Alors que les déclarations d'Emmanuel Macron sur l’Ukraine et l’envoi de troupes au sol suscitent des interrogations sur l'avenir de la France dans le conflit avec la Russie, nous plongeons dans les mécanismes qui rendent la guerre acceptable et inévitable dans l'esprit des peuples. L’occasion d’un décryptage sans filtre des enjeux et des intérêts cachés sous les tensions mondiales.
Pierre Conesa, ancien haut-fonctionnaire au ministère de la Défense, et auteur de nombreux ouvrages dont "Vendre la guerre - Le complexe militaro intellectuel" aux éditions de l’Aube (disponible ici https://boutiquetvl.fr/tous-les-livres/pierre-conesa-vendre-la-guerre-le-complexe-militaro-intellectuel), va décrypter les mécanismes de propagande à la manœuvre depuis plus de 70 ans.
Nous analysons les discours politiques récents, de ceux d'Emmanuel Macron à ceux qui ont pu justifier naguère les interventions en Irak, et dévoilons les techniques de manipulation utilisées pour justifier l'escalade des conflits. Du processus de diabolisation, à la polarisation extrême en passant par l’élan de censure pure et simple. L’occasion de confondre les va-t-en-guerre de plateaux TV, ces membres du complexe militaro-intellectuel, qui poussent au crime depuis leurs postes bien protégés.
Pierre Conesa, ancien haut-fonctionnaire au ministère de la Défense, et auteur de nombreux ouvrages dont "Vendre la guerre - Le complexe militaro intellectuel" aux éditions de l’Aube (disponible ici https://boutiquetvl.fr/tous-les-livres/pierre-conesa-vendre-la-guerre-le-complexe-militaro-intellectuel), va décrypter les mécanismes de propagande à la manœuvre depuis plus de 70 ans.
Nous analysons les discours politiques récents, de ceux d'Emmanuel Macron à ceux qui ont pu justifier naguère les interventions en Irak, et dévoilons les techniques de manipulation utilisées pour justifier l'escalade des conflits. Du processus de diabolisation, à la polarisation extrême en passant par l’élan de censure pure et simple. L’occasion de confondre les va-t-en-guerre de plateaux TV, ces membres du complexe militaro-intellectuel, qui poussent au crime depuis leurs postes bien protégés.
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00:00 [Musique]
00:15 Bonjour à tous, je suis ravie de vous retrouver pour ce nouveau numéro du Samedi Politique,
00:20 un nouveau numéro que nous allons consacrer intégralement à la guerre.
00:24 Alors pourquoi cette tentation de l'escalade ?
00:26 La guerre redevient-elle envisageable dans l'esprit des Français ?
00:30 Pour quels intérêts ? Nous allons poser plein de questions pendant cette émission,
00:33 mais avant toute chose, vous le savez, je compte sur vous pour la relayer
00:36 et pour assurer son succès.
00:38 Pensez aussi à laisser vos commentaires et à cliquer sur le pouce en l'air.
00:41 A tout de suite.
00:42 [Musique]
00:53 Et aujourd'hui, je suis en compagnie de Pierre Conessa.
00:55 Bonjour monsieur.
00:56 Bonjour.
00:57 Merci beaucoup d'être avec nous.
00:58 Vous êtes ancien haut fonctionnaire au ministère de la Défense,
01:01 vous avez publié de très nombreux ouvrages.
01:03 Le dernier en date est à des lieux du salafisme en France, aux éditions de l'Aube.
01:07 Vous l'avez d'ailleurs présenté sur TV Liberté, les téléspectateurs peuvent le retrouver.
01:11 Et également, retrouvez l'ouvrage sur la boutique, tvl.fr.
01:15 Je vais également citer deux autres ouvrages un peu plus anciens.
01:18 D'abord, "Vendre la guerre", le complexe militaro-intellectuel,
01:21 c'était aux mêmes éditions de l'Aube.
01:23 Et puis, "La fabrication de l'ennemi", qui remonte à un peu plus longtemps,
01:26 chez Robert Laffont.
01:27 Alors, Pierre Conessa, l'objet de cette émission n'est pas de focaliser,
01:31 j'allais dire, comme c'est à la mode, sur un conflit en particulier,
01:34 mais bien sur les mécanismes qui l'accompagnent, les mécanismes de propagande.
01:38 Et si l'actualité est globalement frappée par le conflit en Ukraine
01:42 ou le conflit israélo-palestinien, il y a bien d'autres guerres
01:45 qui secouent notre planète à l'heure où nous parlons.
01:47 Et pourtant, ces autres guerres n'ont pas le droit de citer dans les médias.
01:50 Pourquoi ?
01:51 – Il y a, grosso modo, 400 crises à la surface de la planète,
01:55 crises violentes à la surface de la planète.
01:57 Si vous regardez un bouquin qui paraissait assez régulièrement,
02:00 je ne sais pas s'il est apparu cette année, qui est un espèce d'État du monde,
02:03 et effectivement, ça liste la totalité des endroits dans lesquels,
02:06 effectivement, des populations minoritaires, majoritaires, massacrent, se révoltent,
02:09 enfin bref.
02:10 Donc, vous avez bien un problème de choix, parce que vous allez parler de la guerre,
02:14 mais paradoxalement, la guerre est l'état normal de cette planète.
02:17 C'est-à-dire que même dans les périodes comme l'après-guerre,
02:20 pour nous, après 1945, rappelez-vous qu'on va basculer tout de suite
02:23 dans les guerres de décolonisation.
02:24 En plein procès de Nuremberg, on recommence la recolonisation.
02:26 Donc, vous êtes en paix ou vous êtes en guerre ?
02:28 Et pareil, toutes les interventions qui ont succédé à la disparition de l'URSS,
02:33 après 1991, si vous voulez, on a fait une dizaine d'interventions
02:35 avant le 11 septembre, et ces dizaines d'interventions
02:37 sont des opérations militaires spéciales.
02:39 Aucune n'a été présentée au Parlement.
02:41 Donc, la question sur la guerre, c'est la guerre où et qui, ils sont de nous mêlés.
02:45 Voilà, donc, effectivement, alors, votre question renvoie à une transformation
02:50 qui est assez fondamentale, qui se passe justement après la disparition de l'URSS.
02:55 La première guerre post-guerre froide, c'est la guerre du Koweït.
02:58 La guerre du Koweït, rappelez-vous, Saddam Hussein qui a fait la guerre
03:01 contre l'Iran avec notre soutien.
03:03 Rappelez-vous que c'est une guerre dans laquelle on va aider l'agresseur
03:06 et on va mettre sous embargo à l'agressé.
03:08 La guerre Iran-Irak.
03:10 Vous comprenez que les Iraniens puissent avoir une petite dent contre nous.
03:13 Et donc, Saddam Hussein qui était à l'époque le grand modernisateur
03:16 mais devenu le nouvel Hitler quand il envahit le Koweït,
03:19 se voit donc mis en demeure par une coalition internationale de quitter le Koweït.
03:23 La Russie s'abstient, donc c'est la première guerre,
03:25 si vous voulez, 35 nations vont fournir des moyens militaires
03:28 pour aller chasser Saddam Hussein.
03:30 Deux caractéristiques à cette guerre.
03:32 D'abord, 6 mois de préavis, c'est-à-dire c'est une guerre annoncée, planifiée, etc.
03:36 Toutes les chaînes de télévision de la planète viennent s'installer en Arabie Saoudite.
03:39 Donc, ça veut dire qu'on va s'habituer à ce qu'on connaît maintenant,
03:41 c'est-à-dire la guerre est un spectacle en live.
03:44 On peut tous les jours avoir des nouvelles informations,
03:46 on perd la vue d'ensemble mais bon.
03:48 Alors à l'époque c'était d'autant plus intéressant qu'il n'y avait rien,
03:50 puisqu'il y avait les 6 mois de préavis,
03:52 donc on faisait des reportages sur une femme qui s'était perdue dans le désert,
03:55 il y avait des trucs sur les troupes françaises, enfin bref.
03:58 Et effectivement, le jour J, la guerre commence
04:03 et cette guerre annoncée avec, encore une fois,
04:06 toutes les télévisions de la planète présente se termine en 120 heures.
04:09 120 heures, il y a tromperie sur la marchandise quand même.
04:12 On est censé avoir détruit la 4ème armée du monde.
04:15 Alors je ne sais pas qui fait la 4ème armée, qui fait la classification,
04:18 mais enfin d'abord je n'ai jamais su qui était la 3ème.
04:20 Et encore une fois, vous dites "mais une armée est faite pour un scénario de guerre particulier".
04:24 Sinon, il faudrait considérer que la meilleure armée du monde, c'est l'armée afghane.
04:27 Ils ont gonflé les Anglais à l'époque de l'Empire,
04:29 ils ont gonflé les Russes à l'époque de l'RSS
04:31 et ils viennent de gonfler les Américains aujourd'hui.
04:33 Mais vous voyez bien que ce n'est pas une armée.
04:35 Donc encore une fois, la guerre n'est pas un scénario annoncé.
04:38 La guerre, c'est une situation de conflit dans laquelle chacun a des arguments.
04:41 Bref. Et donc on va se mettre dans l'idée que justement,
04:44 puisque nous avons vaincu la 4ème armée du monde si rapidement,
04:46 nous avons le moyen militaire d'être le gendarme de la planète.
04:49 – Quand vous dites "nous", pardon, mais…
04:51 – Nous occidentaux. Nous occidentaux.
04:53 C'est-à-dire qu'évidemment, on va enchaîner progressivement
04:56 dans des scénarios différents, mais autant la Yougoslavie,
04:59 si vous voulez nous poser une question fondamentale,
05:01 autant la Somalie n'en posait pas.
05:03 Et vous voyez bien que là, on glisse sur des motivations
05:05 qui n'ont plus rien de stratégique, mais qui vont encore une fois
05:08 considérer que l'envoi de militaires est une solution.
05:11 Mais l'envoi de militaires n'est pas une solution.
05:13 L'envoi de militaires n'est qu'un moyen.
05:15 C'est la solution politique qui doit l'emporter.
05:17 Et vous voyez bien que pour la Yougoslavie,
05:19 j'ai fait récemment une interview de Védrine,
05:21 justement parce qu'au début de ce conflit en Yougoslavie,
05:23 rappelez-vous, on avait l'impression que Mitterrand hésitait.
05:26 Il ne savait pas ce qu'il fallait faire.
05:28 Et Védrine disait "mais en fait, si Mitterrand hésitait,
05:30 c'est parce qu'il avait un véritable sens de l'histoire".
05:33 C'est-à-dire qu'il se disait "quel est le scénario le pire ?
05:35 Est-ce que c'est l'éclatement de la fédération titiste,
05:38 avec tous les risques qu'on a connus,
05:40 ou est-ce qu'au contraire, il faut contribuer à ce que cette fédération subsiste ?"
05:43 Donc vous voyez qu'il y avait deux choix qui étaient assez différents,
05:45 mais qui étaient des véritables interrogations politiques.
05:47 Ce n'était pas "est-ce que je gagne les municipales dans 6 mois ?"
05:50 – Bien sûr.
05:51 – Voilà. Donc si vous voulez, il y a toutes ces variables-là
05:53 qui ont changé et donc, pour en reclure sur le sujet
05:55 qui vous intéresse, à partir de ce moment-là,
05:57 il y a des gens qui vont intervenir sur les plateaux télé de chaînes d'infos en continu
06:00 pour dire "mais non, il faut faire ci, mais non, il faut faire ça,
06:02 mais si, moi j'en viens, je connais les gentils, je connais les méchants".
06:05 Et puis l'argumentaire suprême, c'est "on ne peut pas ne pas".
06:07 Quand vous avez dit cette obligation, vous n'avez plus besoin de prouver quoi que ce soit.
06:11 – Ce que je vous propose, Pierre Conessa,
06:13 pour revenir un petit peu davantage à l'actualité,
06:16 c'est d'écouter les récentes déclarations d'Emmanuel Macron
06:18 à partir de mi-février sur la question de l'aide,
06:22 j'insiste sur ce mot, l'aide à l'Ukraine par la France, on regarde.
06:25 – Que les choses soient claires, la France n'est pas en guerre,
06:28 ni contre la Russie, ni contre le peuple russe.
06:31 La France a d'ailleurs tout fait pour empêcher la guerre en Ukraine.
06:35 Mais nous sommes décidés à faire échec à la guerre d'agression de la Russie contre l'Ukraine
06:40 et à toutes les agressions dont la Russie pourrait se rendre coupable.
06:43 Je pense que cela dit, ce que je vous exprimais tout à l'heure,
06:46 c'est que oui, la Russie est rentrée dans une nouvelle phase.
06:49 Et nous devons être lucides sur ce sujet.
06:51 Une phase d'agression à l'égard des pays européens,
06:57 par des actions de désinformation, mais aussi d'attaques cyber,
07:00 à une échelle et avec des franchissements de seuil qui en changent la nature,
07:04 et de durcissement dans son pays à quelques semaines d'une échéance électorale
07:09 où au fond, une forme d'impunité s'est installée.
07:13 Tuer un opposant, ils le font.
07:17 Interdire les autres candidats, ils le font.
07:20 Aujourd'hui, nous ne pouvons que nous féliciter de la posture américaine,
07:24 et j'espère que le Congrès débloquera les sommes supplémentaires,
07:27 mais que de la posture américaine depuis le début de la guerre,
07:30 qui est aux côtés de l'Ukraine et aux côtés de ses alliés européens.
07:33 Mais cette guerre se passe sur le sol de l'Europe,
07:36 et donc les Européens doivent aussi être en capacité de porter les efforts
07:41 pour que l'objectif qui est le nôtre, c'est-à-dire que la Russie,
07:44 en aucun cas ne puisse gagner, soit atteint.
07:47 Et donc nous nous adapterons à tous les scénarios,
07:50 parce que l'avenir de l'Europe ne peut pas être contingent à l'élection américaine.
07:56 C'est l'idée que je me fais de la souveraineté et de l'autonomie stratégique.
07:59 Ce ne sont pas des mots, ce sont des actes.
08:02 Ce sont ces actes que nous prenons.
08:04 Il n'y a pas de consensus aujourd'hui pour envoyer de manière officielle,
08:08 assumer et endosser des troupes au sol,
08:11 mais en dynamique, rien ne doit être exclu.
08:16 Nous ferons tout ce qu'il faut pour que la Russie ne puisse pas gagner cette guerre.
08:19 Le consensus, l'analyse collective était que d'ici à quelques années,
08:24 il fallait s'apprêter à ce que la Russie attaque les dix pays.
08:29 Et donc très clairement, la lucidité est là,
08:33 et le constat collectif est que, au fond, notre sécurité à tous est aujourd'hui en jeu.
08:40 L'Ukraine est aujourd'hui déterminée, elle a besoin de nous.
08:43 Nous abordons à coup sûr un moment de notre Europe où il conviendra de ne pas être lâche.
08:50 On ne veut jamais voir les drames qui viennent.
08:54 On ne veut jamais voir ce qui se joue.
08:57 Et je crois que nos deux pays ont conscience de ce qui est à l'œuvre en Europe.
09:03 Le fait que la guerre est revenue sur notre sol,
09:06 que des puissances devenues inarrêtables sont en train d'étendre la menace,
09:12 nous permet chaque jour de nous attaquer nous-mêmes davantage.
09:14 [Musique]
09:20 Deux jours après cette vidéo, cette dernière vidéo,
09:23 Emmanuel Macron recevait les chefs de parti français.
09:26 Il a déclaré que le soutien français à l'Ukraine n'avait aucune limite, ni aucune ligne rouge.
09:32 Alors déjà une première observation, Pierre connaît ça.
09:35 J'ai le sentiment d'un glissement sémantique sur ce mot "l'aide à l'Ukraine".
09:40 L'aide à l'Ukraine aujourd'hui, c'est systématiquement fournir des armes
09:43 ou de l'argent pour acheter des armes.
09:45 Ça c'est le plancher.
09:47 C'est ce qu'on a fait pratiquement depuis le début de l'intervention.
09:51 Non, ce qui pose comme question, c'est la participation de force humaine,
09:55 si vous voulez.
09:56 Bien sûr, les troupes au sol.
09:57 Les troupes au sol, oui absolument.
09:59 Bon, cela dit, on est aussi sur le point de fournir des avions
10:02 et donc de former des aviateurs, etc.
10:04 Donc on a quelque chose qui est une montée en puissance
10:07 sans intervention physique, si vous voulez, de force régulière occidentale.
10:12 Parmi les chefs de parti, il a reçu aussi ses deux prédécesseurs.
10:18 Donc quand j'entends François Hollande, si vous voulez,
10:21 qui était président quand il y a eu 300 morts dans les rues de Paris
10:24 et qu'il recule sur la question de la déchéance de nationalité,
10:26 qu'il le dit ensuite alors qu'il n'est plus en fonction,
10:29 je me dis, bon, il peut toujours le recevoir,
10:31 mais effectivement, vous voyez qu'on a une espèce de texture
10:33 de la classe politique qui est extrêmement inquiétante.
10:35 Tout ce que vous avez montré là est très intéressant
10:37 parce que le président Macron a tenu une ligne qui était continue,
10:39 c'est-à-dire préparez-vous au pire, préparez-vous au pire, préparez-vous au pire.
10:42 Est-ce que ce n'est pas justement la caractéristique d'un homme d'État de dire ça ?
10:46 – Mais est-ce que la caractéristique d'un homme d'État, c'est de le dire ?
10:50 – Ah ben oui, c'est de dire à ses compatriotes qu'il ne peut pas les endormir,
10:56 il ne peut pas leur raconter des cracks en pensant qu'effectivement,
10:59 vous inquiétez pas, je suis là pour éviter la guerre.
11:01 La question c'est, encore une fois, rappelez-vous quand même
11:03 que si vous vous placez uniquement sur le plan militaire,
11:06 en 92 quand disparaît l'URSS, si vous voulez, dans toutes les grandes démocraties,
11:10 on considère que finalement, les conditions mêmes de la guerre
11:13 et la condition humaine, si vous voulez, de la défense ont changé.
11:16 On prend deux décisions progressivement qui sont très importantes,
11:20 qui sont d'abord la fin du service national,
11:22 parce qu'on considère que la guerre est devenue une guerre de professionnels
11:25 avec du matériel, de haute technologie.
11:27 Donc on réduit le format des armées, évidemment on réduit les équipements,
11:31 mais encore une fois, parce qu'on était sur des scénarios, si vous voulez,
11:34 qui étaient temporaires, en se disant, il y aura probablement
11:37 quelques conflits de haute intensité, mais probablement pas ce sur quoi
11:43 on est en train de revenir, c'est-à-dire qu'aujourd'hui,
11:45 il faut revoir les conditions du service national,
11:47 et évidemment, il faut monter en puissance,
11:48 parce que si on fournit de l'aide à l'Ukraine,
11:50 ça veut dire qu'on les prend dans les stocks.
11:51 Et si on les prend dans les stocks, dans des stocks qui sont déjà,
11:54 si vous voulez, relativement limités, on est en train de se découvrir.
11:57 Donc vous voyez que tout ça, évidemment, est un processus de long terme.
12:00 Si vous fournissez des avions, vous devez former des pilotes,
12:02 si vous devez former des pilotes, il vous faut effectivement
12:04 quelques semaines, quelques mois.
12:05 Donc on est sur des… vous voyez, on a été dans la surprise stratégique,
12:10 parce qu'on a mis beaucoup de temps à se rendre compte qu'effectivement,
12:13 les choses n'étaient pas aussi simples que la simple aide matérielle à l'Ukraine.
12:17 Cela dit, pour être un peu plus rassurant, pensez quand même
12:21 que la ligne de front ne bouge pas beaucoup.
12:23 C'est-à-dire qu'on est sur un conflit où, là où on pensait, si vous voulez,
12:28 que la Russie avait les moyens militaires d'une victoire relativement rapide,
12:32 on s'aperçoit que non, ce n'est pas le cas,
12:34 que Poutine est obligé de faire de nouvelles levées de classe d'âge,
12:39 si vous voulez, et donc finalement, on s'aperçoit qu'il s'est lui-même
12:43 mis dans la canule, c'est-à-dire, s'il perd cette guerre,
12:46 il perd sa crédibilité.
12:47 Donc malheureusement, on est sur un scénario qui a de quoi inquiéter.
12:50 – J'aimerais revenir un tout petit peu en arrière.
12:52 Vous avez dit, est-ce que ce n'est pas l'apanage du chef de l'État
12:55 de dire à ses citoyens "préparez-vous au pire",
12:58 pour justement préparer au pire, mais sur le plan politique,
13:01 on voit que ça n'a pas été fait, comme vous venez de le rappeler.
13:03 Est-ce qu'à l'inverse, dire en permanence "préparez-vous au pire",
13:07 ça n'a pas un côté prophétie autoréalisatrice ?
13:09 C'est-à-dire qu'on l'a vu, par exemple, avec la Russie
13:14 et les prétextes qui ont été avancés par Vladimir Poutine,
13:18 entre autres, à savoir l'avancée des bases de l'OTAN vers ses frontières.
13:22 Bon, il a prévenu, il a prévenu, il a prévenu, il a prévenu,
13:25 on a continué et finalement on dit "ah ben vous voyez,
13:28 on avait bien fait de mettre les bases de l'OTAN
13:30 puisqu'il allait nous attaquer".
13:31 Oui, mais lui, de son point de vue, c'est parce qu'il y a eu
13:34 les bases de l'OTAN qui se sont approchées qu'il a attaqué.
13:36 Donc, si vous voulez, il y a un côté récursif dans ce discours
13:41 qui plaide pour l'escalade aussi.
13:43 – C'est vrai, mais en même temps, c'est tout le travail des diplomates,
13:45 puisqu'on a connu un bouleversement dans cette 2ème moitié du XXème siècle
13:49 qui est absolument étonnant.
13:50 Rappelez-vous que tout le paradigme qui a structuré pratiquement
13:53 depuis 1917, c'était le bilatéral, la guerre froide, les deux camps, etc.
13:57 La guerre froide, elle a été une caractéristique,
14:00 c'est qu'on ne pouvait négliger aucune crise à la surface de la planète
14:03 parce qu'on savait que l'autre risquait de s'en occuper.
14:05 Donc, si vous voulez, même dans des guerres comme les guerres
14:07 de décolonisation, où Dieu sait qu'on n'était pas quand même
14:10 les chevaliers blancs, les Russes soutenaient ces mouvements
14:13 de décolonisation et effectivement, une partie de la gauche française
14:16 considérait que la Russie était un pays pacifique et démocratique.
14:19 Donc, vous voyez, on est sur des scénarios dont il faut à chaque fois
14:21 réajuster les critères d'analyse.
14:23 Et ce que vous dites est d'autant plus vrai qu'effectivement,
14:25 quand l'URSS s'écroule, que le bloc de la Varsovie disparaît,
14:29 tous ces anciens pays qui ont été occupés pendant 50 ans,
14:33 donc une seule demande, c'est s'il vous plaît, l'OTAN.
14:36 L'Union Européenne sait très bien, mais c'est surtout l'OTAN,
14:38 garantie de sécurité. Garantie de sécurité dont la, comment dire,
14:42 le point, comment dire, le soutien essentiel, la structure essentielle,
14:46 c'est la participation américaine.
14:48 Donc effectivement, on est sur quelque chose où la demande,
14:51 il était difficile de résister à la demande de ces pays
14:53 qui réintégraient, si vous voulez, l'espace européen,
14:55 en leur disant non, non, non, il ne faut surtout pas inquiéter la Russie.
14:58 D'autant qu'on était dans une époque où, rappelez-vous que Gorbatchev…
15:03 – Enfin là, si je peux, je me permets de vous interrompre,
15:05 mais on ne parle pas uniquement de l'adhésion à l'OTAN,
15:07 on parle aussi de l'installation de base.
15:09 – Oui, oui, mais rappelez-vous qu'en plus, on était en Russie,
15:12 à l'époque où Yeltsin succède à Gorbatchev.
15:16 Yeltsin était un ivrogne, c'était un ivrogne extraordinaire,
15:19 il arrivait à certaines rencontres internationales complètement bourré.
15:22 Il laisse dépecer le pays, c'est-à-dire qu'il y a des oligarques
15:26 qui vont s'approprier le pétrole, les mines, etc.
15:29 C'est-à-dire que pour les Russes, c'est un sentiment d'humiliation extraordinaire.
15:33 Donc qu'on n'ait pas mesuré, scénario allemand de l'après-guerre,
15:36 qu'on n'ait pas mesuré, si vous voulez, que sur ce scénario de désarroi,
15:40 vous savez qu'à l'époque, 70% des échanges étaient démonétisés en Russie,
15:45 ça veut dire que le rouble ne valait plus rien.
15:47 Ça vous rappelle des souvenirs ?
15:49 Donc au lieu d'avoir, si vous voulez, une politique de la main tendue
15:51 pour essayer de normaliser, pour essayer de…
15:53 Rappelez-vous que quand Poutine arrive,
15:55 une des premières choses qu'il fait, c'est de mettre en ton un oligarque.
15:58 C'est-à-dire qu'il parle à son opinion.
16:00 Nous, on n'a pas parlé à son opinion.
16:01 Au contraire, on a essayé de l'aider, etc.
16:05 Mais avec ces filtres qu'avaient les oligarques,
16:07 tout l'argent qu'on avait diffusé, si vous voulez, est parti dans des poches privées.
16:10 Donc, pensez que Poutine puisse avoir, en tout cas,
16:13 lors de son accession, une certaine popularité, si vous voulez, en Russie,
16:16 parce qu'il remettait debout ce qui est quand même un empire.
16:19 Et donc, on n'a pas mesuré, si vous voulez,
16:22 cette espèce d'humiliation qu'on avait déjà connue avec l'Allemagne hitlérienne,
16:25 rappelez-vous.
16:26 On n'a pas tiré ces conclusions.
16:28 Donc, on est sur quelque chose où la principale demande
16:33 de ces anciens pays satellites, ça a été effectivement "Venez nous protéger".
16:36 Je vais donc faire une petite remarque.
16:38 Mais il y avait quand même ce fameux accord entre Gorbatchev et Parker, je crois,
16:42 le secrétaire Parker, de ne pas faire avancer davantage les bases.
16:46 – Oui, mais le problème, il se pose avec l'Ukraine.
16:49 Parce que l'Ukraine est une espèce de pistolet planté en plein centre,
16:52 si vous voulez, de cet espace russophone, enfin russophone,
16:55 russophone-ukrénophone, mais enfin de l'ancien empire, si vous voulez.
16:59 Mais voyez bien qu'on joue sur l'ambiguïté,
17:03 c'est-à-dire, on dit l'Ukraine est capable d'être candidate à l'Union européenne,
17:06 donc intégration économique.
17:08 Bon, comme la défense européenne est dans cet état d'ectoplasme
17:11 que vous connaissez, c'est difficile de considérer que seule entrée dans l'Union
17:14 suffirait à lui garantir la sécurité.
17:17 Mais par contre, effectivement, se pose ce problème, c'est-à-dire,
17:20 quel statut pour ce pays qui, encore une fois, a ce degré de sensibilité
17:24 pour cette ancienne puissance qu'est la Russie,
17:26 ce pays qui a encore une fois des frontières destinées par le camarade Staline,
17:29 ce pays qui quand même est un pays dans lequel vous avez des russophones
17:34 qui ont de bonnes raisons de penser qu'ils sont délestés, si vous voulez,
17:37 dans cet espèce de grand, comment dire, démontage du puzzle URSS.
17:41 Et donc, la guerre a commencé plus tôt, elle a commencé tout de suite,
17:45 pratiquement dès Maïdan, la guerre, j'entends la guerre dans les régions Est.
17:49 Et effectivement, quand les Russes décident de leur intervention,
17:52 il y avait déjà 14 000 morts à la frontière.
17:54 Donc vous connaissez un pays, une puissance qui n'estimerait que si 14 000
17:58 de ses concitoyens culturels, enfin, peu importe l'identité qu'on leur donne,
18:02 mais en tout cas de russophones, n'interviendraient pas pour les défendre.
18:05 Donc on a négligé, si vous voulez, cet aspect-là, c'est-à-dire qu'on ne pouvait pas…
18:09 – Qui devait être garantie par les accords de Minsk.
18:11 – Ben oui, mais justement, les accords de Minsk, 1 et 2, si vous voulez,
18:14 avaient pour vocation, avec le parrainage des Français et des Allemands,
18:18 de proposer des solutions qui auraient donné des statuts particuliers, etc.
18:21 On ne sait pas qui a saboté les accords de Minsk, mais on a quand même quelques idées.
18:25 Et donc, encore une fois, quand vous êtes dans un pays
18:28 qui vient d'acquérir son indépendance, dans lequel la succession politique
18:31 a été chaotique, mais en tout état de cause apparaît un homme,
18:34 Zelensky, qui effectivement semble avoir la texture d'un homme politique,
18:37 comment voulez-vous qu'il accepte que dans ce nouveau pays indépendant,
18:40 on commence déjà une négociation pour en parcelliser certains morceaux ?
18:44 Donc, si vous voyez, il y avait ces dynamiques-là qui faisaient
18:46 que c'était très difficile de vivre cette situation.
18:48 Accepter dans Minsk que les russophones de l'Est aient un statut particulier,
18:53 oui, mais je pense qu'à Minsk, on devait penser que si jamais…
18:57 à Kiev, pardon, si jamais les russophones ont un statut particulier,
19:01 c'est une marche vers l'indépendance, donc le dépossage du pays.
19:03 Donc, ça a été un métier où les diplomates se sont beaucoup…
19:07 une situation où les diplomates se sont beaucoup déployés,
19:09 mais avec peu de succès, puis surtout avec une espèce
19:13 d'incompréhension réciproque, si vous voulez.
19:15 – C'est le moins qu'on puisse dire.
19:16 Alors, vous dites Zelensky, un homme d'État, est-ce que ça aussi…
19:19 ce ne sont pas les médias qui ont contribué à fabriquer
19:23 cette posture d'homme d'État ?
19:25 Parce qu'auparavant, Zelensky, c'était avant tout un comédien,
19:29 parfois comique, avec des attitudes un peu originales.
19:33 Sans les médias, peut-être, pour le présenter en chef de guerre,
19:36 sans une importante communication autour de la façon
19:39 dont il se présente au monde aussi, on serait peut-être
19:42 à des années-lumière de pouvoir penser que cet homme
19:44 était un chef d'État.
19:46 – Oui, mais en même temps, c'est la situation qui vous révèle
19:49 la texture d'un homme, rappelez-vous, et quand même,
19:51 on a quelques exemples dans le passé.
19:53 Moi, je suis frappé, si vous voulez, quand je parle des élites françaises.
19:59 Les élites françaises, si vous voulez, c'est un mécanisme académique
20:02 dont le descriptif est très rapide.
20:04 Classe prépa, normal sup, science po, énat, grand corps, cabinet.
20:09 Donc, vous avez toute une élite qui tourne autour des décideurs politiques
20:12 ou qui fournissent parfois du personnel politique,
20:14 qui n'a aucune expérience de la vie.
20:16 De la vie, non seulement de leur propre vie,
20:18 mais de la vie internationale.
20:19 Même si vous prenez la situation aux États-Unis,
20:21 rappelez-vous que George Bush, fils, n'était jamais sorti ailleurs qu'au Mexique.
20:25 Et c'était cet homme-là qui devait être le leader du camp de la démocratie.
20:29 Donc, si vous voulez, moi j'avais dit qu'à la sortie de toutes les grandes écoles en France,
20:33 on devrait imposer une année sabbatique.
20:35 Faites ce que vous voulez, faites de l'humanitaire,
20:37 traversez la planète, faites ce que vous voulez, mais ancrez-vous quelque part.
20:40 Parce qu'encore une fois, ce n'est pas une carte, la guerre.
20:43 Ce n'est pas simplement des petites flèches qui se déplacent.
20:45 C'est les gens qui meurent, c'est une compréhension de la posture
20:48 des différents belligérants, c'est les modalités de la négociation, etc.
20:51 Donc, on a quelque chose, si vous voulez, qui est aussi un constat d'échec de notre propre système.
20:56 La liberté d'expression, ça veut dire que, dans la mesure où, si vous voulez,
21:00 après 1991, l'autre ne peut plus instrumentaliser une crise,
21:03 vous avez un débat qui devient franco-français.
21:06 Le franco-français laissant apparaître, justement, sur les plateaux télé,
21:09 des tas de gens qui, sans aller faire la guerre,
21:12 vont expliquer pourquoi il faut aller faire la guerre.
21:15 Donc, rappelez-vous quand même qu'une fois, BHL a dit
21:18 "Moi, si je savais tirer au fusil, j'y serais parti".
21:21 Il y a des gens qui ont dit "Venez, on va vous former, vous allez voir".
21:24 Et il n'a pas répondu à cela.
21:25 Il est allé à Kiev pour marquer sur un rocher "Liberté, Égalité, Fraternité".
21:29 Je suis sûr que Poutine a tremplé quand il a appris ça.
21:31 Vous voyez, quand on est dans ce genre d'imposture, c'est-à-dire que des gens comme ça…
21:34 BHL refuse toujours d'être interviewé avec quelqu'un d'autre.
21:37 Il ne peut être invité que tout seul.
21:39 Moi, on lui a proposé un débat avec moi, je ne sais pas pourquoi il a refusé.
21:41 Mais enfin, toujours est-il que si vous voulez, on est avec ce genre de personnalité.
21:45 Donc, on se dit "Mais qu'est-ce qui fait que dans notre système médiatique,
21:49 politico-médiatique, on a laissé, si vous voulez, ce complexe militaro-intellectuel
21:53 intervenir pour à chaque fois décider qu'on est proche d'une scène de conflit, de guerre
21:59 et qu'il faut y envoyer des troupes, mais pas sans y aller eux-mêmes.
22:02 Vous savez que depuis pratiquement 91, on a été intervenu sur une dizaine de conflits extérieurs,
22:06 encore une fois, sans enjeux stratégiques.
22:08 Ce n'était pas des guerres, ce n'est pas comme la Yougoslavie.
22:10 Et donc, quand vous avez le 11 septembre, tout à coup, vous vous dites "Mais attendez,
22:14 finalement, le monde n'était pas ce qu'on en pensait,
22:16 ce n'était pas ce processus de pacification régulière, d'intégration".
22:19 Donc voilà, c'est ce débat-là sur lequel on est en train de revenir aujourd'hui,
22:23 en décidant comment peut-on remonter en puissance,
22:27 comment peut-on rétablir des services nationaux, etc.
22:30 – J'aimerais vous faire écouter à présent l'historienne belge Anne Morelly,
22:34 qui est auteure aussi de "Principe élémentaire de propagande de guerre"
22:37 et je pense que ce qu'elle va dire recroupera votre livre "La fabrication de l'ennemi".
22:40 – Et donc, dans toutes les guerres, vous avez une image double.
22:46 Nous, nous sommes des combattants, nous avons l'armée la plus morale du monde,
22:54 et eux, ce sont des monstres qui font des atrocités.
23:01 Alors, il ne faut pas nier que dans toutes les guerres, il y a des atrocités.
23:06 Ça n'existe pas une guerre fraîche et joyeuse
23:09 où il n'y aurait jamais eu de civils qui auraient été objets de ces vices,
23:15 mais il faut présenter cela comme étant une particularité de l'ennemi.
23:21 [Générique]
23:27 – Alors, on le comprend, c'est une forme de diabolisation, d'exagération dont elle parle.
23:32 À quelle fin, selon vous ?
23:34 – Ah ben, si vous voulez, la différence, quand on déclenche une guerre
23:37 et qu'on est dans une démocratie, il faut que ce soit une guerre démocratique,
23:40 pour convaincre l'opinion.
23:41 Ce n'est pas comme dans une dictature.
23:43 Quand Saddam Hussein a envahi le Koweït, il n'avait autour de lui
23:46 que des gens qui approuvaient la décision du chef, c'était évident.
23:50 Par contre, effectivement, nous, et c'est à partir de 1991,
23:53 c'est d'autant plus évident, c'est que justement,
23:55 n'ayant pas d'ennemis désignés, structurés, capables de faire des tas de choses,
23:59 ça devient une espèce de marché ouvert dans lequel le complexe militare
24:03 ou intellectuel, dans ses différentes composantes,
24:05 journalistes, humanitaires, intellectuels, médiatiques, etc.,
24:09 va peser dans un sens ou dans l'autre pour que l'Occident démocratique s'implique.
24:14 Bon, j'en cite un exemple, aujourd'hui, la crise la plus meurtrière,
24:17 c'est la crise du Congo.
24:19 Vous avez entendu parler de la crise du Congo ?
24:20 – Absolument pas.
24:21 – C'est pas vendable, le Congo, vous n'avez pas envoyé du monde,
24:23 c'est un pays gigantesque, personne n'a envie d'envoyer des milliers
24:26 et des milliers d'hommes pour essayer de pacifier quelque chose
24:28 qui est en train de se décomposer.
24:30 Et donc, vous voyez bien qu'il faut choisir une crise dans laquelle,
24:33 effectivement, la voix de ce complexe militare ou intellectuel
24:36 va peser pour interpeller le politique.
24:37 Alors, ce qui est intéressant, c'est qu'on interpelle le politique
24:40 depuis le plateau télé.
24:41 J'en reviens, je connais les gentils, je connais les méchantes,
24:44 on ne peut pas ne pas.
24:45 Et donc, ce qu'elle dit sur la propagande est effectivement d'autant plus vrai
24:49 qu'on voit bien que le verbe est extrêmement important.
24:52 Bon, évidemment, chacun est le bien et le juste,
24:57 et l'autre est effectivement la nuit.
24:58 Vous savez, Pierre Desproys avait une définition de l'ennemi
25:01 qui était extraordinaire, il disait "l'ennemi est stupide
25:03 parce qu'il croit que l'ennemi c'est nous alors qu'en fait l'ennemi c'est lui".
25:05 Vous avez tout dans cette phrase, vous avez tout.
25:08 C'est-à-dire, le… alors, j'insiste sur le verbe,
25:11 parce que vous voyez bien qu'on a plein de situations
25:13 dans lesquelles la formulation de la question devient tout à coup
25:17 une implication dans un sens ou dans l'autre.
25:19 Bon, moi, il y en a un qui me frappe beaucoup, si vous voulez,
25:21 c'est que dans la crise à Gaza, vous avez effectivement des otages,
25:23 d'un côté, c'est évident, ils ont été pris dans des kibouts, etc.
25:27 En échange de ces otages, le Hamas demande la libération
25:30 de prisonniers palestiniens et lequel l'État israélien
25:33 impose que ce ne soit pas des prisonniers ayant du sang sur les mains.
25:37 Bon, alors pourquoi ils étaient en prison ?
25:39 Ils étaient en prison parce qu'ils avaient jeté des cailloux
25:41 sur les soldats israéliens.
25:43 Vous voyez bien qu'on a d'un côté, on dit le terme "otage"
25:46 qui est effectivement une accusation grave,
25:48 et de l'autre, on a "prisonnier".
25:49 Mais en fait, ils étaient aussi dans cette situation-là.
25:51 Donc, on est sur des situations où, si vous voulez,
25:53 le verbe va évidemment déterminer la notion du juste, du vrai.
25:58 Vous avez la même chose aujourd'hui en Cisjordanie.
26:01 En Cisjordanie, vous avez aussi des types qui sont encore arrêtés,
26:04 des Palestiniens, ils sont arrêtés mais en particulier,
26:06 ils sont parfois tués par des colons juifs radicaux.
26:09 Et vous vous dites "mais attendez, il y a donc aussi des juifs radicaux
26:11 comme il y a des salafistes ?"
26:13 Vous voyez ce que je veux dire ?
26:14 Donc, à chaque fois, selon la focale qu'on met,
26:16 on se retrouve avec des analyses prédigérées, si vous voulez.
26:21 – On a le sentiment, et vous l'avez d'ailleurs évoqué,
26:24 qu'il faut polariser en fait en camp du bien.
26:27 Et parmi les épisodes où l'Occident s'est érigé en camp du bien,
26:30 il y a évidemment l'Irak, et je vous propose qu'on écoute
26:32 les célèbres propos de Madeleine Albright,
26:34 qui était secrétaire d'État aux États-Unis.
26:37 – On a entendu dire que moitié de la million de enfants ont mort.
26:41 C'est plus d'enfants que qui ont mort à Hiroshima.
26:46 Et est-ce que le prix est valable ?
26:49 Est-ce que c'est vrai ?
26:51 Est-ce que c'est vrai ?
26:53 Est-ce que c'est vrai ?
26:55 Est-ce que c'est vrai ?
26:57 Est-ce que c'est vrai ?
26:59 Est-ce que c'est vrai ?
27:01 Est-ce que c'est vrai ?
27:03 Est-ce que c'est vrai ?
27:05 Est-ce que c'est vrai ?
27:07 Est-ce que c'est vrai ?
27:09 Est-ce que c'est vrai ?
27:11 Est-ce que c'est vrai ?
27:13 Est-ce que c'est vrai ?
27:15 Est-ce que c'est vrai ?
27:17 On a des bombardiers à long rayon d'action
27:20 et on estime que de bombarder les villes allemandes
27:22 va mettre à genoux, ou bombarder les villes japonaises
27:24 va mettre à genoux l'opinion publique
27:26 et finalement, c'est la guerre.
27:28 Le bombardement le plus grave, si vous voulez,
27:31 c'est ce bombardement avec Mont-Vincendière
27:33 qui va se faire si je ne m'abuse sur Tokyo,
27:35 il va y avoir 80 000 morts.
27:37 – On en parle peu d'ailleurs.
27:39 – Pardon ?
27:40 – On en parle très peu comparativement à d'autres…
27:42 – Non mais parce que ça c'est loin, c'est loin ça.
27:44 Donc après-guerre, les Américains ont essayé de comprendre
27:46 pourquoi les Japonais et les Allemands avaient tenu aussi bon jusqu'au bout.
27:49 Parce que vous vous souvenez que finalement,
27:51 l'utilisation de la bombe atomique, c'était aussi parce qu'ils pensaient
27:53 que l'offensive sur le territoire serait dramatique en vies humaines.
27:57 Bref, ils font une enquête qui confie à des sociologues
28:00 et les sociologues arrivent à une conclusion qui est assez stupide
28:02 mais d'une banalité effrayante, c'est que quand vous êtes sous les bombardements,
28:05 vous vous solidarisez avec celui qui vous défend,
28:07 pas avec celui qui vous bombarde.
28:10 Donc vous voyez, c'est la limite de l'analyse
28:12 telle qu'elle est faite par la violence des moyens,
28:14 c'est qu'encore une fois, vous avez effectivement des moyens
28:17 qu'on croit être capables de rompre un consensus politique
28:20 et qui souvent n'aboutissent pas.
28:22 Donc, revenir à posteriori sur le choix de l'utilisation de l'arme atomique,
28:27 si vous voulez, est une aberration historique.
28:30 Parce qu'on peut toujours se dire qu'effectivement,
28:32 si on avait fait ci, si on avait fait ça, etc.
28:34 Non, ce qui est intéressant à savoir, c'est que,
28:37 après-guerre, la seconde guerre mondiale,
28:39 on va passer sur les procès.
28:42 Procès de Nuremberg, procès de Tokyo.
28:44 Procès de Nuremberg, ce qui est d'autant plus intéressant,
28:46 c'est qu'on va reprocher aux chefs nazis tout ce qu'ils ont fait,
28:48 l'extermination, les déplacements de populations,
28:50 les bombardements, etc.
28:51 Et en même temps, on va réprimer les émeutes de Sétif
28:53 et on va bombarder Haïfong.
28:55 C'est-à-dire qu'on commence la recolonisation
28:57 en utilisant parfois des mêmes moyens que ceux qu'on a reprochés aux nazis,
29:01 torture, etc.
29:02 Mais il n'y aura pas de procès.
29:04 À Tokyo, c'est encore pire, parce qu'à Tokyo,
29:07 ils associent un juge indien qui s'appelle Narendra Pal,
29:11 et lui va devenir le trouble-fête du procès.
29:13 Pourquoi ? Parce qu'il dit "mais attendez,
29:15 vous reprochez au Japon d'avoir envahi la Chine
29:18 et d'avoir fait la colonisation,
29:20 mais vous êtes vous-même puissance coloniale.
29:22 Quand le Japon a envahi l'Indochine française,
29:24 mais le Fichie est allié des Allemands à ce moment-là,
29:26 et donc il va démonter complètement le processus d'accusation,
29:29 il va faire capoter, puisque vous savez qu'une des issues,
29:31 ça va être qu'on va prendre un certain nombre de militaristes,
29:33 mais on ne va surtout pas toucher à l'empereur,
29:35 parce que les Américains ont très peur de ce qui se passe à ce moment-là.
29:37 Or, il a été le principal responsable.
29:39 Et en fait, ce qui est intéressant, c'est que Pal,
29:41 qui était fondamentalement la voix du Tiers-Monde,
29:44 va être utilisé par les révisionnistes japonais,
29:46 pour dire ensuite "voyez, nous ne sommes pas responsables de la guerre,
29:49 même un indien le dit".
29:50 Vous voyez comment finalement l'argumentaire se retourne.
29:52 Donc si vous voulez, on est sur quelque chose comme ça,
29:54 juger a posteriori en se disant "oui, oui, mais si j'avais été là,
29:57 ça serait mieux".
29:58 – Alors, si je peux me permettre, je ferai quand même une petite nuance
30:01 avec ce que vous venez de dire, effectivement, en évoquant la bombe atomique,
30:03 en disant "on ne peut pas juger a postériori l'utilisation de la bombe atomique".
30:06 Certes, mais quand les médias reprennent en cœur
30:09 ce que les dirigeants occidentaux reprennent en cœur,
30:12 à savoir que Vladimir Poutine n'a qu'une envie,
30:14 c'est de lancer la bombe atomique, là peut-être qu'on peut reparler
30:17 effectivement de l'histoire et de qui a effectivement utilisé
30:21 la bombe atomique dans l'histoire jusqu'ici,
30:23 ce n'est pas les Russes, c'est les Soviétiques.
30:25 – Vous savez, quand vous êtes invité sur un plateau télé,
30:27 au titre d'expertise, entre guillemets,
30:29 tout ce qu'on vous demande, c'est de prévoir la suite.
30:31 Donc vous avez des tas de gens qui vont vous dire
30:33 "non mais attendez, vous vous rendez compte que, après l'Ukraine,
30:35 ils vont bouffer la Transnistrie, puis ensuite ils vont envoyer la Pologne, etc."
30:39 Vous n'en avez strictement aucune preuve,
30:41 mais la crédibilité médiatique de l'individu,
30:43 c'est celui qui va vous annoncer le pire.
30:45 Parce que, si vous laissez entendre que vous avez vos sources,
30:48 alors vous n'êtes pas obligé de les citer, alors là c'est tranquille.
30:51 Bon, il y en a plein des spécialistes comme ça,
30:53 je ne vais pas revenir sur les mêmes, mais vous aviez par exemple…
30:56 – Vous ne gênez pas, vous ne gênez pas, on adore.
30:58 – Non, non, mais il y en a un qui est décédé,
31:00 donc je ne veux pas saluer sa mémoire, mais Alexandre Adler
31:02 était un spécialiste parce que c'était un conteur.
31:04 Ça voulait dire que quand il prenait la parole, vous étiez fascinés.
31:08 Il vous brassait les trucs en Amérique latine, dans les pays de l'Est, etc.
31:11 Je le rencontre moi en 92,
31:13 quand on crée la délégation des affaires stratégiques.
31:15 On le trouve dans les murs, parce qu'il avait été recruté par l'équipe précédente.
31:19 On fait une réunion sur la Turquie, enfin bon peu importe.
31:22 Et donc, dans cette réunion qui était entre nous,
31:25 entre les gens du ministère,
31:27 il cite des instructions du KGB de 58 reprises en 74, etc.
31:32 Donc il a des sources.
31:34 Alors je me tourne vers le type de la DGSE, je lui dis "c'est intéressant ce truc,
31:37 vous les avez ces instructions ?"
31:39 Il me dit "non, il invente".
31:41 Quand vous êtes tout à coup face à ce genre d'imposture,
31:44 vous vous dites "mais attendez, ce type apparaît sur tous les plateaux télé".
31:47 Parce que sa force de conviction, la puissance de sa parole
31:50 faisait qu'on lui accordait crédit.
31:52 – Mais du coup, il était le ventriloque de qui ?
31:54 – Pardon ? – Il était le ventriloque de qui ?
31:56 – Il n'était pas ventriloque, non, non, non.
31:58 Il n'avait pas besoin d'être le ventriloque de qui que ce soit.
32:00 Il était le ventriloque de qui que ce soit.
32:02 Il était le ventriloque de qui que ce soit.
32:04 Il était le ventriloque de qui que ce soit.
32:06 Il était le ventriloque de qui que ce soit.
32:08 Il était le ventriloque de qui que ce soit.
32:10 Il était le ventriloque de qui que ce soit.
32:12 Il était le ventriloque de qui que ce soit.
32:14 Il était le ventriloque de qui que ce soit.
32:16 Il était le ventriloque de qui que ce soit.
32:18 Il était le ventriloque de qui que ce soit.
32:20 Il était le ventriloque de qui que ce soit.
32:22 Il était le ventriloque de qui que ce soit.
32:24 Il était le ventriloque de qui que ce soit.
32:26 Il était le ventriloque de qui que ce soit.
32:28 Il était le ventriloque de qui que ce soit.
32:30 Il était le ventriloque de qui que ce soit.
32:32 Il était le ventriloque de qui que ce soit.
32:34 Il était le ventriloque de qui que ce soit.
32:36 Il était le ventriloque de qui que ce soit.
32:38 Il était le ventriloque de qui que ce soit.
32:40 Il était le ventriloque de qui que ce soit.
32:42 Il était le ventriloque de qui que ce soit.
32:44 Il était le ventriloque de qui que ce soit.
32:46 Il était le ventriloque de qui que ce soit.
32:48 Il était le ventriloque de qui que ce soit.
32:50 Il était le ventriloque de qui que ce soit.
32:52 Il était le ventriloque de qui que ce soit.
32:54 Il était le ventriloque de qui que ce soit.
32:56 Il était le ventriloque de qui que ce soit.
32:58 Il était le ventriloque de qui que ce soit.
33:00 Il était le ventriloque de qui que ce soit.
33:02 Il était le ventriloque de qui que ce soit.
33:04 Il était le ventriloque de qui que ce soit.
33:06 Il était le ventriloque de qui que ce soit.
33:08 Il était le ventriloque de qui que ce soit.
33:10 Il était le ventriloque de qui que ce soit.
33:12 Il était le ventriloque de qui que ce soit.
33:14 Il était le ventriloque de qui que ce soit.
33:16 Il était le ventriloque de qui que ce soit.
33:18 Il était le ventriloque de qui que ce soit.
33:20 Il était le ventriloque de qui que ce soit.
33:22 Il était le ventriloque de qui que ce soit.
33:24 – Vous avez parlé de colonne de chars et sur ce qui était en préparation ?
33:26 – C'est-à-dire que c'est difficile que vous appelez une colonne de chars.
33:28 Vous les mettez au bout de deux chars, vous avez une colonne.
33:31 Sinon trois c'est encore mieux.
33:33 Mais vous voyez ce que je veux dire, c'est, encore une fois, le verbe…
33:35 – Moi j'en ris beaucoup mais c'est terrible quand même.
33:37 – Ben non c'est terrible bien sûr, mais si vous utilisez des verbes
33:39 suffisamment bien utilisés, une colonne de chars,
33:42 vous imaginez la Béniste Krieg avec les chars rentrant les Ardennes en 40.
33:47 Donc on n'est pas du tout dans ce genre de choses.
33:52 Mais par contre, la capacité que donne le débat médiatique
33:57 sur des chaînes d'infos en continu, évidemment,
33:59 ils sont capables d'interpeller le politique en disant
34:01 "vous n'allez pas laisser faire ce massacre".
34:03 – J'aimerais qu'on s'intéresse justement à ces gens
34:07 qui ont leur ronde serviette, comme on dit dans les médias.
34:10 Et je vous propose d'écouter, puisque ce n'est pas uniquement
34:12 dans les médias qu'ils ont leur ronde serviette,
34:14 je vous propose d'écouter Nicolas Tenzer qui faisait partie
34:16 de la table ronde sur la guerre informationnelle organisée par le Sénat.
34:19 Nicolas Tenzer est président du Centre d'études et de réflexion
34:23 pour l'action politique.
34:25 – Je crois qu'il y a cinq modes principaux d'influence.
34:30 La première, si vous voulez, c'est une reprise de récits
34:35 par un certain nombre de personnalités, connues ou non connues,
34:40 de récits bien connus, bien documentés par tous les spécialistes
34:44 de la propagande du Kremlin.
34:46 Ces personnes, certaines d'entre elles, j'en suis assuré,
34:49 le reprenant par intérêt financier, c'est-à-dire parce qu'ils ont reçu
34:54 de l'argent pour le faire.
34:56 Ce n'est pas le cas de tous, soyons parfaitement clairs,
34:59 il ne s'agit pas d'entrer dans une sorte de complotisme généralisé,
35:01 mais dans certains cas c'est évident.
35:03 La deuxième chose, c'est directement l'influction d'influence
35:07 auprès de dirigeants.
35:09 Je reviendrai sur la notion juridique de trafic d'influence,
35:11 mais si vous avez des personnalités publiques connues,
35:15 capables de souffler à l'oreille du président, du premier ministre,
35:19 de la défense, des armées, des ministres d'affaires étrangères, etc.,
35:22 ça s'appelle du trafic d'influence.
35:24 Troisième action, vous avez l'action volontaire de déstabilisation
35:29 d'un pays pour le compte de grandes puissances,
35:31 notamment la Russie, avec l'amplification de certains mouvements,
35:35 ce qu'on pourrait appeler l'effet loupe.
35:37 Quatrièmement, vous avez le soutien à des personnalités
35:39 ou à des campagnes politiques par une puissance étrangère,
35:42 qui peut aller par des financements, un soutien direct,
35:46 qui en tout cas se traduit par des votes de ces personnalités,
35:49 soit lors des instances politiques, notamment à l'Assemblée nationale
35:52 ou au Parlement européen.
35:54 Et enfin, cinquièmement, vous avez la création d'officines
36:00 ou de médias en ligne qui poussent les récits favorables au Kremlin,
36:05 ce qu'on appelle parfois les médias dits de réinformation,
36:08 mais en général la réinformation, c'est l'information pro-russe,
36:11 c'est parfaitement clair.
36:12 Vous avez une presse complotiste, comme France Soir.
36:15 Vous avez des organismes aussi directement liés à la Russie,
36:18 le journal Omerta, en particulier.
36:20 Un exemple, on ne comprend pas comment ce journal n'est encore,
36:24 quelle que soit la liberté d'expression, soit encore disponible.
36:28 Vous avez, par exemple, des officines, Géopragma,
36:32 dirigée par Madame Galactéros, ancienne conseillère politique
36:36 étrangère de M. Zemmour pendant la campagne électorale.
36:39 Vous avez le Centre français du redit du renseignement,
36:42 officine pro-russe bien connue, dirigée par un certain Éric Deneyssez.
36:46 Vous avez également parfois un certain nombre d'organismes aussi,
36:52 l'Observatoire franco-russe par exemple.
36:54 [Générique]
37:00 – Au-delà du fait qu'on vient d'apprendre que l'Observatoire franco-russe
37:03 avait plutôt un tropisme pro-russe, on attendait Nicolas Tenzer,
37:07 qu'est-ce que vous pensez de tout cela ?
37:10 – C'est un scandale, c'est un scandale.
37:12 Ce que dit Nicolas, que pourtant je connaissais,
37:14 pour qui j'avais un certain respect, est une honte.
37:17 C'est une honte parce que, si vous voulez présenter comme des méthodologies
37:21 ce qui est en fait les termes d'un débat dans lequel les gens peuvent avoir des opinions,
37:26 ça c'est déjà une première imposition.
37:28 La deuxième c'est qu'effectivement, laisser planer l'idée du financement,
37:32 c'est toujours une manière sulfureuse si vous voulez de disqualifier quelqu'un.
37:37 Bon, moi j'ai demandé à ceux qui étaient payés de me donner l'adresse
37:40 parce que je voulais aussi, si c'était possible, avoir des valises de billets
37:43 avec des numéros qui… usagers avec des numéros qui ne suivent pas.
37:46 Enfin vous voyez, on est dans le ridicule absolu.
37:48 Les moyens modernes de corruption, ce n'est pas d'amener des valises.
37:51 Donc penser qu'ils émargent etc. c'est une manière d'accuser sans accuser.
37:57 Ce qui me fascine effectivement c'est que, il évoque le trafic d'influence.
38:03 Une des caractéristiques du Parlement français,
38:05 c'est qu'il n'y a aucune loi contre le lobby au milieu parlementaire.
38:08 Donc vous dites "mais attendez, c'est très bien, mais pourquoi il ne le propose pas ?
38:11 Pourquoi il ne dit pas qu'au sénateur… mais c'est à vous de prendre une…
38:14 – Alors c'est un extrait que j'ai pris, je…
38:15 – Oui, je suis d'accord, mais c'est pour dire que le Sénat n'est invité que lui.
38:18 Parce que ceux qui ont été mis en accusation par Tencer ont demandé à être entendus.
38:22 Caroline Galactéros, il a même accusé Alain Juillet.
38:26 Alors vous dites "ah oui Alain Juillet, c'est évident que c'est un agent russe,
38:29 on s'est un patron de la DGSE, enfin rien moins".
38:32 Il accuse Omerta, Omerta c'est dans l'air du temps effectivement,
38:36 moi j'ai fait un documentaire avec eux sur le lobby militaro-intellectuel.
38:39 Alors je ne suis pas parlé de Tencer, je suis désolé, je l'ai oublié.
38:41 – C'est pas pour le numéro 2, l'acte 2 ?
38:44 – Ben oui peut-être, sur l'acte 2.
38:45 Mais si vous voulez qu'il a le Centre français du renseignement et des naissées
38:49 d'être un agent russe, mais je veux dire c'est de la folie,
38:51 on est rentré, on est revenu dans l'époque du MacCartysme.
38:55 On est revenu, et Nicolas Tencer, et le Sénat,
38:59 parce qu'encore une fois le Sénat doit entendre les gens que Tencer a accusés,
39:02 est-ce qu'il va les accepter, je ne sais rien.
39:04 Donc je trouve que c'est une imposture scandaleuse.
39:06 Et évidemment, alors si vous utilisez le terme d'officine,
39:09 alors là on est en plein, chère madame c'est Florence,
39:12 on sent bien que c'est quelque chose de grave, non.
39:14 Non c'est assez ignoble si vous voulez.
39:17 – Mais alors en plus ce que j'ai du mal à saisir,
39:20 c'est que ce que Nicolas Tencer dénonce,
39:23 qu'est-ce que c'est d'autre que ce que fait Nicolas Tencer ?
39:27 – Ben écoutez, le fait qu'il soit auditionné au Sénat,
39:30 c'est pas comme s'il avait sa propre chaîne dans laquelle il disait ce qu'il voulait.
39:34 Moi j'ai l'avantage de n'avoir aucune structure,
39:36 donc je ne peux pas être accusé si ce n'est un type de personné.
39:38 Et là évidemment on est dans le domaine de la diffamation.
39:40 Donc si vous voulez, Tencer effectivement, je pense,
39:44 est dans une opportunité médiatique importante.
39:47 Dans cette ambiance, si vous voulez, anti-russes,
39:50 encore une fois, dans laquelle il y a agression de la Russie sur un État souverain.
39:54 Mais dans cette ambiance-là, si vous voulez,
39:56 devenir le McCarthy du nouveau champ politique,
40:01 formidable, là vous avez une opportunité
40:03 où l'intellectuel est censé inspirer le monde parlementaire et politique.
40:08 Quel intellectuel se refuserait ce genre d'opportunité ?
40:11 Quel que soit son niveau d'argumentaire,
40:13 c'est assez lamentable et c'est malheureusement dramatique.
40:17 J'aimerais vous faire écouter à présent un autre élément,
40:20 c'est une conversation téléphonique entre 4 officiers de l'armée allemande.
40:25 C'est une conversation qui a été interceptée il y a quelques temps
40:29 et qui a été diffusée, on l'écoute.
40:31 Je peux rapidement ajouter ceci à propos de la destruction du pont.
40:34 Nous l'avons étudié de très près,
40:36 et le pont malheureusement, à cause de sa taille,
40:38 ressemble à une piste d'atterrissage.
40:40 Cela signifie que je pourrais avoir besoin de 10 ou 20 missiles.
40:44 Il existe une possibilité selon laquelle le Taurus réussira
40:47 à faire tomber le pont si vous visez les piliers.
40:51 Tout ce qu'ils peuvent faire, c'est faire un trou et endommager le pont.
40:54 [Musique]
41:00 Alors là je précise tout de même un petit peu le contexte,
41:03 il s'agit d'une conversation entre 4 militaires
41:05 qui préparent un brief, comme on dit,
41:08 à l'intention du ministre de la Défense allemand, Pistorius.
41:11 Ils sont donc en train de mettre en avant des possibilités
41:15 de livrer des Taurus, des missiles, pour détruire le pont de Kerch
41:19 qui a déjà fait l'objet de deux attaques,
41:21 le pont qui relie la Crimée à la Russie.
41:24 Alors, Nicolas Tenzer évoquait tout à l'heure
41:27 les gens qui soufflaient des propos bellicistes
41:30 ou des propos prorusses aux dirigeants.
41:32 Qu'est-ce que c'est donc que cela ?
41:34 – Si vous êtes militaires et qu'on vous mandate pour faire des scénarios,
41:39 c'est votre boulot, ça ne veut pas dire que vous allez appuyer sur le bouton
41:43 et que vous allez faire partir les missiles Taurus pour détruire le pont.
41:45 – Oui, et que vous pouvez en revanche motiver quelqu'un pour le faire.
41:48 – Ah ben oui, d'accord, mais ce que je veux dire là,
41:50 on est dans un rôle qui est relativement connu
41:52 et qui est vrai dans toutes les démocraties,
41:53 c'est-à-dire qu'avant que le politique ne prenne une décision,
41:56 ne prenne une inflexion de sa politique,
41:58 il a toujours besoin d'avoir des scénarios militaires
42:00 construits par des experts, par des spécialistes,
42:02 pour savoir quelle est la chance de réussite
42:04 ou l'opportunité que peut représenter telle ou telle échéance.
42:08 Donc c'est bien qu'effectivement, le pont de Karso,
42:12 a évidemment le lien umbilical entre la Crimée
42:15 et la partie conquise par les Russes,
42:17 donc évidemment la destruction isolerait complètement la Crimée,
42:20 ce qui mettrait plutôt l'Ukraine dans une meilleure situation.
42:23 Mais le cas de l'Ukraine, encore une fois,
42:25 fait partie de ces scénarios dans lesquels tout le monde réécrit l'histoire.
42:28 L'Ukraine était russe depuis longtemps, ça date de l'époque tsariste.
42:32 En 1954, Khrouchov qui était lui-même ukrainien…
42:35 – La Crimée vous voulez dire ? – Pardon ?
42:36 – La Crimée vous voulez dire ? – La Crimée, pardon, oui.
42:38 La Crimée était russe, peuplée de russes, etc.
42:41 C'était la zone de, comment dire, la paléodété si vous voulez,
42:44 Khrouchov, lui-même ukrainien, devenu dirigeant de l'URSS,
42:49 va décider de restituer l'Ukraine qui était ukrainienne à la Russie,
42:55 ou plutôt le contraire, non, non, il va faire le contraire,
42:57 c'est lui qui va donner la Crimée à l'Ukraine, je vais y arriver.
43:02 Et donc, ce geste était un geste qui était de nature strictement administrative,
43:06 encore une fois, dans cette entité qui était l'URSS.
43:08 Quand tout à coup, Poutine décide que non, non, non,
43:11 l'Ukraine appartient à la Russie, on est dans un scénario historique,
43:15 si vous voulez, dans lequel il a à la fois raison et tort.
43:17 C'est-à-dire, il a raison dans le sens où effectivement la Crimée était russe,
43:20 mais il a tort dans le sens où le principe de droit international,
43:23 c'est le respect de l'intégrité territoriale des États.
43:25 Rappelez-vous quand même que le droit international
43:27 a réussi à concilier deux principes totalement irréconciliables,
43:30 le droit des peuples à disposer d'eux-mêmes et la souveraineté territoriale des États.
43:34 Dans quel cas vous penchez vers l'un ou vous penchez vers l'autre ?
43:36 Vous voyez bien qu'on est dans cette situation-là,
43:38 à la fois avec les Russes de l'Est, mais en même temps avec l'invasion russe.
43:43 – Comment expliquez-vous l'intérêt de ces "agents",
43:54 entre guillemets je dis agent parce que je ne voudrais pas rentrer dans les accusations
43:58 et qui conduisent à faire des listes comme Nicolas Tenzer,
44:01 mais quel est l'intérêt en réalité de cette diabolisation de la Russie
44:05 qui conduit indubitablement à une forme d'escalade,
44:08 voire même à un engagement supérieur de la France dans ce conflit ?
44:12 – Vous savez c'est le principe de base de tout engagement politique,
44:17 surtout si ça doit conduire à un conflit armé, c'est quand même de diaboliser l'adversaire,
44:21 c'est d'expliquer que si on y est, on y est contraint,
44:23 mais qu'on y est pour la cause juste.
44:25 Donc ce n'est pas un processus qui est tout à fait anormal.
44:30 Moi ce qui me fascine beaucoup plus, si vous voulez,
44:32 c'est la possibilité de sortir du conflit de crise,
44:35 c'est-à-dire, rappelez-vous la France et l'Allemagne,
44:39 c'était fait de trois guerres, avec beaucoup de douleurs autour, si vous voulez.
44:44 Quand De Gaulle et Adenauer décident de traiter de l'Élysée,
44:49 la réconciliation franco-allemande,
44:51 c'est parce qu'il y a deux hommes d'État qui sont à la tête de ces deux pays,
44:54 que ces deux hommes d'État, on ne peut pas les soupçonner
44:56 d'avoir participé à la guerre autrement qu'en s'y opposant.
44:58 Adenauer avait fait la guerre dans une armée scandinave,
45:01 je crois que c'était le Danemark, et De Gaulle on connaît son histoire.
45:04 Il faut que ce soit des hommes d'État qui soient capables
45:06 de se lever au-dessus de leur opinion publique pour dire non,
45:08 l'avenir c'est la réconciliation.
45:10 Donc voyez, on est aujourd'hui dans le scénario opposé,
45:12 c'est-à-dire non, non, non, pas du tout,
45:14 aujourd'hui tous les gens qui tiennent compte d'un point de vue russe
45:18 sont évidemment des poutinophiles, des russophobes.
45:20 C'est un peu le même processus qu'on a, si vous voulez,
45:23 à la fois sur Gaza et sur les attentats terroristes.
45:25 Vous avez aujourd'hui deux accusations suprêmes qui sont l'arme absolue,
45:28 qui sont l'antisémitisme et l'islamophobie.
45:31 Alors je vous en cite deux exemples vécus.
45:33 Moi je faisais en 2014-2015 un rapport sur la radicalisation.
45:37 J'appelle le collectif contre l'islamophobie en France.
45:40 Je leur dis "je voudrais vous rencontrer parce que je travaille sur la radicalisation".
45:42 Je tombe sur la fille, une convertie, porte-parole, qui me dit
45:44 "ah non, non, nous ça nous concerne pas, seuls nous intéressent les actes islamophobes".
45:48 Alors je lui dis "ben attendez, quand il y a des affaires comme ce qui s'est passé en France,
45:51 mais Ra'ayat, non, non, non, ça nous concerne pas,
45:54 seuls nous intéressent les actes islamophobes".
45:56 Alors je lui dis "c'est marrant, quand je parle avec vous,
45:58 j'ai l'impression de parler avec le CRIF".
46:00 Si vous voulez c'était l'injure suprême.
46:02 Et je lui dis "mais quand vous avez un juif radical et un musulman intégriste,
46:04 ils se tapent dessus, c'est de l'islamophobie ou c'est de l'antisémitisme ?".
46:07 Elle a raccroché, je ne sais pas pourquoi.
46:09 Et si vous prenez l'autre côté, c'est-à-dire si vous prenez aujourd'hui
46:12 le fait que toute critique d'Israël va être immédiatement disqualifiée
46:15 parce que soupçon d'antisémitisme, vous êtes dans une espèce de canule
46:20 qui est totalement scandaleuse dans les deux cas.
46:22 Ça veut dire qu'on peut très bien être critique à l'égard d'Israël
46:25 et des gens comme Diocée, des juifs français comme Broman ou comme d'autres
46:28 sont capables de critiquer Israël pour ce qu'ils font à Gaza
46:31 sans qu'on les accuse d'antisémitisme.
46:33 Donc on est sur des espèces de perversions du débat politique
46:36 dans laquelle je suis un peu désespéré par l'état d'esprit.
46:38 Et puis les hommes politiques attendent de savoir qui va l'emporter
46:41 pour prendre position.
46:42 – Et alors ce qui est fabuleux dans tout ça, c'est que finalement,
46:44 on a parlé tout à l'heure de cette opposition entre le camp du bien,
46:46 dont nous sommes évidemment, et le camp du mal.
46:49 Mais la paix a très peu le droit de citer en fait dans tous ces débats.
46:53 Il y a peu de diplomatie finalement, au contraire,
46:55 il y a un terrorisme intellectuel, du complexe militaro-intellectuel.
46:58 Et très peu de discussions de paix, très peu de gens qui se disent
47:03 "bon, il faut réussir à remettre tout le monde autour d'une table".
47:05 – C'est-à-dire qu'effectivement, on n'est pas dans une ambiance
47:09 où aujourd'hui on a suffisamment de force de conviction
47:11 pour obliger l'un ou l'autre, et les deux, à venir autour d'une table.
47:15 Bon, il y a eu les processus de Minsk, un et deux,
47:17 avec la tutelle française et allemande.
47:20 Mais enfin, il reste que, on ne sait pas trop bien
47:22 qui a fait capoter les accords de Minsk,
47:23 mais on a des soupçons, si vous voulez, sur les deux,
47:25 pour leur mauvaise volonté à en appliquer le procès.
47:27 – Oui, mais on sait quand même qui a fait capoter les accords d'Istanbul,
47:29 qui était en cours de préparation,
47:31 et visiblement c'est un coup de téléphone de Boris Johnson.
47:34 – Oui, mais encore une fois, regardez,
47:36 est-ce que le scénario le plus grave aujourd'hui
47:38 n'est pas finalement l'élection de Trump, la réélection de Trump aux États-Unis ?
47:42 – Pour qui ?
47:43 – C'est le scénario le plus grave parce qu'on ne sait pas,
47:45 il n'a pas de programme politique, c'est-à-dire qu'il est capable…
47:48 – Il a dit qu'il ferait la paix en Ukraine en 24 heures.
47:50 – Oui, ça bien sûr, surtout s'il rase tout,
47:52 c'est sûr qu'effectivement c'est la paix des cimetières.
47:54 Mais non, on est sur quelque chose qui, encore une fois,
47:56 est une génération politique qui n'a pas connu la guerre.
47:59 George Bush avait fait son service dans la garde nationale,
48:03 le fils, celui qui va décider de la guerre,
48:05 et Trump, je ne sais même pas s'il a fait quoi que ce soit.
48:08 Donc on est sur des gens qui ne savent pas ce que c'est que la guerre,
48:10 ils sont capables de faire sur un tapis vert, si vous voulez,
48:12 des décisions dont l'enjeu humain, si vous voulez, peut-être dramatique.
48:15 Et donc, on est dans une situation où le vécu de la guerre
48:18 est complètement différent des deux côtés.
48:20 Pour les Américains, le vécu de la guerre, c'est le 11 septembre.
48:23 Le reste, ça s'est fait dans des zones équatoriales et tropicales,
48:26 dans l'Europe, si vous voulez, mais la véritable acte de guerre
48:29 sur le territoire américain, c'est le 11 septembre.
48:31 Pour les Russes, c'est cette espèce de discours lancinant sur
48:34 "c'est nous qui en avons terminé avec le nazisme,
48:37 c'est nous qui en avons terminé avec l'Allemagne",
48:39 ce qui n'est pas tout à fait faux, ils ne faisaient pas la guerre en Orient,
48:41 vous avez remarqué, ils avaient signé un traité avec les Japonais
48:43 pour ne pas s'emmêler là-bas.
48:45 Mais quand vous êtes dans cette situation et que vous utilisez,
48:48 comme ils le font à l'encontre des Ukrainiens,
48:50 l'idée que ce sont des anciens nazis, voyez bien qu'il y a un référent historique
48:54 qui est complètement différent.
48:55 Si vous dites aux Russes "mais attendez, après l'Holodomor,
48:58 après les 2 millions de morts avec cannibalisme que vous avez infligés à l'Ukraine,
49:02 vous attendiez que l'Ukraine vous salue quand les Allemands
49:05 seront arrivés pour dire "ah non non non, les Allemands, il ne les faut pas".
49:07 Non, l'ennemi de votre ennemi devient votre ami.
49:09 – Enfin, ce n'est pas la Russie, l'Holodomor.
49:10 – Pardon ?
49:11 – Non, ce n'est pas la Russie, l'Holodomor.
49:12 La Russie n'existait pas, c'était les Soviétiques.
49:14 – Ben oui, c'est les Soviétiques.
49:15 Mais enfin, en l'occurrence, si vous voulez, c'est quand même l'Ukraine qui a trinqué.
49:18 Donc quand ils voient arriver les ennemis de leurs ennemis,
49:20 ben ça devient des amis.
49:21 Et donc, il y a eu des Ukrainiens qui se sont solidarisés
49:24 avec l'armée nazie pour aller se battre en Russie,
49:27 ça n'a rien d'étonnant.
49:28 Il y a d'autres pays, notamment la France aussi, qui ont fourni des contingents.
49:30 Et donc, refaire l'histoire en disant "non non non, attention,
49:33 vous ne pouvez pas, les Ukrainiens aujourd'hui sont tous des nazis".
49:35 Vous voyez comment on transforme, si vous voulez, quelque chose d'assez fascinant,
49:38 c'est-à-dire le rapport à l'histoire.
49:40 C'est exactement quand vous avez des gens qui disent
49:42 "oui, mais ce territoire, il était à moi il y a trois siècles".
49:44 Vous voyez, si on refait la carte du monde il y a trois siècles…
49:47 – Oui, mais puis il y a 20 siècles aussi, allons-y.
49:49 – Ah ben, 20 siècles, c'est encore pire.
49:50 Donc vous voyez, on est aujourd'hui sur des argumentaires
49:53 dont on ne veut pas relativiser l'importance.
49:56 Si vous voulez, la phase historique qui se crée en 1947,
49:59 c'est qu'on reconnaît que la Shoah a été un effroyable massacre,
50:02 et on reconnaît que les Juifs, après des siècles de persécution,
50:06 ont droit à une espèce de compensation.
50:08 Et donc ça va être la création d'Etat d'Israël.
50:10 Bon, évidemment, on va avoir, si vous voulez, là-bas,
50:13 ceux qui vont payer, c'est les Palestiniens,
50:15 de la même façon que, si vous voulez, aujourd'hui,
50:17 ceux qui payent pour le génocide arménien,
50:19 ce n'est pas les Turcs, c'est les Azerbaïdjanais.
50:21 Ils n'y étaient pas, ils n'y ont pas participé, mais ça fait rien.
50:23 Donc l'argumentaire de la souffrance et l'argumentaire de l'argument historique,
50:26 le haut karabakh était arménien il y a trois siècles,
50:28 devient un argument historique dont il faut relativiser à chaque fois l'importance.
50:31 – Une guerre sur laquelle, d'ailleurs, l'État français n'a pas beaucoup communiqué.
50:34 La guerre entre l'Azerbaïdjan et l'Arménie,
50:37 on n'a pas été très impliqués, loin, sans faute.
50:39 – Si, quand même, on a dit explicitement qu'on soutenait l'Arménie.
50:42 – Ça leur a fait une belle jambe.
50:44 – Ah ben écoutez, ça, on ne peut pas fournir des armes à tout le monde, quand même.
50:47 Moi, j'ai travaillé au commerce d'armement, je peux vous dire
50:50 qu'effectivement, on a mieux les clients qui payent, quand même.
50:53 Vous savez, notre meilleur client pendant 20 ans, c'était l'Arabie Saoudite.
50:57 Pourquoi ? Parce que l'Arabie Saoudite, en fait, achetait des armes,
51:00 non pas pour les utiliser, ils ne voulaient pas faire la guerre,
51:02 ils voulaient des garanties de sécurité.
51:04 Donc, les garanties de sécurité, ça voulait dire que,
51:06 si vraiment il y avait un scénario de conflit, on viendrait leur donner le coup de main.
51:10 Alors, si vous voulez, les Saoudiens ont eu, grâce au conseil de boîtes de com'
51:15 Publicis et Avas, si vous voulez, une logique de communication qui était formidable.
51:20 Puisque, évidemment, à chaque fois qu'un nombre d'États venait visiter
51:22 un Arabie Saoudite, ils repartaient avec une lettre d'intention.
51:24 Une lettre d'intention si nous nous engageons à négocier pour 10 milliards de contrats,
51:27 si c'est français, et 100 milliards quand c'est américain.
51:29 Il n'y avait rien derrière, mais ça fait l'homme politique français, il rentrait.
51:33 Et c'est vrai que pendant des années, on a vendu à l'Arabie Saoudite des tas de choses,
51:36 mais encore une fois, parce qu'il y avait derrière la garantie
51:38 qu'en cas de besoin, on viendrait.
51:40 Bon, ben écoutez, on pouvait continuer à vendre à l'Arabie Saoudite.
51:43 Le problème, c'est que maintenant, ils commencent à les utiliser au Yémen.
51:46 On ne peut plus avoir confiance en personne.
51:48 – Autre conflit dont on ne parle pas, d'ailleurs.
51:49 – Autre conflit dont on ne parle pas.
51:51 – C'est ça la fin de la guerre, finalement ? Vendre des armes ?
51:55 Ça semble un peu léger quand même.
51:57 – Non, non, non, la fin de la guerre, ce n'est pas de vendre des armes.
51:59 Ça, c'était l'analyse d'Eisenhower, le complexe militaro-industriel, si vous voulez.
52:03 C'était l'idée qu'il avait vécu la guerre froide, il avait vécu la course aux armements,
52:07 il avait vécu le surbudgeting, la capacité à détruire plusieurs fois la planète,
52:13 et donc, en sortant de son deuxième mandat, il alerte, si vous voulez,
52:16 sur la puissance de ce complexe militaro-industriel.
52:19 Et c'est vrai que c'était la preuve même, si vous voulez, d'un énorme détail.
52:23 La guerre, lui, il l'avait faite, il était bien placé pour savoir ce que c'était.
52:26 Par contre, ce que nous, nous connaissons, ce n'est pas celle-là.
52:28 Ce n'est pas la guerre des industriels, c'est la guerre, encore une fois,
52:31 des intellectuels de ce complexe militaro-intellectuel qui est dit à chaque fois,
52:34 non, non, mais il faut envoyer des gens à tel endroit.
52:36 Les militaires ne sont pas guerriers.
52:38 Les militaires, ils savent ce que c'est, donc pourquoi voulez-vous qu'ils décident d'eux-mêmes
52:41 de dire, non, si, si… Non, c'est les conseillers près des dirigeants
52:44 qui vont conseiller la guerre, ils ne vont pas y aller eux-mêmes.
52:47 Tenzer, il ne va pas proposer d'aller se battre en Ukraine.
52:49 – Mais quelles sont leurs motivations de conseiller la guerre ?
52:51 – Pardon ? – Quelles sont leurs motivations de conseiller la guerre ?
52:53 – Oh ben, vous avez toute une fascination médiatique quand même,
52:56 vous savez, quand vous êtes invité sur un plateau télé et que vous dites,
52:59 j'en viens, je connais les gentils et les méchants et je peux vous dire
53:02 qu'on ne peut pas ne pas, vous avez des exemples.
53:05 Par exemple, la Somalie.
53:07 La Somalie est un exemple intéressant, puisque rappelez-vous que la motivation
53:10 de l'intervention occidentale, c'est le fait que des convois humanitaires
53:13 sont pillés, pillés par des chefs de guerre.
53:16 C'était assez scandaleux, il faut bien reconnaître, mais enfin ça ne fait pas partie…
53:19 – C'est assez courant aussi.
53:20 – Oui d'accord, mais enfin ça ne fait pas partie des enjeux stratégiques quand même,
53:23 de savoir que dans un pays périphérique, vous avez effectivement
53:26 des chefs de guerre qui pillent l'aide internationale.
53:28 Mais enfin, ça a de quoi révolter une opinion publique qui, encore une fois,
53:30 est convaincue que le scénario majeur a disparu.
53:33 On est en 94, 93…
53:35 Et donc, vous avez effectivement cette mobilisation onusienne
53:38 en disant "bon, il faut aller réprimer ces chefs de guerre
53:43 et puis sécuriser les convois humanitaires".
53:46 Les Américains font à l'Américaine, c'est-à-dire ils pensent qu'effectivement,
53:54 il faut tenir le port de Mogadiscio pour que l'aide en quantité puisse arriver.
54:00 Bon, le problème de Mogadiscio, c'est que c'est tenu par un général somalien
54:03 qui s'appelle Haïdide, qui n'a pas du tout l'intention de se laisser
54:05 déposséder de son trésor.
54:06 Et quand les Américains vont faire une opération commando pour l'attraper,
54:09 c'est lui qui abat un hélicoptère ou deux hélicoptères américains,
54:12 je ne me souviens plus, enfin 20 GIs morts.
54:14 Les Américains ont quitté la Somalie sans nous en informer,
54:17 sans nous dire qu'ils partaient.
54:19 Et avec un argumentaire qui est très simple,
54:21 c'est qu'aucun Africain ne vaut la mort d'un GIs américain.
54:25 Donc, vous voyez qu'on n'est plus du tout dans la guerre froide.
54:28 Dernier épisode sur la Somalie, j'en parle avec Broman,
54:31 qui était le patron de "Médecins sans frontières" quand même,
54:33 et qui me disait, moi j'ai parlé avec mes équipes sur place,
54:35 ils me disent que les types qui attaquent le convoi ne sont pas des voleurs,
54:39 ils ne revendent pas, ils distribuent dans leur clan.
54:42 Donc si on augmente la quantité, on peut réduire le problème.
54:45 Et bien pendant qu'il est là-bas, Kouchner lui-même ancien humanitaire,
54:48 quand il est là-bas, qu'il est à Bruxelles ou à New York si vous voulez,
54:50 Kouchner lui-même ancien humanitaire décide la guerre.
54:53 Vous voyez comment on peut changer de fonction, encore une fois,
54:55 dans quelque chose où non seulement l'enjeu stratégique n'est qu'un des facteurs
54:58 derniers si vous voulez de la décision, et où l'analyse politique…
55:01 – Il y en avait un là quand même un enjeu stratégique ?
55:03 – Non, absolument aucun.
55:05 Vous voyez bien que la Somalie ça continue, personne ne s'en occupe.
55:07 – Mais tout le monde s'en fiche.
55:08 – Donc ce n'est pas ça qui a déstabilisé la planète.
55:10 Non, on était sur un genre de guerre issue de post-Koweït,
55:14 si vous voulez, post-Yougoslavie, où on ne peut pas ne pas.
55:16 Mais si, malheureusement, il y a plein de… je vous dis le Congo…
55:19 – Donc l'intérêt c'est l'opinion, l'opinion politique.
55:21 – Ah ben oui, oui, oui.
55:22 Et encore une fois, pour l'homme politique occidental,
55:25 sa question c'est, est-ce que je gagne les municipales dans 6 mois ?
55:28 Ce n'est pas les Somaliens.
55:30 – De votre point de vue, l'attitude d'Emmanuel Macron
55:33 sur la question de la guerre en Ukraine et sur, on peut le dire,
55:36 sur le conflit israélo-palestinien, même si la voix de la France
55:39 semble quand même plutôt inaudible sur cette deuxième question,
55:42 comment jugez-vous qu'elle porte dans l'opinion publique ?
55:46 Est-ce que vous croyez qu'Emmanuel Macron,
55:48 du point de vue stricto sensu de communication politique,
55:51 a raison de faire comme ça ?
55:53 – Moi j'ai tendance à penser que oui, c'est-à-dire que de toute façon,
55:56 l'opinion publique n'est pas belliciste.
55:58 L'opinion publique n'a aucune envie de s'engager dans une guerre.
56:01 La fonction d'un homme d'État, c'est à certains moments de dire non,
56:04 on est face à une situation qui est grave, et c'est ça,
56:07 parce qu'il va immédiatement être l'objet de toutes les attaques, etc.
56:10 Donc on est sur quelque chose où, moi je trouve que le Président
56:13 a pris la dimension d'un homme d'État en disant, faites attention,
56:16 on est en train d'aller dans la dimension du pire,
56:18 et le pire ça risque d'être un jour, parce qu'il ne faut pas,
56:22 son postulat est simple, il dit, il ne faut pas que la Russie gagne cette guerre.
56:25 On a fait tout ce qu'on pouvait.
56:27 – C'est un mantra ça, pardon.
56:28 – Ah ben oui, oui, c'est une analyse politique, c'est la sienne,
56:31 après on peut en être d'accord ou pas, mais enfin, il le dit,
56:34 la conclusion qu'il en tire c'est qu'on a essayé de fournir tout ce qu'on pouvait,
56:37 mais on est nous-mêmes sur nos propres stocks,
56:39 et donc il faut se préparer à un scénario plus grave,
56:41 donc augmentation du budget de défense,
56:43 réflexion sur la remise sur pied du service militaire national, etc.
56:48 Après on a l'opinion qu'on veut, mais c'est bien la dimension d'un homme d'État
56:52 que de ne pas tenir un discours lénifiant, si vous voulez,
56:54 vous inquiétez pas, je m'occupe de tout.
56:56 Encore une fois, revenez sur cet épisode où,
56:58 quand vous aviez eu 300 morts dans les rues de Paris,
57:01 et qu'un président de la République,
57:03 ancien président du Conseil Général de la Corrèze,
57:06 pose sur la table la question de la déchéance de nationalité pour les terroristes,
57:11 il va reculer.
57:13 Vous avez d'autres exemples, si vous voulez, qui sont assez fascinants.
57:17 Aujourd'hui, si vous appliquez un terroriste condamné,
57:21 expulsé par le juge français, une OQTF,
57:23 mais que la jurisprudence européenne s'oppose à son expulsion,
57:26 on ne peut pas s'assurer qu'il va être bien traité dans son pays d'origine.
57:30 Vous voulez que je vous répète doucement ou que c'est pas la peine ?
57:33 Imaginez que les Algériens vont récupérer leurs terroristes.
57:36 Ils ont passé 10 ans de guerre civile contre les salafistes
57:39 et vous croyez que les nôtres, on va réussir à les rendre ?
57:41 Donc on est dans cette espèce d'absurdité
57:43 où la réalité importe moins que le principe.
57:46 Malheureusement.
57:48 – La réalité importe moins que le principe.
57:50 Ce sera le mot de la fin, je vous remercie beaucoup,
57:52 Pierre connaît ça, je rappelle quand même vos derniers ouvrages,
57:54 "État des lieux du salafisme en France"
57:56 et "Vendre la guerre, le complexe militaro-intellectuel",
58:00 aux éditions de l'Aube, c'est disponible sur la boutique, sur TVL.fr.
58:04 Chers amis, j'espère que cette émission vous a plu,
58:07 n'oubliez pas de la relayer, de laisser vos commentaires,
58:10 faites des suggestions également pour les semaines à venir
58:12 et puis n'oubliez pas, si vous ne l'avez pas déjà fait,
58:14 de cliquer sur le pouce en l'air pour améliorer le référencement.
58:17 Je vous dis à bientôt, en attendant, portez-vous bien.
58:20 [Musique]