52 sur Sudradio, ensemble jusqu'à 10h avec Emmanuel Dupuy,
14:45 président de l'IPSE, colonel Philippe Cholou,
14:48 également présent avec nous, spécialiste du maintien de l'ordre,
14:51 pour parler de l'armée, de notre armée.
14:53 On a parlé des effectifs, j'aimerais qu'on parle, pour conclure assez rapidement,
14:56 la question du matériel, avec des décrets qui ont été passés vendredi.
15:00 Le ministre Sébastien Lecornu qui tape du poing sur la table,
15:02 qui met la pression sur les industriels pour produire davantage et plus rapidement.
15:08 Colonel Philippe Cholou, est-ce qu'on a véritablement un souci majeur à ce niveau-là,
15:12 étant donné qu'on a non seulement le contexte de la guerre en Ukraine,
15:14 mais n'oublions pas aussi la sécurisation de la mer Rouge également ?
15:18 - Oui, je crois que de ce point de vue-là, on est dans une situation relativement inédite
15:22 en termes de réarmement, puisque jusqu'aux années 80-90,
15:27 on avait une industrie d'armement qui était une industrie publique-privée,
15:30 je dirais, mais plutôt publique.
15:32 Tout à l'heure, on m'a invité à parler des chars AMX,
15:35 atelier d'ici les Moulinots, le FAMAS, Manufacture d'armes de Saint-Etienne,
15:40 on était sur un armement qui était un armement public.
15:43 Aujourd'hui, on a complètement basculé pour la première fois dans l'histoire des armées françaises,
15:48 depuis la nuit des temps.
15:50 On a un armement, je veux dire, petit calibre, un armement d'infanterie,
15:53 je parle des pistolets, des fusils d'assaut, qui est d'origine étrangère.
15:57 La question, les décrets, c'est...
16:01 Mais on est face au secteur privé, qui est aussi un secteur concurrentiel.
16:04 - Il y avait une arme de manœuvre au final, là-dessus.
16:06 - Absolument.
16:07 La question est peut-être de recréer des contrats obligataires,
16:13 mais de long terme, avec le privé,
16:15 un peu ce qui s'est fait pour l'énergie à une époque.
16:17 C'est des contrats de long terme,
16:19 ou des contrats qui, évidemment, sont onéreux,
16:22 pour avoir des privilèges, je dirais, en termes de commandes, de livraison.
16:26 Soit penser à recréer, mais de manière très progressive,
16:29 une partie d'industrie étatique.
16:33 Cela étant, avec certains prestataires privés,
16:37 on a quand même des relations, par exemple,
16:40 avec Nexter, qui sont très proches.
16:43 On a quand même de bonnes relations.
16:45 La marge de manœuvre, la volonté du ministre est forcément bienvenue.
16:49 On a des marges de manœuvre qui sont restreintes, mais qui sont réelles.
16:52 Mais je crois qu'il faut penser à un modèle plus équilibré,
16:56 en termes d'intérêt public-privé, à long terme.
16:59 - Emmanuel, je vais te poser cette question de Ramon.
17:02 La pression et les capacités qu'on a,
17:04 marge de manœuvre, vis-à-vis des industriels privés,
17:07 notamment, c'est-à-dire le corps nu, parlez du missile MBDA.
17:11 - Oui, alors il a tapé du poing sur la table,
17:13 mais en même temps, il n'a pas joint le geste à la parole,
17:18 si je puis m'exprimer ainsi.
17:20 Parce que pour avoir des commandes, ou pour avoir du matériel,
17:23 il faut passer commande.
17:24 Alors pour l'instant, on n'a pas encore passé commande.
17:26 Donc on peut se gargariser de mots sur une économie de guerre,
17:29 mais on n'est pas encore totalement arrivé à cette économie de guerre.
17:32 En tout cas, on l'a fait verbalement.
17:34 La loi de promulgation militaire précise que nous consacrons
17:38 2,3 milliards d'euros par an pour, justement, l'acquisition de munitions
17:43 et la capacité de créer du stock en matière de munitions.
17:48 Donc c'est à peu près 16 milliards d'euros d'ici 2030.
17:51 Maintenant, il faut peut-être accélérer la cadence,
17:55 car non seulement il faut du stock et du flux,
17:59 mais le stock arrive avant le flux,
18:01 mais non seulement pour livrer du matériel,
18:04 mais pour reconstituer une partie du matériel que nous avons déjà livré à l'Ukraine.
18:08 Et puis, je rajoute un troisième point,
18:10 la France est devenue le deuxième exportateur en matière d'armement,
18:13 derrière les États-Unis, 11%.
18:15 - Devant la Russie.
18:16 - Et devant la Russie, bien sûr.
18:18 Donc il y a aussi toute la capacité à accélérer la cadence
18:21 pour pouvoir aller chercher de nouveaux clients,
18:23 au-delà de l'Egypte, de l'Inde, des Émirats Arabes Unis, du Qatar,
18:28 l'Arabie Saoudite, qui sont nos cinq principaux clients.
18:31 Donc ça veut dire qu'il y a sans doute une accélération très forte.
18:34 Il y a 4 500 entreprises en matière de défense,
18:37 200 000 personnes qui dépendent de la capacité d'armement,
18:41 mais je crois que le ministre de la Défense est un petit peu désarmé.
18:45 Ça a été rappelé par mon collègue le colonel Chollus.
18:50 Ce sont des entreprises privées.
18:52 Donc elles ne répondent plus.
18:53 Nexter n'est plus le JAT, le groupement interarmé.
18:57 - Justement, colonel Philippe Chollus,
18:59 est-ce qu'on peut réquisitionner ou pas,
19:01 quand on parle d'entreprises privées ?
19:02 Est-ce que c'est possible ou pas ?
19:03 C'est la menace brandie notamment par Sébastien Lecornu.
19:05 Est-ce que c'est réalisable ? Est-ce que c'est possible ?
19:07 - Alors là j'avoue, ma grande incompétence,
19:10 je suis un pur opérationnel.
19:11 Donc sur toutes les questions, je dirais,
19:13 je pense que légalement, effectivement, c'est possible,
19:16 mais il faut pouvoir le justifier légalement.
19:18 C'est-à-dire qu'on ne sommes pas, à ma connaissance, en guerre.
19:21 Donc je ne vois pas très bien la manière dont on peut le faire légalement,
19:27 mais j'avoue mes limites sur ce sujet.
19:28 - Emmanuel, s'il vous plaît.
19:29 - Légalement, si nous sommes en guerre,
19:30 c'est l'article 35 qui va s'appliquer.
19:32 Donc si nous sommes en économie de guerre,
19:34 c'est pour sous-temps d'une guerre.
19:35 Donc il y a une déclaration de guerre,
19:36 alors nous ne sommes pas en guerre.
19:38 Donc c'est très difficile de faire ces réquisitions, juridiquement parlant.
19:42 - Est-ce qu'on est, en quelques mots rapidement chacun,
19:45 est-ce qu'on est aujourd'hui en passe d'aller vers une économie de guerre ou pas ?
19:49 Ce qui était annoncé par Emmanuel Macron.
19:51 Rapidement Emmanuel Dupuis, en quelques mots.
19:53 - Ce sont des mots, pour moi ce sont des mots.
19:55 Parce qu'un certain nombre de pays nous donnent la règle à suivre.
19:59 Par exemple en Allemagne.
20:00 Là, en Allemagne, il y a une commande qui a été passée.
20:03 Il y a de là de cela un an,
20:05 le ministère de la Bundeswehr a passé commande à raison de 1,2 milliard
20:10 à l'horizon 2029, pour 700 000 au but.
20:13 Donc c'est précis.
20:14 Pour l'instant, la France n'est pas encore en capacité d'avoir cette détermination.
20:19 - Colonel Philippe Cholou, est-ce qu'on en est encore à l'étape des mots ?
20:22 - Moi je pense qu'avec 5% de déficit, c'est compliqué.
20:25 La France, elle est caisse vide, l'Allemagne, elle est caisse pleine.
20:28 Donc je crois qu'il y a vraiment une question de choix et de programmation militaire.
20:31 Je pense qu'un réarmement, c'est sur le long terme.
20:33 Après, ça mène à des arbitrages qui sont au plus haut niveau de l'État
20:37 et qui ne nous appartiennent pas.
20:39 Maintenant, il faut bien comprendre une chose,
20:41 c'est que si d'aventure la situation se dégrade,
20:43 on y sera conduit d'une manière ou d'une autre.
20:45 - Colonel Philippe Cholou, spécialiste du maintien de l'ordre,
20:48 un grand merci d'avoir été avec nous ce matin sur Sud Radio.
20:50 Un grand merci également à vous.
20:51 - Merci beaucoup.
20:52 - Emmanuel Dupuis, président de l'IPSE, l'Institut Prospective et Sécurité en Europe.
20:56 Sud Radio, il est 9h58, je vous souhaite une très belle journée.
20:59 Dans quelques instants, c'est le meilleur de Sud Radio,
21:02 Média, Gilles Gansman, Valérie Exper, très bonne journée à tous.
21:06 Un grand merci d'avoir été avec nous ce matin dans le Grand Matin de Sud Radio.

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