Le mot d'ordre était le même chez tous les chefs de partis après leur réception par Emmanuel Macron. Tous se sont inquiété des propos du chef de l'État, indiquant qu'il n'y avait "aucune limite", "aucune ligne rouge" au soutien de la France à l'Ukraine. Le Kremlin a estimé jeudi que le président Emmanuel Macron augmentait "l'implication" de la France dans le conflit en Ukraine depuis ses propos n'excluant pas d'envoyer des troupes occidentales sur place, une éventualité rejetée par la plupart de ses alliés. "M. Macron est convaincu de sa politique consistant à vouloir infliger une défaite stratégique à notre pays et il continue d'augmenter le niveau d'implication directe de la France" dans le conflit en Ukraine, a déclaré le porte-parole du Kremlin, Dmitri Peskov, dans une vidéo diffusée sur Telegram par un journaliste russe.
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00:05 On en parle alors que Sébastien Lecornu, le ministre des armées, sera l'invité d'Apolline de Malherbe dans le Face à Face dans 20 minutes maintenant.
00:12 Guillaume Ancel est avec nous, ancien officier de l'armée française, auteur de Saint-Cyr, à l'école de la Grande Muette parue aux éditions Famarion.
00:18 Merci d'être avec nous face à Patrick Sos, éditorialiste politique international à BFM TV,
00:23 et Paul Gogo qui est en direct de Moscou, correspondant de BFM TV au lendemain de cette réception à l'Elysée.
00:30 Le chef de l'État a donc reçu les chefs de partis pour expliquer peut-être aussi les mots qu'il avait eus la semaine dernière sur l'éventuel envoi de troupes en Ukraine.
00:39 Aucune limite, aucune ligne rouge au soutien de la France à l'Ukraine, a répété le chef de l'État,
00:44 et ça inquiète les alliés de la France mais aussi l'opposition en France qui dénonce la posture irresponsable d'Emmanuel Macron. Écoutez.
00:53 Sans surprise, le président de la République est prêt à un soutien sans limite, et semble-t-il jusqu'au boutiste à l'Ukraine.
01:02 J'ai fait savoir quelle était la position du Rassemblement national, à savoir qu'il fallait soutenir l'Ukraine,
01:09 mais qu'il fallait faire en sorte que la France n'entre pas elle-même en guerre.
01:13 Je suis arrivé inquiet et je suis ressorti plus inquiet encore, puisque le président de la République,
01:21 loin de revenir sur les déclarations qui étaient les siennes la semaine dernière, les a confirmées.
01:27 Il a dit à plusieurs reprises qu'il ne fixait pas de limite dans l'action de la France en Ukraine,
01:34 et que, je cite ses termes, il fallait soutenir l'Ukraine quoi qu'il en coûte.
01:39 Patrick, Emmanuel Macron sait le poids des mots. Quand il dit "aucune limite, aucune ligne rouge" au soutien français,
01:46 j'ai presque envie de dire qu'on n'a pas envie d'y croire. Mais en fait, est-ce qu'il nous prépare vraiment à la guerre au sens propre du terme ?
01:55 Oui, il nous y prépare parce qu'il l'a vu, les cartes, il les a d'ailleurs montrées au chapitre parti, et il voit que c'est dur, il y a de vraies questions.
02:04 Et d'ailleurs, on nous avait dit dans l'entourage du président, il a montré comment l'avancée des troupes russes, la fragilité des troupes ukrainiennes.
02:12 Et je vais vous dire, en fait, il y a beaucoup de choses qui sont passées dans la préparation de la conférence de Paris.
02:16 C'est ce qu'on m'a dit à un membre de l'entourage d'Emmanuel Macron. Il y a eu d'abord le constat que l'armée ukrainienne ne peut plus avancer,
02:24 et elle a même du mal à défendre. On est vraiment dans un moment extrêmement critique, avec la peur de l'effondrement militaire sur le front du Donbass,
02:33 lorsque l'Ukraine tire un obus, la Russie en tire neuf, par exemple. Ce rapport de masse, voilà.
02:39 Il y a eu aussi le constat qu'il faudrait sans doute qu'on se défende tout seul, sans doute, si Donald Trump passe.
02:45 Il y a les déclarations de Donald Trump sur l'OTAN. On fait bondir, notamment dans les pays du Nord, qui se croyaient un peu protégés par les États-Unis,
02:52 et le bouclier comme anti-missile et anti-russe. Et puis, il y a, on parle beaucoup de cyberattaque ici, ça n'est rien comparé à ce qui se passe dans les pays du Nord en ce moment.
03:02 En Suède, tous les jours, vous avez des installations stratégiques qui sont attaquées de façon cyber. Vous avez en Estonie, en Finlande, des mauvais coups qui sont portés au moral avec des fausses manifestations.
03:14 Tout ça, on ne le voit pas forcément. Un Pedro Sánchez en Espagne, il ne le voit pas du tout. Et en Allemagne, Olaf Scholz, il ne veut pas le voir.
03:20 Mais c'est en train d'arriver, et c'est à ça qu'Emmanuel Macron veut aussi nous préparer, la défaite militaire de l'Ukraine et une attrition, comment dire,
03:30 c'est-à-dire une guerre d'usure qui arrive sur notre sol.
03:33 Alors factuellement, Guillaume Ancel, disons les choses. Si jamais Kiev, Odessa, l'Ukraine tombent, qu'est-ce qui se passe ?
03:41 Ça peut être très compliqué pour l'armée ukrainienne parce qu'au même titre qu'on espérait qu'ils fassent partir en débat que l'armée russe quand ils ont lancé leur offensive,
03:52 maintenant privée du soutien américain comme l'a rappelé Patrick, face à un vrai déficit de munitions martyries.
03:59 Non mais quand je dis, Guillaume, quand je dis qu'est-ce qui se passe, c'est comment réagissons-nous ? Est-ce que c'est la guerre, comme le dit Macron ?
04:06 Il y a un vrai risque que l'armée ukrainienne soit en très grande difficulté, et on sait que si on laisse l'armée russe de Poutine finir d'envahir l'Ukraine,
04:17 ils vont les martyriser exactement comme ils ont écrasé Alexei Navalny dans une colonie pénitentiaire.
04:23 Et ensuite, ils s'attaqueront à d'autres pays européens. Donc là se posera la question de qu'est-ce qu'on fait.
04:28 Quand le président Macron dit "il ne se met pas des mythes", pardon, mais il n'y a que le Rassemblement national qui essaie de nous faire croire qu'on va mobiliser tous les Français pour aller se battre.
04:39 Ça n'est pas vrai. Nous avons une armée professionnelle, et la question c'est de savoir si on l'envoie au même titre qu'on l'a envoyé au Mali et dans 32 opérations depuis la guerre d'Algérie
04:48 pour aider les Ukrainiens au sein d'une coalition internationale pour stopper les Russes, ne serait-ce que pour leur montrer que ça y est, c'est fini.
04:55 On ne les laisse plus faire tout ce qu'ils veulent dans le monde entier.
04:59 D'accord, mais le risque d'escalade n'est quand même pas le même si on intervient au Mali que si on intervient en Ukraine, on est bien d'accord ?
05:08 Alors hier j'ai entendu un député du Rassemblement national nous expliquer document qu'on ne pouvait rien faire parce que la Russie était une puissance nucléaire.
05:16 Mais je rappelle que nous sommes aussi une puissance nucléaire. Donc si on ne fait rien parce que l'autre est une puissance nucléaire, ça veut dire qu'il faut se coucher tout de suite
05:24 et leur dire "mais prenez l'Ukraine, puis d'ailleurs prenez les Pays-Baltes et prenez la Pologne pendant que vous y êtes".
05:29 Donc la question c'est "c'est quoi la limite qu'on instaure ?" et c'est ça la question du président Macron, c'est "est-ce qu'on est prêt à défendre l'Ukraine jusqu'au bout, y compris à un moment à envoyer des soldats ?"
05:39 Je rappelle que par ailleurs on a déjà des soldats français qui sont en Ukraine, ils ne sont pas sur le front.
05:44 Par exemple c'est eux qui paramètrent les missiles Scalp qui sont tirés par l'armée ukrainienne.
05:49 Il faut des équipes au sol pour pouvoir paramétrer à partir des bases aériennes ces missiles.
05:54 D'accord Guillaume, mais si le président Macron se retourne, il voit qu'il n'y a personne derrière lui, ni les Américains, ni personne.
06:00 En fait les autres pays occidentaux sont déjà, mais simplement ils ne souhaitent pas le dire.
06:07 Par exemple les Britanniques sont avec nous, c'est eux qui paramètrent les missiles Storm Shadow.
06:11 Les Américains sont en grand nombre, la CIA a reconnu qu'elle avait 14 bases actives en Ukraine.
06:18 Donc en fait ils y sont, mais personne n'a envie de dire à ses opinions publiques "nous sommes déjà là".
06:23 Moi je trouve que Macron est courageux de dire la réalité.
06:26 La réalité c'est que nous ne sommes pas en guerre contre la Russie, nous sommes en guerre pour défendre l'Ukraine, ce qui n'est pas la même chose.
06:33 D'autant Paul Gaugaud, vous êtes en direct de Moscou, que le Kremlin a réagi dès hier aux propos d'Emmanuel Macron
06:39 en disant que c'était des propos qui faisaient de la France des co-belligérants en fait.
06:45 Oui effectivement et ça fait deux fois que le Kremlin est poussé d'ailleurs à répondre.
06:49 On se rappelle que la première fois il y avait une petite comparaison avec Napoléon d'un côté,
06:53 et puis de l'autre la carte nucléaire qui avait été ramenée sur la table.
06:58 Cette fois-ci à la limite la réponse du Kremlin et des autorités russes de manière générale est presque plus modérée.
07:05 Vous avez Dmitry Medvedev qui lui a dit que si la France n'avait pas de ligne rouge pour soutenir l'Ukraine,
07:12 eh bien la Russie n'avait pas non plus de ligne rouge dans sa relation avec la France.
07:17 Et de l'autre côté vous avez le Kremlin qui en fait joue la carte de la division des européens.
07:21 Ça c'est une stratégie d'habitude qui est presque invisible,
07:24 parce que c'est quelque chose qui est travaillé lors de cyber-attaques,
07:28 qui est travaillé lors des tentatives d'influence, de communication, de journalisme d'influence.
07:33 Mais là l'idée c'est vraiment de décrire une Europe divisée,
07:37 avec d'un côté un élève peut-être un peu faible, les Allemands,
07:40 et un élève qui tente de se faire remarquer, la France, qui tente de faire du bruit,
07:46 de se poser en quelque part guide du soutien à l'Ukraine.
07:51 Et ça la Russie veut avant tout signifier qu'elle a remarqué que quelqu'un essayait de se poser en leader,
07:56 et que donc elle allait répondre en conséquence.
07:59 Quitte aussi Mathieu Croissando à diviser les Français quand on entend les mots "armes nucléaires", "envoi de troupes", ça fait peur.
08:07 Ça fait peur, ça fait peur évidemment, on se souvient que l'histoire a montré qu'on a été confronté,
08:12 vous vous souvenez en 1938, à un dictateur fou, qui s'appelait Adolf Hitler,
08:16 et qui voulait répondre à l'appel des Sudètes, donc la minorité en Tchéquie,
08:21 la minorité allemande qui appelait les nazis à l'aide,
08:25 et qui avait fait à l'époque la Grande-Bretagne et la France,
08:28 elles étaient allées rencontrer Hitler, puis elle s'était couché, on appelait ça "Munich".
08:31 Donc l'opinion publique avait été soulagée française,
08:34 on disait "ah on a fait la guerre, la guerre, vive la paix", mais tout le monde s'était planté.
08:38 La vraie question qui se pose aujourd'hui, c'est que l'Ukraine est en train de tomber,
08:42 qu'est-ce qu'on fait ? Est-ce qu'on ne bouge pas le petit doigt,
08:44 il y a un moment là, ça a été expliqué, on prend le risque que Poutine continue d'avancer ses pions,
08:48 ou est-ce qu'on réagit ? Et si on réagit, ce qu'on fait actuellement ne suffit pas,
08:51 donc la question des troupes se pose inévitablement.
08:53 Alors justement sur les signes donnés par le Kremlin, Guillaume Ancel,
08:56 c'est peut-être aussi naïf de ma part, mais j'ai du mal à croire que Poutine ait l'audace,
09:01 si l'Ukraine tombe, d'entrer en Moldavie.
09:04 Alors, un, il n'aura aucun scrupule à le faire, de même qu'il a annoncé que dans les pays baltes,
09:11 il y avait des minorités russophones qui appelaient à l'aide la Russie,
09:15 c'est exactement le prétexte qu'il avait pris pour envahir l'Ukraine.
09:18 On se souvient que le 22 février, Poutine déclarait que jamais il n'envahirait l'Ukraine,
09:22 et le 24, il l'envahissait, donc lui, on ne peut pas le croire.
09:26 Ce qui à mon avis est très intéressant dans ce que nous a expliqué Paul Gogo à l'instant,
09:30 c'est que la réaction du Kremlin, le fait qu'il s'en prenne à la France,
09:33 montre bien qu'on est sur le bon registre.
09:35 Ça, ça emmerde la Russie de Poutine qu'on ose dire qu'on va aider les Ukrainiens jusqu'au bout.
09:40 Un deuxième signe qui montre que le président Macron n'a pas tort,
09:43 c'est la réaction du Rassemblement national qui, globalement, reprend tous les arguments de Vladimir Poutine
09:48 pour nous expliquer qu'il ne faut surtout rien faire,
09:51 et qu'il faut laisser la Russie tranquillement terminer ce qu'elle avait commencé,
09:54 ce qui est quand même sacrément inquiétant en France,
09:56 de se dire qu'on a un parti, le RN, qui ressemble à la Russie nationaliste.
10:01 Merci d'avoir été avec nous ce matin dans ce 7 minutes pour comprendre.