• il y a 2 ans
Jacques Baud est un ancien membre du renseignement stratégique suisse, il a également travaillé au sein de l’ONU où il était chef de la doctrine des opérations de paix, et en Ukraine pour l’OTAN, notamment en 2014 après ladite révolution de Maïdan. Fin connaisseur de l’Europe de l'Est, il offre son troisième ouvrage sur ce que les Russes appellent l’Opération Spéciale, lancée le 24 février 2022, "Ukraine entre guerre et paix", aux éditions Max Milo (disponible ici https://bit.ly/43fmXnd).
Sans idéologie, mais avec des informations pointues et vérifiées, il dresse l’état des lieux d’une guerre où l’Ukraine s’est transformée en otage de l’OTAN américanisée. Il revient sur les effectifs humains et sur les stocks d’armement des deux camps et livre son analyse quant à la contre-offensive si attendue par les médias occidentaux.
En effet, la guerre en Ukraine est frappée, comme bien d’autres conflits avant elle, par une incroyable propagande. Les pertes humaines sont gardées secrètes par les deux camps pour diffuser au mieux de fausses informations permettant d’influencer les décisions stratégiques. Dans ce cadre, la sous-estimation permanente de la Russie par le camp occidental finit par affecter les affaires de l’Ukraine. Chaque annonce d’envoi d’armes à Kiev résonne ainsi comme un nouveau financement à fond perdu, un trou noir qui absorbe et digère de plus en plus d’hommes.
À force de confondre réalité et récit médiatique, le camp occidental s’est embourbé dans ce conflit aux portes de l’Europe. Un conflit qui, peu à peu, bouscule le monde au point de propulser la Chine sur le devant de la scène diplomatique et de pousser la Russie vers l’Asie. Une configuration qui façonne un nouveau monde où les États-Unis et leur gouvernance hégémonique perdent du terrain.
Rejoignez-nous pour une plongée captivante dans les coulisses de ce conflit crucial pour le monde de demain.

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Transcription
00:00:00 [Générique]
00:00:20 Bonjour à tous, bienvenue dans ce nouveau numéro du samedi politique.
00:00:24 Un nouveau numéro consacré à l'état des lieux le plus factuel possible du conflit ukrainien.
00:00:29 Où en sommes-nous sur le terrain ? Quelles sont les pertes à déplorer ?
00:00:32 Sommes-nous face à une impasse pour l'Occident ?
00:00:35 Faut-il vraiment s'attendre à cette fameuse contre-offensive ukrainienne ?
00:00:39 C'est à toutes ces questions que nous allons tenter de répondre dans un instant.
00:00:43 Mais avant, vous le savez, comme chaque semaine, je compte sur vous pour partager cette émission,
00:00:48 pour évidemment mettre vos commentaires juste en dessous,
00:00:51 et puis bien sûr pour cliquer sur le pouce en l'air qui améliore le référencement.
00:00:54 Allez, c'est parti !
00:00:55 [Générique]
00:01:06 Bonjour Jacques Bo.
00:01:07 Bonjour.
00:01:08 Merci beaucoup d'être avec nous sur le plateau de TV Liberté.
00:01:10 Vous êtes ex-membre du renseignement stratégique suisse, ancien colonel d'état-major.
00:01:14 Vous avez travaillé au sein de l'ONU, vous y étiez le chef de la doctrine des opérations de paix.
00:01:21 On y reviendra forcément.
00:01:22 Vous avez également participé à divers programmes en Ukraine pour l'OTAN,
00:01:25 notamment en 2014, après la dite "révolution de Meïdan".
00:01:29 Vous avez publié de nombreux ouvrages pour lesquels on vous a déjà reçus.
00:01:32 Et vous venez de publier chez Max Milot, encore, votre fidèle éditeur,
00:01:37 un ouvrage sur le conflit ouvert en Ukraine, "Ukraine entre guerre et paix".
00:01:41 Et c'est évidemment disponible dès à présent sur la boutique de TVL sur TVL.fr.
00:01:47 Jacques Bo, pour commencer, les troupes russes sont entrées en Ukraine,
00:01:50 il y a environ 15 mois.
00:01:52 Est-il possible aujourd'hui de dresser un bilan sérieux des pertes humaines, de part et d'autre ?
00:02:00 C'est une bonne question parce que c'est un sujet sur lequel ni l'Ukraine,
00:02:07 ni la Russie ne communiquent et que par conséquent, on en est réduit aux conjectures.
00:02:13 Et ça ouvre la porte à toutes les désinformations possibles et imaginables.
00:02:19 Le problème de cette désinformation est qu'elle a tendance à influencer les décisions aujourd'hui
00:02:25 parce qu'on part de l'idée et nos médias en sont, si vous voulez,
00:02:30 le porteur du message que la Russie perd parce qu'elle perd énormément d'hommes,
00:02:36 qu'elle perd plus d'hommes que l'Ukraine et que par conséquent, il n'y a pas de raison de négocier.
00:02:42 Or en fait, ce qui est assez ironique, c'est que les chiffres les plus sérieux,
00:02:53 de nouveau avec toute la réserve qu'il faut avoir par rapport à ça,
00:02:58 puisque comme j'ai dit, il n'y a pas de chiffre officiel,
00:03:00 les chiffres les plus sérieux qu'on a sur les pertes russes
00:03:03 nous sont donnés par un site de l'opposition russe
00:03:07 qui a été mis en place avec la BBC, donc britannique,
00:03:12 juste en février 2022 afin de compter les morts russes.
00:03:18 Et alors c'est le site, le seul à ma connaissance,
00:03:22 qui travaille, selon ce qu'ils disent, à partir des avis mortuaires dans la presse, etc.
00:03:30 Et alors, ce qui est intéressant, c'est que
00:03:33 on est donc très loin de la propagande poutiniste, etc.
00:03:38 Et pourtant, c'est un site qui nous donne des chiffres
00:03:42 relativement précis sur les morts russes,
00:03:44 et on arrive à des chiffres qui sont globalement
00:03:48 10 à 12 fois moins élevés que ce que nous donne la presse occidentale.
00:03:53 – Rien que ça. – Voilà.
00:03:56 Et la presse occidentale, elle,
00:03:59 et je pense que là on parle évidemment des pertes,
00:04:02 mais en réalité, je pense que ça concerne l'ensemble de l'information sur l'Ukraine,
00:04:07 nos médias travaillent exclusivement, en fait, avec la propagande ukrainienne.
00:04:14 Et ça, on a pu le constater à l'occasion des documents classifiés
00:04:19 qui ont fuité au début avril,
00:04:21 qui portaient sur la période de février-mars de cette année,
00:04:29 et qui donnaient des informations en vue de cette fameuse contre-offensive
00:04:35 de printemps, d'été, d'hiver,
00:04:37 enfin on ne sait plus exactement quand elle va se passer,
00:04:39 si elle se passera, mais on ne sait pas exactement quand.
00:04:42 Bref, les chiffres qui étaient sur ces documents montraient
00:04:46 que les Américains eux-mêmes n'utilisaient finalement que les chiffres,
00:04:54 comme on n'utilisait même pas les chiffres qu'on pourrait calculer,
00:04:58 mais se basaient exclusivement sur la propagande ukrainienne.
00:05:01 Et donc, on est dans une situation un peu curieuse,
00:05:04 où les seuls chiffres pertinents, à défaut d'autre chose,
00:05:09 mais les plus pertinents qu'on ait, viennent de l'opposition russe,
00:05:12 l'opposition à Vladimir Poutine,
00:05:14 c'est celle qu'on met de côté, que nos médias mettent de côté,
00:05:19 parce que ce n'est pas assez dégradant pour la Russie, si vous voulez,
00:05:25 et on se base au contraire sur de la propagande,
00:05:31 on pourrait même dire techniquement parlant de la désinformation ukrainienne,
00:05:34 pour ne pas entrer dans un processus de négociation.
00:05:39 Donc c'est le serpent qui se mord la queue.
00:05:41 – C'est particulièrement amusant, parce que vous avez écrit un autre ouvrage,
00:05:44 dont je n'ai pas cité le titre tout à l'heure,
00:05:46 "Gouvernés par les fake news", et là on est parfaitement dedans,
00:05:48 parce que j'allais dire "enfumer" pour être trivial,
00:05:52 enfumer le grand public, ce n'est pas très grave,
00:05:54 mais enfumer, y compris les états-majors, les décideurs publics,
00:05:58 ça a des conséquences dramatiques.
00:06:00 – Alors c'est ça qui est assez étonnant,
00:06:03 comme vous l'avez indiqué dans votre introduction,
00:06:05 moi je viens du renseignement, c'est mon métier,
00:06:08 et c'est finalement ce que d'une certaine manière je fais dans cet ouvrage.
00:06:12 Je ne prends pas la posture d'un journaliste, d'un pro-X ou pro-Y,
00:06:18 mais de quelqu'un qui fait du renseignement,
00:06:21 c'est-à-dire que je prends les informations,
00:06:23 j'analyse la qualité de cette information, la qualité de la source,
00:06:27 et je vous donne le fait tel qu'il est présenté par les uns et les autres.
00:06:31 Après c'est à vous, c'est pour ça que je ne juge pas
00:06:34 est-ce qu'un tel est gentil, méchant, bon, mauvais, ça n'est pas mon propos.
00:06:38 Mon propos c'est d'amener des faits qui permettent de décider.
00:06:43 Or, et je ne suis pas le seul à avoir fait ça,
00:06:46 parce que je suis en contact quand même impassablement
00:06:48 avec des gens qui sont du monde du renseignement,
00:06:52 qui font la même analyse que moi.
00:06:54 C'est-à-dire qu'aujourd'hui on n'a plus de mécanisme de décision
00:06:59 qui sont basés sur des faits, et même, j'irais même plus loin,
00:07:04 qui ne sont même pas basés sur ce qu'ont analysés les services de renseignement.
00:07:10 Donc je pense qu'il y a dans tous nos pays,
00:07:13 en particulier je peux le dire à propos de l'Allemagne,
00:07:17 c'est valable aussi dans un certain nombre d'autres pays,
00:07:20 je ne vais pas les citer ici,
00:07:22 où les services de renseignement pensent quelque chose
00:07:27 et les gouvernements agissent comme si…
00:07:30 – Ils croyaient l'inverse.
00:07:31 – Ils croyaient l'inverse, exactement.
00:07:33 – Vous avez évoqué, Jacques Beau, pour le moment,
00:07:35 le bilan des pertes humaines du côté russe, côté ukrainien.
00:07:38 Est-ce qu'on a des chiffres plausibles ?
00:07:41 – Alors c'est le même problème en réalité,
00:07:44 puisque personne ne communique là-dessus.
00:07:46 Et là, c'est toujours un peu le problème,
00:07:53 parce qu'il y a beaucoup de gens qui essayent de calculer les pertes russes
00:07:59 et personne ne s'intéresse beaucoup aux pertes ukrainiennes en réalité.
00:08:02 Peut-être pour de bonnes raisons.
00:08:04 Parce que Mme von der Leyen avait dans une de ses allocutions,
00:08:13 en novembre 2022,
00:08:16 avait évoqué des pertes de plus de 100 000 hommes du côté ukrainien.
00:08:23 Donc on parle de morts.
00:08:25 Parce que là aussi, nos médias jouent allègrement
00:08:29 sur la différence qu'il y a entre les pertes et les morts.
00:08:33 Donc en anglais, c'est "casualties", les pertes,
00:08:37 qui comprennent les morts, les blessés, les prisonniers, les déserteurs.
00:08:42 Il ne faut pas les oublier.
00:08:44 Qui sont très importants en Ukraine, beaucoup plus qu'on ne l'imagine.
00:08:48 Et ça, c'est donc les pertes.
00:08:52 Et puis vous avez les morts.
00:08:54 C'est assez explicite.
00:08:57 En anglais, c'est "fatalities".
00:08:59 – C'est encore plus explicite en anglais.
00:09:01 – C'est encore plus explicite en anglais.
00:09:03 Mais nos médias jouent avec ces deux.
00:09:06 Ils parlent de pertes, ils jouent avec les deux.
00:09:10 Et Ursula von der Leyen avait parlé de plus de 100 000 morts du côté ukrainien
00:09:15 en novembre 2022, avant la grande bataille de Bahroum, etc.
00:09:20 Et le gouvernement ukrainien a vigoureusement protesté.
00:09:29 Et le script de l'allocution de von der Leyen était amendé.
00:09:34 Et on a enlevé le chiffre.
00:09:36 Ce qui veut dire que d'abord, Ursula von der Leyen,
00:09:40 on ne pourra pas soupçonner qu'elle est pro-Poutine.
00:09:44 Et je pense qu'elle n'a pas sorti ce chiffre de son chapeau.
00:09:49 Elle a dû le voir quelque part dans un rapport et elle l'a mentionné.
00:09:54 Et ça devait être… elle a dit "plus de 100 000".
00:09:58 Donc on était déjà à plus de 100 000.
00:10:00 – Et là, on parlait bien que des hommes en âge de combattre.
00:10:03 – On parle des combattants.
00:10:04 – On parle des combattants, bien sûr.
00:10:08 Donc ça veut dire que déjà en novembre,
00:10:10 probablement, il y avait déjà plus de 100 000 morts.
00:10:14 Et à cette époque-là, d'autres sources,
00:10:19 mais que je n'ai pas mentionnées dans mon livre,
00:10:22 de manière… j'ai indiqué que ça existait,
00:10:25 mais je ne veux pas en accréditer, enfin certifier leur fiabilité.
00:10:33 Mais déjà, à cette époque-là,
00:10:35 certains parlaient de 400 000 morts du côté ukrainien.
00:10:39 Mais de nouveau, là, on est dans quelque chose qui est invérifiable.
00:10:45 – Bien sûr.
00:10:46 – Que je n'ai pas vérifié personnellement,
00:10:48 que personne n'a vraiment vérifié,
00:10:50 et que personne d'ailleurs ne s'amuse à aller chercher,
00:10:52 parce que je pense qu'effectivement, du côté ukrainien,
00:10:55 les pertes seraient énormes.
00:10:57 En gros, et pour simplifier un peu le propos,
00:11:01 on sait que les Russes tirent globalement
00:11:08 dix fois plus d'obus d'artillerie que les Ukrainiens.
00:11:15 On sait que l'artillerie est la principale cause des pertes,
00:11:20 j'allais dire à gauche comme à droite, du côté russe comme du côté ukrainien,
00:11:25 et que dans ce rapport de 1 à 10,
00:11:29 on arrive effectivement à…
00:11:32 si on regarde les chiffres,
00:11:34 on pourrait imaginer qu'effectivement,
00:11:36 les Ukrainiens ont des pertes considérablement plus grandes
00:11:39 que ce qu'on dit,
00:11:41 et que les Russes ont effectivement des pertes bien inférieures
00:11:45 à ce que l'on dit également.
00:11:47 – Alors ce qui est très frappant aussi,
00:11:49 c'est qu'on semble oublier dans les médias un point fondamental,
00:11:53 c'est que les combats se passent en Ukraine et non pas en Russie.
00:11:57 Donc de fait, l'ourde tribu sera plus payée par l'Ukraine que par la Russie,
00:12:04 et on a une tendance, du moins c'est l'impression que j'ai,
00:12:07 qu'on incite le public à penser qu'il y a beaucoup de pertes civiles
00:12:11 du côté ukrainien,
00:12:13 alors qu'on a pu constater dans le début des combats,
00:12:16 au moins que la Russie veillait à limiter ces pertes-là au départ.
00:12:21 – Alors, effectivement, on a tendance à oublier chez nous,
00:12:26 d'abord il y a plusieurs problèmes.
00:12:30 Le premier problème, c'est qu'on considère l'Ukraine
00:12:34 comme étant une seule nation, si vous voulez,
00:12:40 alors qu'en réalité c'est plusieurs nations.
00:12:43 Et je vous rappelle que si les Russes sont intervenus en Ukraine,
00:12:47 c'est pour protéger les populations du Donbass
00:12:50 qui étaient l'objet d'exactions, de tirs, etc. de la part de Kiev.
00:12:58 Donc on a bien une Ukraine qui est divisée en plusieurs nations,
00:13:03 une autre nation importante d'ailleurs,
00:13:05 pas importante en nombre, mais importante politiquement aujourd'hui,
00:13:09 c'est celle des Magyars, les Hongrois, le Transcarpathie,
00:13:13 qui sont à l'origine des blocages qu'on a aujourd'hui dans l'Union européenne
00:13:17 parce que la Hongrie prend fait et cause pour ces, j'allais dire ces,
00:13:22 donc SES, ces minorités qui sont maltraitées en Ukraine.
00:13:28 Alors on n'a pas beaucoup parlé de cette minorité Magyar
00:13:32 parce qu'elle fait quoi, 200 000, 300 000 personnes,
00:13:35 c'est donc pas très important sur le paysage ukrainien global,
00:13:41 mais pour les Hongrois c'est très important.
00:13:44 Et on a parlé évidemment des Russophones
00:13:48 qui sont ethniquement le deuxième groupe le plus important d'Ukraine.
00:13:54 Et si on regarde la carte, on s'aperçoit que les Russes,
00:14:01 donc les forces russes sont intervenues uniquement dans la partie russophone,
00:14:06 donc dans la partie des gens qu'ils cherchent à protéger.
00:14:10 – Mis à part certaines incursions à Kiev au départ.
00:14:13 – Alors l'incursion de Kiev, elle n'avait pas pour objet de combattre,
00:14:18 elle avait pour objet de fixer l'ennemi.
00:14:21 Je vous rappelle que lorsque les troupes russes sont intervenues en Ukraine,
00:14:27 ils sont entrés avec un rapport de force qui leur était défavorable de 1 à 3.
00:14:33 Donc il y avait un Russe pour trois Ukrainiens.
00:14:36 Et par conséquent, dans cette position d'infériorité,
00:14:40 les forces russes ont cherché à éviter l'affrontement direct
00:14:45 avec les forces ukrainiennes.
00:14:47 – Qui les auraient probablement battues.
00:14:50 – Et pour éviter ça, ils ont fait un vieux principe qu'on connaît,
00:14:54 il suffit de lire Sun Tzu, il suffit de lire, pas seulement Sun Tzu,
00:14:57 d'ailleurs à peu près n'importe quel stratège historique,
00:15:04 Jomini ou même Clausewitz, c'est que quand vous êtes face à un adversaire,
00:15:09 plus important que vous, il faut vous arranger pour diviser ses forces.
00:15:14 C'est exactement ce qu'ont fait les Russes avec cette incursion autour de Kiev
00:15:19 qu'ils n'ont jamais voulu prendre, dont ils n'avaient pas du tout
00:15:22 les capacités pour prendre.
00:15:24 Ils n'avaient que 20 000 hommes dans cette région, grosso modo,
00:15:27 alors qu'il y avait déjà trois fois plus à l'intérieur de Kiev
00:15:30 pour défendre la ville, et une ville qui était quand même beaucoup plus grande.
00:15:35 Quand on compare dans les surfaces et l'importance,
00:15:39 j'entends l'importance au niveau géographique,
00:15:42 mais si on compare la prise de Berlin en 1945 et la prise de Kiev,
00:15:48 enfin l'hypothétique prise de Kiev en 2022,
00:15:52 on s'aperçoit qu'on a deux villes à peu près de la même dimension,
00:15:55 que les soviétiques en 1945 avaient pris Berlin avec un million et demi d'hommes,
00:16:01 enfin autour de Berlin et tout, donc c'est une immense opération,
00:16:06 alors qu'ils n'avaient que 20 000 pour une ville de la même taille
00:16:12 80 ans plus tard autour de Kiev.
00:16:16 Donc il est clair, et d'ailleurs les Russes l'ont expliqué,
00:16:19 nous on ne veut pas écouter ce qu'ils disent,
00:16:22 mais en réalité ils n'ont jamais voulu prendre Kiev,
00:16:24 ils se sont simplement mis là pour fixer l'adversaire,
00:16:28 empêcher que l'armée ukrainienne aille renforcer ses troupes dans le Donbass,
00:16:33 et quand ils ont pris Mariupol, quand les Russes ont pris Mariupol,
00:16:38 alors ils ont relâché la pression, ils ont retiré leurs forces d'ailleurs,
00:16:41 et puis ils étaient suffisamment forts à ce moment-là
00:16:44 pour pouvoir contenir les Ukrainiens, voilà ce qui s'est passé.
00:16:47 Donc il n'y a jamais eu de volonté d'aller au-delà de la frontière linguistique,
00:16:54 parce qu'ils savent les Russes que si ils abordent,
00:16:57 on a toujours parlé de cette résistance ukrainienne,
00:16:59 cette résistance ukrainienne en fait, et je le montre d'ailleurs dans mon livre,
00:17:02 parce qu'on a de nouveau, mes sources sont ukrainiennes,
00:17:07 l'Institut de sociologie de Kiev a fait une étude sur la volonté de défense,
00:17:13 elle l'a faite en décembre 2021 et au début février 2022,
00:17:19 donc on est juste avant la guerre, et on s'aperçoit,
00:17:21 les chiffres qui sont donnés par cet institut montrent que
00:17:25 la volonté de défense des Ukrainiens est insignifiante dans les régions russophones,
00:17:32 et c'est logique, et elle est très forte dans les régions ukrainophones,
00:17:36 c'est-à-dire la partie ouest du pays.
00:17:38 Et c'est pour ça que les Russes n'ont aucune intention,
00:17:41 et tout ce qu'on a entendu sur des sites comme LCI,
00:17:47 enfin on est dans la fantasmagorie complète,
00:17:51 les Russes n'ont jamais eu l'intention de s'emparer de l'ensemble du pays,
00:17:58 parce qu'ils savent qu'à l'ouest il y aurait une résistance considérable,
00:18:01 et ça ils n'ont pas du tout envie d'affronter, et ce n'est pas leur but d'ailleurs,
00:18:04 le but c'est de protéger ce qu'ils considèrent comme leurs frères,
00:18:10 et c'est la raison pour laquelle d'ailleurs, je cite également dans mon livre,
00:18:14 de nouveau, sources ukrainiennes,
00:18:16 Oleg Sayarestovitch, qui a fait une interview très intéressante au début de cette année,
00:18:23 où il explique l'intervention russe,
00:18:25 et il explique lui-même que les Russes n'avaient pas du tout l'intention de tuer des gens,
00:18:30 ils sont venus pour protéger des gens, pas pour tuer des Ukrainiens,
00:18:34 et il l'explique très clairement, et lui c'était le conseiller de Zelensky,
00:18:39 il a démissionné en janvier ou février de cette année,
00:18:42 mais j'entends, on a une source de première main,
00:18:46 donc les Ukrainiens savent très très bien que les Russes ne sont pas venus pour détruire l'Ukraine,
00:18:51 contrairement à ce que racontent vos… j'allais dire…
00:18:58 – Ça allait être méchant, mais confiant !
00:19:00 – Vos compétiteurs, ça allait être méchant, on ne va pas le faire comme ça,
00:19:03 mais les autres médias, spécialement en France,
00:19:08 même l'année passée aux États-Unis, des magazines comme Newsweek,
00:19:16 les services de renseignement américains,
00:19:20 avaient dit que l'objectif des Russes n'était pas de détruire la population ukrainienne,
00:19:25 contrairement à ce que disent nos experts ici en France.
00:19:29 Donc il y avait effectivement cette idée de protéger,
00:19:34 et les Russes, et c'est pour ça d'ailleurs qu'on retrouve très peu de résistance,
00:19:42 la résistance avec un R majuscule tel qu'on l'avait en France,
00:19:46 alors qu'on a eu plus en 1945 qu'en 1942 ou 43, bon…
00:19:52 – La classique !
00:19:54 – Mais cette résistance-là n'existe pas dans les zones occupées par la Russie,
00:20:00 et c'est d'ailleurs symptomatique de voir que même les incursions qu'on a observées
00:20:05 tout récemment en Ukraine, qui étaient le fait d'ethniques russes,
00:20:11 ou de Russes ethniques, venaient en fait de cette légion étrangère ukrainienne en réalité,
00:20:17 ce sont certainement des gens qui ont des origines russes, c'est possible,
00:20:21 mais qui sont des gens d'extrême-extrême droite,
00:20:25 puisque le Financial Times avait interviewé après l'intervention à Bryansk,
00:20:31 au début de cet an mars de cette année,
00:20:33 il avait interviewé des gens de ces mêmes groupes,
00:20:35 et le Financial Times, très très anti-russe,
00:20:41 avait quand même qualifié ces gens de suprémacistes blancs et de néo-nazis.
00:20:47 – Mais on a le sentiment en plus dans cette incursion à Belgorod
00:20:51 à laquelle vous faites référence, qui s'est produite il y a un peu plus d'une semaine,
00:20:54 donc c'était sur la région frontalière côté russe,
00:20:57 à peu près au milieu de la frontière russo-ukrainienne,
00:21:00 on a vu la légion "Liberté pour la Russie",
00:21:02 mais on a vu aussi le fameux corps des volontaires russes,
00:21:05 et finalement on nous expliquait, du moins en France,
00:21:08 que c'était toute cette opposition à Vladimir Poutine,
00:21:11 et ça fait finalement un peu penser à cette montée en épingle
00:21:14 de la personne de Navalny, sur lequel vous avez d'ailleurs écrit un ouvrage également,
00:21:18 on a le sentiment qu'il y a une surestimation totale de l'opposition à Vladimir Poutine.
00:21:22 – Oui, on essaie de jouer ça.
00:21:24 Non, en réalité ces gens sont des…
00:21:26 d'ailleurs je ne suis même pas sûr qu'ils aient la nationalité russe,
00:21:30 enfin je parle de passeport russe,
00:21:33 ils sont probablement des russes ethniques, si vous voulez, vivants en Ukraine,
00:21:40 et ce sont surtout des gens… ce n'est pas l'opposition…
00:21:46 de nouveau, quand on parle d'opposition à Vladimir Poutine,
00:21:49 on dit Vladimir Poutine est un dictateur,
00:21:51 c'est l'opposition, c'est ceux qui sont pour la démocratie, etc.
00:21:54 On n'est pas du tout dans ce schéma-là.
00:21:56 Il y a en Russie, depuis très longtemps, des groupes d'extrême-extrême droite,
00:22:03 on pourrait dire néo-nazis d'ailleurs, que le gouvernement combat,
00:22:09 qui sont d'ailleurs les mêmes qui alimentent les réseaux de Navalny,
00:22:13 puisque vous l'avez mentionné, parce que Navalny n'a pas de parti,
00:22:17 vous comprenez, c'est quelqu'un qui draine ceux qui sont contre Vladimir Poutine.
00:22:25 – Oui, il est présenté parfois en Occident comme un progressiste,
00:22:28 alors que c'était lui qui faisait des clips en traitant les Tchétchènes de cafards.
00:22:31 – Voilà, c'est exactement ça, c'est un ultra-nationaliste en fait.
00:22:35 L'histoire politique de Navalny, et d'ailleurs il s'est fait renvoyer,
00:22:39 expulsé de certains partis qui étaient plutôt du centre,
00:22:44 comme Yabloko, La Pomme, c'est un des premiers partis
00:22:50 qui étaient très importants dans les années 90 en Russie,
00:22:54 mais qui est un parti de centre-droit, ce serait maintenant en toute proportion gardé,
00:22:58 l'équivalent des Républicains en France.
00:23:02 Et Navalny a fait brièvement partie de ce parti,
00:23:07 et puis s'en est fait expulsé parce qu'il était trop nationaliste,
00:23:11 il a participé à des activités vraiment très d'extrême droite,
00:23:19 on ne va pas entrer dans les détails ici.
00:23:22 Et donc Navalny après, il a construit une carrière politique,
00:23:28 enfin disons plutôt l'image d'une carrière politique,
00:23:31 parce qu'il n'a pas vraiment une carrière politique en réalité,
00:23:34 en drainant ses sympathies en travers tous les mécontents,
00:23:42 ce serait ceux qui drainent de LFI au Front National si vous voulez.
00:23:48 – Le camp des fâchés, comme dit l'agent Littéral.
00:23:50 – Voilà, c'est le camp des fâchés, c'est exactement ça,
00:23:52 mais des très très fâchés, vous voyez,
00:23:55 ce n'est même pas l'opposition parlementaire,
00:23:58 parce que quand j'ai parlé de LFI et du Rassemblement National en France,
00:24:03 on a une opposition qui est parlementaire quand même,
00:24:05 tandis que pour Navalny c'est une opposition…
00:24:09 – Non institutionnelle quoi.
00:24:11 – Qui est d'ailleurs, qui se qualifie elle-même de non systémique,
00:24:16 c'est-à-dire que ce sont des gens, des groupuscules qui sont tellement extrêmes
00:24:21 qu'ils n'arrivent pas à former des parties ensemble.
00:24:24 Donc c'est vraiment des groupuscules extrêmement extrémistes,
00:24:27 on pourrait dire ça comme ça.
00:24:29 Alors ça c'est une chose, mais, donc il y a toujours eu des gens
00:24:34 d'extrême-extrême-gauche, des gens d'extrême-extrême-droite,
00:24:36 il y a toujours eu ça en Russie, ils ont été combattus
00:24:39 dans la mesure où ils étaient violents, donc voilà.
00:24:42 Mais vous avez beaucoup de ces mouvements d'extrême-extrême-droite,
00:24:47 qui d'ailleurs, parce que la Légion internationale ukrainienne,
00:24:52 vous retrouvez les mêmes d'ailleurs qui viennent d'Allemagne,
00:24:55 qui viennent d'Italie, qui viennent de Suisse, qui viennent de France,
00:24:59 c'est des ultra-ultra-nationalistes.
00:25:02 J'entends "Salut nazi" et compagnie,
00:25:05 j'entends on est vraiment dans de l'extrême-extrême-droite.
00:25:10 Ça a été assez ironique parce que sur la télévision belge,
00:25:13 quand Zelensky avait fait son appel aux volontaires,
00:25:17 la télévision belge a fait évidemment l'apologie
00:25:24 de tous ceux qui allaient se battre pour la liberté, etc.
00:25:26 Donc ils avaient fait l'interview d'un volontaire.
00:25:29 Et au téléjournal, ils avaient montré ce volontaire
00:25:32 qui était en train de se préparer pour partir, pour aller en Ukraine.
00:25:38 Et ils l'ont filmé chez lui, n'est-ce pas ?
00:25:41 Oui, on voyait des vieilles affiches de la Légion wallonne
00:25:45 de Léon de Grelle durant la Deuxième Guerre mondiale,
00:25:48 qui était l'équivalent de la brigade charlemagne d'ASS française,
00:25:56 vous savez qui est devenue division, puis brigade,
00:26:01 enfin elle a changé de statut à plusieurs reprises pendant la guerre.
00:26:05 Division charlemagne qui s'était battue d'ailleurs en Ukraine,
00:26:09 à Tcherkassy notamment, et qui a été les derniers combattants,
00:26:14 les derniers défenseurs de Hitler ont été les Français.
00:26:17 C'est ce qui restait de la division charlemagne,
00:26:22 de la brigade charlemagne, maintenant je pourrais me tromper
00:26:25 sur le niveau de l'unité, c'était d'ailleurs même plus qu'un régiment
00:26:29 probablement à ce moment-là, mais c'était les derniers défenseurs.
00:26:32 Donc on retrouve ces mêmes gens aujourd'hui en Ukraine.
00:26:36 Et dans mon livre "Opération Z", j'avais donné une sorte de,
00:26:43 comment dire, un détail de tous ces groupes, et vous retrouvez les mêmes,
00:26:48 vous avez des Biélorusses, vous avez des Polonais, vous avez des Italiens,
00:26:53 tout ça sont des groupes d'extrême-extrême droite,
00:26:57 donc on est vraiment à l'extrême de l'extrême droite.
00:26:59 Et ces groupes russes sont ceux-là, et c'est effectivement ceux-là
00:27:03 que le Financial Times avait qualifiés de "white supremacists",
00:27:08 donc de suprémacistes blancs et de néonazis.
00:27:10 Et c'est ceux que la télévision suisse romande, etc., on valorise,
00:27:14 parce qu'évidemment ils ont été, sont intervenus en Russie.
00:27:18 C'est un peu… [Rires]
00:27:21 – C'est un peu le grand écart permanent.
00:27:23 Quand vous voyez ces attaques qui ont été menées à Belgorod,
00:27:27 quand vous voyez également ces attaques de drones qui ont eu lieu à Moscou,
00:27:31 qui avaient eu lieu même sur le Kremlin il y a quelques temps,
00:27:34 comment lisez-vous ces tentatives, ces offensives ?
00:27:38 Est-ce que c'est plus de la communication
00:27:42 ou est-ce qu'il y a véritablement une volonté militaire derrière ?
00:27:45 – Volonté militaire, on peut pratiquement l'exclure,
00:27:48 parce qu'on retrouve dans les discours de Zelensky, etc.,
00:27:57 cette idée de prendre une ville et puis de faire une sorte
00:28:01 d'opération psychologique autour de ça,
00:28:04 de s'emparer d'un village et puis de montrer
00:28:08 que l'Ukraine est aussi capable d'eux, etc.
00:28:11 – Mais Zelensky s'est dit étranger de ces initiatives, par ailleurs.
00:28:14 – Oui, il s'est dit étranger parce qu'elles ont évidemment échoué,
00:28:20 mais en réalité ça ne peut pas se faire sans son accord.
00:28:27 C'est lui le commandant en chef, j'entends, et les implications sont telles,
00:28:32 à partir du moment où vous allez sur le territoire russe,
00:28:35 que vous allez vous attaquer au Kremlin, etc.,
00:28:38 on est dans quelque chose qui n'est plus tactique,
00:28:41 on est dans le domaine du stratégique pratiquement,
00:28:43 parce que la réaction peut être d'ordre stratégique.
00:28:47 Par conséquent, le fait qu'il se dissocie de ces choses-là
00:28:51 me semble être plutôt une sorte de combat d'arrière-garde de sa part.
00:28:57 Beaucoup se sont interrogés, surtout aux États-Unis,
00:29:03 il y a eu beaucoup d'interrogations sur la nature et le pourquoi de ces opérations.
00:29:09 Et effectivement, je pense que l'explication la plus rationnelle,
00:29:14 ce sont des opérations de communication.
00:29:16 D'ailleurs, elles interviennent toujours après des déboires importants en Ukraine même.
00:29:21 – Et alors justement, là on peut parler de Barkhmout,
00:29:24 on a encore évoqué cette fameuse bataille de Barkhmout.
00:29:27 Quel regard portez-vous sur cette victoire du camp russe
00:29:30 par le biais du groupe paramilitaire Wagner ?
00:29:33 Est-ce que c'était vraiment ça ?
00:29:35 Parce qu'on a eu beaucoup d'échanges à ce sujet.
00:29:37 Est-ce que c'était une bataille stratégique ?
00:29:39 Est-ce que là encore c'était une bataille de communication ?
00:29:42 Comment voyez-vous cela ?
00:29:44 – Alors, pour comprendre la bataille de Barkhmout,
00:29:48 il faut revenir en été 2022.
00:29:52 Et à ce moment-là, l'armée ukrainienne au niveau matériel,
00:30:00 c'est-à-dire ses chars, ses avions, son artillerie, tout ça a été détruit.
00:30:05 L'armée ukrainienne, matériellement parlant,
00:30:08 pas encore personnellement parlant,
00:30:11 matériellement parlant, est détruite.
00:30:13 Et c'est à partir de ce moment-là d'ailleurs que Zelensky,
00:30:16 à partir de fin mai, début juin,
00:30:18 Zelensky demande l'aide matérielle des Occidentaux.
00:30:21 Et c'est à partir de ce moment-là d'ailleurs que certains médias occidentaux
00:30:25 disent à partir de maintenant, l'Ukraine dépend de l'Occident.
00:30:29 Elle dépend de l'Occident.
00:30:31 Et c'est de nouveau, c'est dans mon livre,
00:30:33 je n'ai plus le nom des sources,
00:30:36 mais c'est effectivement ce que certains médias occidentaux ont constaté,
00:30:42 c'est qu'à partir de ce moment-là, l'Ukraine dépend de l'Occident.
00:30:47 Et les Russes, à ce moment-là, disent,
00:30:51 voilà, si vous continuez à fournir des armes,
00:30:56 on n'arrivera pas au bout de cette guerre,
00:30:58 on n'arrivera pas à négocier quelque chose.
00:31:00 Je vous rappelle que Zelensky a deux reprises,
00:31:03 c'est-à-dire en février, déjà au 25 février,
00:31:06 le lendemain du début de l'opération russe,
00:31:09 et fin mars, puis en août d'ailleurs,
00:31:14 demandera des négociations avec la Russie.
00:31:18 Et c'est les Occidentaux qui l'empêcheront de négocier.
00:31:21 – Tout particulièrement les Britanniques.
00:31:23 – Les Britanniques en particulier, c'est Boris Johnson en particulier,
00:31:26 et d'ailleurs, Ukrainska Pravda,
00:31:29 donc le journal, le média ukrainien,
00:31:34 fera un article disant,
00:31:36 les Occidentaux sont le principal obstacle à la paix.
00:31:39 De nouveau, ce n'est pas Poutine qui le dit,
00:31:42 c'est les Ukrainiens eux-mêmes.
00:31:45 Mais ce n'est pas la propagande ukrainienne,
00:31:47 c'est la presse ukrainienne,
00:31:48 celle que nos médias n'écoutent pas parce qu'elle ne leur convient pas.
00:31:51 – Bien sûr.
00:31:52 – Et donc, à partir de la fin de l'été,
00:31:56 les Russes disent, si vous continuez à fournir des armes,
00:32:00 donc la guerre continue,
00:32:02 on va faire une guerre d'attrition, une guerre d'usure.
00:32:08 Et on va détruire le potentiel humain,
00:32:14 puisque c'est ce que vous voulez, c'est ce qu'on va faire.
00:32:16 Et le 18 octobre, le général Surovikhin,
00:32:21 qui est alors nouvellement nommé commandant en chef
00:32:26 des forces russes en Ukraine,
00:32:30 déclare à peu près textuellement,
00:32:33 il dit, à partir de maintenant, on ne fait plus des grandes opérations,
00:32:36 des grandes avances, des choses comme ça,
00:32:38 on détruit systématiquement l'adversaire qui avance.
00:32:44 Donc si vous voulez, on l'attend,
00:32:46 on le laisse venir et on le détruit systématiquement.
00:32:50 Et c'est ce que font, c'est exactement ce qu'ont fait les Russes à Kharkov,
00:32:56 et c'est exactement ce qu'ils ont fait à Kherson.
00:32:59 Les Ukrainiens, depuis le début de la guerre,
00:33:01 n'ont jamais pris un territoire qui n'avait pas auparavant
00:33:04 été abandonné par les Russes.
00:33:06 Parce que les Russes n'ont pas l'intention de se battre…
00:33:08 – C'est les fameuses reprises de territoires qui sont en fait des territoires laissés.
00:33:11 – Ce sont des territoires laissés,
00:33:13 parce que le but des Russes n'est pas de prendre du territoire.
00:33:16 Très important.
00:33:18 Et donc, quand les Ukrainiens…
00:33:20 – En dehors du Donbass quand même, de l'Est.
00:33:23 – Ils ne voulaient même pas le prendre,
00:33:25 ils voulaient protéger sa population.
00:33:27 Le problème c'est que pour le faire, ils ont reconnu l'indépendance
00:33:32 et puis finalement les référendums.
00:33:34 Mais le but n'était pas de les prendre.
00:33:37 D'ailleurs, la Russie a toujours refusé d'annexer ces territoires,
00:33:41 malgré les demandes de république de Danetsk et de Lugansk.
00:33:45 Donc le but n'était pas celui-là.
00:33:47 Simplement, à un moment donné, il est devenu judicieux de le faire
00:33:51 afin de pouvoir créer les conditions pour intervenir au Donbass.
00:33:56 Mais le but c'était de protéger la population,
00:33:58 c'est pas de prendre du territoire.
00:34:00 Et c'est d'ailleurs ce que voulaient les accords de Minsk.
00:34:03 Les accords de Minsk ne prévoyaient pas une séparation du Donbass de l'Ukraine,
00:34:09 mais simplement une autonomie des deux républiques,
00:34:13 et d'autres d'ailleurs, parce que ça pouvait s'appliquer
00:34:16 à d'autres minorités que les minorités russophones,
00:34:20 à l'intérieur des frontières d'Ukraine.
00:34:22 Donc les Russes n'avaient au départ aucune ambition territoriale en Ukraine.
00:34:27 – Et alors justement… – Alors attendez, je vais terminer quand même
00:34:29 sur Mahmoud parce que c'est important.
00:34:31 Et donc, l'objectif de Souravikin est de broyer,
00:34:41 et littéralement de hacher, il utilise le terme de hachoir à viande d'ailleurs,
00:34:47 les troupes ukrainiennes.
00:34:49 Et il lance, fin octobre, une opération
00:34:54 qui s'appelle l'opération hachoir à viande d'ailleurs.
00:34:56 – Sympathique.
00:34:58 – Et il confie à Prigojine et au groupe Wagner
00:35:03 l'objectif de détruire les forces dans Barmout.
00:35:08 Pas de prendre Barmout, de détruire les forces dans Barmout.
00:35:12 Parce qu'il savait que Zelensky tenait à conserver cette ville,
00:35:20 et pour Zelensky c'était stratégique. – Bien sûr.
00:35:23 – Pas pour les russes.
00:35:24 Pour les russes c'est une ville qui n'est pas importante.
00:35:27 Elle pourrait avoir un sens opératif, et je l'explique d'ailleurs dans mon livre,
00:35:31 je montre les cartes, parce que quand vous regardez la situation de Barmout,
00:35:36 elle est au centre d'une ligne de défense qui est composée de trois
00:35:40 sous-lignes de défense, si on veut dire ça.
00:35:43 Cette ligne de défense, elle a été surnommée aux États-Unis,
00:35:45 on l'a appelée la ligne Zelensky, un équivalent de la ligne Maginot si vous voulez,
00:35:50 mais qui est une ligne assez large dans l'espace,
00:35:54 qui est subdivisée en différentes lignes de défense.
00:35:58 La première étant Lisychansk-Zelodonetsk,
00:36:02 qui avait été prise à la fin de l'été, en automne 2022.
00:36:09 La deuxième ligne étant la ligne de Barmout,
00:36:12 et puis la troisième étant celle de Slavyansk-Krematorsk.
00:36:19 Et donc pour les Russes,
00:36:25 Barmout est intéressant parce que ça permettrait de percer,
00:36:30 de faire un trou dans cette ligne Maginot, cette ligne Zelensky,
00:36:34 mais pour Zelensky c'est très important parce que lui,
00:36:39 il part de l'idée que les Russes veulent envahir l'Ukraine, ce qui est faux,
00:36:45 et Barmout est un des derniers verrous possibles.
00:36:48 – Bien sûr.
00:36:49 – Alors techniquement, si vous regardez la carte,
00:36:51 et j'ai vu d'ailleurs les débats sur les chaînes des différents médias français,
00:36:57 c'est-à-dire assez affligeant qu'on puisse,
00:37:00 après mon grand-père s'est battu deux fois à Verdun en 1916,
00:37:05 donc je pense que l'expérience de Verdun devrait éclairer nos experts français,
00:37:10 mais non, apparemment pas.
00:37:11 Verdun n'est pas une ville stratégique,
00:37:14 quand vous la regardez c'est insignifiant comme ville,
00:37:17 mais dans le contexte local, le contexte opératif,
00:37:21 c'est devenu un verrou si important que finalement,
00:37:25 vous avez presque de part et d'autre un million d'hommes qui sont morts, n'est-ce pas ?
00:37:29 Parce qu'on lui a accordé cette importance,
00:37:31 c'est un peu la même chose que Barmout,
00:37:33 et Zelensky a donné cette importance.
00:37:35 Et déjà en novembre 2022, le New York Times disait
00:37:41 "les Russes vont utiliser Barmout comme un trou noir
00:37:45 dans lequel les Ukrainiens vont envoyer des troupes
00:37:49 et puis elles vont se faire détruire".
00:37:51 Et c'est exactement ce qui s'est passé.
00:37:53 Donc le New York Times l'avait très bien identifié en novembre,
00:37:57 aucun des experts français de tous les plateaux, LCI etc,
00:38:01 personne n'a compris ça, mais les Américains l'avaient compris,
00:38:05 y compris le New York Times qui est pour le moins pas poutiniste,
00:38:09 et c'est exactement ce qui s'est passé.
00:38:11 Et Sorovikin a donné six mois à Prigojin pour le faire.
00:38:17 Il a dit "on va faire cette opération pendant six mois".
00:38:19 De nouveau le but n'est pas de prendre Barmout,
00:38:21 c'est de détruire les personnes.
00:38:23 Ces six mois sont arrivés à échéance fin avril de cette année.
00:38:29 – 23, oui.
00:38:31 – Et là l'état-major a dit à Prigojin "voilà, l'opération est terminée,
00:38:35 vous vous retirez".
00:38:37 Et Prigojin il a vu, parce que dans ce combat pour détruire les forces ukrainiennes,
00:38:45 évidemment on passe quand même de maison à maison,
00:38:47 donc on grignote quand même du territoire,
00:38:49 même si le but n'était pas de prendre la ville,
00:38:51 à force de détruire de position en position,
00:38:55 comme c'est des positions statiques dans des bâtiments etc,
00:38:59 vous avancez, vous allez chaque fois dans chaque maison,
00:39:03 les Ukrainiens retirent leur position,
00:39:05 donc pour détruire vous êtes obligés d'avancer.
00:39:07 Et le dilemme dans lequel s'est trouvé Prigojin fin avril,
00:39:11 c'est qu'ils avaient pratiquement de facto pris l'ensemble de la ville,
00:39:17 alors que ça n'était pas l'objectif.
00:39:19 Et l'état-major fin avril a dit "bon l'opération est finie, terminée,
00:39:23 donc plus d'artillerie, plus rien".
00:39:25 Et c'est là que vous avez eu ce mélodrame entre Prigojin et l'état-major russe,
00:39:31 qui a été interprété par des soi-disant experts militaires
00:39:35 de manière extrêmement fantaste,
00:39:37 mais qui avait simplement pour raison, pour motif,
00:39:41 le fait que Prigojin avait en fait été au-delà d'une certaine manière
00:39:45 des ordres qui lui avaient été donnés.
00:39:47 Certes il avait détruit des troupes,
00:39:49 mais en même temps il avait pris la ville.
00:39:53 – Il voulait terminer entre guillemets.
00:39:55 – Il voulait terminer le travail, de façon à pouvoir dire
00:39:57 "bon voilà finalement on a pris la ville".
00:39:59 Et les Russes, l'état-major a dit "mais c'était pas le but".
00:40:01 Donc il y a eu ce désaccord qui a poussé exactement au dilemme
00:40:06 quand Prigojin a dit "on nous coupe l'artillerie, on nous coupe tout"
00:40:09 tout simplement parce que l'opération était terminée.
00:40:11 Et c'était pas le but des Russes de prendre Barmoutes.
00:40:15 – Mais finalement les dissensions entre l'état-major russe et Prigojin
00:40:21 ont été un peu montées en épingle.
00:40:23 – Alors ça a été monté en épingle,
00:40:25 je pense que Prigojin en a joué aussi un petit peu,
00:40:27 parce que ça lui a permis de faire une sorte de publicité sur son corps
00:40:33 qui s'est battu d'ailleurs de manière assez durement.
00:40:35 Et d'ailleurs même les Ukrainiens ont dit que les troupes de Wagner
00:40:39 sont à peu près les seules troupes…
00:40:41 Alors chez nous on vous parle de repris de justice, de soudards,
00:40:47 et je ne sais pas quoi, mais les Ukrainiens eux
00:40:50 ont pris Wagner très au sérieux, à juste titre d'ailleurs.
00:40:54 Et les Ukrainiens eux n'ont pas essayé de minimiser.
00:40:58 D'ailleurs une particularité de la presse française,
00:41:02 contrairement à la presse anglo-saxonne,
00:41:04 c'est que la presse française a sans cesse essayé de minimiser
00:41:08 le rôle des Russes, leurs capacités, leurs commandements, leurs armes,
00:41:14 ils en ont pas assez, elles sont mauvaises, etc.
00:41:17 Et assez curieusement, c'est exactement ce qu'il ne faut pas faire à la guerre.
00:41:27 Si vous minimisez votre adversaire, vous êtes à peu près sûr de perdre.
00:41:31 Donc on a contribué très largement à donner aux Ukrainiens
00:41:38 une fausse confiance sur leurs capacités,
00:41:42 et finalement je pense qu'on a très largement contribué,
00:41:46 nos médias en tout cas ont très largement contribué,
00:41:48 à la défaite ukrainienne, parce que c'est incontestable
00:41:52 qu'il y ait une défaite là sur Barmoud.
00:41:55 Et donc Prigogine a évidemment joué là-dessus,
00:42:01 et puis finalement tout ça s'est un peu calmé,
00:42:06 l'état-major a finalement vu que c'était politiquement intéressant
00:42:09 de reprendre, de terminer le travail, et puis voilà.
00:42:13 Donc on en est là.
00:42:15 Maintenant j'aimerais revenir quand même sur les incursions…
00:42:19 – En territoire russe.
00:42:20 – En territoire russe, parce qu'elles sont liées à ça.
00:42:22 Et effectivement, beaucoup d'experts,
00:42:25 parce qu'on n'a pas trouvé d'explication rationnelle, militaire,
00:42:29 à cette mission que certains d'ailleurs appellent mission suicide sur Belgorod.
00:42:33 Parce que quand on envoie une compagnie pour prendre un villa,
00:42:37 une petite ville, on se dit là on les envoie à coup sûr à la mort.
00:42:43 Et d'ailleurs ils ont été décimés totalement,
00:42:47 avec en plus une conséquence qui est assez…
00:42:51 évidemment nos médias n'ont pas relevé, mais que les Américains ont relevé.
00:42:55 C'est que cette compagnie qui s'est infiltrée en territoire russe
00:43:01 a utilisé du matériel américain.
00:43:03 Or Joe Biden avait donné du matériel américain à Zelensky
00:43:11 à la condition qu'il ne soit pas utilisé sur le territoire russe.
00:43:15 Et par conséquent, les Ukrainiens ont été un peu… comment dire…
00:43:23 finalement ils ont reçu le choc en retour de ça,
00:43:27 parce que les Américains ont dit "alors vous ne tenez pas votre parole".
00:43:31 – Bien sûr.
00:43:33 – En clair. Et c'est pour ça que vous avez eu beaucoup de…
00:43:35 après sur les réseaux sociaux, vous avez des gens qui ont dit
00:43:39 "ah oui mais ce n'était pas vraiment des trucs américains".
00:43:43 Il y a eu toutes sortes de légendes qui ont sorti pour expliquer…
00:43:45 – Et c'est arrivé précisément au moment où Joe Biden au G7,
00:43:49 à Hiroshima d'ailleurs, soit dit en passant, a promis les fameux F-16.
00:43:55 Donc on peut en plus penser que si l'Ukraine dispose véritablement de F-16,
00:43:59 elle pourrait par la suite s'en servir sur le territoire russe,
00:44:03 ce qui constituerait évidemment une ligne rouge cette fois.
00:44:05 – Ce qui constituerait une ligne rouge, mais de nouveau,
00:44:09 je pense que les Russes sont plus prudents que les Occidentaux.
00:44:13 Je pense qu'il y a plus de réflexion du côté…
00:44:17 il y a une réflexion plus cohérente en Russie qu'en Occident.
00:44:23 Vous voyez en Occident, depuis le début de la guerre en fait,
00:44:27 on ne voulait pas leur fournir de véhicules,
00:44:29 on ne voulait pas leur fournir de chars, on ne voulait pas leur fournir de missiles,
00:44:31 on ne voulait pas leur fournir de missiles intérieurs,
00:44:33 on ne voulait pas leur fournir… et finalement, au fur et à mesure,
00:44:37 on a fourni des chars, etc.
00:44:39 Et puis encore, hier j'ai vu qu'au Parlement allemand,
00:44:45 on a présenté des images de chars Léopard avec le drapeau du Pravisektor,
00:44:51 du secteur droit, donc les néo-nazis ukrainiens.
00:44:57 Et tout le monde avait fustigé Vladimir Poutine
00:45:01 lorsqu'il avait dit au début de cette année,
00:45:03 ou fin de l'année passée, il avait dit
00:45:05 "on va retrouver des chars allemands avec des insignes nazis contre nous".
00:45:13 Et effectivement, c'est ce qu'on a su avouer.
00:45:16 – Qui permettent de surfer sur la grande guerre patriotique,
00:45:18 qui est très imprégnée en Russie.
00:45:19 – Tout à fait, et puis c'est effectivement quelque chose
00:45:21 qui parle beaucoup aux Russes.
00:45:23 Et d'ailleurs, toutes ces incursions, y compris l'attentat sur le Kremlin,
00:45:29 sont des choses que les…
00:45:31 parce qu'il faut bien comprendre qu'en Occident,
00:45:34 on a essayé d'expliquer l'intervention russe
00:45:38 comme étant une sorte d'avidité territoriale,
00:45:42 de reconstituer l'Empire russe, etc.
00:45:46 Mais ce n'est pas du tout ce qu'ont dit les Russes depuis le début d'ailleurs.
00:45:50 Ils l'ont dit, et ils ont été parfaitement cohérents avec ça.
00:45:53 Ils ont dit dès le début,
00:45:54 "on cherche à protéger la population du Donbass".
00:45:56 Ce qui est un fait connu.
00:45:58 Nous, on ne parle pas des victimes du Donbass
00:46:00 parce que ce sont des "untermenschen", n'est-ce pas ?
00:46:03 "Untermenschen", c'est le terme qu'utilisaient les nazis
00:46:06 pour désigner ceux dont la vie ne vaut rien.
00:46:09 Et c'est exactement la position des autres médias français.
00:46:15 Les Ukrainiens sont…
00:46:18 même les Ukrainiens d'ailleurs sont des "untermenschen"
00:46:21 parce qu'on s'en fiche complètement des vies qui sont perdues.
00:46:24 Mais les Russophones ukrainiens, encore pire.
00:46:28 Donc on n'en parle pas du tout.
00:46:30 Mais pour les Russes,
00:46:31 eux savent les raisons pour lesquelles ils sont là.
00:46:34 C'est la raison pour laquelle le soutien
00:46:36 à l'opération militaire d'une part
00:46:39 et à Vladimir Poutine d'autre part
00:46:41 reste très élevé et pratiquement n'a pas changé
00:46:43 depuis le début de l'opération.
00:46:45 Donc, pour les citoyens russes,
00:46:52 l'intervention en Ukraine est légitime
00:46:56 parce qu'il s'agissait de protéger leurs frères.
00:46:59 Et par conséquent, les incursions qui se font à coup de bombe,
00:47:03 contre Tartarski, etc. qui était peut-être un sale bonhomme,
00:47:06 j'en sais rien, je n'ai pas étudié son cas, mais pourquoi pas ?
00:47:12 Ou Darya Dugina, etc.
00:47:16 – Tentative aussi contre Zakhar Prilepin.
00:47:19 – Exactement, tout à fait.
00:47:20 Donc, c'est des attentats terroristes en réalité.
00:47:23 – Où le chauffeur est mort d'ailleurs.
00:47:24 – Où le chauffeur est mort, tout à fait.
00:47:26 Et ce sont des attentats de nature terroriste.
00:47:29 Le terrorisme, ce n'est pas une doctrine, c'est une méthode.
00:47:32 Donc, si vous êtes contre le terrorisme en 2015 en France,
00:47:37 vous êtes contre le terrorisme aujourd'hui en Russie.
00:47:41 Si vous êtes pour le terrorisme en Russie aujourd'hui,
00:47:44 alors vous acceptez les attentats terroristes de 2015,
00:47:47 c'est exactement la même chose, comprenez ?
00:47:50 Donc, là, il y a une incohérence des Occidentaux assez considérable.
00:47:57 Et ces attentats en Russie n'ont fait que renforcer la confiance dans Vladimir Poutine.
00:48:05 Parce qu'ils ont constaté qu'effectivement, le gouvernement ne leur mentait pas
00:48:10 en disant que l'Occident cherchait à détruire la nation russe, etc.
00:48:15 Je ne parle même pas des conférences qui ont eu lieu cette dernière année
00:48:21 dans différentes capitales européennes et notamment à Bruxelles d'ailleurs,
00:48:25 sur la décolonisation de la Russie, c'est-à-dire la désagrégation de la Russie, littéralement.
00:48:33 Donc, pour un Russe, le combat est parfaitement légitime.
00:48:39 Le problème, c'est que la manière dont c'est présenté chez nous,
00:48:43 on ne vous parle que d'une partie des choses, on cache l'autre partie.
00:48:48 Et les Russes, d'ailleurs on le voit très bien, ont une…
00:48:54 malgré tout ce qu'on dit sur la liberté de la presse chez eux,
00:48:57 ils ont une vision beaucoup plus équilibrée des choses.
00:49:00 Parce qu'on voit que, je le mentionne d'ailleurs dans mon bouquin,
00:49:05 quand il y a eu le retrait de Kharkov, qui a été très mal communiqué à la population russe,
00:49:10 la population russe a été sensible aux arguments occidentaux,
00:49:14 puisqu'on dit "là ça va pas" et on voit une baisse de confiance,
00:49:16 une légère baisse de confiance.
00:49:18 Et c'est pas pour rien, c'est parce que les Russes ont accès aux médias occidentaux,
00:49:23 alors que les occidentaux n'ont pas accès aux médias russes.
00:49:26 – Ils n'ont pas accès aux médias russes.
00:49:27 – Voilà, c'est aussi simple que ça.
00:49:28 Donc, si vous voulez, d'une certaine manière, on se tire aussi une balle dans le pied ici,
00:49:34 parce que, et il n'y a qu'à voir d'ailleurs des médias,
00:49:39 je ne vais pas les nommer parce que ça serait trop facile,
00:49:44 mais en France en particulier, et en Suisse alors,
00:49:48 les médias d'État, appelons-les comme ça,
00:49:52 nous présentent une vision qui est totalement biaisée des choses.
00:49:57 Et c'est, vous ne pouvez pas résoudre un conflit,
00:50:01 ce que mon livre s'appelle "Entre guerre et paix",
00:50:03 vous ne pouvez pas résoudre un conflit si vous n'avez pas une vue objective des choses.
00:50:07 Ce n'est pas possible.
00:50:09 Et c'est exactement ce qui est en train de se passer.
00:50:11 On est enfermé dans des mensonges ou des demi-vérités
00:50:17 parce qu'on refuse toujours d'accepter les vérités qui ne nous intéressent pas.
00:50:23 – Bien sûr, qui dérangent.
00:50:24 – Voilà.
00:50:25 Et donc, on est fixé sur notre perception des choses,
00:50:31 et donc, il est impossible d'arriver à un résultat.
00:50:34 Donc, on est en train de pousser l'Ukraine au suicide.
00:50:39 – Et alors justement, il y a une obsession dans les médias occidentaux,
00:50:42 et tout particulièrement français, qui s'est imposée depuis quelques semaines,
00:50:45 c'est la contre-offensive ukrainienne.
00:50:47 Alors, elle était pour le début du printemps, pour la fin du printemps,
00:50:50 on ne sait pas exactement si c'était une question de climat,
00:50:53 une question de sol, de boue, de glace, de…
00:50:55 Bon, et finalement, la contre-offensive ukrainienne,
00:50:58 aujourd'hui, elle n'est pas arrivée, pour le moment,
00:51:00 et elle a plutôt été remplacée dans les médias par la défaite de Barmout.
00:51:04 Qu'en est-il aujourd'hui de cette contre-offensive,
00:51:06 et surtout, de quoi disposent les combattants ukrainiens
00:51:09 sur le plan de l'artillerie ?
00:51:10 Parce que vous, dans votre livre, vous faites un inventaire
00:51:13 assez circonstancié de l'artillerie, des chars que les occidentaux ont envoyés,
00:51:18 notamment.
00:51:19 Comment cette contre-offensive pourrait-elle s'organiser,
00:51:23 et quelle part occuperait l'aide occidentale dans celle-ci ?
00:51:27 Alors, d'abord, cette contre-offensive,
00:51:33 elle n'est pas depuis quelques semaines,
00:51:35 c'est la même contre-offensive que celle que Zelensky avait promise
00:51:40 en été 2022, avec un million d'hommes.
00:51:45 C'est au moment où a commencé Barmout, à peu près ?
00:51:49 C'est un peu avant.
00:51:50 Un peu avant.
00:51:51 Un peu avant.
00:51:52 C'est un peu avant, et l'idée, c'était, il a annoncé sa fin,
00:51:58 juin, début juillet 2022, où il s'agissait de reconquérir
00:52:02 les territoires, reprendre la Crimée, etc.
00:52:05 Il y avait un million d'hommes qui étaient prévus pour ça.
00:52:08 Je crois qu'ils n'ont jamais atteint le million d'hommes,
00:52:11 mais ils ont annoncé l'été passé qu'ils avaient 700 000 hommes.
00:52:16 Le pouvoir de gouverne, aujourd'hui, en estime qu'ils en ont 400 000.
00:52:20 Peut-être que ça répond à la question des pertes, je ne sais pas.
00:52:24 Mais Zelensky et le commandant en chef, le chef d'état-major des armées
00:52:32 ukrainien, le général Zalouzhny, avaient dit en 2022 qu'ils avaient 700 000 hommes.
00:52:39 Aujourd'hui, on sait qu'ils n'ont pas 700 000 hommes.
00:52:42 Ils sont aujourd'hui, au mieux, tout compris, à 400 000.
00:52:48 Et donc, cette offensive, elle a été...
00:52:52 Comme ils n'avaient plus de matériel en 2022, ils n'ont pas pu la faire.
00:52:58 Et ils ont systématiquement demandé du matériel.
00:53:01 On leur a donné des missiles, des choses, des canons d'artillerie,
00:53:04 les Césars, les M777, etc.
00:53:08 Mais ils n'ont pas fait la différence.
00:53:13 Et donc, le contre-offensive a été repoussé, repoussé, repoussé.
00:53:17 Finalement, la situation étant devenue très alarmante,
00:53:21 non plus au niveau matériel, mais au niveau du personnel,
00:53:25 parce qu'à la fin 2020, il ne faut pas oublier qu'on a beaucoup parlé
00:53:29 de la mobilisation, la fameuse mobilisation russe de 300 000 hommes,
00:53:32 en septembre, enfin en été, septembre-octobre, entre août, septembre et octobre 2022,
00:53:41 en Russie, qui était là, en fait, pour tenir compte de l'intégration
00:53:47 des nouveaux oblastes ukrainiens dans la fédération de Russie.
00:53:53 – Après les référendums, oui, bien sûr.
00:53:55 – Après les référendums.
00:53:56 Donc, il a fallu restructurer les forces dans cette région,
00:54:01 intégrer les militices du Donbass, etc.
00:54:06 Et c'est dans ce mouvement-là qu'a été faite la mobilisation de 300 000 hommes,
00:54:11 qui étaient des réservistes en réalité, c'est pas une mobilisation,
00:54:14 c'est plutôt un rappel de réservistes, mais bref.
00:54:16 Et puis, mais pendant cet intervalle, l'Ukraine a fait 11 mobilisations,
00:54:21 vous comprenez ? Et ça veut dire…
00:54:24 – Vous envoyez des hommes qui n'avaient pas du tout envie d'y aller, d'ailleurs,
00:54:27 sur les images, ce qui est bien compréhensible.
00:54:29 – Alors, non seulement ça, mais tout récemment, la presse ukrainienne,
00:54:34 de nouveau, c'est la presse ukrainienne, c'est pas la presse russe,
00:54:37 la presse ukrainienne a évoqué le fait que le nombre d'inscrits
00:54:42 dans les universités ukrainiennes a augmenté de 82% en 2022,
00:54:48 et certaines universités ont vu leur nombre d'étudiants multiplier par 12.
00:54:53 Parce que, selon la loi ukrainienne, lorsqu'on est étudiant inscrit
00:54:57 dans une université… – On ne peut pas être mobilisé.
00:54:59 – On ne peut pas être mobilisé.
00:55:00 Donc, la volonté de défense, on voit que la volonté de défense
00:55:03 n'est pas du tout celle qu'on veut bien dire en Occident.
00:55:10 Donc, Ceylon a repoussé cette échéance, et ces dernières semaines,
00:55:18 ce qui s'est passé, c'est que les Occidentaux, aujourd'hui,
00:55:22 commencent à avoir l'impression qu'on est effectivement
00:55:25 dans une situation sans solution.
00:55:27 Parce que, depuis d'ailleurs la fin de l'année passée,
00:55:31 les Américains, l'état-major américain, le Pentagone,
00:55:34 a exprimé des doutes très sérieux sur la réelle capacité de l'Ukraine
00:55:38 à avoir un réel succès dans cette offensive.
00:55:41 – Mais est-ce que cette question-là, on n'aurait pas pu se la poser avant ?
00:55:44 – Bien sûr.
00:55:45 – Parce qu'il y a quand même quelque chose qui est fascinant,
00:55:47 c'est qu'on se rend compte que finalement, ce qui a mis le feu aux poudres,
00:55:50 si on est un peu pragmatique et réaliste, c'est les avancées des troupes,
00:55:54 des bases otaniennes vers la Russie, et bien entendu,
00:55:57 cet enjeu du Donbass sur les populations russophones.
00:56:00 Mais on a en même temps l'impression que l'Ukraine veut rentrer dans l'OTAN,
00:56:04 veut rentrer dans l'UE, mais concrètement plutôt dans l'OTAN,
00:56:07 pour éviter la guerre contre la Russie, alors qu'elle sait parfaitement
00:56:11 qu'une adhésion dans l'OTAN va principalement provoquer la guerre avec la Russie.
00:56:15 – Alors non, c'est pas tout à fait ça.
00:56:19 Les Ukrainiens sont évidemment intéressés à entrer dans l'OTAN
00:56:27 parce qu'ils pensent, comme ça a été le cas pour les autres pays d'Europe de l'Est,
00:56:32 que l'entrée dans l'OTAN est l'antichambre de l'UE,
00:56:36 qui elle, garantira la prospérité économique.
00:56:39 Ça c'est un petit peu le schéma qu'il y avait depuis 2014 d'ailleurs en Ukraine.
00:56:46 Qui est un schéma qui n'est pas déraisonnable, d'ailleurs il est assez logique.
00:56:52 Le problème est que, en 2014, la nouvelle administration,
00:57:00 fortement teintée à l'extrême droite, puisque c'est eux qui avaient provoqué
00:57:06 le changement de régime, donc c'est eux qui se sont retrouvés aussi
00:57:10 en partie au pouvoir, ça s'est traduit par l'ouverture d'un conflit
00:57:15 avec la communauté russophone, qui elle a induit un conflit avec la Russie.
00:57:22 Et on a tellement monté en épingle ce conflit avec la Russie
00:57:27 que le problème d'entrée dans l'OTAN finalement, certainement s'est mordu la queue
00:57:32 parce qu'il n'était pas possible pour les Ukrainiens d'entrer dans l'OTAN
00:57:40 en ayant un conflit ouvert avec la Russie.
00:57:43 – Voilà, l'article 5.
00:57:45 – L'article 5, exactement.
00:57:47 Et par conséquent, moi-même je n'avais pas réalisé ça avant de voir l'interview
00:57:53 d'Oleksei Arestovitch, le même mais dans une autre interview que celle
00:57:57 que j'ai mentionnée tout à l'heure.
00:57:59 Une interview qu'il a faite en mars 2019, juste avant que Zelensky soit élu.
00:58:04 Il faisait partie de l'équipe de Zelensky, c'est très proche de Zelensky,
00:58:09 il reste un vieux compagnon de Zelensky, il était son conseiller d'ailleurs
00:58:14 à partir du moment où Zelensky est devenu président.
00:58:17 Et Arestovitch explique que la seule manière, puisqu'on est dans un conflit ouvert
00:58:25 avec la Russie, la seule manière d'entrer dans l'OTAN, c'est que la Russie
00:58:31 n'existe plus d'une certaine manière, qu'elle soit vaincue,
00:58:34 qu'elle soit incapable de faire une guerre.
00:58:37 Voilà, parce que comme ça, ça réduit l'hypothèse de l'article 5,
00:58:41 parce que les pays de l'OTAN, c'est comme je dis souvent,
00:58:44 c'est un peu comme si vous contractiez une assurance avec un risque de 100%.
00:58:48 Aucune assurance ne vous acceptera si vous avez un risque de 100%.
00:58:52 C'est exactement la même chose là.
00:58:54 Et c'est pour ça qu'en mars 2019, Aleksei Arestovitch prédit
00:59:00 qu'il doit y avoir une guerre avec la Russie.
00:59:03 Et que c'est la meilleure solution pour l'Ukraine, parce que grâce à cette guerre
00:59:09 soutenue par l'OTAN, en matériel, en troupes, avec des zones de restrictions de vol, etc.
00:59:16 et les sanctions, les sanctions, très important, il le mentionne déjà en 2019,
00:59:22 avec tout ça, la Russie sera définitivement vaincue, ne représentera plus une menace
00:59:27 et donc l'Ukraine pourra entrer dans l'OTAN et ensuite dans l'Union Européenne.
00:59:31 Voilà, ça c'est le calcul.
00:59:33 Et ça on le sait depuis 2019, puisque c'est public, tout ça est public.
00:59:40 Mais on a refusé de le voir parce que, évidemment, Poutine ceci, Poutine cela, etc.
00:59:46 Et si vous voulez, les accords de Minsk normalement auraient pu prévenir tout ça,
00:59:54 puisque le problème des accords de Minsk, c'était de résoudre la solution du Donbass.
00:59:58 Les Russes sont intervenus, et là je tiens à le souligner,
01:00:02 les Russes sont intervenus en Ukraine en 2022, non pas à cause de l'OTAN,
01:00:09 non pas à cause de l'OTAN, mais à cause de la situation dans le Donbass.
01:00:14 C'est pour ça d'ailleurs, je décris dans le livre le mécanisme que les Russes ont exploité,
01:00:21 si vous voulez, parce qu'ils ont exploité les événements,
01:00:24 pour invoquer la responsabilité de protéger et ensuite l'article 51 de la Charte des Nations Unies, pour entrer.
01:00:32 Mais tout ça est basé uniquement sur la menace qui existait contre les populations du Donbass,
01:00:39 puisque non seulement les populations du Donbass avaient été l'objet d'exactions depuis 2014,
01:00:46 avec 10 000 morts, mais en plus de ça, il y avait l'offensive que Zelensky avait décrétée en mars 2021,
01:00:57 qui devait être mise en œuvre dès la mi-février 2022.
01:01:03 – Ce que vous expliquez, c'est crucial, parce que finalement, ça vient battre en brèche
01:01:07 toutes les explications qui disent que l'intervention de Poutine est illégale.
01:01:11 – Alors tout à fait, elle est en fait, si on regarde le déroulement des événements,
01:01:17 et quand on regarde, on considère cette illégalité, illégitimité,
01:01:23 à partir du moment où on met à l'écart toutes les victimes du Donbass.
01:01:26 – Bien sûr.
01:01:27 – Donc si on les considère comme "untermenschen", alors à ce moment-là, c'est illégal et illégitime.
01:01:32 Mais si on tient compte de ces victimes, alors on s'aperçoit que l'intervention russe
01:01:38 a beaucoup plus de légitimité, beaucoup plus de légalité que ce qu'on veut bien imaginer.
01:01:42 Et c'est très important.
01:01:44 Alors, il est certain que dans le calcul des Russes, ils sont intervenus à cause de ça,
01:01:50 mais ça ne veut pas dire, enfin ils ont très bien compris, que s'ils avaient un succès en Ukraine,
01:01:58 qu'ils pourraient monnayer ce succès dans une neutralisation de l'Ukraine,
01:02:05 dans le statut de la Crimée, etc.
01:02:08 Enfin bref, il y aurait d'autres possibilités.
01:02:11 Et d'ailleurs, c'est intéressant de voir qu'en mars 2022,
01:02:16 la proposition que Zelensky a faite à la Russie comprenait tout ça.
01:02:20 La promesse qu'il n'y aurait pas de troupes étrangères en Ukraine,
01:02:24 la promesse que l'Ukraine serait neutre, sous supervision internationale, etc.
01:02:29 Et c'est ça que les Occidentaux n'ont pas voulu.
01:02:31 C'est pour ça qu'ils lui ont imposé de retirer sa proposition,
01:02:35 que les Russes étaient prêts à négocier,
01:02:38 et à la place, les Occidentaux ont offert des armes à Zelensky,
01:02:42 ils l'ont poussé finalement à faire la guerre.
01:02:44 Donc, le calcul des Russes était, si on regarde bien, il était parfaitement cohérent,
01:02:52 et non seulement il a été cohérent,
01:02:54 mais les Ukrainiens ont suivi cette logique-là.
01:02:58 C'est-à-dire la seule logique.
01:03:00 Ce que Poutine n'avait pas prévu, c'était la détermination des Occidentaux
01:03:04 à vouloir la guerre, et à vouloir sacrifier l'Ukraine.
01:03:07 Parce que ce qui se passe aujourd'hui, quand on parle de cette grande offensive,
01:03:11 c'est que je pense qu'il n'y a aucun expert dans le monde
01:03:15 qui va vous dire que cette offensive va avoir du succès.
01:03:18 – Sauf ceux de LCI.
01:03:19 – Ah oui, non, mais LCI, ça c'est particulier.
01:03:22 [Rires]
01:03:26 Ça c'est particulier.
01:03:29 Vous savez, des fois je dis, les Russes devraient remercier LCI en réalité.
01:03:36 Parce que, vous savez, quand on fait la guerre,
01:03:41 chaque partie d'une guerre joue sur l'information,
01:03:46 on influence les perceptions.
01:03:48 Vous avez deux outils pour ça.
01:03:49 Vous avez la propagande et vous avez la désinformation.
01:03:52 La propagande, c'est pour mettre en valeur vos points forts,
01:03:56 "propaganda est", ce qui mérite d'être propagé.
01:04:00 Et puis, la désinformation, c'est pour tromper votre adversaire sur vos intentions.
01:04:05 Alors, quand vous êtes un défenseur, vous faites l'accent sur la propagande,
01:04:10 parce que vous essayez de montrer comme vous êtes fort,
01:04:12 et vous essayez de mettre en évidence vos points forts
01:04:15 pour dissuader l'adversaire.
01:04:17 Lorsque vous êtes un attaquant,
01:04:19 vous mettez l'accent théoriquement sur la désinformation.
01:04:22 Vous essayez de montrer comment vous êtes faible,
01:04:24 comment vous n'arrivez pas à tenir le combat,
01:04:26 comment vous n'avez pas de missiles,
01:04:28 combien votre commandement est faible,
01:04:30 combien il est incapable de mener les opérations.
01:04:33 Or, quand on regarde le discours russe,
01:04:36 on s'aperçoit qu'ils ne font pas de désinformation.
01:04:38 Parce que cette désinformation, c'est LCI qui l'a fait pour eux.
01:04:42 Enfin, LCI et les autres, bien sûr.
01:04:44 En réalité, c'est assez paradoxal.
01:04:47 Mais quand vous regardez le mécanisme
01:04:49 de comment fonctionne la désinformation en guerre,
01:04:53 vous apercevez qu'en voulant minimiser,
01:04:57 en voulant, si vous voulez, réduire un petit peu,
01:05:02 considérer comme négligeable la Russie, etc.,
01:05:05 on a fait exactement le travail
01:05:08 que devrait normalement faire la désinformation russe.
01:05:11 Et d'ailleurs, c'est exactement ce qui s'est passé.
01:05:13 Regardez, on a dit que les Russes n'avaient plus de missiles.
01:05:16 Déjà au début mars 2022,
01:05:18 – Ils fabriquaient des munitions avec des machines à laver.
01:05:20 – Voilà, ils n'ont plus rien, ils n'ont plus de…
01:05:23 Or, comme vous le voyez dans mon livre,
01:05:25 d'ailleurs, l'importation de microprocesseurs en Russie
01:05:30 a été multipliée.
01:05:33 Ils ont importé bien plus de microprocesseurs
01:05:36 que les années précédentes.
01:05:39 Et donc, les machines à laver, tout ça, c'est oublié,
01:05:44 c'est littéralement des désinformations.
01:05:48 Et quand on a… en disant qu'il n'y avait pas de…
01:05:51 que les Russes n'avaient plus de missiles, plus de munitions, etc.,
01:05:53 eh bien, on n'a pas donné aux Ukrainiens des contre-missiles.
01:05:57 C'est tout d'un coup, en octobre, novembre de l'année passée,
01:06:00 qu'on a commencé à se réveiller et dire,
01:06:02 "Ah non, mais finalement, ils ont encore des missiles."
01:06:04 Et c'est là qu'on a commencé à donner des missiles.
01:06:06 Et maintenant, on a commencé même… on est allé même plus loin,
01:06:09 on a commencé à donner des missiles patriotes.
01:06:13 Et là aussi, le patriote s'avère inefficace.
01:06:18 Alors, ça pose un problème, on va dire, pour les Occidentaux,
01:06:20 parce que déjà, la firme qui fabrique les patriotes,
01:06:25 ils ne veulent plus en fournir parce que…
01:06:27 – Parce que ça montre leur faiblesse ?
01:06:28 – Ça montre la faiblesse du système, bien sûr.
01:06:31 Alors, il y a eu beaucoup de narratifs,
01:06:33 parce qu'il y a eu cette fameuse frappe sur Kiev,
01:06:38 qui a touché un… il y avait deux systèmes déployés.
01:06:44 Quand on parle d'un système patriote,
01:06:47 on parle d'un ensemble de matériels qui comprennent des radars,
01:06:54 un radar, des postes de contrôle et des lanceurs,
01:06:57 un ensemble de lanceurs, qui eux comprennent entre 8 et 16 tubes, selon eux.
01:07:05 Et donc, il y avait deux systèmes déployés aux environs de Kiev,
01:07:09 et un d'entre eux a fait l'objet d'une attaque.
01:07:12 Alors, les Russes ont dit qu'ils avaient détruit un système,
01:07:17 donc radar, lanceurs, etc.
01:07:21 Ça avait été un opérant, on a dit que c'était de la désinformation.
01:07:24 Pour être tout à fait sincère, je ne sais pas si on sait vraiment exactement ce qui s'est passé,
01:07:28 mais quand on voit les codes rendus qui ont été faits du côté américain,
01:07:33 ça a fait mal.
01:07:35 Ça a fait très très mal, et apparemment, les Russes avaient raison.
01:07:39 Donc, les Russes n'ont pas menti, et ça fait tout d'un coup une très mauvaise publicité
01:07:44 pour un système qui était considéré comme étant la solution aux Ukrainiens,
01:07:50 et à la menace russe.
01:07:52 Et donc, si vous voulez, on a tellement minimisé les Russes
01:07:57 qu'on a finalement mal préparé les Ukrainiens.
01:08:01 – Est-ce que finalement, le grand enseignement de cette guerre en Ukraine
01:08:04 qui est loin d'être terminée, ce n'est pas la mise en lumière
01:08:07 de la faiblesse occidentale, de la faiblesse occidentale sur le plan militaire,
01:08:10 sur le plan stratégique, puisqu'on voit bien qu'on est embourbés dans un conflit ?
01:08:14 Est-ce que finalement, là encore, l'Occident, pour ne pas dire les États-Unis,
01:08:18 n'ont pas un peu présumé de leur force ?
01:08:21 – Oui, certainement on peut dire ça.
01:08:24 Ceci étant, quand on voit maintenant les gens qui disent
01:08:28 "on a des armées qui étaient sous-dimensionnées, etc., on a abandonné",
01:08:33 moi, pourtant, vous avez dit, j'étais colonel d'état-major général,
01:08:38 donc je suis assez familiarisé avec la question militaire,
01:08:42 mais je ne pense pas que nos armées étaient à proprement parler sous-dimensionnées,
01:08:46 elles étaient dimensionnées à la menace, à une situation
01:08:49 dans laquelle on voulait vivre en paix en Europe.
01:08:52 Et si on avait respecté les accords de Minsk,
01:08:55 et si on avait fait parler la diplomatie plus tôt,
01:08:58 nos armées ne seraient pas… – Elles auraient suffi.
01:09:01 – Exactement, elles auraient suffi.
01:09:04 Donc la défense, la sécurité nationale, c'est pas uniquement l'armée,
01:09:10 c'est pas uniquement les forces armées, c'est pas le nombre de canons,
01:09:13 c'est pas le nombre d'avions, c'est aussi votre capacité à négocier,
01:09:16 c'est votre capacité à avoir des alliances,
01:09:19 c'est votre capacité à être finalement en bonne intelligence avec les autres.
01:09:23 Et quand on voit toute l'histoire du conflit,
01:09:27 ça montre certes la faiblesse occidentale,
01:09:29 mais ça montre surtout l'incapacité des Occidentaux
01:09:33 à avoir un jugement rationnel sur le déroulement des choses.
01:09:38 Vous voyez, tout a commencé avec l'histoire de Nord Stream,
01:09:43 déjà avec Trump d'ailleurs, on a suivi exactement le plan de Trump
01:09:49 qui ne voulait plus que Nord Stream se passe,
01:09:52 on a considéré qu'on dépendait, pourquoi tout d'un coup
01:09:55 on dépendait des Russes alors qu'on achète du gaz depuis les années 60
01:10:01 sans que ça pose de problème ?
01:10:03 Mais tout d'un coup c'est une dépendance.
01:10:05 Pourquoi tout d'un coup c'est une dépendance ?
01:10:07 Les Russes continuent aujourd'hui à faire passer du gaz vers la Hongrie
01:10:13 à travers l'Ukraine et payent à l'Ukraine des royalties.
01:10:18 C'est les Ukrainiens qui ont fermé un des deux pipelines en Ukraine.
01:10:22 Ce sont les Polonais qui ont fermé les pipelines qui venaient chez eux.
01:10:27 C'est les… alors maintenant on ne sait plus vraiment qui a fait quoi,
01:10:31 mais c'est les Occidentaux dans tous les cas qui ont détruit Nord Stream 2.
01:10:36 Donc ce n'est pas les Russes.
01:10:38 Les Russes n'avaient aucune intention.
01:10:40 Mais on voit qu'au fur et à mesure qu'on avance dans le conflit,
01:10:44 qu'on a créé un problème.
01:10:46 Littéralement on a créé un problème à partir de rien.
01:10:49 Et que le régime en Russie soit comme ci ou comme ça,
01:10:54 ça ce n'est pas l'objet d'une guerre, vous comprenez ?
01:10:57 Ni même l'objet de sanctions ou de choses comme ça.
01:10:59 C'est des choses qu'on aurait pu régler de problèmes différents
01:11:02 pour autant que ce soit encore nécessaire de le faire.
01:11:05 Bon ça c'est un autre débat.
01:11:07 Et donc la faiblesse de l'Occident, c'est surtout la faiblesse,
01:11:11 son incapacité à avoir une vision claire des choses, n'est-ce pas ?
01:11:17 Et c'est là où je pense qu'on doit nous interroger aujourd'hui.
01:11:22 Est-ce que c'est notre manière d'aborder les crises ?
01:11:25 Parce que ça a été le même problème avec le terrorisme,
01:11:28 ça a été le même problème avec la Libye,
01:11:30 ça a été le même problème avec l'Afghanistan.
01:11:32 On a toujours travaillé sur ces "menaces"
01:11:37 selon notre perception mais sans se baser sur les faits.
01:11:43 Et on est arrivé à détruire complètement des pays, des régions,
01:11:47 même coronavirus à certains égards, n'est-ce pas ?
01:11:50 Toutes ces crises, on est incapable de les gérer à partir des faits,
01:11:56 on les gère à partir de nos perceptions.
01:11:59 Et c'est d'ailleurs exactement où on a cité à plusieurs reprises
01:12:02 les médias que d'autres médias français.
01:12:05 Alors c'est très vrai avec les médias français,
01:12:07 c'est beaucoup moins vrai avec les médias anglo-saxons
01:12:10 qui malgré tout, même si on est aussi dans des partis pris
01:12:17 et des sortes de cloisonnements intellectuels,
01:12:19 mais un peu moins qu'en France.
01:12:21 En France c'est vraiment assez frappant d'ailleurs,
01:12:24 et même inquiétant qu'on puisse être de manière aussi catégorique
01:12:31 dans le blanc noir et non plus dans les nuances de gris.
01:12:36 Ça c'est absolument incroyable.
01:12:38 Et c'est ça la faiblesse, c'est notre incapacité à voir les nuances de gris.
01:12:43 C'est là où il faut voir notre faiblesse en réalité.
01:12:46 – Pour conclure Jacques Beau, on nous a expliqué
01:12:48 que l'Ukraine ne pouvait pas perdre cette guerre,
01:12:51 on nous a expliqué que la Russie pourrait difficilement la perdre.
01:12:54 Comment voyez-vous les choses à l'avenir ?
01:12:56 Est-ce que finalement ce conflit va durer, va s'éterniser,
01:13:01 va meurtrir toujours plus les Ukrainiens ?
01:13:04 Comment voyez-vous les choses ?
01:13:06 – Alors évidemment je n'ai pas de boule de cristal.
01:13:08 – Bien sûr.
01:13:09 – Mais on est obligé quand même de s'appuyer sur un certain nombre de faits.
01:13:13 Un fait qui est incontournable, c'est que les Russes ont,
01:13:20 depuis le début du conflit, ont l'initiative,
01:13:24 depuis le début du conflit sont dans une position
01:13:28 tactique, opérative et stratégique favorable.
01:13:33 Que les Russes, les mesures qu'on a appliquées aux Russes
01:13:37 pour les empêcher de continuer la guerre, les sanctions etc.
01:13:42 Les Russes ont très bien négocié le virage en se tournant du côté asiatique.
01:13:48 Ils avaient reçu pour ça l'avertissement, si je peux dire ça comme ça, de 2014.
01:13:53 Et ils avaient une économie, ils ont une économie
01:13:57 qui n'est pas une économie flamboyante mais qui est une économie robuste,
01:14:02 qui tient très bien les chocs, contrairement à nous
01:14:05 qui avons des économies qui sont flamboyantes mais qui tiennent mal les chocs.
01:14:10 C'est un peu ça.
01:14:14 Donc les Russes actuellement, et de nouveau le FMI,
01:14:20 dans son analyse de février, Simon Marébonne,
01:14:25 avait vu qu'en 2024 la croissance russe serait plus importante
01:14:31 que celle de la croissance de la zone euro.
01:14:34 Et pratiquement on voit chaque jour que les médias,
01:14:39 les médias un peu techniques comme Bloomberg etc.
01:14:42 dans le domaine financier voient que l'économie russe
01:14:46 se porte finalement beaucoup mieux qu'on imagine.
01:14:48 En réalité les sanctions ont donné ce coup de,
01:14:54 cette impulsion à la Russie de se lancer dans des domaines
01:14:58 qu'elle n'avait pas jugé rentable de faire auparavant
01:15:01 parce que ça provisionnait en Occident etc.
01:15:04 Et maintenant elle a pris le virage, l'impulsion a été donnée.
01:15:11 Les Russes avaient une tendance naturelle à venir du côté européen
01:15:17 parce qu'ils se sentent plus européens qu'asiatiques
01:15:21 mais ils ont toujours eu des liens, j'allais dire chaleureux avec l'Asie
01:15:27 et maintenant ils ont compris que leurs alliés étaient asiatiques.
01:15:30 Le moteur de l'économie mondiale maintenant n'est plus aux États-Unis,
01:15:34 il est en Chine donc d'un certain côté…
01:15:37 – Dans toute une partie de la planète finalement
01:15:39 qui ne reconnaît pas les sanctions contre la Russie
01:15:41 et qui ne criminalise pas Vladimir Poutine.
01:15:43 – Voilà et l'Inde est aussi un de ces pôles et vous voyez aujourd'hui
01:15:47 que l'Arabie Saoudite elle-même essaye de rejoindre la banque des BRICS
01:15:50 donc on est dans une dynamique qui, le pôle qui autrefois
01:15:57 semblait, était du côté occidental se déplace du côté asiatique
01:16:04 et la Russie est finalement propulsée dans ce pôle-là.
01:16:08 Par conséquent la Russie, elle, vit mieux qu'on ne l'imagine ça,
01:16:15 c'est notre propagande qui fait croire qu'ils la vivent mal
01:16:18 mais ce n'est pas parce qu'on pense que l'adversaire perd qu'il perd.
01:16:23 Ça c'est aussi un peu enfantin, c'est pas parce que vous racontez qu'il perd qu'il perd.
01:16:28 Et on a un peu cette méthode Coué en quelque sorte,
01:16:34 qui est très française du coup, d'imaginer qu'en pensant que les uns gagnent,
01:16:40 alors ils gagnent et en pensant que les autres perdent, ils perdent.
01:16:43 La réalité des choses est que les Ukrainiens, aujourd'hui,
01:16:50 s'ils lancent leur offensive, ils la lanceront essentiellement
01:16:53 grâce au matériel occidental, ils vont la repousser.
01:16:56 Pourquoi ? Parce que de nouveau on ne vous raconte pas que à Khmelnytsky,
01:16:59 à Pavlograd, les Russes ont frappé d'immenses dépôts de munitions
01:17:04 et que probablement les Ukrainiens doivent encore repousser leur offensive
01:17:12 parce qu'ils doivent accumuler les munitions qui leur seraient nécessaires pour faire ça.
01:17:17 Donc on pousse l'Ukraine dans une espèce de jeu…
01:17:23 – De fuite en avant meurtrière.
01:17:25 – De fuite en avant, oui, suicidaire en réalité.
01:17:29 Et on s'aperçoit que si on avait laissé Zelensky faire ce qu'il avait voulu faire
01:17:35 en février 2022 et en mars, probablement l'Ukraine serait en meilleure situation aujourd'hui.
01:17:45 Voilà, on est un petit peu dans cette situation-là.
01:17:49 Les Ukrainiens, et d'ailleurs c'est intéressant de voir si on lit la presse ukrainienne,
01:17:56 pas la propagande ukrainienne, mais la presse ukrainienne,
01:17:59 on s'aperçoit que de plus en plus les Ukrainiens ont l'impression
01:18:03 qu'on les utilise pour d'autres fins et ils commencent à être très critiques
01:18:09 par rapport à ces médias qui, comme LCI, etc., finalement n'ont fait que renforcer la Russie.
01:18:20 Donc les Ukrainiens commencent à s'apercevoir de ça,
01:18:24 et moi j'ai participé à plusieurs conférences,
01:18:29 donc des conférences en Zoom, etc. avec des Ukrainiens.
01:18:33 J'ai beaucoup de lecteurs d'ailleurs qui sont Ukrainiens,
01:18:36 qui m'ont remercié de ça, donc des Ukrainiens ukrainiens d'Ukraine,
01:18:41 et qui ont conscience de ce phénomène-là.
01:18:45 Et je pense qu'on est tellement enfermé dans notre manière de penser
01:18:50 et dans notre perception qu'en réalité on a fait abstraction de ce que les Ukrainiens pensent.
01:18:57 – Eux-mêmes pensent. – Oui.
01:18:58 – Je vous remercie infiniment Jacques Beau.
01:19:00 Je rappelle le titre de ce dernier ouvrage "Ukraine entre guerre et peste"
01:19:04 de nos éditions MaxMilo.
01:19:06 Vous pouvez dès à présent vous procurer cet ouvrage sur le site de TVL sur TVL.fr
01:19:11 à la rubrique "boutique".
01:19:13 Je vous remercie tous de nous avoir suivis.
01:19:15 J'espère que cette émission vous a plu.
01:19:17 Si vous ne l'avez pas déjà fait, pensez à la partager.
01:19:19 Bien sûr à laisser vos commentaires et puis surtout le petit pouce en l'air
01:19:23 pour améliorer sa diffusion.
01:19:25 Je vous souhaite une bonne fin de semaine.
01:19:27 Portez-vous bien, on se donne rendez-vous la semaine prochaine.
01:19:29 [Musique]
01:19:44 [Sous-titres réalisés par la communauté d'Amara.org]

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